Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ES c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1666

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : E. S.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (501748) datée du 11 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 1er mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3040

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je suis en désaccord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension)Note de bas de page 1. L’appelante est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. Son employeur a déclaré qu’il l’avait suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] L’appelante n’est pas d’accord pour dire qu’elle a été suspendue pour cette raison. Elle affirme avoir été suspendue parce qu’elle a continué de rappeler à son employeur son droit de faire approuver sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux après avoir essuyé un refus, parce qu’elle avait suivi toutes les étapes requises par leur politique.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la Commission a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Je dois décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux éléments. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[8] Je conclus que l’appelante a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[9] L’appelante et la Commission ne s’entendent pas au sujet de la raison pour laquelle l’appelante a été suspendue. L’employeur de l’appelante affirme qu’elle a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 3.

[10] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que la véritable raison pour laquelle elle a été suspendue est qu’elle a continué de rappeler à son employeur son droit de faire approuver sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux après avoir essuyé un refus, parce qu’elle avait suivi toutes les étapes requises par sa politiqueNote de bas de page 4.

[11] Je note que la lettre de suspension de l’appelante, datée du 17 décembre 2021, mentionne qu’elle a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 5.

[12] D’autre part, je conclus que l’appelante n’a pas démontré que son employeur l’a suspendue expressément parce qu’elle a continué de lui rappeler son droit de faire approuver sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux après avoir essuyé un refus, parce qu’elle avait suivi toutes les étapes requises par sa politique. Elle n’a fourni aucune preuve que c’est précisément la raison pour laquelle son employeur l’a suspendue.

[13] Je reconnais que l’appelante croit que son employeur aurait dû approuver sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux parce qu’elle a suivi toutes les étapes requises par sa politique. Or, dans la présente section, je n’examine que les raisons pour lesquelles elle a été suspendue de son emploi. J’aborderai donc cet aspect de son argument plus loin dans la décision.

[14] Donc, bien que je reconnaisse que l’appelante croit que son employeur l’a suspendue pour la raison qu’elle invoque, je conclus que la preuve (sa lettre de congédiement) démontre qu’elle a été suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

Le motif de la suspension de l’appelante est-il une inconduite au sens de la loi?

[15] Le motif de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[16] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne précise pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous montre comment établir si la suspension de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[17] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. C’est donc dire que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 7. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (autrement dit, qu’elle ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[18] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être suspendue pour cette raisonNote de bas de page 9.

[19] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[20] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur les questions de savoir si l’appelante a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de l’appelanteNote de bas de page 11. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[21] La Cour d’appel fédérale (Cour) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 12. M. McNamara a été congédié en application de la politique de dépistage de drogues de son employeur. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances, c’est-à-dire qu’il n’existait aucun motif raisonnable de penser qu’il n’était pas en mesure de travailler en toute sécurité en raison de sa consommation de drogue et qu’il aurait dû être couvert par le test précédent auquel il s’était soumis. Essentiellement, M. McNamara a fait valoir qu’il devait toucher des prestations d’assurance-emploi parce que les mesures prises par son employeur concernant son congédiement étaient inacceptables.

[22] En réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour a affirmé qu’elle a toujours dit que la question dans les cas d’inconduite « [n’est pas] de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reprochés à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». 

[23] Dans la même affaire, la Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a signalé que l’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[24] La décision plus récente intitulée Paradis c Canada (Procureur général) suit l’affaire McNamaraNote de bas de page 13. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir eu un résultat positif à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 14.

[25] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 15. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que l’absence de mesures de la part de l’employeur pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 16.

[26] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19. Cependant, les principes qui y sont établis demeurent pertinents. Il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[27] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et savait qu’elle pouvait être suspendue pour ne pas l’avoir suivie, mais elle a choisi de ne pas la suivre de toute façonNote de bas de page 17.

[28] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle a suivi la politique de son employeur en présentant une demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Elle affirme que son employeur aurait dû approuver sa demande parce qu’elle a suivi toutes les étapes requises au moment de la soumettreNote de bas de page 18.

[29] L’employeur de l’appelante a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 19 :

  • Il a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.
  • La politique donnait au personnel une date limite pour déclarer son statut vaccinal ou se faire vacciner.
  • L’appelante n’a pas déclaré son statut vaccinal ou ne s’est pas fait vacciner avant la date limite de la politique.
  • Les membres du personnel ont été informés que le non-respect de la politique signifierait qu’ils perdraient leur emploi.
  • Les membres du personnel pourraient demander une mesure d’adaptation pour des motifs médicaux ou religieux en vertu de la politique.
  • Pour bénéficier de mesures d’adaptation, un membre du personnel devait démontrer qu’il ne pouvait se faire vacciner en raison de sa croyance religieuse ou spirituelle. Si c’était le cas, on lui offrirait de bénéficier d’une obligation de prendre des mesures d’adaptation et il pourrait continuer de travailler pendant qu’il n’est pas vacciné.
  • Pour demander une mesure d’adaptation, un membre du personnel pourrait soumettre les documents requis, qui doivent également être notariés. Ils seront ensuite remis à un comité pour examen et pourront ensuite être recommandés au gestionnaire.
  • L’appelante a demandé une mesure d’adaptation pour motifs religieux, mais elle lui a été refusée.

[30] La politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 20 de l’employeur de l’appelante prescrit ce qui suit :

  • Entrée en vigueur le 6 octobre 2021Note de bas de page 21.
  • Application à tout le personnel, peu importe son lieu de travailNote de bas de page 22.
  • L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour le personnel lorsque ses besoins se rapportent à un ou plusieurs motifs de distinction illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne tant qu’elles n’imposent pas une contrainte excessiveNote de bas de page 23.
  • Les membres du personnel qui ne bénéficient pas d’une mesure d’adaptation approuvée doivent divulguer leur statut vaccinal d’ici le 29 octobre 2021Note de bas de page 24.
  • Les membres du personnel qui ne bénéficient pas d’une mesure d’adaptation approuvée et qui ne sont pas entièrement vaccinés ou qui n’ont pas divulgué leur statut vaccinal seront mis en congé administratif sans solde le 15 novembre 2021 (2 semaines après la date limite d’attestation)Note de bas de page 25.

[31] L’appelante a déclaré ce qui suit dans son témoignage :

  • Elle connaissait la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur et en a pris connaissance pour la première fois en octobre 2021.
  • Elle a présenté une demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux, comme la politique lui a permis de le faire en octobre 2021Note de bas de page 26.
  • Au début de novembre 2021, elle a rencontré son employeur au sujet de sa demande de mesure d’adaptation pour motifs religieux. Son employeur lui a posé d’autres questions à ce sujet et elle a répondu à ces questions le 12 novembre 2021Note de bas de page 27.
  • Le 17 novembre 2021, son employeur lui a envoyé une lettre indiquant qu’il avait refusé sa demande de mesure d’adaptation pour motifs religieuxNote de bas de page 28.
  • Elle a ensuite écrit à son employeur pour demander qui avait pris la décision de rejeter sa demande et si elle pouvait demander un réexamen. Son employeur a répondu qu’il réexaminerait sa décision même si cela ne figurait pas dans la politique.
  • Le 23 novembre 2021, elle a présenté une lettre de demande officielle de réexamen et, trois jours plus tard (le 26 novembre 2021), l’employeur a répondu que sa demande était toujours rejetéeNote de bas de page 29.
  • Elle savait qu’elle pourrait être suspendue si elle ne respectait pas la politique. Après avoir refusé sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux, l’employeur lui a dit qu’elle serait mise en congé le 17 décembre 2021 si elle n’avait pas respecté la politique d’ici Note de bas de page 30.
  • Cependant, elle ne pensait pas qu’elle serait suspendue parce qu’elle ne pouvait pas croire qu’il avait refusé sa demande. En outre, elle pensait que quelqu’un allait la revoir.
  • Son employeur aurait dû approuver sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux. Elle lui a fourni toute la preuve dont il avait besoin (y compris un affidavit souscrit sous serment) pour l’approuver. Il n’a pas respecté sa politique en refusant de lui accorder des mesures d’adaptation.
  • Son employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation envers le personnel en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais il ne l’a pas fait dans son cas.
  • Il n’a pas été prouvé qu’elle est légalement tenue envers son employeur de se faire vacciner contre la COVID-19, de sorte qu’elle n’a pas commis d’inconduite.
  • La Commission a mal appliqué les lignes directrices internes sur les « exemptions » plutôt que d’évaluer correctement sa demande de « mesures d’adaptation » conformément au cadre stratégique de son employeur.
  • La Commission a manqué à l’équité administrative en ne fournissant pas les motifs de sa décision ou en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve pertinents.

[32] En outre, l’appelante affirme qu’une autre décision du Tribunal (A. L. c Commission de l’assurance-emploi du Canada) démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduite. J’appellerai cette décision A. L.

[33] L’appelante a déclaré que la décision A. L. aide à appuyer son appel parce qu’elle se fonde sur une autre analyse de l’inconduite de la Cour qui va au-delà de ce dont j’ai déjà discuté précédemment. Elle mentionne que l’inconduite doit non seulement comprendre les choses dont j’ai déjà fait état, mais aussi démontrer un lien de causalité entre l’inconduite de l’employé et son emploi. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, il doit y avoir manquement à une obligation expresse ou implicite de la part de l’employé.

[34] L’appelante soutient que si cette analyse est appliquée à sa situation, elle montre qu’elle n’a pas commis d’inconduite. Elle fait valoir que la Commission n’a pas prouvé qu’elle avait une obligation en milieu de travail de se faire vacciner contre la COVID-19, de sorte que comme cela n’a pas été prouvé, il n’y a eu ni manquement à cette obligation ni quelque inconduite que ce soit de sa part.

[35] Je compatis avec l’appelante, mais je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[36] Je conclus que l’appelante a commis les gestes qui ont mené à sa suspension, car elle savait que son employeur avait une politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19 et elle savait ce qu’elle devait faire pour s’y conformer.

[37] Je conclus en outre que les gestes de l’appelante étaient intentionnels, car elle a pris la décision consciente de ne pas se conformer à la politique de son employeur.

[38] Des éléments de preuve clairs montrent que l’appelante était au courant de la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle était au courant de celle-ci, comme il a été mentionné précédemment. Elle a également présenté une demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux, comme je l’ai déjà mentionné, ce qui démontre qu’elle était au courant de la politique et de ses exigences.

[39] De plus, des éléments de preuve montrent clairement que l’appelante a choisi de ne pas respecter la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle n’avait pas divulgué son statut vaccinal ni ne s’était fait vacciner après que son employeur eut refusé sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux, comme il a été mentionné précédemment.

[40] Je reconnais que l’appelante estime que sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux aurait dû être approuvée parce qu’elle a fourni une preuve de sa croyance religieuse. Je reconnais également qu’elle estime que son employeur n’a pas suivi sa propre politique en rejetant sa demande, même si elle lui a donné tous les renseignements sur sa croyance religieuse selon laquelle la politique l’obligeait à le faire.

[41] Malheureusement, je conclus que cet argument n’est pas pertinent dans la présente affaire. Comme il a été mentionné précédemment, la Loi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante (et non sur celles de l’employeur) lorsque j’analyse l’inconduite. C’est donc dire que ce qui est pertinent dans la présente affaire n’est pas la raison pour laquelle l’employeur de l’appelante a refusé sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux, mais plutôt ce qu’elle a fait ou n’a pas fait pour respecter la politique de son employeur après le refus de sa demande.

[42] Autrement dit, je ne peux décider si l’employeur de l’appelante a agi équitablement en rejetant sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux. Si l’appelante veut faire valoir cet argument, elle doit s’adresser à une autre instance.

[43] Je reconnais que l’appelante estime que la Commission a manqué à l’équité administrative en appliquant incorrectement les lignes directrices internes sur les « exemptions » plutôt qu’en évaluant correctement sa demande de « mesures d’adaptation » conformément à la politique de son employeur.

[44] Malheureusement, j’estime que ce n’est pas pertinent non plus dans la présente décision. Je ne peux pas tenir compte de la décision de la Commission de s’appuyer sur des lignes directrices internes, quelles qu’elles soient. La Loi et la Cour disent que je dois me concentrer sur les gestes de l’appelante qui ont mené à sa suspension, comme il a été mentionné précédemment. Dans la présente affaire, je conclus que l’argument de l’appelante concerne une question qui ne relève pas de la portée de la présente analyse.

[45] En d’autres termes, je conclus que l’interprétation faite par la Commission de la demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux de l’appelante comme une « exemption » plutôt qu’une « mesure d’adaptation » n’a aucune incidence sur ce que je peux examiner dans cette décision. Si l’appelante est contrariée par la Commission et souhaite approfondir cette question, elle doit communiquer directement avec la Commission.

[46] Je me pencherai maintenant sur le fait que l’appelante s’est fondée sur une autre décision du Tribunal (A. L.). Je reconnais qu’elle estime que cette décision démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduite pour les motifs susmentionnés.

[47] Je signale que je ne suis pas lié par les décisions antérieures du Tribunal. Autrement dit, je peux décider par moi-même si je suis d’accord avec ces décisions et choisir le poids à leur accorder si un appelant les invoque dans son propre appel.

[48] Je reconnais que l’appelante croit que si l’analyse de l’inconduite utilisée par le membre du Tribunal dans la décision A. L. s’applique également à sa situation, elle démontre qu’elle n’a pas commis d’inconduite parce qu’il n’y a pas eu manquement à une obligation expresse ou implicite de sa part.

[49] Malheureusement, je ne suis pas d’accord. Même si j’applique à la présente affaire l’analyse de l’inconduite dans la décision A. L., je conclus quand même que l’appelante a commis une inconduite. En effet, il existe des preuves claires selon lesquelles son employeur a mis en place sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 comme exigence pour tous les membres de son personnel, comme il a été mentionné précédemment. Puisque c’est ce qui s’est passé, je conclus que la politique est devenue une condition expresse de l’emploi de l’appelante. Cette dernière a donc enfreint la politique par la suite lorsqu’elle a choisi de ne pas la suivre après que sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux eut été refusée.

[50] Je note également que, dans la décision A. L., le membre du Tribunal a appliqué son analyse de l’inconduite lorsqu’il a examiné la convention collective de l’appelante et ce que celle-ci prévoyait ou non au sujet de la vaccinationNote de bas de page 31.

[51] Je suis cependant en désaccord avec cette façon de procéder. Je conclus que la Loi et la Cour ne m’ont pas donné le pouvoir d’appliquer une convention collective (ou un contrat de travail, dans cette affaire) et de décider si l’employeur a congédié ou suspendu à juste titre un appelant, comme il a été mentionné précédemment. C’est donc dire qu’il n’appartient pas au Tribunal de décider si un appelant a été congédié ou suspendu à tort. Si je commence à le faire, j’outrepasse mon pouvoir de décideur.

[52] De plus, je note que la Cour a récemment déclaré que la décision A. L. n’établit aucune règle générale qui s’applique à d’autres situations factuelles, que la décision fait l’objet d’un appel et qu’elle ne lie pas la CourNote de bas de page 32.

[53] Donc, pour ces raisons, je ne vais pas suivre la décision A. L. et je ne lui accorderai pas beaucoup de poids dans la présente affaire.

[54] Je prends acte des préoccupations de l’appelante au sujet de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, mais j’estime que la preuve démontre clairement qu’elle a pris consciemment la décision de ne pas s’y conformer. Elle ne s’est pas fait vacciner après que son employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux, ce qui démontre que ses gestes étaient intentionnels.

[55] Je conclus également que l’appelante savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas respecter la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur pourrait mener à sa suspension.

[56] Des éléments de preuve clairs indiquent que l’appelante savait qu’elle pourrait être suspendue si elle ne respectait pas la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle le savait, comme il a été mentionné précédemment.

[57] D’autres éléments de preuve confirment également que l’appelante savait qu’elle pourrait être suspendue parce qu’elle n’a pas respecté la politique de son employeur. Ces éléments de preuve sont les suivants :

  • Lettre de son employeur refusant sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux datée du 17 novembre 2021. Il est mentionné qu’elle sera mise en congé sans solde si elle n’atteste pas son statut vaccinal dans les deux semaines suivant la date de la lettre ou si elle reçoit sa première dose de vaccin contre la COVID-19 dans les quatre semainesNote de bas de page 33.
  • Courriel de son employeur réitérant son refus de sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux en date du 26 novembre 2021. Il est précisé que les délais énoncés dans sa lettre de refus initiale s’appliquent toujoursNote de bas de page 34.

[58] Je crois l’appelante lorsqu’elle affirme qu’elle ne pensait pas qu’elle serait suspendue parce qu’elle ne pouvait pas croire que son employeur avait refusé sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux et espérait toujours qu’il y aurait réexamen.

[59] Malheureusement, je conclus que cela ne signifie pas que l’appelante ne pouvait pas non plus savoir qu’elle pouvait être suspendue. À mon avis, l’espoir de l’appelante que son employeur change d’avis n’annule pas le fait qu’il lui avait également dit qu’elle pourrait être suspendue si elle ne respectait pas leur politique.

[60] Autrement dit, j’estime qu’il était tout à fait possible pour l’appelante de croire que les deux choses étaient possibles (qu’elle serait en mesure de conserver son emploi, mais qu’elle pourrait également être suspendue), d’autant plus qu’elle a confirmé qu’elle était au courant de la politique de son employeur et de ce qui se passerait si elle ne la respectait pas, comme il a été mentionné précédemment.

[61] Par conséquent, même si je prends acte du fait que l’appelante ne croyait pas qu’elle serait suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de son employeur, j’estime que la preuve démontre qu’elle savait effectivement qu’elle pourrait tout de même être suspendue pour cette raison.

[62] Je conclus donc que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la loi, car elle a adopté la conduite qui a mené à sa suspension (elle n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19), ses gestes étaient intentionnels et elle savait ou aurait dû savoir qu’ils mèneraient à son congédiement.

Ainsi, l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[63] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je juge que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[64] En effet, les gestes de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi de façon voulue. Elle savait ou aurait dû savoir que son refus de se faire vacciner après que son employeur eut refusé sa demande de mesure d’adaptation pour motifs religieux était susceptible de mener à sa suspension.

Autres éléments à prendre en compte

[65] La Commission propose de modifier sa décision initiale. Elle propose que la période d’inadmissibilité de l’appelante prenne fin le 17 juin 2022.

[66] La Commission soutient que l’appelante est retournée au travail le 20 juin 2022, de sorte qu’elle considère que sa suspension est levée à ce moment-làNote de bas de page 35.

[67] Je suis d’accord avec la Commission. L’appelante a confirmé lors de son témoignage qu’elle est retournée au travail le 20 juin 2022. Aucune preuve n’indique non plus que cette date de retour est erronée.

[68] Je conclus donc que la période d’inadmissibilité de l’appelante devrait prendre fin le 17 juin 2022, comme le propose la Commission.

Conclusion

[69] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[70] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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