Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1772

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (525367) datée du
8 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 30 août 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 1er septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1361

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Décision

[1] C. C. est l’appelant dans cet appel. Je rejette son appel.

[2] L’appelant n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur et son employeur l’a suspendu pour cette raison.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension).

[4] Par conséquent, il n’était pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi pendant sa suspension du 31 janvier au 30 mai 2022. Ainsi, les prestations qu’il a reçues pendant sa suspension représentent un trop-payé qu’il doit rembourser.

Aperçu

[5] L’appelant travaille comme électricien dans le secteur de l’automobile pour X. Il a été mis à pied de décembre 2021 à la fin de janvier 2022.

[6] Lorsqu’il a été mis à pied, l’appelant a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi et la Commission lui en a versé.

[7] L’appelant n’est pas retourné au travail lorsque sa mise à pied a pris fin. Il a repris son travail le 30 mai 2022.

[8] Par la suite, la Commission a appris que l’employeur de l’appelant l’avait mis en congé sans solde à compter du 31 janvier 2022Note de bas de page 1. Son employeur affirme l’avoir suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[9] La Commission a accepté les déclarations de l’employeur. Elle a jugé que l’appelant avait été suspendu pour une raison qui constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’aurait donc pas dû recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi pendant sa suspension (du 31 janvier 2022 au 27 mai 2022)Note de bas de page 2. La Commission a créé un trop-payé pour les prestations auxquelles l’appelant n’avait pas droit.

[10] L’appelant conteste le fait que son employeur l’ait suspendu pour inconduite. Il affirme que la Commission n’a pas prouvé qu’il a délibérément violé une obligation qu’il avait envers son employeur. La politique de vaccination de son employeur n’était pas une condition d’emploi. Son employeur n’avait pas le droit d’imposer unilatéralement cette politique de vaccination.

Question en litige

[11] Je dois décider si l’appelant a été suspendu de son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite.

Analyse

[12] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 3.

[13] Je dois décider de deux choses :

  • la raison pour laquelle l’appelant a été suspendu;
  • si la Loi sur l’assurance-emploi considère cette raison comme une inconduite.

La raison de la suspension de l’appelant

[14] Je conclus que l’employeur de l’appelant l’a suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination.

[15] La Commission et l’appelant sont d’accord sur ce pointNote de bas de page 4. Je n’ai aucune raison de douter de leur témoignage à ce sujet et il n’y a aucun élément preuve qui va à l’encontre de leurs affirmations.

Cette raison est une inconduite au sens de la loi

[16] Le refus de l’appelant de respecter la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce qu’est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Les décisions des tribunaux définissent le critère juridique de l’inconduite. Ce critère m’indique les types de faits et les questions juridiques que je dois prendre en considération au moment de rendre ma décision.

[18] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.

[19] Je dois me pencher sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. Je ne peux pas décider s’il était raisonnable pour son employeur de mettre en place sa politique de vaccination ou de suspendre l’appelantNote de bas de page 7.

[20] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 8. Pour être considérée comme une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est‑à‑dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 9. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 10.

[21] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible que son employeur le suspende pour cette raisonNote de bas de page 11.

[22] Je peux seulement décider s’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas rendre ma décision en me fondant sur d’autres loisNote de bas de page 12. Autrement dit, je ne peux pas prendre en compte le droit du travail, interpréter une convention collective ou appliquer les droits de la personne ou le droit constitutionnel à la politique ou aux actions de l’employeurNote de bas de page 13.

[23] La Cour fédérale a tranché deux affaires d’inconduite dans lesquelles une personne n’avait pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 14. Dans la décision Cecchetto, la Cour a confirmé le « rôle important, mais limité et précis » du Tribunal. Le Tribunal doit décider de deux choses : la raison pour laquelle l’employeur a congédié (ou suspendu) l’appelant et si cette raison constitue une « inconduite » au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[24] La Cour fédérale a ensuite déclaré que le Tribunal n’avait pas le pouvoir légal d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité des directives et des politiques gouvernementales visant à lutter contre la pandémie de COVID-19 ni de rendre de décision à ce sujet. Le Tribunal n’a donc pas à traiter de ces arguments. De plus, les tribunaux n’interviendront pas dans les décisions du Tribunal lorsqu’elles ne le font pas.

[25] Enfin, la Cour fédérale a confirmé qu’un appel en assurance-emploi au Tribunal de la sécurité sociale n’est pas la bonne façon pour une personne de contester légalement la politique et la conduite de son employeurNote de bas de page 16. Elle a déclaré que les personnes dans la situation de l’appelant ont d’autres options juridiques pour le faire.

Ce que disent la Commission et l’appelant

[26] La Commission affirme que l’employeur a adopté une politique de vaccinationNote de bas de page 17. Il a communiqué la politique à son personnel. Cette politique est devenue une condition d’emploi, même si le contrat initial de l’appelant ne l’obligeait pas à se faire vacciner. L’appelant était au courant de la politique et des conséquences de ne pas la suivre.

[27] La Commission affirme qu’elle n’a pas à prouver que la politique de vaccination de l’employeur était raisonnable ou équitableNote de bas de page 18. Elle dit aussi que la conduite de l’employeur n’est pas pertinente. Elle ajoute que le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable en mettant en place sa politique de vaccination et d’attestation.

[28] Enfin, la Commission affirme que l’appelant a choisi de ne pas tenir compte des avertissements écrits de son employeur indiquant qu’il serait suspendu s’il ne se conformait pas à sa politique de vaccinationNote de bas de page 19. Il y a un « lien de causalité manifeste » entre le refus de l’appelant de se faire vacciner et sa suspension. Le refus de l’appelant constitue donc une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] À l’audience, l’appelant a dit qu’il était au courant de la politique de vaccination. Il avait reçu un document de son employeur qui l’expliquait. Il savait que son employeur pouvait le suspendre s’il ne la respectait pas, mais il n’a pas demandé d’exemption.

[30] L’appelant a déclaré que son employeur avait repoussé la date limite pour se faire vacciner au 31 décembre 2021. Il pense que son employeur a fait cela pour que les membres du personnel qui prenaient leur retraite puissent terminer une année complète de service. Il a expliqué que son employeur avait prolongé la fermeture habituelle de l’usine à Noël jusqu’à la fin de janvier 2022. Il a été mis à pied. Lorsque l’usine a rouvert le 31 janvier 2022, son employeur l’a suspendu parce qu’il n’était pas vacciné. Il ne lui a remis qu’un seul relevé d’emploi, pour son licenciement.

[31] L’appelant affirme que sa conduite n’était pas une inconduiteNote de bas de page 20. Il a présenté cinq arguments :

  • Premièrement, la Commission n’avait pas prouvé que la politique de vaccination était devenue une condition d’emploi. Elle n’avait donc pas démontré qu’il avait manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail.
  • Deuxièmement, la politique de vaccination ne figurait pas dans son contrat de travail initial et il n’était donc pas tenu de la respecter. Ce type de changement ne pouvait être apporté que si le contrat de travail faisait l’objet de négociations et d’un accord entre l’employeur et le syndicat.
  • Troisièmement, la politique de vaccination allait à l’encontre de ses droits fondamentaux.
  • Quatrièmement, un membre avait conclu que l’exigence de vaccination n’était plus raisonnableNote de bas de page 21.
  • Cinquièmement, l’inefficacité des vaccins contre la COVID-19 était prouvée. Le gouvernement l’avait reconnu en mars 2022 lorsqu’il avait supprimé l’obligation de fournir une preuve de vaccination dans toutes les entreprises de l’Ontario. La ministre de la Santé l’avait également reconnu en juillet 2022 en déclarant que la définition de l’expression « entièrement vacciné » n’avait aucun sens.

[32] L’appelant a joint à son appel une copie de la décision de la division générale du Tribunal dans l’affaire AL c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 22. À l’audience d’appel, il a présenté ses arguments fondés sur cette décision. Il m’a renvoyé à des paragraphes précis de la décision du membre Leonard.

La Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi

[33] La Commission a prouvé que le refus de l’appelant de suivre la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] J’accepte le témoignage de l’appelant sur les faits essentiels que la Commission doit prouver pour démontrer que sa conduite était une inconduite. Je n’ai aucune raison de douter de celui-ci. Son témoignage est cohérent. L’appelant a dit la même chose à la Commission et au Tribunal. Son récit de ce qu’il a fait, de ce que son employeur a fait et de ce qu’il savait à quel moment est resté essentiellement le même au fil du temps. Son témoignage est appuyé par la politique de vaccination et les déclarations de son employeur à la Commission.

[35] J’accepte la preuve de la Commission parce qu’elle est cohérente avec le témoignage de l’appelant concernant ce qui s’est passé et ce qu’il savait. Et il n’y a aucun élément de preuve qui va à l’encontre de la preuve de la Commission.

[36] Sur la base de la preuve que j’ai acceptée, je conclus que la Commission a prouvé les choses suivantes :

  • l’employeur avait une politique de vaccination, qu’il considérait comme une condition que les membres du personnel et les contractants devaient continuer de respecter pour conserver leurs emploisNote de bas de page 23;
  • suivant cette politique, les membres du personnel :
    • devaient divulguer leur statut vaccinal au plus tard le 12 novembre 2021;
    • pouvaient demander une exemption (mesures d’adaptation) au plus tard le 12 novembre 2021;
    • devaient être entièrement vaccinés (ou obtenir une exemption) au plus tard le 17 décembre 2021, faute de quoi l’employeur les mettrait immédiatement en congé sans solde jusqu’à ce qu’ils se conforment à la politique.
  • l’appelant était au courant de la politique, de ce qu’il devait faire dans les délais impartis et des conséquences de ne pas le faire;
  • l’appelant n’a pas demandé de mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou religieuses;
  • l’appelant ne s’est pas fait entièrement vacciner à la date limite, ce qui était une décision personnelle consciente, délibérée et intentionnelle;
  • son employeur l’a donc mis en congé sans solde (c’est-à-dire suspendu).

[37] Sur la base de la preuve que j’ai acceptée, j’estime que l’employeur de l’appelant l’a suspendu pour une raison qui constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[38] Je ne peux pas accepter les arguments de l’appelant sur les raisons pour lesquelles sa conduite n’est pas une inconduite.

[39] Je n’accepte pas les premier, deuxième et troisième arguments de l’appelant. Il a fondé ces arguments sur la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada rendue par le membre Leonard. À l’audience, j’ai dit à l’appelant que la division d’appel du Tribunal avait récemment infirmé cette décision. La division d’appel a rendu la décision suivante :

  • Le membre Leonard a commis une erreur en concluant que même si la Commission avait prouvé qu’une personne employée avait délibérément enfreint la politique de son employeur et savait que cette violation pouvait entraîner sa suspension ou son congédiement, il ne s’agissait pas d’une inconduite si la politique de l’employeur était illégale ou incompatible avec son contrat de travail.
  • Le membre Leonard a commis une autre erreur lorsqu’il a réorienté son analyse de l’inconduite vers l’employeur, estimant que ce dernier avait imposé unilatéralement une nouvelle condition essentielle d’emploi contraire à la convention collective.
  • Le membre Leonard a commis une autre erreur en tenant compte du droit du travail, du droit constitutionnel et du droit relatif à la santé publique ainsi qu’en tranchant la question du bien-fondé d’un grief entre A. L. et son employeur, au lieu de trancher la question de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[40] La division d’appel a ensuite examiné si le refus d’A. L. de se conformer à la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu qu’il s’agissait d’une inconduite. A. L. a donc été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[41] Je vais suivre la décision de la division d’appel dans l’affaire AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada. Cette décision est bien motivée et applique correctement le droit. Elle suit les décisions de principe des cours fédérales (y compris la décision Cecchetto), que je dois également respecter. Cela signifie que je ne peux pas accepter les premier, deuxième et troisième arguments de l’appelant.

[42] Je rejette le quatrième argument de l’appelant parce que la décision du membre Leonard ne modifie aucun des faits essentiels de sa cause. Cette décision ne prouve pas que la politique de vaccination de l’employeur :

  • était illégale;
  • allait à l’encontre de la convention collective;
  • n’est pas devenue une condition d’emploi essentielle lorsqu’elle a été adoptée en octobre 2021;
  • a cessé d’être une condition d’emploi essentielle pendant la suspension de l’appelant (du 31 janvier au 30 mai 2022).

[43] Je ne retiens pas le cinquième argument de l’appelant. Le Tribunal n’a pas le pouvoir légal de décider si les obligations liées à la COVID-19 mises en place par les gouvernements ou la politique de vaccination de son employeur étaient raisonnables. Il n’a pas non plus le pouvoir légal de se prononcer sur l’innocuité ou l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.

[44] Dans la décision Cecchetto, la Cour fédérale a déclaré que les parties appelantes qui ne sont pas d’accord avec les politiques de vaccination obligatoire contre la COVID-19 disposent d’autres moyens juridiques pour les contester. L’appelant a dit qu’il pense que son syndicat a déposé un grief individuel en son nom. Si c’est vrai, son syndicat et lui peuvent utiliser ce grief pour contester la décision unilatérale de son employeur de mettre en place sa politique de vaccination.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que l’employeur de l’appelant l’a suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination.

[46] La Commission a également prouvé que le refus de l’appelant de suivre la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[47] Il n’était donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension (du 31 janvier au 30 mai 2022).

[48] Par conséquent, je rejette son appel.

[49] Cela signifie que les prestations d’assurance-emploi qu’il a reçues pendant sa suspension représentent un trop-payé qu’il doit rembourser.

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