Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1775

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (593632) datée du 22 juin 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 21 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1963

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Décision

[1] L’appel est rejeté avec des modifications.

[2] L’appelant a prouvé qu’il était disponible pour travailler, mais seulement à partir du 14 septembre 2022. Par conséquent, pour la période du 28 septembre 2020 au 13 septembre 2022, l’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[3] L’appelant est également inadmissible pour la période où il était à l’étranger, mais je modifie la période d’inadmissibilité du 28 septembre 2020 au 13 septembre 2022 parce qu’il est revenu au Canada au plus tard le 14 septembre 2022.

Aperçu

[4] L’appelant recevait la prestation d’assurance-emploi d’urgence. Une fois que les versements ont pris fin, sa demande a automatiquement été convertie en une demande de prestations régulières d’assurance-emploi commençant le 27 septembre 2020.

[5] Malheureusement, l’appelant était à l’étranger de décembre 2019 à septembre 2022, alors la Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations pour cette raison. Elle a également décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger et à son retour au Canada.

[6] L’appelant affirme avoir quitté le Canada en décembre 2019 pour se rendre en Inde afin d’aider sa mère parce qu’elle était malade et avait été hospitalisée. Il avait d’abord prévu de revenir au Canada en janvier 2020, mais sa mère a pris plus de temps que prévu pour se rétablir et il avait de la difficulté à faire estampiller son passeport au bureau de l’immigration.

[7] Finalement, en mars 2020, sa mère s’était rétablie et il a réussi à faire estampiller son passeport, alors il était prêt à revenir au Canada, mais c’est précisément à ce moment que la pandémie de COVID-19 a frappé et le transport aérien a été paralysé.

[8] L’appelant affirme avoir été pris en Inde pendant des années, car il n’est pas revenu au Canada avant septembre 2022.

[9] Je dois décider si l’appelant était disponible pour travailler pendant qu’il était à l’étranger et s’il peut recevoir des prestations pour la période pendant laquelle il était à l’étranger.

Questions en litige

[10] L’appelant est-il disponible pour travailler?

[11] L’appelant peut-il recevoir des prestations pour la période où il était à l’étranger?

Analyse

L’appelant est-il disponible pour travailler?

[12] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelant est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 1 :

  1. a) Il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  2. b) Il fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire, excessivement) ses chances de retourner travailler.

[13] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduiteNote de bas de page 2 de l’appelant pendant toute la période d’inadmissibilité (à partir du 28 septembre 2020)Note de bas de page 3.

Vouloir retourner travailler

[14] L’appelant a démontré qu’il souhaite retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui est offert.

[15] L’appelant affirme que non seulement il voulait travailler, mais il devait travailler. Il n’avait jamais prévu de s’absenter du Canada pendant si longtemps, alors il avait encore son loyer et des factures à payer au Canada, même s’il était pris en Inde. Il devait aussi épargner pour son prochain trimestre universitaire, et il avait besoin d’argent pour prendre soin de lui-même pendant qu’il était en Inde.

[16] Ce besoin et ce désir de travailler n’ont pas disparu lorsqu’il est revenu au Canada, car il avait encore besoin d’argent pour ses études universitaires et pour subvenir à ses besoins.

[17] La Commission est d’accord avec l’appelant. Elle dit qu’il avait le désir de travailler, car il lui a dit qu’il cherchait du travail à distance en ligne.

[18] J’admets que l’appelant veut travailler, car aucune partie ne le conteste. Je peux aussi facilement croire que l’appelant devait travailler en raison des circonstances épouvantables qui l’ont soudainement forcé à devoir payer ses frais de subsistance dans deux pays en même temps.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[19] L’appelant fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[20] La Commission affirme que même si l’appelant lui a dit qu’il postulait pour deux ou trois emplois par mois pendant qu’il était en Inde, il n’a pas été en mesure de fournir des documents de recherche d’emploi, donc il ne peut pas prouver son désir de retourner sur le marché du travail.

[21] L’appelant affirme qu’il cherchait du travail pendant qu’il était pris en Inde et à son retour au Canada. Il dit avoir trouvé un emploi à son retour au Canada et que cet emploi a commencé la première semaine d’octobre 2022.

[22] L’appelant affirme que lorsqu’il était en Inde, il cherchait du travail au Canada, et non en Inde. Il n’a pas cherché de travail sur place parce qu’il ne voulait pas rester en Inde pendant une longue période. Il voulait revenir au Canada.

[23] Il dit qu’il consultait des portails d’emploi en ligne pour tout type de travail qu’il pouvait faire à distance. L’appelant affirme qu’il cherchait désespérément du travail, alors il aurait accepté n’importe quel type de travail à distance.

[24] J’ai demandé à l’appelant de clarifier sa déclaration à la Commission selon laquelle il ne cherchait pas de travail pendant qu’il se trouvait en IndeNote de bas de page 4. L’appelant affirme que l’employée de la Commission a dû mal le comprendre. Il affirme qu’elle ne l’a pas laissé expliquer correctement ses réponses à ses questions, et qu’elle lui disait simplement de répondre par « oui » ou par « non ».

[25] Il dit qu’on lui avait parlé de travail en personne et qu’on lui avait demandé s’il pouvait revenir au Canada. Il affirme avoir répondu à l’employée de la Commission qu’il ne cherchait pas de travail en personne, car il ne pouvait pas revenir au Canada. Elle a donc dû mal comprendre ce qu’il voulait dire et présumer qu’il ne cherchait pas du tout de travail.

[26] J’estime que l’explication de l’appelant concernant la raison pour laquelle les notes de la Commission indiquent qu’il a dit qu’il ne cherchait pas de travail est crédible.

[27] Les notes de l’employée de la Commission sont très courtes (seulement trois phrases) alors je trouve plausible l’explication de l’appelant selon laquelle l’employée de la Commission ne lui avait pas permis de répondre aux questions en détail et qu’elle s’était peut-être embrouillée.

[28] Je juge également crédible son témoignage selon lequel il cherchait du travail pendant qu’il était en Inde.

[29] J’admets que l’appelant n’avait pas l’intention d’être en Inde à long terme et qu’il s’attendait à revenir au Canada, alors il aurait tout de même des frais de subsistance au Canada, comme des frais de loyer et des factures de services publics. Je reconnais aussi que, comme il était pris en Inde, il a soudainement eu des frais de subsistance dans ce pays également. J’estime que cela encouragerait fortement l’appelant à chercher du travail, et j’accepte la déclaration selon laquelle il était motivé à chercher du travail pour ces raisons.

[30] De plus, je remarque que la Commission semble reconnaître que l’appelant a cherché du travail en Inde, car elle accepte sa déclaration selon laquelle il cherchait du travail à distance et elle dit que cette déclaration prouve son désir de travaillerNote de bas de page 5. Il semble que son problème principal était qu’il ne pouvait pas fournir de dossier de recherche d’emploi.

[31] Il est vrai que l’appelant n’a pas fourni de dossier de ses démarches de recherche d’emploi, mais je juge que cela n’est pas fatal à son argument selon lequel il faisait des démarches importantes pour trouver du travail. J’estime qu’en raison du fait qu’il s’est soudainement retrouvé pris en Inde, de ses difficultés à trouver un moyen de revenir au Canada en avion, de sa difficulté à ravoir son passeport et à le faire estampiller, et de ses efforts auprès de l’immigration pour essayer de faire renouveler son visa et son permis d’études, il n’est pas déraisonnable qu’il n’ait pas conservé des notes détaillées sur sa recherche d’emploi.

[32] J’estime donc que les démarches de recherche d’emploi en ligne, d’évaluation des possibilités d’emploi trouvées et d’envoi de curriculum vitae de l’appelant étaient toutes suffisantes pour trouver du travail. J’estime également que ces démarches se sont poursuivies après son retour au Canada et qu’elles sont demeurées suffisantes pour trouver du travail après son retour au Canada, car elles lui ont permis d’obtenir un emploi peu de temps après son retour au pays.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[33] L’appelant n’était pas disponible pour travailler du 28 septembre 2020 au 13 septembre 2022 parce qu’il n’avait pas de permis valide lui permettant de travailler ou de statut implicite. Cependant, à partir du 14 septembre 2022, il n’avait aucune condition personnelle qui limiterait excessivement ses chances de retourner sur le marché du travail.

[34] La Commission affirme que l’appelant n’avait pas de permis d’études ou de travail actif ni de statut implicite qui lui aurait permis de travailler au Canada pour la période du 28 septembre 2020 au 14 septembre 2022.

[35] La Commission fait valoir que, de plus, si l’appelant avait un statut implicite, ce serait avec les mêmes restrictions sur son dernier permis d’études, qui a expiré le 31 juillet 2020. Ce permis ne permettait pas à l’appelant de travailler hors campus. Comme il était pris en Inde, il ne pouvait pas travailler sur le campus, alors il n’aurait pas été en mesure d’accepter un emploi offert par un employeur canadien.

[36] Enfin, la Commission fait valoir que, en ignorant tout ce qui précède, l’appelant ne cherchait que des emplois à distance qu’il pouvait occuper en Inde et limitait trop ses chances de retourner sur le marché du travail.

[37] L’appelant affirme que son permis d’études a bel et bien expiré le 31 juillet 2020, mais qu’il ne pouvait rien y faire en raison des confinements liés à la pandémie de COVID-19.

[38] L’appelant dit qu’en Inde, un tiers travaille avec le service d’immigration du Canada pour traiter les demandes et les documents d’immigration. Pendant une longue période pendant la COVID-19, les bureaux du tiers étaient fermés. Il n’était pas possible de prendre des rendez-vous en personne ou en ligne.

[39] Lorsque leurs bureaux ont finalement rouvert, l’appelant a immédiatement demandé une prolongation de son permis. Toutefois, en raison de l’arriéré, il a fallu environ 10 mois pour que sa demande soit traitée. L’appelant affirme qu’il n’a pas obtenu son véritable permis avant de revenir au Canada le 14 septembre 2022, car les permis ne sont jamais envoyés par la poste à moins que l’on ne réside au Canada.

[40] L’appelant affirme que dès qu’il a présenté sa demande de prolongation le 3 juillet 2021, il avait un statut implicite, de sorte qu’il n’y aurait aucun problème à ce qu’il accepte un emploi offert par un employeur canadien.

[41] L’appelant explique que la raison pour laquelle il cherchait un travail à distance était que c’était le seul type de travail qu’il pouvait faire, puisqu’il ne pouvait pas revenir au Canada et que tout était bloqué pendant si longtemps en raison des restrictions liées à la COVID-19.

[42] Je considère que pour la période du 1er août 2020 (soit après l’expiration du permis d’études de l’appelantNote de bas de page 6) au 2 juillet 2021Note de bas de page 7, soit avant la présentation de sa demande à Immigration Canada, il n’avait pas de permis d’études ou de travail valide et aucun statut implicite. Cela signifie qu’il n’aurait pas pu accepter un emploi offert par un employeur au Canada.

[43] Je conclus également que l’appelant ne m’a pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, il avait un statut implicite, c’est-à-dire qu’il pouvait accepter un emploi au Canada, dès qu’il a présenté sa demande à Immigration Canada le 3 juillet 2021Note de bas de page 8. Rien dans le document qu’il a reçu d’Immigration Canada ne laisse croire qu’il a un statut quelconque ou qu’il pouvait travailler ou étudier au Canada simplement parce qu’il avait présenté une demande.

[44] Je considère que tant que l’appelant n’a pas obtenu un nouveau permis d’études le 14 septembre 2022Note de bas de page 9, il n’était pas en mesure d’accepter un emploi d’un employeur canadien.

[45] Je remarque que la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a déclaré qu’il est important de vérifier si les restrictions à la disponibilité d’une personne sont imposées par elle ou si elles échappent à son contrôleNote de bas de page 10.

[46] Toutefois, dans le cas de l’appelant, il ne s’agit pas simplement d’une restriction à sa disponibilité, de sorte qu’elle est quelque peu réduite, mais plutôt d’une incapacité totale de travailler, puisqu’il n’avait pas de permis ou de statut implicite. Comme la Cour l’a déclaré, si une personne n’est pas du tout disponible pour travailler, les raisons pour lesquelles elle ne l’est pas ne sont pas pertinentesNote de bas de page 11.

[47] Comme l’appelant n’était pas du tout disponible pour travailler au cours de la période du 28 septembre 2020 au 13 septembre 2022, le fait que les raisons pour lesquelles il n’était pas du tout disponible étaient indépendantes de sa volonté n’est pas pertinent et ne peut pas l’empêcher d’être déclaré non disponible pour cette période.

[48] Cependant, à partir du 14 septembre 2022, je conclus que l’appelant n’avait aucune restriction personnelle qui aurait limité de façon excessive ses chances de retourner sur le marché du travail. Il avait un permis d’études valide à ce moment-là, ce qui lui permettait de travailler, et il a la preuve qu’il a continué à renouveler ce permis sans tarderNote de bas de page 12.

[49] De plus, il a trouvé un emploi à partir du début du mois d’octobre 2022. Le fait qu’il ait trouvé du travail si rapidement après son retour au Canada confirme qu’il n’avait aucune condition personnelle qui limiterait trop ses chances de retourner sur le marché du travail à partir du 14 septembre 2022.

[50] L’appelant est-il donc disponible pour travailler?

[51] L’appelant a prouvé qu’il est disponible pour travailler, mais seulement à partir du 14 septembre 2022. Auparavant, il ne répond pas aux trois critères énoncés ci-dessus.

Prestations pendant un séjour à l’étranger

[52] L’appelant ne peut pas recevoir de prestations pendant qu’il était à l’étranger. Il y a certaines raisons qui permettent le versement de prestations à l’étranger, mais aucune d’entre elles n’est présente dans la situation de l’appelant.

[53] En général, une personne n’est pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période où elle se trouve à l’étrangerNote de bas de page 13, bien qu’il existe certaines exceptions à cette règle, comme si elle se trouve à l’étranger pour rendre visite à un membre de sa famille qui est gravement malade, pour assister aux funérailles d’un membre de sa famille immédiate, pour chercher du travail ou pour prendre part à un entretien d’embaucheNote de bas de page 14.

[54] La Commission affirme que l’appelant ne peut pas recevoir de prestations pour la période du 28 septembre 2020 au 14 septembre 2022, parce qu’il était à l’étranger et que la raison pour laquelle il était à l’étranger ne fait pas partie des exceptions prévues par la loi.

[55] La Commission affirme que même si la raison initiale pour laquelle l’appelant a quitté le Canada en décembre 2019 était de rendre visite à sa mère qui était malade, sa mère s’était complètement rétablie bien avant la période d’inadmissibilité. Selon la Commission, cela signifie que l’appelant ne peut pas recevoir de prestations pendant qu’il était à l’étranger, car la raison pour laquelle il était à l’étranger pendant la période d’inadmissibilité n’était pas de prendre soin de sa mère.

[56] Je conclus que l’appelant ne peut pas recevoir de prestations pour la période où il était à l’étranger, car aucune des exceptions prévues par la loi ne s’applique à lui.

[57] Bien que l’appelant ait d’abord quitté son emploi en décembre 2019 pour s’occuper de sa mère, il affirme qu’elle s’est complètement rétablie en quelques mois avant que la COVID-19 ne frappe l’Inde. Il devait revenir au Canada en mars 2020, et s’il n’y avait pas eu la COVID-19, c’est ce qu’il aurait fait.

[58] J’estime que cela démontre que pour la période d’inadmissibilité du 28 septembre 2020 au 14 septembre 2022, l’appelant était à l’étranger seulement en raison des confinements liés à la COVID-19, ce qui n’est pas une raison qui permet de verser des prestations à l’appelant pendant qu’il était à l’étranger.

[59] Toutefois, je modifie la période d’inadmissibilité pour qu’elle prenne fin le 13 septembre 2022, car l’estampille sur le visa de l’appelant datée du 14 septembre 2022 montre qu’il était de retour au Canada à cette dateNote de bas de page 15.

Conclusion

[60] L’appel est rejeté avec des modifications.

[61] L’appelant a prouvé qu’il était disponible pour travailler, mais seulement à partir du 14 septembre 2022. Avant cette date, il est inadmissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible.

[62] L’appelant est également inadmissible pour la période où il était à l’étranger, mais je modifie la période d’inadmissibilité pour qu’elle prenne fin le 13 septembre 2022, parce que l’appelant était de retour au Canada au plus tard le 14 septembre 2022.

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