Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1761

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation
de délai et de permission de faire appel

Partie demanderesse : L. M.
Représentant : J. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 13 mai 2022
(GE-21-2484)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 7 décembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-906 et AD-23-935

Sur cette page

Décision

[1] J’accorde une prolongation de délai pour présenter une demande à la division d’appel.

[2] Cependant, je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[3] L. M. est la prestataire dans cet appel. Elle travaillait comme chef d’équipe dans une cafétéria de collège. Elle a demandé et reçu des prestations régulières d’assurance-emploi lorsqu’elle a cessé temporairement de travailler en 2017 et en 2018.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déclaré la prestataire inadmissible aux prestations régulières de façon rétroactive parce qu’elle avait pris volontairement des périodes de congé sans justification du 17 avril 2017 au 4 juillet 2017 et du 17 avril 2018 au 6 juillet 2018Note de bas de page 1. Cela a entraîné un trop-payé. La prestataire a porté les décisions de révision de la Commission en appel à la division générale.

[5] La division générale a également conclu que la prestataire avait pris volontairement deux périodes de congé sans justification en 2017 et en 2018Note de bas de page 2. Elle n’était donc pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[6] La prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appelNote de bas de page 4. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de compétence en tranchant une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher. Elle affirme que seules une instance ou une cour supérieure pouvaient se prononcer et conclure que le résultat était juste et raisonnable pour les deux partiesNote de bas de page 5.

[7] Je refuse à la prestataire la permission de faire appel parce que son appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6.

Questions en litige

[8] Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

  1. a) La demande a-t-elle été présentée en retard à la division d’appel?
  2. b) Si oui, dois-je prolonger le délai pour présenter la demande?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence?

La demande a été présentée en retard à la division d’appel après le délai de 30 jours, mais à l’intérieur du délai d’un an

[9] La décision de la division générale est datée du 12 mai 2022Note de bas de page 7. Le Tribunal a reçu la demande de la prestataire à la division d’appel le 2 octobre 2023Note de bas de page 8.

[10] À première vue, il semble que la prestataire ait présenté sa demande à la division d’appel avec plus d’un an de retard. Il est important de savoir que le Tribunal ne peut pas accorder de prolongation de délai pour les appels qui sont déposés plus d’un an suivant la date où la décision et les motifs ont été communiqués par écritNote de bas de page 9.

[11] J’ai examiné plus en détail la demande de la prestataire à la division d’appel pour voir quand la décision de la division générale lui a été communiquée. Dans ses formulaires d’appel, la prestataire a écrit qu’elle a reçu communication de la décision de la division générale le 13 mai 2022 (soit le lendemain de sa publication)Note de bas de page 10.

[12] Le délai pour présenter une demande à la division d’appel selon les modalités prévues par règlement est de 30 jours suivant la date à laquelle la prestataire a reçu communication par écrit de la décision de la division généraleNote de bas de page 11.

[13] Puisque la prestataire affirme que la décision de la division générale lui a été communiquée le 13 mai 2022, le délai de 30 jours commence à courir à partir du lendemain, soit le 14 mai 2022.

[14] Cela signifie que le délai de 30 jours pour présenter sa demande à la division d’appel a pris fin le 13 juin 2022. Le délai d’un an s’est terminé le 15 mai 2023Note de bas de page 12.

[15] La prestataire fait valoir à la division d’appel qu’elle a présenté sa demande après le délai de 30 jours, mais avant la fin du délai d’un an (qui, selon elle, se terminait le 13 mai 2023)Note de bas de page 13.

[16] Le dossier montre en fait que la prestataire a précédemment envoyé un courriel au Tribunal le 11 mai 2023 pour demander que son appel soit acceptéNote de bas de page 14. Bien qu’elle n’ait pas soumis les formulaires d’appel habituels à ce moment-là, le contenu de son courriel montre clairement qu’elle faisait appel de la décision de la division générale et qu’elle avait une explication pour son retard.

[17] Malheureusement, le Tribunal n’a pas ouvert de dossier pour la prestataire avant le 2 octobre 2023, date à laquelle elle a soumis les formulaires habituellement utilisés pour présenter une demande à la division d’appelNote de bas de page 15.

[18] Je conclus que la prestataire a déposé son avis d’appel à la division d’appel le 11 mai 2023, soit avant la fin du délai d’un an, le 15 mai 2023. Je m’appuie sur le courriel qu’elle a envoyé au Tribunal le 11 mai 2023 parce qu’il montre qu’elle faisait appel de la décision de la division générale, même si elle n’a pas utilisé les formulaires d’appel habituels.

Je prolonge le délai pour présenter la demande parce que la prestataire a une explication raisonnable

[19] Je peux accorder plus de temps à la prestataire pour faire appel si elle fournit une explication raisonnable pour son retardNote de bas de page 16.

[20] La prestataire a fourni une explication détaillée pour justifier le retard de son appelNote de bas de page 17. Elle dit que ce fut une année difficile en raison de la pandémie de COVID-19. Elle a également pris sa retraite, déménagé dans une autre ville et rendu visite à sa famille aux États-Unis pendant plusieurs mois. De plus, elle a eu des problèmes techniques et n’avait pas accès à un service Internet là où elle vivait.

[21] J’accorde à la prestataire une prorogation de délai pour présenter son appel parce que je conclus qu’elle a fourni une explication raisonnable pour son retard.

Analyse

[22] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel donne la permission de faire appelNote de bas de page 18.

[23] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 19. Cela signifie qu’il doit exister un moyen défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 20.

[24] Je ne peux examiner que certains types d’erreurs. Je dois surtout vérifier si la division générale a pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (ou moyens d’appel)Note de bas de page 21.

[25] Les moyens d’appel possibles à la division d’appel sont les suivantsNote de bas de page 22. La division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a commis une erreur de droit;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[26] Pour que l’appel aille de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel lui confère une chance raisonnable de succès.

La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence

[27] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence en tranchant une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancherNote de bas de page 23.

[28] Voici un résumé des principaux points que la prestataire a soulevésNote de bas de page 24 :

  • Pendant les mois d’été, de nombreux membres du personnel sont temporairement mis à pied d’avril à août.
  • Il existe une convention collective juridiquement contraignante au travail.
  • Une disposition de la convention collective autorise les mises à pied par ancienneté inversée, ce qui permet aux membres du personnel de choisir d’être mis à pied par ordre d’ancienneté.
  • Elle n’a fait que se prévaloir de sa convention collective lorsqu’elle a choisi d’être mise à pied.
  • De nombreux autres membres du personnel utilisaient la même clause de la convention collective sans que la Commission n’intervienne.
  • Elle a vécu du stress, des difficultés, des humiliations et du harcèlement simplement parce qu’elle s’est prévalue de sa convention collective.
  • La Commission a également saisi de nombreux remboursements d’impôt et chèques de TPS qu’elle n’avait pas le légalement le droit de prendre.
  • La division générale a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher parce que seules une instance ou une cour supérieure pouvaient se prononcer et conclure que le résultat était juste et raisonnable pour les deux parties.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence

[29] La division générale commet une erreur de compétence si elle ne tranche pas une question qu’elle devait trancher ou si elle tranche une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancherNote de bas de page 25.

[30] La Commission a déclaré la prestataire inadmissible aux prestations régulières de façon rétroactive pour les périodes du 17 avril 2017 au 4 juillet 2017 et du 17 avril 2018 au 6 juillet 2018. Comme je l’ai mentionné plus haut, il s’agit des décisions que la prestataire a portées en appel à la division générale.

[31] La division générale tire sa compétence de la Loi sur l’assurance-emploi. L’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie qui se croit lésée par une décision de la Commission peut la porter en appel devant le TribunalNote de bas de page 26.

[32] Cela signifie que la division générale devait décider si la prestataire a pris volontairement des périodes de congé du 17 avril 2017 au 4 juillet 2017 et du 17 avril 2018 au 6 juillet 2018. Elle devait aussi évaluer si la prestataire était fondée à prendre ces périodes de congé.

[33] Pour les raisons suivantes, il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a tranché la question des périodes de congé volontaire.

[34] Il apparaît à l’examende la décision de la division générale qu’elle a tranché seulement les questions qu’elle était autorisée à trancher. Elle n’a tranché aucune question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.

[35] La loi prévoit qu’une personne est fondée à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 27. Il s’agit du critère juridique applicable.

[36] La loi dit également qu’une partie prestataire qui prend une période de congé sans justification n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi si l’employeur a autorisé cette période avant ou après qu’elle ait commencé et que la prestataire et l’employeur ont convenu d’une date de reprise d’emploiNote de bas de page 28.

[37] La division générale a bien cerné le droit et le critère juridique applicables dans sa décisionNote de bas de page 29.

[38] La division générale a conclu que la prestataire a pris volontairement deux périodes de congé sans justification et qu’elle n’était donc pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 30. Elle a jugé que la prestataire avait le choix de rester ou de partir en 2017 et en 2018Note de bas de page 31. La division générale a déclaré que la prestataire ne contestait pas avoir choisi de se porter volontaire pour être mise à piedNote de bas de page 32.

[39] La division générale a ensuite examiné si la prestataire était fondée à prendre des périodes de congé en 2017 et en 2018. Elle a tenu compte des circonstances suivantes : l’adhésion aux dispositions de sa convention collective, une modification importante de ses conditions de rémunération et une modification importante des fonctionsNote de bas de page 33.

[40] La division générale était consciente de l’argument de la prestataire selon lequel il existait une convention collective en vigueur qui lui permettait de choisir d’être mise à pied en premierNote de bas de page 34.

[41] Toutefois, la division générale a rejeté cet argument en concluant que bien que la prestataire ait le droit d’exercer ses droits prévus par sa convention collective et de choisir d’être mise à pied en premier, les dispositions de sa convention collective ne supplantent pas la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 35.

[42] La division générale a déclaré à juste titre que l’employeur et la prestataire ne peuvent pas négocier en vue d’éliminer des exigences et des protections inscrites dans la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 36. Une convention collective n’est pas une loi, mais un contrat de travail entre l’employeur et son personnel.

[43] La division générale a également rejeté l’argument de la prestataire selon lequel il y avait eu une modification importante de ses conditions de rémunération après avoir conclu qu’elle aurait travaillé la grande majorité du temps comme chef d’équipe sans que cela ait d’incidence sur son taux salarialNote de bas de page 37. La division générale a également affirmé qu’il n’y avait pas eu de changements importants dans les fonctions de la prestataire parce qu’elle était la chef d’équipe des caissières, de sorte qu’elle connaissait donc le rôle de caissière et qu’elle était qualifiée pour le remplir.

[44] La division générale a conclu que la prestataire n’était pas fondée à prendre des périodes de congé en 2017 et en 2018 après avoir examiné toutes les circonstances, y compris celles prévues par la loiNote de bas de page 38. Elle a conclu que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables, comme de continuer à travailler au lieu d’opter pour une mise à pied volontaire ou de choisir de supplanter une autre personne et de travailler comme chef caissière ou caissière, compte tenu de son anciennetéNote de bas de page 39.

[45] L’un des principaux arguments que la prestataire soulève est que la division générale n’a pas rendu une décision équitable ou raisonnable pour les deux parties et que seules une plateforme ou une cour supérieure peuvent le faire.

[46] Le Tribunal a compétence pour instruire les appels relatifs à la Loi sur l’assurance-emploi. Dans la présente affaire, la division générale devait déterminer si la prestataire était fondée à prendre volontairement des périodes de congé en 2017 et en 2018. La division générale est le juge des faits, ce qui signifie qu’elle doit tirer des conclusions et rendre une décision fondée sur les faits et la preuve portés à sa connaissance. C’est exactement ce qu’elle a fait.

[47] Dans certains cas, une partie peut être insatisfaite de la décision de la division générale et la juger injuste ou déraisonnable. Cependant, le fait que la prestataire ne soit pas d’accord avec la décision de la division générale ne suffit pas pour que j’intervienne.

[48] Le rôle de la division d’appel se limite à établir si la division générale a commis un type précis d’erreurNote de bas de page 40. Cela signifie que je ne peux pas tenir une nouvelle audience et réévaluer la preuve afin de parvenir à un résultat différent pour la prestataireNote de bas de page 41.

[49] La division générale et la division d’appel n’ont pas compétence pour empêcher la saisie des remboursements d’impôt et des chèques de TPS de la prestataire.

[50] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence. Elle n’a tranché que des questions qu’elle avait le pouvoir de trancher. Les arguments de la prestataire expriment essentiellement son désaccord avec l’issue de l’affaire. Ce moyen d’appel ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Il n’y a aucune autre raison d’accorder à la prestataire la permission de faire appel

[51] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une autre erreur révisableNote de bas de page 42. J’ai examiné le dossier et la décision de la division généraleNote de bas de page 43. Je n’ai vu aucun élément de preuve pertinent que la division générale a pu ignorer ou mal interpréter.

Conclusion

[52] J’accorde une prolongation de délai pour présenter l’appel. Cependant, je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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