Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 159

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision 551328 datée du 25 novembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Angela Ryan Bourgeois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 20 février 2024
Numéro de dossier : GE-23-3355

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice (ni inadmissible au bénéfice) des prestations régulières d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le présent appel porte sur la question de savoir si l’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification.

[4] L’appelant travaillait comme ouvrier agricole au Canada dans le cadre du programme des travailleurs étrangers. De 2019 à 2022, il a effectué un travail agricole saisonnier d’avril à novembre, passant d’une ferme à l’autre. Il est retourné dans son pays d’origine pendant les mois où il ne travaillait pas.

[5] La saison de 2022 a débuté comme les autres. En avril 2022, il vivait au Canada dans un pavillon-dortoir à la ferme de son employeur, mais il n’avait pas encore commencé à travailler. En parlant au personnel de Service Canada, il a appris qu’il pouvait demander des prestations d’assurance-emploi. Il a donc présenté une demande et a établi une période de prestations à compter du 24 avril 2022. Il a dit à ses collègues qu’ils pouvaient aussi présenter une demande.

[6] L’appelant a présenté une nouvelle demande de prestations (demande renouvelée) le 4 juillet 2022, après la fin de son emploi le 28 juin 2022.

[7] Au départ, la Commission a décidé que l’appelant pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle a changé d’avis après que l’employeur lui a demandé de réviser sa décision. Après avoir révisé sa décision, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations à l’appelant parce qu’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

[8] La division générale du Tribunal a convenu que l’appelant n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. L’appelant a porté la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Celle-ci a décidé que la division générale avait commis des erreurs de droit et lui a renvoyé l’affaire pour réexamen.

[9] Je dois donc décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi et, dans l’affirmative, s’il était fondé à le faire. Le fait d’être fondé signifie que le départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

Questions en litige

[10] Je dois répondre aux questions suivantes :

  1. a) L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?
  2. b) Si oui, était-il fondé à le faire? Autrement dit, son départ était-il la seule solution raisonnable dans son cas?
  3. c) S’il n’était pas fondé à quitter son emploi, l’a-t-il fait dans les trois semaines suivant la date où son emploi devait prendre fin?

Analyse

L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

[11] Non. Je conclus que l’appelant a cessé de travailler quand son emploi a pris fin.

Ce que signifie quitter volontairement un emploi

[12] La loi prévoit que lorsque je décide si l’appelant a quitté volontairement son emploi, je dois évaluer s’il avait le choix de rester ou de le quitterNote de bas de page 1. S’il avait le choix de rester et qu’il ne l’a pas fait, il a quitté volontairement son emploi.

[13] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

L’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi

[14] L’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi parce qu’il n’avait pas le choix de rester. Son emploi a pris fin le 28 juin 2022, lorsque l’employeur a retiré son quart de travail. Comme je l’explique ci-dessous, j’ai tenu compte du contrat, du travail de l’appelant ainsi que des déclarations et des actions de l’appelant et de l’employeur.

Le contrat

[15] Le contrat de l’appelant a pris fin le 11 juillet 2022. Cependant, cela ne signifie pas que l’employeur avait du travail pour l’appelant jusqu’à cette date ni que son emploi n’a pas pris fin le 28 juin 2022. En effet, l’employeur a seulement payé les heures que l’appelant a travaillées. Ainsi, l’appelant était sous contrat lorsqu’il est arrivé à la ferme pour la première fois en avril 2022, mais comme il y avait peu de travail jusqu’à la deuxième semaine de mai, il n’a pas été payéNote de bas de page 2.

Ce que l’appelant a fait pour l’employeur

[16] Le travail de l’appelant était de surveiller la balance dans la grange. C’est un travail qui se fait à deux et il n’y a qu’une seule balance. Pendant la haute saison, il y avait deux quarts de travail, donc quatre personnes faisaient ce travail particulier. Après le 28 juin 2022, l’employeur n’a inscrit qu’un seul quart de travail à l’horaire, soit celui que l’appelant ne travaillait pas.

[17] Quand l’employeur a réduit le poste de l’appelant à un quart de travail par jour, l’appelant a dit qu’il savait que son emploi était terminé. Il a donc cessé de se rendre à la grange pour travailler. Il a été informé du changement par un autre employé.

Ce qui est arrivé selon eux

[18] L’appelant affirme que l’employeur lui a dit qu’il n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi. L’employeur était fâché contre l’appelant parce qu’il a demandé des prestations et a dit à d’autres collègues qu’ils étaient admissibles.

[19] L’appelant affirme que l’employeur n’a pas aimé que Service Canada contacte son bureau et pose des questions. L’appelant a expliqué que même si l’employeur paie toutes les heures travaillées, il ne les paie pas toujours pour la bonne période de paie. L’employeur retient la paie pour les heures supplémentaires travaillées pendant la haute saison et la verse plus tard vers la fin de la saison, lorsque c’est moins occupéNote de bas de page 3. Pour cette raison, l’employeur ne voulait pas que Service Canada examine ses activités.

[20] L’appelant affirme que même s’il s’entendait bien avec l’employeur au cours des années précédentes, après que ce dernier a appris qu’il avait demandé des prestations et expliqué aux autres comment le faire, l’employeur a commencé à l’appeler le [traduction] « futé ». L’employeur parlait à d’autres personnes là où l’appelant pouvait l’entendre et disait des choses comme [traduction] « l’appelant ne travaillera plus ici » et qu’il [traduction] « était impatient que l’appelant cesse de travailler »Note de bas de page 4. L’appelant affirme que lorsque l’employeur entrait dans la grange où il travaillait, il le saluait, mais l’employeur ne lui répondait pas. Il affirme que l’employeur lui a dit qu’il était libre d’arrêter de travailler n’importe quand et qu’il ne l’aiderait pas à trouver un autre emploi agricole.

[21] L’appelant a déclaré qu’autour du 24 juin 2022, l’employeur a demandé à un autre employé d’aller voir l’appelant travailler afin qu’il puisse apprendre ce travail pour la prochaine saison. L’autre employé a dit à l’appelant que l’employeur le libérait de ses fonctions (autrement dit, il l’a libéré de son contrat).

[22] À la connaissance de l’appelant, aucun de ses collègues ayant demandé des prestations d’assurance-emploi n’a été réembauché en 2023.

[23] L’employeur a nié à la Commission avoir dit à l’appelant qu’il ne serait pas réembauché l’année suivante.

[24] L’employeur a déclaré à la Commission que le quart de soir de l’appelant avait été annulé le 28 juin 2022 parce que la saison s’achevait. Cependant, il s’attendait à ce que l’appelant se présente pour le quart de 6 hNote de bas de page 5. L’employeur a déclaré à la Commission que l’appelant a cessé de travailler parce qu’il n’en avait plus l’envieNote de bas de page 6. L’employeur affirme que quelques jours ont passé sans que personne s’aperçoive que l’appelant ne travaillait plusNote de bas de page 7.

[25] J’estime que les déclarations de l’employeur ne sont ni fiables ni crédibles.

[26] Premièrement, le relevé d’emploi de l’appelant préparé par l’employeur ne reflète pas ce que celui-ci a dit à la Commission. Il a déclaré à la Commission que l’appelant n’a pas eu beaucoup de travail avant le 9 mai 2022. Cependant, son relevé d’emploi indique qu’il a travaillé plus d’heures au cours des deux premières périodes de paie à partir du 22 avril 2022 qu’au cours des semaines 3, 4, 5, 6, 8, 9 et 10Note de bas de page 8. Les feuilles de présence fournies par l’employeur laissent croire que l’appelant a commencé à travailler seulement le 9 mai 2022Note de bas de page 9. Si c’était vrai, l’appelant aurait travaillé après le 28 juin 2022 selon le nombre de périodes de paie sur le relevé d’emploi, ce qui n’est pas arrivé. Ainsi, les déclarations de l’employeur et son relevé d’emploi ne peuvent pas être vrais tous les deux. C’est la principale raison pour laquelle je juge que les déclarations de l’employeur ne sont pas fiables.

[27] Deuxièmement, je ne crois pas que l’appelant aurait pu s’absenter du travail sans que l’employeur s’en aperçoive, comme il le prétend. Voici pourquoi :

  • Il n’est pas raisonnable de penser que l’absence de la moitié d’une équipe de deux personnes au travail passerait inaperçue pendant une heure, encore moins pendant des jours comme l’employeur le prétend. L’appelant travaillait dans la grange et non dans le champ, alors s’il devait travailler et ne s’était pas présenté, rien n’aurait été pesé et entreposé. Comme je l’ai dit, cela n’aurait pas pu passer inaperçu pendant des jours.
  • Si l’employeur avait prévu que l’appelant travaille, son superviseur aurait pris quelques minutes pour marcher de la grange à son pavillon-dortoir et lui aurait demandé pourquoi il ne travaillait pas. Le superviseur de l’appelant habitait dans un pavillon-dortoir à côté de celui de l’appelant et ils étaient près de la grange. Donc, le fait que l’employeur ne savait pas que l’appelant n’était pas au travail n’est pas crédible.
  • Même si l’employeur avait prévu que l’appelant travaille dans le champ après le 28 juin 2022, il est toujours peu probable que son absence soit passée inaperçue pendant des jours. Son superviseur aurait tout au moins remarqué qu’il était encore au pavillon-dortoir et qu’il ne travaillait pas.

[28] J’estime que l’employeur a attendu quelques jours avant de signaler l’absence de l’appelant dans l’espoir qu’il ne soit pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. Cette façon d’agir correspond à l’animosité qu’il a témoignée à l’égard de l’appelant après avoir appris que celui-ci avait présenté une demande de prestations. Le fait que l’employeur a demandé à la Commission de réviser sa décision de verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelant démontre aussi qu’il était contre le fait que l’appelant en reçoive.

[29] Lorsque l’appelant a présenté sa demande de renouvellement, il a déclaré avoir cessé de travailler en raison d’un manque de travail. J’estime que cela démontre que l’appelant croyait que son emploi avait tout simplement pris fin jusqu’à ce que la Commission commence à examiner les raisons de son départ.

[30] La Commission affirme que l’appelant a admis à l’agente de liaison jamaïcaine qu’il savait qu’il devait travailler, mais qu’il a cessé de se présenter parce qu’il s’attendait à commencer un autre emploiNote de bas de page 10. L’appelant le nie. Il dit qu’il a convenu avoir rompu le contrat parce qu’il voulait simplement en finir.

[31] Je préfère la déclaration initiale de l’appelant à la Commission, selon laquelle il a cessé de travailler en raison d’un manque de travail, à ce que la Commission affirme être la déclaration de l’agente de liaison jamaïcaine.

[32] La déclaration originale de l’appelant à la Commission concorde avec son témoignage.

[33] Dans ces circonstances, je juge peu probable que l’appelant ait délibérément cessé de se présenter pour un travail à horaire fixe. Il dépendait de l’employeur pour le conduire chez son prochain employeur, pour le transport vers l’épicerie et pour son logement, qui était sur le lieu de travail.

[34] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, l’explication de l’appelant sur ce qui s’est passé est plus probable que la version de l’employeur.

[35] Je conclus donc que l’emploi de l’appelant a pris fin le 28 juin 2022. Comme l’appelant n’avait pas le choix de continuer à travailler, il n’a pas quitté volontairement son emploi. Par conséquent, il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[36] Cela dit, je vais quand même vérifier si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

L’appelant était-il fondé à quitter son emploi?

Ce que signifie être fondé à quitter son emploi

[37] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 11. Il ne lui suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’elle était fondée à le faire.

[38] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 12.

[39] C’est à l’appelant de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ était la seule solution raisonnableNote de bas de page 13.

[40] Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi énonce certaines circonstances que je dois examinerNote de bas de page 14.

[41] Après avoir décidé quelles circonstances s’appliquent à l’appelant, je dois examiner s’il a démontré que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 15.

Ce qu’il est aussi arrivé

[42] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelant affirme que depuis que l’employeur a appris qu’il avait demandé des prestations d’assurance-emploi et expliqué aux autres comment le faire, l’employeur se comportait différemment avec lui. Plus précisément, l’employeur a :

  • ignoré l’appelant quand il le saluait;
  • dit devant les autres que l’appelant était un futé, qu’il n’allait pas le réembaucher et qu’il serait heureux quand l’appelant aurait terminé.

[43] L’employeur a appelé le bureau de liaison jamaïcain et a déclaré que l’appelant avait rompu son contrat.

[44] L’employeur a également demandé à la Commission de réviser sa décision de verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelant. Dans sa demande de révision, l’employeur a prétendu que l’appelant restait en Ontario illégalementNote de bas de page 16.

[45] L’appelant affirme que lorsqu’il a parlé au bureau de liaison jamaïcain, il a convenu qu’il avait rompu le contrat parce que le bureau prend toujours le parti de l’employeurNote de bas de page 17. Il affirme que le fait que l’agente ne l’a pas rappelé, mais qu’elle a rapidement répondu à l’employeur en est la preuveNote de bas de page 18. Il dit que la seule chose que l’agente de liaison voulait lui demander était quand il voulait quitter le Canada.

[46] L’appelant croit que l’employeur s’est mêlé de son prochain emploi agricole.

[47] L’employeur a déclaré à la Commission qu’il était contrarié du fait que l’appelant ait demandé des lettres à son personnel pour ses prestations et qu’il l’évitait. Il a nié avoir dit que l’appelant ne serait pas réembauché et lui en vouloir pour sa demande de prestationsNote de bas de page 19.

Les circonstances particulières dont je dois tenir compte

[48] Selon la preuve au dossier, je dois examiner certaines des circonstances énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploi, y compris la question de savoir s’il y a eu des relations conflictuelles et du harcèlementNote de bas de page 20.

[49] Premièrement, je conclus qu’il y avait une relation conflictuelle avec un superviseur dont l’appelant n’était pas le principal responsableNote de bas de page 21.

[50] J’accepte ce que l’appelant m’a dit au sujet de la façon dont l’employeur l’a traité. Comme expliqué ci-dessus, les déclarations de l’employeur ne sont pas crédibles. Je crois que le mauvais traitement de l’employeur envers l’appelant visait à dissuader les autres de demander des prestations que l’employeur croit qu’ils ne méritent pas. Il n’y a aucune preuve convaincante que l’appelant était responsable de la façon dont l’employeur l’a traité.

[51] Deuxièmement, j’estime que les actions de l’employeur constituent également du harcèlement. Son comportement verbal visait à humilier l’appelant. Celui-ci a persisté du moment où l’employeur a appris que l’appelant avait demandé des prestations d’assurance-emploi jusqu’à ce qu’il cesse de travailler.

[52] Troisièmement, je me suis également demandé si les pratiques de l’employeur pouvaient être contraires à la loiNote de bas de page 22. L’employeur n’a pas payé l’appelant pour son travail au cours des bonnes périodes de paie et l’appelant travaillait normalement sept jours par semaineNote de bas de page 23. Mais l’appelant n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les pratiques de l’employeur sont contraires à la loi et n’a pas précisé quelle loi elles enfreignent.

[53] Enfin, la Commission affirme que l’appelant n’avait pas l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiatNote de bas de page 24. L’appelant n’a pas contesté ce fait et je ne vois aucune preuve du contraire.

L’appelant n’avait aucune autre solution raisonnable

[54] Je dois maintenant vérifier si le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable dans son cas.

[55] Je considère que l’appelant n’avait pas d’autre solution raisonnable que de partir en raison du traitement que l’employeur lui a fait subir. Il n’aurait pas pu continuer à travailler pour l’employeur étant donné la persistance des commentaires et du traitement. Le mauvais traitement nuisait à sa santé mentale et était exacerbé par le fait que l’appelant vivait sur son lieu de travail. Il n’a pas eu de répit parce qu’il vivait avec ceux qui entendaient les paroles de l’employeur et qui ont été témoins du traitement hostile et harcelant qu’il a subi. Autrement dit, le fait de rester jusqu’à ce qu’il ait un autre emploi n’était pas une solution raisonnable.

[56] La Commission affirme que l’appelant aurait pu signaler la situation au bureau de liaison jamaïcainNote de bas de page 25.

[57] Parler au bureau de liaison jamaïcain n’aurait pas aidé l’appelant. J’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel malgré les frais qu’il a payés au bureau, celui-ci prend souvent le parti de l’employeur parce que s’il ne le faisait pas, l’employeur ferait appel à une autre agence pour l’aider à trouver des travailleurs. L’agente ne le rappelait pas et lorsqu’elle lui a parlé à la demande de l’employeur, elle ne lui a pas demandé sa version des faits. Elle ne lui a pas permis d’expliquer que cette photo de lui aux chutes Niagara qu’elle croyait avoir été prise pendant qu’il devait travailler l’avait plutôt été l’année précédente. Il est donc probable que l’agente ne s’intéressait pas à ce que l’appelant avait à dire avant la fin de son emploi.

[58] La Commission affirme que puisque l’agente de liaison jamaïcaine ne le rappelait pas, l’appelant aurait pu se rendre au bureau de liaison en personne. Ce n’est pas une solution raisonnable parce que l’appelant n’avait aucun moyen réaliste de s’y rendre. L’appelant vivait et travaillait à la campagne, à environ deux heures de voiture du bureau. À la connaissance de l’appelant, il n’y avait pas de transport en commun à cet endroit. Il dépendait de son employeur pour tous ses besoins de transport, y compris ses courses et son déplacement vers son prochain employeur. De plus, il travaillait sept jours par semaine la majorité du temps. L’idée qu’il aurait pu se rendre au bureau est irréaliste, alors ce n’était pas une solution raisonnable.

[59] Comme l’appelant n’avait pas d’autre solution raisonnable, il était fondé à quitter son emploi.

Quitter un emploi trois semaines avant sa fin

[60] La division d’appel voulait que je vérifie si l’appelant aurait été inadmissible aux prestations d’assurance-emploi seulement jusqu’à ce que son contrat expire.

[61] Malgré sa décision de révision, la Commission croit maintenant que l’appelant ne devrait pas être « exclu » du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, mais qu’il devrait être « inadmissible » seulement du 28 juin au 11 juillet 2022.

[62] En effet, la Loi prévoit que les prestataires qui quittent volontairement leur emploi sans justification dans les trois semaines précédant la fin de leur période d’emploi ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, mais ce seulement jusqu’à la fin prévue de leur emploiNote de bas de page 26.

[63] Comme je l’ai expliqué plus haut, l’appelant aurait été fondé à quitter son emploi s’il n’avait pas déjà pris fin.

[64] Cependant, s’il n’avait pas été fondé à le quitter, je suis d’accord avec la Commission pour dire que son emploi aurait autrement pris fin le 11 juillet 2022, soit dans les trois semaines suivant la date à laquelle il a cessé de travailler. L’appelant convient que c’est à cette date que son contrat devait expirerNote de bas de page 27. Par conséquent, s’il n’avait pas eu de justification, il aurait été inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 28 juin au 11 juillet 2022.

Conclusion

[65] L’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations parce qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi.

[66] L’appel est accueilli.

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