Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1664

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : D. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (551328) datée du 25 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 juin 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 8 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-3

Sur cette page

Décision

[1] D. M. est l’appelant. Je rejette son appel.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi de le faire) au moment où il l’a fait. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pour cette raison.

Aperçu

[3] L’appelant a établi une demande de prestations d’assurance-emploi prenant effet le 24 avril 2022. Il travaillait à la ferme dans le cadre du programme des travailleurs étrangers. Après avoir cessé de travailler le 28 juin 2022, il a présenté une demande de renouvellement de sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles l’appelant a cessé de travailler, mais elle n’a pas été en mesure de communiquer avec l’employeur. La Commission a donc d’abord déterminé que l’appelant était fondé à quitter son emploi. Il a commencé à recevoir des prestations d’assurance-emploi.   

[5] L’employeur a présenté une demande de révision. La Commission a examiné les raisons pour lesquelles l’appelant a quitté son emploi. La Commission a modifié sa décision, affirmant qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. La Commission a décidé que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi. Cette décision a donné lieu à un versement excédentaire de prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelant est en désaccord avec la Commission. Il fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions que je dois examiner en premier

Mis en cause éventuel

[7] Le Tribunal envoie parfois à l’ancien employeur d’un appelant une lettre lui demandant s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause au présent appel. En effet, rien dans le dossier n’indique que cette décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

Questions en litige

[8] L’appelant a-t-il quitté son emploi volontairement?

[9] Dans l’affirmative, était-il fondé à quitter son emploi?

Analyse

Départ volontaire

[10] Je conclus qu’aux fins des prestations d’assurance-emploi, l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[11] Les parties conviennent que l’appelant a simplement cessé d’aller travailler avant la fin de la saison. J’admets donc le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

Justification

[12] Les parties ne conviennent pas que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[13] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que l’appelant était fondé à le faire.

[14] La loi explique ce qu’elle entend par « est fondée à » (justification). Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[15] Il appartient à l’appelant de prouver qu’il était fondé à quitter son emploi Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2.

[16] Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient au moment où il a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 3.

[17] Une fois que j’aurai établi les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 4.

Les circonstances qui existaient lorsque l’appelant a démissionné

[18] Je reconnais que les déclarations de l’appelant au sujet des événements qui l’ont mené à arrêter de travailler ont continué de changer. Les documents au dossier révèlent ce qui suit :

  • L’appelant a choisi le manque de travail lorsqu’il a présenté une demande de renouvellement de sa demande de prestations d’assurance-emploi.
  • Plusieurs semaines plus tard, il a dit à la Commission qu’il avait cessé de travailler parce que son employeur avait commencé à exercer des représailles contre lui parce qu’il avait demandé des prestations d’assurance-emploi.
  • Il affirme que l’employeur a réduit ses heures de travail.
  • L’appelant a dit à la Commission qu’il avait tenté de parler à l’employeur, mais celui-ci n’a fourni aucune explication de ses actions.
  • Il affirme que l’employeur l’appelait l’« intelligent », lui a fait une mimique et lui a dit qu’il ne serait pas embauché l’an prochain.
  • Il a dit à la Commission qu’il avait tenté d’appeler l’agente de liaison pour les travailleurs étrangers, mais qu’elle ne l’avait pas rappelé.
  • Il a supposé qu’il pourrait cesser de travailler après s’être fait dire qu’il serait muté.  
  • Il a décidé qu’il pourrait avoir des « journées tampons » avant de commencer son nouveau mandat à l’autre ferme.
  • Il a confirmé que les documents finaux n’avaient pas été remplis pour sa mutation. On ne lui a pas donné de date de début pour passer à la nouvelle ferme.
  • Il admet qu’on lui a parlé du changement de quart où il devait cesser de travailler de nuit à 12 h le 28 juin 2022 et se présenter au travail à 6 h le lendemain.
  • On ne lui a jamais refusé de quarts de travail et on ne l’a jamais renvoyé chez lui. Il estimait simplement qu’il n’y avait pas assez de travail pour lui.

[19] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il avait travaillé pour cet employeur en 2019, 2020, 2021 et 2022. Il connaissait donc le processus de mutation. Au cours des années précédentes, cet employeur l’avait muté pour qu’il travaille dans d’autres fermes. Le processus de mutation consistait à continuer de travailler jusqu’à ce que quelqu’un vienne lui dire qu’il était muté. Il affirme qu’on lui a habituellement donné un préavis d’une journée. Il aurait donc un jour de congé la veille de son arrivée à l’autre ferme.

[20] L’appelant a déclaré que l’employeur continuait de dire qu’il ne pouvait pas attendre qu’il parte et qu’il ne le reprendrait pas l’an prochain. Il reconnaît que la secrétaire de l’employeur l’a appelé au bureau pour parler au téléphone à un autre agriculteur au sujet d’une mutation. Cela s’est produit vers le début de juin 2022, pendant une semaine où il n’avait pas à travailler tous les jours. Il a accepté d’être muté dans cette ferme, mais la mutation n’a jamais été finalisée avant son départ.

[21] Il a soutenu que l’employeur avait enfreint son contrat en premier lorsque l’employeur a dit qu’il le libérait pour qu’il soit muté. L’employeur a d’abord dit qu’il le muterait, mais il a ensuite commencé à lui dire qu’il était libre de partir et qu’il devait s’occuper de sa propre mutation.

[22] L’appelant a confirmé que lorsqu’il travaillait la nuit du 28 juin 2022, le patron est venu dire au superviseur de dire aux travailleurs de quitter la grange à 12 h (minuit) et de reprendre le travail à 6 h pour le quart de jour. Il trouvait que les gestes du patron étaient irrespectueux.

[23] L’appelant a déclaré qu’il avait dit aux autres travailleurs [traduction] « Je ne reviendrai pas » parce que le patron était impoli. Il ne s’est pas senti respecté lorsque le patron a dit aux travailleurs de quitter la grange à minuit alors que leur quart de travail ne devait se terminer qu’à 5 h. Il n’en a pas discuté avec le superviseur ou le patron.

[24] L’appelant a fait valoir qu’il ne travaille pas bien sous pression. S’il ne se sent pas respecté ou s’il se sent soumis à la pression, il n’est pas concentré et ne peut pas bien travailler. Il n’était pas dans un bon état d’esprit. Il s’inquiétait d’être renvoyé chez lui et il n’avait pas gagné assez d’argent. Il voulait juste passer au prochain emploi. Il affirme qu’il ne pouvait pas continuer à travailler pour cet employeur parce qu’il était traité injustement, ce qui s’est répercuté sur sa santé.

[25] La Commission a pris note que l’employeur avait tenu les propos suivants.

  • L’appelant a simplement cessé de se présenter au travail. Il devait passer du quart de nuit au quart de jour le 29 juin 2022; toutefois, il ne s’est pas présenté au travail.
  • L’employeur a communiqué avec l’agente de liaison pour les travailleurs étrangers pour signaler que l’appelant ne se présentait pas au travail. Son contrat stipule qu’il devait travailler jusqu’au 11 juillet 2022. L’employeur ignorait ce qu’il convenait de faire. Il a donc communiqué avec l’agente de liaison.
  • Les travaux étaient au ralenti en début de saison, mais ils battaient leur plein en mai 2022. L’employeur a nié avoir réduit les quarts de travail de l’appelant ou l’avoir ciblé. L’employeur affirme plutôt avoir subi un bris d’équipement, ce qui a fait perdre à tous les employés certaines journées de travail.
  • L’employeur convient qu’il avait parlé de muter l’appelant. Cette mutation ne s’est cependant pas matérialisée.
  • Il a confirmé que lorsque l’appelant a cessé de se présenter au travail, il était possible qu’il vive encore au dortoir de la ferme.
  • L’appelant n’a pas parlé à l’employeur ni ne lui a fait part de ses préoccupations ou de ses raisons, de sorte qu’il n’avait aucune idée de la raison pour laquelle il avait cessé de travailler.

[26] La Commission a consigné les propos de l’agente de liaison pour les travailleurs étrangers selon lesquels l’appelant ne s’est pas présenté au travail certains jours en particulier. Elle a mentionné qu’il avait choisi de se rendre à une attraction en ville. L’agente de liaison a déclaré que l’appelant lui avait dit qu’il savait qu’il était censé être au travail et qu’il avait admis avoir reçu un message texte au sujet de son quart de travail, mais qu’il avait choisi de ne pas y aller. Elle affirme qu’il n’a fourni aucune défense quant à la raison pour laquelle il n’est pas allé travailler. Il a plutôt dit qu’il n’avait tout simplement pas envie d’aller au travail ou qu’il ne voulait pas travailler. Il a mentionné qu’il croyait être muté pour travailler dans une autre ferme.  

[27] L’appelant a contesté les documents de la Commission. Plus précisément, il a mentionné qu’il n’avait pas dit à la Commission qu’il voulait des jours tampons avant sa mutation. La vidéo de lui lors d’une attraction qui a été publiée sur Tik Tok en juin 2022 a été produite en 2019 et non en 2022. Il n’a pas tenté de discuter avec l’employeur pour régler sa situation parce que l’employeur ne lui parlait pas. Il n’a pas dit à l’agente de liaison ce qui se passait parce qu’elle prenait toujours le parti du patron.

Autres solutions raisonnables

[28] À mon avis, les circonstances présentées par l’appelant, qu’elles soient considérées de façon individuelle ou cumulative, ne constituent pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, l’appelant disposait d’autres solutions raisonnables que de démissionner lorsqu’il l’a fait.

[29] J’admets que l’appelant affirme qu’il n’était pas dans un bon état d’esprit et qu’il ne pouvait pas bien se concentrer ou bien travailler. Dans de tels cas, toutefois, la loi prévoit que pour démontrer qu’il est fondé à quitter son emploi, il doit fournir une preuve médicale selon laquelle il a quitté son emploi en raison d’un problème de santé. Il doit démontrer qu’il a tenté de conclure une entente avec son employeur qui tiendrait compte de tout problème de santé, ce qu’il n’a pas faitNote de bas de page 5.  

[30] S’il ne se sentait pas respecté et s’il se sentait mal à l’aise au point où il n’était pas bien mentalement, il aurait pu raisonnablement, plutôt que de ne pas se présenter au travail, demander de l’aide médicale ou un congé. Il aurait pu également discuter de sa situation et de ses préoccupations avec son superviseur ou dire à l’agente de liaison comment il se sentait lorsqu’elle le lui a demandé.

[31] L’appelant affirme qu’il attendait simplement d’être muté pour travailler à l’autre ferme, ce qui révèle qu’il était toujours apte à travailler. L’appelant aurait donc pu continuer de travailler toutes les heures qui étaient disponibles pour lui jusqu’à ce qu’il soit muté. S’il voulait simplement un autre emploi, il aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce que sa mutation se concrétise, jusqu’à ce qu’il obtienne un autre emploi ou jusqu’au dernier jour de son contrat, afin de ne pas créer sa propre situation de chômage.

[32] Si les circonstances étaient telles que l’appelant se sentait maltraité de quelque façon que ce soit ou harcelé, il aurait pu signaler la situation à un niveau supérieur. Si l’agente de liaison ne l’a pas rappelé, il aurait pu raisonnablement demander de l’aide en appelant Service Canada pour discuter de ses préoccupations. Par ailleurs, il aurait pu demander à parler à l’agente de liaison en privé pour discuter de ses préoccupations lorsqu’il a assisté à la téléconférence avec elle et l’employeur.

[33] Dans l’ensemble, je conclus que, compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment où l’appelant a cessé de travailler, même de façon cumulative, il disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. C’est dire que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi. Il est donc exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

[35] L’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification. C’est donc dire qu’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 26 juin 2022.

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