Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 687

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (561617) datée du 4 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 mai 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 26 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-261

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelante n’a pas pris un congé volontaire de son emploi, au sens de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Le 4 septembre 2022, l’appelante a cessé de travailler comme aide de centre de distribution chez Health Prince Edward Island [Santé Île-du-Prince-Édouard]. Elle a commencé la deuxième année d’un programme universitaire de sciences infirmières le 7 septembre 2022.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle n’a donc pas été en mesure de lui verser des prestations d’assurance-emploi. Après révision, la Commission a décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle avait volontairement pris congé de son emploi sans justification. La Commission affirme que même si l’appelante avait reçu l’approbation d’une autorité désignée pour suivre son cours, elle n’avait pas l’autorisation de prendre congé de son emploi. Selon la Commission, elle n’était pas fondée à prendre congé de son emploi pour faire des étudesNote de bas de page 1.

[4] L’appelante n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Elle affirme qu’elle n’a pas pris un congé volontaire de son emploi. Elle dit que son emploi était un poste temporaire; elle a signé un contrat au début du mois de juillet et il a pris fin le 6 septembre. Elle a reçu une approbation pour suivre son cours. Elle a occupé le même emploi dans les mêmes circonstances l’année précédente et a reçu des prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle a repris ses étudesNote de bas de page 2.

Question que je dois examiner en premier

[5] Après l’audience, l’appelante a déposé une copie d’un courriel de l’employeurNote de bas de page 3. Le message traite du fait que l’employeur a modifié le relevé d’emploi de l’appelante.

[6] Après l’avoir examiné, je conclus que le document est pertinent à la question en litige. En effet, il porte sur la question de savoir pourquoi l’emploi de l’appelante a pris fin. J’ai donc accepté le document comme preuve et j’en tiendrai compte pour trancher le présent appel.

Question en litige

[7] L’appelante est-elle inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a volontairement pris congé de son emploi sans justification?

Analyse

[8] La partie prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 4. Premièrement, la Commission doit prouver que l’appelante a volontairement pris congé. Celle-ci doit ensuite démontrer qu’elle est fondée à prendre volontairement congé. Elle doit montrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 5.

L’appelante n’a pas pris congé volontairement selon la Loi sur l’assurance-emploi

[9] Un congé pris volontairement doit satisfaire à des critères. L’appelante doit avoir demandé le congé. L’employeur doit autoriser le congé. De plus, l’appelante et l’employeur doivent convenir d’une date de retour au travailNote de bas de page 6.

[10] Dans sa demande de prestations, l’appelante a déclaré avoir cessé de travailler en raison d’un manque de travail. Elle a dit qu’elle ne savait pas si elle allait retourner travailler pour l’employeur. Elle a dit qu’on lui avait recommandé de participer au programme de sciences infirmières de l’université de X, du 7 septembre 2022 au 1er mai suivantNote de bas de page 7.

[11] L’employeur a produit un relevé d’emploi le 17 octobre 2022. Le relevé a été rempli par R. S. Elle a précisé que l’appelante avait quitté son emploi pour retourner aux études [traduction] « et non en raison d’un manque de quarts de travailNote de bas de page 8 ».

[12] Le 25 octobre 2022, l’appelante a déclaré à la Commission que la raison de la cessation d’emploi était un manque de travail. Elle a dit qu’elle communiquerait avec son employeur pour mettre son relevé d’emploi à jour Note de bas de page 9.

[13] L’employeur a produit un deuxième relevé d’emploi le 31 octobre 2022. Ce relevé a été rempli par M. M. Le code de raison de la production était « autre » et il a été noté que l’appelante travaillait un nombre d’heures réduit et qu’elle était retournée aux étudesNote de bas de page 10.

[14] La Commission a parlé à T. B., qui travaille chez l’employeur, le 2 novembre 2022. T. B. a dit que l’appelante avait demandé une période de congé pour retourner aux études et que ce congé avait été approuvé. T. B. a dit que le nom de l’appelante figurait toujours sur la liste de paie de l’employeur et qu’elle pouvait travailler si elle était disponible. T. B. a dit qu’il n’y avait pas de manque de travailNote de bas de page 11.

[15] L’adjoint du député de l’appelante a communiqué avec la Commission le 22 novembre 2022 et a déclaré que l’appelante avait conclu un contrat avec l’employeur et que le contrat avait pris finNote de bas de page 12. Le 30 novembre 2022, l’adjoint a déclaré à la Commission que l’appelante était une employée occasionnelle qui était retournée aux études et que le motif de cessation d’emploi indiqué sur le relevé d’emploi du 31 octobre 2022 était incorrectNote de bas de page 13.

[16] La Commission a décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 14.

[17] Dans son formulaire de demande de révision, l’appelante a dit avoir quitté son emploi pour faire des études dans le cadre d’un programme approuvé par le gouvernement. Elle a dit avoir reçu des prestations d’assurance-emploi sans problème l’année précédente et que sa situation était la même cette année-làNote de bas de page 15.

[18] Un troisième relevé d’emploi a été produit par l’employeur le 12 décembre 2022. Ce relevé a été rempli par M. D. La raison de production était un [traduction] « manque de travail, fin de contrat ou de la saison de travail ». M. D. a souligné que l’appelante retournait aux étudesNote de bas de page 16.

[19] L’agente de révision de la Commission a tenté sans succès de joindre l’appelante pour discuter de sa demande de révisionNote de bas de page 17. Après révision, la Commission a modifié sa décision initiale et a conclu que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations au titre de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi, parce qu’elle avait cessé de travailler en prenant volontairement un congé sans justificationNote de bas de page 18.

[20] Un quatrième relevé d’emploi a été produit par l’employeur le 20 janvier 2023. Ce relevé a également été rempli par M. D. Le motif de production était un [traduction] « manque de travail, fin de contrat ou de la saison de travailNote de bas de page 19 ».

[21] L’appelante a déposé une capture d’écran d’un message texte que M. D. lui a envoyé le 19 janvier 2023. Dans cette lettre, M. D. a écrit [traduction] « Je ne sais pas trop pourquoi le "retour aux études" cause un problème pour l’employeur, alors que j’ai indiqué un manque de travail ou une fin de contrat [...] nous employons plus de 6000 personnes et selon ce que nous voyons, votre dossier n’est pas configuré comme celui d’une étudiante ordinaire. Vous avez occupé un poste temporaire cet été... C’est pourquoi le premier relevé d’emploi a été rempli comme il l’a été; vous semblez être une employée occasionnelle qui a postulé et obtenu un poste temporaire et qui a maintenant décidé de réduire ses heures de travail et de retourner aux étudesNote de bas de page 20 ».

[22] Après l’audience, l’appelante a déposé une copie d’un courriel qui lui a été envoyé par M. D. Le 12 décembre 2022, M. D. a écrit : [traduction] « [...] J’ai tout examiné et nous avons modifié votre relevé d’emploi pour indiquer "manque de travail / fin des détails" avec un commentaire indiquant que vous retournez aux études. Nous vous sommes très reconnaissants parce que vous travaillez avec nous pendant vos études. J’espère que cela règlera vos problèmes. » Le 20 janvier 2023, M. D. a écrit : [traduction] « J’ai retiré le commentaire sur la poursuite des études. "Manque de travail / fin de contrat" est le même choix et c’est ce que nous avonsNote de bas de page 21 ».

[23] L’appelante a livré le témoignage suivant :

  • Elle suit un programme universitaire en sciences infirmières et a terminé deux ans de cours. Elle a été orientée par Skills PEI [Compétences Î.-P.-É.] vers le programme.
  • Elle a occupé un poste temporaire de juillet à septembre 2022. L’employeur lui a dit de postuler le poste temporaire, ce qu’elle a fait. Le poste garantissait qu’elle travaillerait un certain nombre d’heures chaque semaine. Elle a signé un contrat pour le poste.
  • T. B. (qui a parlé à la Commission) était déroutée par la situation de l’appelante, parce qu’elle avait accepté le poste temporaire. T. B. n’était pas sa patronne et n’avait pas prévu de quarts de travail pour elle.
  • Ses deux premiers relevés d’emploi ont été remplis de façon incorrecte. Les personnes qui les ont remplis étaient déroutées par sa situation, car elle occupait le poste temporaire. Les deux derniers relevés d’emploi, qui ont été remplis par M. D. et qui indiquent [traduction] « manque de travail, fin de contrat ou de la saison de travail », sont exacts. Son contrat a pris fin.
  • Elle n’a jamais demandé un congé à son employeur. Elle a parlé à son gestionnaire de son retour au travail après avoir terminé l’année scolaire 2022-2023. Elle lui a dit qu’elle pouvait probablement revenir au début du mois de mai, mais qu’elle lui en parlerait à l’approche de cette date.
  • Elle a dû présenter une nouvelle demande pour retourner travailler chez l’employeur en 2023. Elle s’est rendue sur le site Web de l’employeur et a présenté sa demande. Elle a également parlé à M. D. de son retour au travail.
  • Elle est retournée travailler pour l’employeur en mai 2023.

[24] L’appelante est représentée par sa mère. À l’audience, la représentante a témoigné sous serment de la façon suivante :

  • Elle est pharmacienne et travaillait pour l’employeur il y a 25 ans.
  • Au début de la pandémie de la COVID-19, l’employeur cherchait des pharmaciennes et pharmaciens pour administrer les vaccins contre la COVID-19. Son nom figurait toujours sur la liste de paie de l’employeur après 25 ans, et elle avait toujours un numéro d’employé valide. Cependant, elle ne se considère pas comme une employée de l’employeur. Néanmoins, elle a travaillé pour l’employeur pendant un certain temps, et elle a donné la vaccination contre la COVID-19.
  • Les choses ont fonctionné de la même façon pour l’appelante. Après avoir terminé ses études secondaires et commencé à travailler pour l’employeur, celui-ci a maintenu son nom sur la liste de paie, mais elle devait présenter une nouvelle demande pour retourner travailler chaque été.
  • En 2022, l’employeur a offert un nouveau type de contrat. L’employeur a dit à l’appelante de postuler pour obtenir ce contrat, ce qu’elle a fait. Le contrat garantissait que l’appelante travaillerait un certain nombre d’heures chaque semaine.
  • L’appelante et l’employeur n’ont pris aucun engagement et n’ont pas convenu d’une date à laquelle elle reviendrait au travail après l’année scolaire 2022-2023. Elle a seulement dit à l’employeur en avril ou en mai 2023 qu’elle voulait retourner travailler pour l’été.

[25] Je suis d’avis que l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations au titre de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] La partie prestataire qui, sans justification, prend volontairement une période de congé de son emploi n’est pas admissible au bénéfice des prestations si la période de congé a été autorisée par l’employeur et si la partie prestataire et l’employeur ont convenu d’une date de reprise de l’emploiNote de bas de page 22.

[27] La Commission fait valoir que l’appelante a pris congé de son emploi sans justification.

[28] Cependant, je conclus que l’appelante n’a pas pris congé de son emploi. Elle n’a pas demandé de congé à l’employeur. Il n’y a pas eu d’entente sur la date à laquelle l’appelante retournerait travailler pour l’employeur, ni même quant à savoir si elle reviendrait.

[29] Je reconnais qu’il y a des écarts entre les relevés d’emploi de l’appelante. Elle a déclaré, et je l’admets, que tant que M. D. n’a pas rempli les relevés d’emploi, ils l’étaient de façon incorrecte. En effet, M. D. a confirmé dans son courriel que l’appelante occupait un poste temporaire et que son contrat a pris fin. M. D. a expliqué dans son courriel que le premier relevé d’emploi avait été rempli comme il l’a été parce qu’il y avait de la confusion au sujet du statut d’emploi de l’appelante, car elle avait occupé le poste temporaire.

[30] Je reconnais que T. B. a déclaré à la Commission que l’appelante avait demandé un congé autorisé qui avait été approuvé. Le nom de l’appelante figurait toujours sur la liste de paie de l’employeur et elle pouvait travailler si elle était disponible.

[31] Cependant, j’accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle n’a jamais demandé de congé et qu’elle et l’employeur n’ont pas convenu qu’elle retournerait au travail à l’été 2023. En effet, l’appelante a témoigné en ma présence après avoir fait une déclaration solennelle. De plus, elle a répondu d’une manière directe et cohérente aux questions que je lui ai posées tout au long de l’audience pour établir si elle avait pris un congé.

[32] Même si le nom de l’appelante figurait toujours sur la liste de paie de l’employeur, le maintien de personnes employées sur sa liste de paie semble être une pratique de l’employeur, comme l’a expliqué la représentante lors de l’audience. Le fait qu’un nom soit maintenu sur la liste de paie ne m’amène pas à conclure que l’appelante a pris un congé.

[33] Bien que je comprenne que l’appelante est bel et bien retournée travailler pour l’employeur après avoir terminé l’année scolaire 2022-2023, cela ne signifie pas qu’elle ait pris un congé en septembre 2022, au sens de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a déclaré avoir présenté une nouvelle demande pour travailler chez l’employeur après avoir terminé l’année scolaire 2022-2023.

[34] Pour les raisons qui précèdent, je conclus que l’appelante n’a pas pris un congé autorisé au sens de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[35] L’appel est accueilli. Par conséquent, l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi au titre de l’article 32 de la Loi sur l’assurance-emploi.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.