Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et LP, 2020 TSS 1682

Numéro de dossier du Tribunal : GE-20-1511

ENTRE :

X

Partie appelante

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Partie intimée

et

L. P.

Partie mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Gerry McCarthy
DATE DE L’AUDIENCE : Le 17 juin 2020
DATE DE LA DÉCISION : Le 18 juin 2020

Sur cette page

Décision

[1] L’appel de l’appelant est accueilli. Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] La partie mise en cause (prestataire) a quitté son poste de directeur d’usine chez son employeur A1 Blasting Mats le 9 septembre 2019 et a demandé des prestations d’assurance‑emploi le 10 décembre 2019. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du prestataire pour quitter son emploi. Elle a conclu que ce dernier était fondé à quitter volontairement son emploi. Par conséquent, la Commission a accueilli la demande sans imposer d’exclusion.

[3] L’employeur (appelant) a demandé à la Commission de réviser sa décision. La Commission a soutenu que les déclarations de l’appelant et du prestataire étaient autant équilibrées l’une que l’autre, car aucune des parties n’a fourni d’éléments de preuve qui accorderaient plus de poids aux déclarations fournies. La Commission a accordé le bénéfice du doute au prestataire quant à sa version et a maintenu sa décision initiale.

[4] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. La représentante de l’appelant affirme que les déclarations de l’appelant et du prestataire n’étaient pas également équilibrées, parce que le prestataire ne pouvait pas étayer ses allégations de harcèlement contre l’appelant. La représentante de l’appelant a aussi ajouté que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

Le prestataire n’était pas présent à l’audience

[5] Le prestataire n’était pas à l’audience à l’heure prévue. Après 10 minutes d’attente, on a téléphoné au prestataire pour savoir s’il souhaitait assister à l’audience ou demander un ajournement. Le prestataire a répondu qu’il n’avait pas reçu d’avis d’audience, mais qu’il ne souhaitait pas assister à l’audience de toute façon. On lui a demandé s’il souhaitait que l’audience soit repoussée. Le prestataire a dit qu’il ne voulait pas participer à une audience. On lui a alors demandé de communiquer avec le Tribunal de la sécurité sociale pour ajouter une déclaration au dossier. Le jour de l’audience, le prestataire a communiqué avec le Tribunal. Il a déclaré qu’il savait qu’il y avait une audience ce jour-là, mais qu’il ne souhaitait pas y participer. La déclaration du prestataire a été consignée dans un registre téléphonique qui se trouve maintenant au dossier.

[6] L’audience peut avoir lieu en l’absence du prestataire si ce dernier a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 1. Le prestataire savait qu’il y avait une audience le 17 juin 2020, mais a précisé qu’il ne souhaitait pas y participer. Je pense que le prestataire a reçu cet avis de vive voix parce qu’il a confirmé qu’il était au courant de l’audience du 17 juin 2020. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans le prestataire.

Question en litige

[7] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour ce faire, je dois d’abord examiner la question de son départ volontaire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[8] J’estime que le prestataire a quitté volontairement son emploi pour les raisons suivantes.

[9] Premièrement, le superviseur du prestataire (D. B.), également témoin dans cette affaire, a déclaré que le prestataire lui avait téléphoné le 9 septembre 2019 pour lui dire qu’il démissionnait parce qu’il s’ennuyait de son épouse et de ses enfants. D. B. a précisé que S. D. (responsable des services des finances et de l’administration) et lui avaient appelé le prestataire plus tard ce soir-là pour discuter. Selon D. B., le prestataire avait expliqué qu’il quittait son emploi parce qu’il voulait retourner chez lui. À cet égard, je préfère le témoignage de D. B. à la déclaration du prestataire selon laquelle il a quitté son emploi, parce que les déclarations de D. B. étaient cohérentes, détaillées et plausibles.

[10] Deuxièmement, les déclarations du prestataire selon lesquelles il n’avait pas quitté son emploi étaient incohérentes et manquaient de crédibilité. Par exemple, la déclaration initiale que le prestataire a faite à la Commission dans sa demande de prestations était qu’il avait quitté son emploi (voir la page GD3‑8 du dossier d’appel). Le 19 décembre 2019, le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait pas quitté son emploi (voir la page GD3‑21). Le prestataire a ensuite déclaré à la Commission le 13 janvier 2020 qu’il avait quitté son emploi parce qu’il avait été victime d’intimidation (voir les pages GD3‑22 et GD3‑23). Comme je l’ai déjà mentionné, je préfère les déclarations de D. B. à cet égard parce que son témoignage sous serment est demeuré cohérent, détaillé et plausible.

L’appelant conteste le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé. La partie prestataire est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 3. La partie prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 4. Elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 5.

[13] Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi. Certaines de ces circonstances sont prévues par la loiNote de bas de page 6. Lorsque j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra démontrer que la seule solution raisonnable était de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 7.

Circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi

[14] Le prestataire affirme que l’une des circonstances prévues par la loi s’applique dans son cas. Plus précisément, il dit qu’il a été harcelé par l’employeur (K. F., vice-président aux ventes mondiales).

[15] J’estime que la circonstance liée au harcèlement du prestataire n’est pas conforme aux paramètres de la loiNote de bas de page 8 pour les raisons suivantes.

[16] Premièrement, K. F., également témoin dans cette affaire, a déclaré qu’il n’avait pas harcelé le prestataire. Il a précisé qu’il se rendait rarement à l’usine où travaillait le prestataire parce qu’il travaillait à distance et que les trajets pouvaient prendre jusqu’à quatre ou cinq heures, surtout lorsqu’il y avait des travaux de construction. K. F. a ajouté que les déclarations du prestataire selon lesquelles il avait été victime d’intimidation étaient [traduction] « complètement fausses » (voir la page GD3‑22). À cet égard, je préfère les déclarations de K. F. parce qu’il a livré un témoignage sous serment qui était direct, détaillé, cohérent et plausible.

[17] Deuxièmement, le ministère du Travail (en date du 31 janvier 2020) a répondu à l’allégation de harcèlement du prestataire à l’égard de l’appelant en déclarant qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui du fait que le prestataire avait fait l’objet de représailles pour avoir participé à une activité protégée (voir la page GD6‑14).

[18] Troisièmement, la [traduction] « demande d’enquête sur le harcèlement » d’une tierce partie (Peninsula) précisait le 23 décembre 2020 qu’aucun incident de harcèlement n’avait été corroboré par K. F. ni par d’autres témoins oculaires de la direction. Le rapport d’enquête indiquait aussi que la frustration apparente du prestataire à l’égard des demandes urgentes de documents de K. F. faisait l’objet d’un petit désaccord (voir les pages GD2‑190 et GD2‑191).

[19] Je reconnais que le prestataire a précisé dans le dossier d’appel que l’atmosphère de travail avec l’appelant était stressante et [traduction] « désagréable ». Il a ajouté que sa santé mentale était fragile et qu’il était incapable de continuer à travailler pour l’appelant (voir la page GD3‑24). Je tiendrai compte de ces circonstances lorsque je déciderai si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Solutions raisonnables

[20] Je dois maintenant vérifier si le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi quand il l’a fait. Le prestataire affirme qu’il n’en avait pas parce que l’employeur (D. B. et S. D.) n’a pas tenu compte de ses plaintes. Le prestataire ajoute qu’il ne pouvait pas demander un transfert parce qu’il n’y avait pas d’autres endroits où il aurait pu être transféré.

[21] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme que rien ne prouvait la véracité des allégations de harcèlement du prestataire et que celui-ci n’était pas fondé à quitter son emploi.

[22] J’estime que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire pour les raisons suivantes.

[23] Premièrement, le prestataire aurait pu trouver un autre travail avant de quitter son emploi. Je comprends qu’un environnement de travail stressant entraînait des répercussions sur sa santé mentale. Néanmoins, je ne peux pas conclure que l’environnement de travail du prestataire était à ce point intolérable qu’il a dû quitter son emploi quand il l’a fait.

[24] Deuxièmement, le prestataire aurait pu faire part de ses préoccupations au sujet de K. F. à son superviseur, D. B., avant de quitter son emploi. Je reconnais que le prestataire a dit à la Commission qu’il avait parlé de K. F. à D. B. et S. D., mais ses plaintes n’ont pas été prises en considération. Toutefois, D. B. a déclaré que le prestataire ne lui avait jamais parlé de harcèlement ou d’intimidation avant de démissionner. D. B. a ajouté que le prestataire faisait partie d’un comité de gestion qui se réunissait toutes les semaines et qu’il aurait pu faire part de ses préoccupations à ce moment-là. À cet égard, je préfère le témoignage de D. B. selon lequel le prestataire n’a soulevé aucune question de harcèlement ou d’intimidation avant de quitter son emploi parce que ses déclarations étaient franches et cohérentes.

[25] Troisièmement, le prestataire aurait pu se renseigner auprès de l’appelant au sujet d’un congé autorisé ou d’un congé de maladie. Je reconnais que le prestataire a dit à la Commission que son lieu de travail n’était pas syndiqué. Néanmoins, le prestataire avait la solution raisonnable de s’informer au moins sur un congé autorisé ou de fournir à l’appelant des documents médicaux à l’appui d’un congé de maladie.

Déclarations supplémentaires du prestataire

[26] Je comprends que le prestataire a dit à la Commission que l’appelant ne racontait pas la vérité, mais il ne pouvait rien prouver. Toutefois, le prestataire a décidé de ne pas assister à l’audience, où il aurait eu l’occasion de témoigner et de réfuter le témoignage des témoins ainsi que les observations de la représentante de l’appelant. Je reconnais que le prestataire était mécontent et frustré envers l’appelant. Néanmoins, je dois appliquer le critère juridique relatif au départ volontaire d’un emploi à la preuve qui m’est présentée. Autrement dit, je ne peux pas ignorer ou contourner la loi, même par sympathieNote de bas de page 9.

[27] Compte tenu des circonstances présentes quand le prestataire a quitté volontairement son emploi, plusieurs solutions raisonnables s’offraient à lui : il aurait pu trouver un autre emploi avant de démissionner, faire part de ses préoccupations à son superviseur ou s’informer au sujet d’un congé autorisé ou d’un congé de maladie. Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[28] L’appel de l’appelant est accueilli. Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 juin 2020

MODE D’AUDIENCE :

Téléconférence

COMPARUTIONS :

Lachelle Arevalo, représentante de l’appelant
D. B. (témoin de l’appelant)
K. F. (témoin de l’appelant)

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