Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TV c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1659

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : T. V.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (535246) datée du 22 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 12 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 9 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3550

Sur cette page

Décision

[1] T. V. est l’appelant. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. L’appelant interjette appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de l’appelant. Je conclus qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi. En effet, il n’a pas suivi la politique de son employeur sur la prise de pauses. Je conclus qu’il prenait régulièrement de plus longues pauses sans l’autorisation de son employeur. Je crois qu’il devait raisonnablement savoir qu’il pouvait perdre son emploi en agissant ainsi. Ma décision signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait dans un atelier d’usinage. Son employeur a commencé à surveiller la façon dont il prenait ses pauses. Après quelques semaines, l’employeur l’a congédié. Il lui a dit qu’il le congédiait parce qu’il prenait régulièrement des pauses plus longues que celles qu’il était censé prendre. De plus, il ne pointait pas correctement au début et à la fin des pauses qu.il prenait. Selon l’employeur, il s’agissait d’un vol de temps. L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi, mais la Commission a refusé de lui en verser.

[4] La Commission affirme que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. D’après la Commission, il a en effet agi délibérément en prenant des pauses plus longues que ce que son employeur lui permettait. La Commission affirme qu’il devait raisonnablement savoir qu’il pourrait perdre son emploi en agissant ainsi. La Commission soutient donc que l’appelant ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[5] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il a rarement pris de plus longues pauses, et que dans de tels cas, c’est arrivé de façon fortuite. Il affirme que son congédiement constitue une sanction trop sévère de la part de son employeur. Il dit qu’il aurait d’abord dû lui donner un avertissement. Il prétend en outre que tous les autres ont aussi pris des pauses plus longues. L’appelant affirme que son employeur l’a effectivement congédié parce que le superviseur ne l’aimait pas et parce qu’il avait déposé une plainte au sujet de la sécurité.

Questions en litige

[6] Je dois décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour prendre cette décision, je dois examiner plusieurs questions :

  • Pourquoi l’employeur a-t-il congédié l’appelant?
  • L’appelant a-t-il pris des pauses plus longues que les pauses autorisées par son employeur?
  • Les actes de l’appelant étaient-ils une inconduite au sens de la loi?

Analyse

Pourquoi l’employeur a-t-il congédié l’appelant?

[7] Je conclus que l’employeur a congédié l’appelant parce qu’il prenait souvent des pauses plus longues que les pauses autorisées par l’employeur.

[8] L’appelant et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’employeur a congédié l’appelant.

[9] La Commission affirme que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il prenait régulièrement des pauses plus longues que les pauses permises par l’employeur. La Commission affirme que l’employeur a surveillé ses pauses pendant quelques semaines et qu’il a découvert qu’il prenait des pauses plus longues presque tous les jours. Il n’a pas pointé correctement au début et à la fin de ses pauses. Selon l’employeur, il s’agissait d’un vol de temps.

[10] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il a rarement pris des pauses plus longues que ce qui était permis. Il dit que dans ces cas, c’est arrivé de manière fortuite. Il affirme que son superviseur ne l’aimait pas et que telle est la véritable raison de son congédiement. Il prétend qu’il venait de déposer une plainte au sujet de la sécurité et des conditions de travail lorsque l’employeur l’a congédié.

[11] En présence de déclarations contradictoires, je dois rendre une décision selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire que je dois examiner les déclarations de l’appelant et de la Commission et décider ce qui est plus susceptible d’être vraiNote de bas de page 1.

[12] Je crois que les déclarations de la Commission et de l’employeur sont plus susceptibles d’être vraies. J’estime que l’employeur a probablement congédié l’appelant parce qu’il croyait qu’il prenait des pauses plus longues que ce qui lui était permis.

[13] L’employeur a toujours dit qu’il avait congédié l’appelant parce qu’il prenait de longues pauses. De plus, la lettre de congédiement mentionne qu’il congédie l’appelant pour vol de temps. L’appelant convient que son employeur l’a rencontré et lui a dit qu’il le congédiait parce qu’il croyait qu’il prenait de longues pauses.

[14] Outre les déclarations de l’appelant, je n’ai aucune preuve m’indiquant que dans les faits, l’appelant a été congédié parce que son superviseur ne l’aimait pas. Outre les déclarations de l’appelant, aucune preuve ne me démontre que l’employeur l’a congédié parce qu’il a déposé une plainte au sujet de la sécurité en milieu de travail.

[15] J’estime donc qu’il est plus probable que l’appelant a été congédié parce que l’employeur croyait qu’il prenait de longues pauses sans permission.

[16] Je dois maintenant décider si l’appelant a effectivement posé ce geste au travail. Autrement dit, a-t-il pris des pauses plus longues que celles permises par son employeur? Et l’a-t-il fait aussi souvent que son employeur le dit?

L’appelant a-t-il pris des pauses plus longues que ce que son employeur lui permettait?

[17] J’estime que l’appelant a probablement pris des pauses plus longues que les pauses autorisées par son employeur. En outre, j’estime que cela s’est probablement produit sur une base régulière. Je crois que l’employeur est plus crédible que l’appelant.

[18] Le dossier d’appel contient des éléments de preuve contradictoires sur la question de savoir si l’appelant a pris de longues pauses. Il existe également des éléments de preuve contradictoires quant à la fréquence à laquelle l’appelant a pris de plus longues pauses.

[19] La Commission dit que je devrais croire l’employeur. L’employeur a dit à la Commission que l’appelant prenait régulièrement des pauses plus longues que ce qui lui était permis. L’employeur a dit qu’il ne pointait pas souvent au début et à la fin de ses pauses. L’employeur a déclaré qu’il avait suivi l’appelant pendant quelques semaines avant de le congédier et qu’il prenait de plus longues pauses presque tous les jours pendant trois semaines.

[20] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il a peut-être pris de plus longues pauses de façon fortuite parce qu’il a oublié de pointer à son arrivée ou à son départ au début de sa pause. Il soutient que dans un tel cas, il s’agissait d’un hasard. Il prétend que cela ne s’est pas produit aussi souvent que l’employeur le dit.

[21] Je pense que l’employeur est plus crédible. Je choisis de croire les déclarations de l’employeur. J’ai pris cette décision selon la prépondérance des probabilités.

[22] Je conviens que l’employeur n’a pas de dossiers ou de séquences vidéo montrant l’appelant qui prend de plus longues pauses. L’employeur a toutefois toujours donné la même explication des actions de l’appelant. Il a parlé à la Commission plus d’une fois. Chaque fois, il a dit que l’appelant prenait souvent des pauses plus longues que ce qui lui était permis. Il a affirmé qu’il n’avait pas toujours pointé à son arrivée ou à son départ au début et à la fin de ses pauses. Il a donné à la Commission des détails précis sur les jours où cela s’est produit. Il a même donné à la Commission des détails sur la durée des pauses de l’appelant.

[23] En revanche, l’appelant a fait des déclarations contradictoires sur la question de savoir s’il a déjà pris de plus longues pauses. Il a fait des déclarations vagues sur la fréquence à laquelle cela s’est produit.

[24] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, il a dit que cela ne s’était pas produit du tout au cours des six mois ayant précédé son congédiement par l’employeur. Puis, il a dit à la Commission que c’était arrivé, mais seulement à quelques occasions. Au cours du processus de révision, il a dit que cela s’était produit souvent, mais que d’autres employés l’avaient aussi fait. Et à l’audience, il a dit qu’il ne se souvenait pas à quelle fréquence il prenait de plus longues pauses. Il a également affirmé que le cas échéant, cela s’est produit de façon fortuite. Il a affirmé que d’autres membres du personnel l’avaient fait eux aussi.

[25] L’appelant a donc fait des déclarations vagues et contradictoires sur la question de savoir s’il avait pris de longues pauses et sur la fréquence de celles-ci. En revanche, l’employeur a toujours dit la même chose au sujet de la fréquence à laquelle l’appelant prenait de longues pauses. Je crois donc que les déclarations de l’appelant sont moins fiables que celles de l’employeur.

[26] Je choisis de me fier aux déclarations de l’employeur. J’estime que l’appelant a probablement pris souvent des pauses plus longues que les pauses autorisées par l’employeur. Je conclus qu’il l’a fait au moins 13 fois au cours de ses 3 dernières semaines d’emploi. J’estime qu’il n’a probablement pas pointé à son arrivée ou à son départ au début et à la fin de ses pauses.

[27] Je dois maintenant décider si les actions de l’appelant – prendre de plus longues pauses sans permission – constituent une inconduite au sens de la loi.

L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi?

Qu’entend-on par inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

[28] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. C’est donc dire que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[29] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 5.

[30] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

Le motif du congédiement de l’appelant est-il une inconduite?

[31] La Commission affirme que le motif du congédiement de l’appelant est une inconduite au sens de la loi. La Commission dit qu’il était au courant de la politique de son employeur au sujet des pauses. La Commission affirme qu’il a agi de façon délibérée ou négligente lorsqu’il a pris de longues pauses. De plus, la Commission affirme qu’il aurait dû savoir qu’il pourrait perdre son emploi en raison de ses gestes.

[32] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme que son employeur aurait dû l’avertir avant de le congédier. Il affirme que la décision de l’employeur de le congédier était trop sévère. Il soutient aussi que d’autres employés ont pris de longues pauses.

[33] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[34] À l’audience, l’appelant a convenu qu’il était au courant des attentes de son employeur concernant les pauses. Il a dit avoir droit à une longue pause. Il a convenu que l’employeur s’attendait à ce qu’il pointe son arrivée et son départ au début et à la fin de la longue pause. Il a également convenu qu’il avait droit à deux courtes pauses, une le matin et une l’après-midi.

[35] Je conclus donc que l’appelant connaissait les attentes de son employeur à l’égard de la prise de pauses.

[36] Je comprends que l’appelant dit que s’il prenait de plus longues pauses, cela se produisait de façon fortuite. Toutefois, je ne pense pas que ce soit crédible. En effet, il est selon moi probable que l’appelant a pris de plus longues pauses la plupart des jours. Je pense que c’est arrivé trop souvent pour que ce soit fortuit. Je crois donc que l’appelant agissait délibérément ou qu’il agissait si imprudemment qu’il semblait ne pas se soucier de ce qui arriverait à son emploi. Selon moi, il devait raisonnablement savoir qu’il mettait son emploi en danger en prenant de longues pauses sans l’autorisation de son employeur.

[37] L’appelant soutient également que son employeur aurait dû lui donner un avertissement avant de le congédier. Toutefois, selon la jurisprudence, je ne peux décider si l’employeur a agi trop sévèrement en congédiant l’appelant. Je ne peux pas me demander si l’employeur aurait dû prendre d’autres mesures avant de le congédierNote de bas de page 7. Même si d’autres employés ont également pris de longues pauses, je ne regarde que les actions de l’appelant lui-mêmeNote de bas de page 8.

[38] Mon seul rôle est de décider si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Je pense qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’appelant connaissait les attentes de son employeur quant à la prise de pauses.
  • Même s’il connaissait la politique, il a pris des pauses plus longues que celles autorisées par l’employeur.
  • Ses gestes étaient voulus, ou du moins si négligents qu’il ne semblait pas se soucier de l’effet qu’ils auraient sur son travail.
  • Il devait raisonnablement savoir qu’il pourrait perdre son emploi en raison de ses actes.
  • Ses gestes – prendre des pauses plus longues que ce qui était permis – ont directement mené à son congédiement.

[39] Je conclus donc, pour ces motifs, que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[40] Je rejette l’appel de l’appelant. Je conclus qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi. C’est donc dire qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

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