Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 777

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (557605) datée du 16 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 juin 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 8 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-200

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pour sa période de congé (scolaire).

Aperçu

[3] L’appelante est enseignante pour le conseil scolaire X. Au cours de l’année scolaire 2021-2022, elle a travaillé à temps plein dans le cadre d’un contrat d’enseignement occasionnel de longue durée. Peu de temps après la fin de ce contrat, le conseil scolaire lui a offert un poste à temps plein en vertu d’un contrat à durée indéterminée pour l’année scolaire 2022-2023. L’appelante a accepté cette offre.

[4] Le 5 juillet 2022, l’appelante a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée (Commission) a déclaré que sa demande de prestations était inadmissible parce qu’elle est enseignante et qu’aucune prestation ne peut être versée au personnel enseignant pour une période de congéNote de bas de page 1. Cela a entraîné un trop-payé dans le cadre de sa demandeNote de bas de page 2.

[5] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle a dit que, quand son contrat occasionnel a pris fin en juin 2022, elle a été mise à pied et elle n’a eu aucun revenu pendant les mois d’été. Elle avait besoin des prestations d’assurance-emploi pour faire face à ses dépenses jusqu’à ce qu’elle commence son nouveau contrat en septembre 2022. Toutefois, la Commission n’a pas modifié sa décision.

[6] L’appelante a fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Elle a dit qu’elle n’a touché aucun revenu ni aucune prestation de la fin de son contrat occasionnel jusqu’à ce qu’elle commence son contrat à durée indéterminée. Elle a ajouté que beaucoup de personnes qui effectuent du travail saisonnier ou qui enseignent à contrat reçoivent des prestations d’assurance-emploi lorsqu’elles sont mises à pied, même si elles savent qu’elles retourneront au même emploi.

[7] La Commission a déclaré que l’appelante n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 11 juillet 2022 au 5 septembre 2022, car elle n’a pas prouvé que l’une ou l’autre des exceptions prévues par la loi (qui rendent le personnel enseignant admissible) s’appliquait à son cas pour une période de congéNote de bas de page 3.

[8] Je suis d’accord avec la Commission. Voici les motifs de ma décision.

Question préliminaire

[9] À l’audience, l’appelante a dit qu’elle ne voulait pas présenter des arguments sur la question de savoir si la décision au sujet de son inadmissibilité était correcte sur le plan juridique. Elle voulait seulement expliquer pourquoi elle ne devrait pas avoir à rembourser le montant de 638 $ qu’elle a reçu en prestations d’assurance-emploi.

[10] Je vais d’abord examiner la décision au sujet de l’inadmissibilité. Je vais ensuite décider si l’appelante est tenue ou non de rembourser le trop-payé dans le cadre de sa demande.

Questions en litige

[11] L’appelante est-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi pour la période de congé estivale?

[12] Si elle n’y est pas admissible, est-elle tenue de rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues?

Analyse

[13] La loi prévoit que le personnel enseignant ne peut pas recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi pour les périodes de congéNote de bas de page 4.

[14] Il existe toutefois certaines exceptions à cette règle. Une personne qui enseigne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi si :

  1. a) le contrat de travail dans l’enseignement a pris fin;
  2. b) l’emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance;
  3. c) au cours de la période de référenceNote de bas de page 5, la partie prestataire a accumulé assez d’heures d’emploi assurable dans une profession autre que l’enseignement pour être admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6.

Question en litige no 1 : L’appelante est-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi pour la période de congé estival?

[15] Non, elle ne l’est pas.

[16] L’appelante travaillait comme enseignante. Elle n’a pas prouvé que l’une ou l’autre des exceptions à la règle (selon laquelle le personnel enseignant ne peut pas recevoir des prestations d’assurance-emploi pour une période de congé) s’appliquait à son cas.

a) L’appelante n’avait pas perdu son emploi

[17] Pour décider si l’appelante a été congédiée, je dois examiner s’il y a eu une « véritable interruption » dans la continuité de son emploi, de sorte qu’elle était vraiment au chômage à la fin de son contrat occasionnelNote de bas de page 7.

[18] L’appelante a déclaré ce qui suit :

  • Elle a travaillé à temps plein dans le cadre d’un contrat d’enseignement occasionnel de longue durée pour toute l’année scolaire 2021-2022.
  • Elle a enseigné à la même école pendant toute l’année scolaire 2021-2022.
  • Son contrat occasionnel a pris fin le 29 juin 2022.
  • Le 7 juillet 2022, elle a accepté un poste à temps plein à la même école pour l’année scolaire 2022-2023, mais en vertu d’un contrat d’enseignement à durée indéterminée. Ce contrat commençait le 6 septembre 2022 et se terminait le 30 juin 2023Note de bas de page 8.
  • Elle n’a pas pu commencer à travailler ni être payée avant septembre 2021 [sic], quand l’année scolaire a commencé.
  • Par conséquent, elle était « sans emploi » et n’a touché aucun revenu en juillet et en août 2022.
  • Elle a posé sa candidature à des emplois temporaires qu’elle pouvait occuper en juillet et en août 2022, comme des travaux d’aménagement paysager, avant de reprendre son emploi d’enseignante en septembre 2022.

[19] La Cour d’appel fédérale a conclu que si un contrat d’enseignement se termine à la fin d’une année scolaire, mais qu’un nouveau contrat a été accepté par l’enseignante ou l’enseignant avant ou peu de temps après la fin du contrat existant, il n’y a pas d’interruption dans la continuité de l’emploiNote de bas de page 9.

[20] L’appelante n’a pas prouvé qu’il y avait eu une réelle interruption de la continuité de son emploi au conseil scolaire, de sorte que son emploi aurait pris fin le 29 juin 2022. Dès la semaine suivant la fin de son contrat occasionnel, elle avait l’obligation contractuelle de retourner travailler à la même école après la période de congé estival, ce qu’elle avait l’intention de faire. Rien ne prouve qu’elle a présenté une nouvelle demande d’emploi ou suivi le processus d’embauche pour retourner au travail après la période de congé estival. Rien n’indique non plus qu’elle a effectué de bonne foi une recherche d’emploi pour enseigner à temps plein parce qu’elle croyait que son emploi au conseil scolaire avait pris fin.

[21] Je conclus que l’appelante n’a pas perdu son emploi dans l’enseignement, même si elle n’a pas travaillé pendant la période de congé estival de 2022.

b) L’appelante n’enseignait pas sur une base occasionnelle ou de suppléance

[22] Pour décider si l’appelante a travaillé à titre d’enseignante sur une base occasionnelle ou de suppléance, je dois tenir compte de la nature de l’emploi lui-même, plutôt que simplement de sa situation d’emploi auprès du conseil scolaire.

[23] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une personne qui exerce un rôle d’enseignement sur une base continue et prédéterminée n’occupe pas un poste occasionnel ou de suppléance, même si elle n’a pas nécessairement un poste d’enseignement permanent à temps pleinNote de bas de page 10.

[24] L’appelante a déclaré qu’elle avait travaillé à temps plein à la même école pendant toute l’année scolaire.

[25] Comme elle travaillait à temps plein selon un horaire quotidien établi en septembre, et qui s’est poursuivi tout au long de l’année scolaire, je conclus que l’appelante occupait un poste d’enseignante sur une base continue et prédéterminée.

[26] Cela signifie qu’elle n’occupait pas un poste sur une base occasionnelle ou de suppléance, et que l’exception prévue par la loi pour les personnes qui enseignent sur l’une ou l’autre de ces bases ne s’applique pas à son cas.

c) L’appelante n’avait pas accumulé d’heures d’emploi dans une profession autre que l’enseignement

[27] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait eu aucun autre emploi au cours des 52 semaines ayant précédé sa demande de prestations d’assurance-emploi du 5 juillet 2022.

[28] Par conséquent, je conclus qu’elle n’a pas accumulé d’heures dans une profession autre que l’enseignement, ce qui aurait pu lui permettre de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, la troisième exception prévue par la loi ne s’applique pas à son cas.

Alors, l’appelante est-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi pour juillet et août 2022?

[29] Non, elle ne l’est pas.

[30] L’appelante ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de l’une ou l’autre des exceptions prévues par la loi. Par conséquent, sa demande est assujettie à la loi qui prévoit que le personnel enseignant n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi pour les périodes de congé.

[31] Je confirme donc la demande de l’appelante est inadmissible pour les périodes de congé précisées dans la lettre de décision du 3 août 2022Note de bas de page 11. La période de congé estival pour laquelle l’appelante demandait des prestations d’assurance-emploi est indiquée dans cette lettre.

[32] L’appelante a déclaré qu’elle connaît d’autres enseignantes et enseignants occupant des postes semblables qui ont reçu des prestations d’assurance-emploi pour la période de congé estival. Mais je ne peux pas me prononcer sur ces autres affaires. Je peux seulement examiner la situation de l’appelante et je conclus qu’aucune des exceptions prévues par la loi, qui lui permettrait de recevoir des prestations d’assurance-emploi pour les périodes de congé, ne s’applique à son cas.

Question en litige no 2 : L’appelante est-elle tenue de rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues?

[33] Oui, elle l’est.

[34] L’appelante est frustrée de voir que sa demande de prestations avait d’abord été approuvée, qu’elle a reçu deux semaines de prestations d’assurance-emploi, que ses prestations ont ensuite été « annulées » et qu’on lui a demandé de rembourser l’argent.

[35] L’appelante a déclaré ce qui suit :

  • Elle n’est pas d’accord avec la décision de la Commission.
  • Elle était sans emploi du 1er juillet au 7 septembre (2022).
  • Bien qu’elle ait pu « enchaîner un autre emploi » au début de juillet, elle n’a pas pu commencer à travailler à cet emploi ni être payée avant septembre.
  • Des prestations d’assurance-emploi existent pour aider les personnes au chômage. Comme elle n’avait ni emploi, ni argent, ni prestations, elle cherchait de l’aide dans le cadre du programme d’assurance-emploi.
  • Elle a cotisé au programme d’assurance-emploi « pendant des années » et continuera de le faire pendant le reste de sa carrière. Au cours du seul été où elle « n’avait pas d’emploi et qu’elle avait besoin de leur aide », le programme l’a « complètement laissée tomber ».
  • Non seulement on l’a « empêchée » de continuer à recevoir des prestations d’assurance-emploi le 3 août, mais on lui dit maintenant qu’elle doit rembourser « le petit montant » qu’elle a reçu.
  • Il s’agit d’argent versé par des contribuables comme elle qui sont « en période de chômage temporaire » et, par conséquent, elle « ne devrait pas avoir à rembourser les 638 $ ».
  • Il s’agit de la seule partie de la décision qu’elle conteste. Elle ne croit pas devoir rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues pour l’été 2022.

[36] Je comprends la déception de l’appelante de ne pas pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi en période de besoin. Toutefois, l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi n’est pas fondée sur les besoins financiers ni sur la durée de la cotisation au programme d’assurance-emploi. Pour les motifs énoncés ci-dessus à la question en litige no 1, j’ai conclu que l’appelante n’est pas légalement admissible aux prestations d’assurance-emploi dans le cadre de sa demande.

[37] Je reconnais également sa frustration quant à la façon dont sa demande a été traitée. Cependant, selon les renseignements fournis par l’appelante dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, je peux voir comment le trop-payé s’est produit. Lorsque l’appelante a rempli sa demande le 5 juillet 2022, elle devait répondre à la question « Avez-vous reçu une offre d’emploi verbale ou écrite pour la prochaine période d’enseignement? » (voir la page GD3-9). Elle a répondu « Non » (voir la page GD3-9). Il s’agit d’une question importante. Sa réponse « Non » lui a permis de commencer à recevoir des prestations d’assurance-emploi dans le cadre de sa demande.

[38] Deux jours plus tard, le 7 juillet 2022, l’appelante a accepté une offre d’emploi pour la prochaine période d’enseignement. Cependant, elle n’a pas avisé la Commission de ce changement avant le 22 juillet 2022Note de bas de page 12. La Commission a tenté de la joindre sans succès jusqu’au 3 août 2022, date à laquelle d’autres faits ont été établisNote de bas de page 13 et elle a été déclarée inadmissible. À ce moment-là, l’appelante avait déjà reçu des prestations d’assurance-emploi dans le cadre de sa demande.

[39] Cependant, peu importe la façon dont le trop-payé de 638 $ s’est produit, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire de renoncer à cette dette, de l’effacer ou de l’annuler, peu importe la mesure dans laquelle les arguments de l’appelante sont convaincants. La loi ne me donne tout simplement pas le pouvoir de dégager les prestataires de leur responsabilité relativement à un trop-payéNote de bas de page 14, et je ne peux pas ignorer la loi, même si le résultat semble injusteNote de bas de page 15.

[40] Bien que je doive rejeter son appel, l’appelante a deux options :

  1. a) Elle peut demander à la Commission d’envisager d’annuler la dette en raison d’un préjudice abusifNote de bas de page 16. Si elle n’est pas satisfaite de la réponse de la Commission, elle peut déposer un avis de demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale du CanadaNote de bas de page 17. Il y a toutefois un délai de 30 jours pour faire appel devant la Cour fédérale.
  2. ou

  3. b) Elle peut téléphoner au Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du CanadaNote de bas de page 18 au 1-866-864-5823 et s’informer sur l’allégement d’une dette en raison de difficultés financièresNote de bas de page 19. Elle devra présenter des renseignements sur sa situation financière pour examen.

Conclusion

[41] L’appelante est enseignante et n’a pas prouvé son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi pour la période de congé estival.

[42] Je ne peux pas annuler le trop-payé qui s’est produit dans le cadre de sa demande.

[43] L’appel est rejeté.

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