Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ST c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1683

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : S. T.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (585880) datée du 1er juin 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 13 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 21 septembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1612

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante est inadmissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi du 30 juillet 2019 au 22 août 2019 parce qu’elle était à l’étranger.

Aperçu

[3] L’appelante a reçu 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi du 7 juillet 2019 au 19 octobre 2019.

[4] Le 29 juillet 2019, l’appelante s’est rendue en Croatie pour subir une intervention chirurgicale oculaire au laser pour son glaucome. Elle est revenue au Canada le 23 août 2019.

[5] L’appelante n’a pas déclaré son absence du Canada dans ses déclarations bimensuelles pour demander des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[6] La Commission a par la suite appris que l’appelante était à l’étranger pendant qu’elle recevait des prestations et a examiné son admissibilité à des prestations d’assurance-emploi. À la suite de son enquête, la Commission a imposé des périodes d’inadmissibilité à l’égard de sa demande du 29 juillet 2019 au 23 août 2019 parce qu’elle était à l’étranger. De plus, elle n’a pas prouvé qu’elle serait disponible pour travailler si elle n’était pas malade. Cela a donné lieu à un versement excédentaire de 2 248 $ de prestations d’assurance-emploi dans sa demande.

[7] L’appelante a demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle explique s’être rendue en Croatie pour subir une intervention médicale qui n’était pas recommandée par ses médecins au Canada. Elle a néanmoins subi l’intervention chirurgicale le 15 août 2021 et celle-ci a été couronnée de succès.

[8] La Commission a toutefois maintenu les périodes d’inadmissibilité à l’égard de sa demande. La Commission a déclaré que l’appelante n’avait pas fourni de certificat médical d’un médecin canadien confirmant que le traitement médical n’était pas facilement disponible au CanadaNote de bas de page 2 et qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle aurait été disponible pour travailler si elle n’était pas maladeNote de bas de page 3.

[9] L’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). Elle demande au Tribunal d’approuver sa demande de prestations de maladie pendant qu’elle était à l’étranger ou d’annuler la dette du versement excédentaire relativement à sa demande.

Question en litige

[10] L’appelante a-t-elle droit à des prestations de maladie pendant son séjour à l’étranger?

Analyse

[11] La loi est claire : un prestataire n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi de quelque nature que ce soit pour une période donnée pendant laquelle il n’est pas au CanadaNote de bas de page 4, à moins qu’il ne soit visé par l’une des exceptions prévues par règlementNote de bas de page 5.

[12] Il existe une exception de portée limitée pour les traitements médicaux. Elle prévoit qu’un prestataire peut recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il se trouve à l’étranger si le voyage vise expressément à suivre un traitement médical qui n’est pas facilement ou immédiatement disponible au CanadaNote de bas de page 6.

[13] L’appelante invoque l’exception relative au traitement médical. Il lui appartient par conséquent de prouver que le traitement médical pour lequel elle s’est rendue en Croatie n’est pas offert au CanadaNote de bas de page 7.

[14] Si elle satisfait à l’exception relative au traitement médical, l’appelante doit alors démontrer que, n’eût été sa maladie, elle aurait été disponible pour travaillerNote de bas de page 8.

[15] L’appelante ne peut recevoir des prestations de maladie pour la période où elle était à l’étranger que si elle s’inscrit dans l’exception relative au traitement médical ET prouve que sa maladie était la seule raison pour laquelle elle n’était pas disponible pour travailler.

Question en litige no 1 : L’appelante satisfait-elle à l’exception relative au traitement médical?

[16] Non, elle n’y satisfait pas.

[17] Pour satisfaire à l’exception relative au traitement médical, l’appelante doit prouver qu’elle s’est rendue en Croatie à la demande d’un médecin et aux fins d’un traitement médical qui n’était pas facilement ou immédiatement disponible au CanadaNote de bas de page 9.

[18] Les mots « immédiatement disponible » doivent être interprétés comme étant immédiatement disponible dans la réalité du système médical canadienNote de bas de page 10.

[19] L’appelante reconnaît que l’intervention chirurgicale oculaire au laser qu’elle a subie en Croatie est facilement et immédiatement disponible au Canada. Cependant, elle dit qu’elle avait des raisons valables de se rendre en Croatie pour son traitement.

[20] L’appelante a déclaré ce qui suit à l’audience :

  • Elle a reçu un diagnostic de glaucome en 2017.
  • Son médecin lui a prescrit des gouttes ophtalmiques pour son état, mais sa vision s’est progressivement détériorée et elle « devenait lentement aveugle ».
  • Mère monoparentale, elle doit pouvoir voir pour travailler afin de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant.
  • Elle a fait ses propres recherches et s’est renseignée au sujet du glaucome.
  • Elle a appris l’existence d’une « intervention chirurgicale au laser simple » qui aiderait à freiner l’évolution de la maladie, à soulager ses migraines et à réduire ou interrompre les gouttes ophtalmiques.
  • Elle a demandé à son médecin si elle pouvait subir cette intervention chirurgicale oculaire au laser. Cependant, on lui a dit que des gouttes ophtalmiques pouvaient permettre de traiter sa maladie.
  • Elle s’est ensuite « adressée successivement à 11 spécialistes différents », mais aucun d’entre eux n’était prêt à lui recommander l’intervention chirurgicale oculaire au laser. Chacun des médecins consultés a refusé de réaliser l’intervention. Ils ont tous dit que c’était dangereux et que son état pouvait être traité au moyen de gouttes ophtalmiques. De plus, ils ont tous refusé de la diriger vers une clinique privée au Canada. Ils ont dit : [traduction] « Je ne le recommande pas ».
  • Au début de 2019, elle était « désespérée ». Sa sœur en Croatie a trouvé un médecin sur place qui réaliserait l’intervention chirurgicale au laser. On lui a dit qu’elle devrait rester en Croatie pendant un certain temps après l’intervention avant qu’il ne soit sécuritaire pour elle de revenir au Canada en avionNote de bas de page 11.
  • En février 2019, elle a pris des dispositions pour prendre congé de son employeur pendant l’été et a pris rendez-vous pour subir l’intervention chirurgicale.
  • Elle a subi l’opération 6 mois plus tard, soit le 15 août 2019.
  • L’intervention a duré 20 minutes et a été suivie de quelques jours dans l’obscurité totale pour « le rétablissement post-chirurgical ». Outre pendant l’intervention, sa sœur s’est occupée d’elle en tout temps.
  • L’intervention a été couronnée de succès. La pression dans son œil est passée de « 35 à 9 »Note de bas de page 12 et ses migraines ont cessé.
  • Elle ne comprend pas pourquoi aucun médecin au Canada n’accepterait de réaliser l’intervention chirurgicale. Elle se demande si c’était en raison de son âge (elle n’est pas âgée) ou de son statut d’immigrante.
  • Pourquoi paierait-elle 2 000 $ pour une intervention chirurgicale au laser aux yeux « plus les frais de déplacement en Croatie » si l’intervention pouvait avoir lieu au Canada?
  • Les médecins au Canada croyaient que l’intervention chirurgicale oculaire au laser était une intervention non urgente. Cependant, elle n’était pas d’accord. Dans son esprit, elle avait le choix entre se faire opérer ou devenir aveugle.

[21] Je suis sensible à la situation et aux expériences de l’appelante. Elle avait de terribles migraines et craignait, à juste titre, de « devenir aveugle » en raison de son glaucome.

[22] Toutefois, nul ne conteste que l’intervention chirurgicale oculaire au laser qu’elle a subie en Croatie est facilement et immédiatement disponible à Hamilton (Ontario) ou aux environs, qui est sa région de résidence au Canada.

[23] On ne peut pas non plus affirmer que son voyage en Croatie pour subir l’intervention a été effectué à la demande d’un médecin.

[24] De l’aveu même de l’appelante, 11 médecins différents au Canada ont non seulement refusé de l’opérer, mais ils ont même refusé de la diriger vers une clinique privée au Canada pour subir l’intervention chirurgicale. Je ne peux ignorer que l’appelante a choisi de se rendre en Croatie et de subir l’intervention chirurgicale de sa propre initiative.

[25] C’est donc dire que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle s’est rendue en Croatie pour recevoir un traitement médical qui n’était pas facilement ou immédiatement disponible au Canada.

[26] C’est dire, en outre, qu’elle n’a pas satisfait à l’exception relative au traitement médical et qu’elle n’a donc pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle était en Croatie.

[27] N’étant pas visée par une exception à la règle interdisant de recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle était à l’étranger, l’appelante ne peut recevoir de prestations de maladie du 30 juillet 2019 au 22 août 2019 parce qu’elle était à l’étranger pendant cette période.

Question en litige no 2 : Disponibilité pour travailler

[28] La loi prévoit qu’un prestataire n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant son séjour à l’étranger, sauf pour les exceptions limitées qui sont décrites dans le règlement.

[29] De plus, un prestataire ne peut invoquer une exception que s’il peut également démontrer qu’il était disponible pour travaillerNote de bas de page 13 (ou, dans le cas des prestations de maladie, qu’il l’aurait été n’eût été sa maladie ou sa blessure) pendant qu’il était à l’étranger.

[30] L’appelante n’est pas assujettie à l’exception relative au traitement médical et, par conséquent, je n’ai pas à décider si elle a prouvé sa disponibilité aux fins des prestations de maladieNote de bas de page 14.

Question en litige no 3 : Le versement excédentaire

[31] L’appelante affirme qu’elle ne peut pas rembourser le versement excédentaire lié à sa demande.

[32] Je reconnais les préoccupations de l’appelante au sujet de sa capacité de payer cette dette. Je compatis avec sa situation, mais je ne peux pas l’aider.

[33] Il y a deux raisons à cela.

[34] Premièrement, selon la loi, toute décision visant à défalquer un montant dû à la Commission est expressément exclue du processus de révisionNote de bas de page 15. Comme ma compétence se limite aux décisions qui ont été dûment révisées par la CommissionNote de bas de page 16, la question du versement excédentaire de l’appelante n’est pas une question que je peux examiner dans le présent appel.

[35] Deuxièmement, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’annuler, de défalquer ou de radier le versement excédentaire, peu importe la mesure dans laquelle la situation financière de l’appelante peut être difficile. La loi ne me permet tout simplement pas de dégager un prestataire de sa responsabilité à l’égard d’un versement excédentaireNote de bas de page 17. Je ne peux ignorer la loi, même si l’issue semble injusteNote de bas de page 18.

[36] Deux options s’offrent à l’appelante :

  1. a) Elle peut demander à la Commission d’envisager de défalquer la dette en raison de difficultés excessivesNote de bas de page 19. Si elle n’aime pas la réponse de la Commission, elle peut déposer un avis de demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale du CanadaNote de bas de page 20, mais un délai de 30 jours s’applique pour faire appel devant la Cour fédérale.
  2. ou

  3. b) Elle peut téléphoner au Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada (ARC)Note de bas de page 21 au 1-866-864-5823 et s’informer sur l’allégement de la dette en raison de difficultés financièresNote de bas de page 22. Elle devra présenter des renseignements sur sa situation financière pour examen.

Conclusion

[37] L’appelante est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle était à l’étranger et qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était admissible à l’une ou l’autre des exceptions prévues à l’article 55(1) du Règlement.

[38] C’est donc dire que l’inadmissibilité imposée à sa demande pour la période du 30 juillet 2019 au 22 août 2019 pour avoir été à l’étranger doit demeurer.

[39] Je n’ai pas compétence pour défalquer le versement excédentaire résultant de la demande de l’appelante.

[40] L’appel est rejeté.

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