Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1694

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelante : D. R.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (596923) datée du 2 juin 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 août 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 29 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1560

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi) au moment où elle l’a fait. L’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle disposait d’autres solutions raisonnables que son départ. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi de gérante adjointe d’un magasin général local le 6 décembre 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelante. Elle a décidé qu’elle a quitté volontairement son emploi (ou a choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de partir lorsqu’elle l’a fait, l’appelante aurait pu discuter de ses préoccupations avec les ressources humaines ou la haute direction. De plus, elle aurait dû trouver un autre emploi avant de démissionner.

[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme qu’en passant outre sa gestionnaire, elle n’aurait pu trouver un autre emploi parce qu’il n’y a pas d’autres employeurs appropriés dans sa petite ville. Elle ajoute que sa famille n’a qu’un seul véhicule, que son époux utilise pour aller travailler dans une autre ville.

Question en litige

[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[9] J’admets que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante convient qu’elle a démissionné le 6 décembre 2022. Rien ne prouve le contraire.

Qu’est-ce que la justification?

[10] Selon la loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas à prouver que la personne était fondée à le faireNote de bas de page 2.

[11] En vertu de la loi, vous avez une « justification » ou vous « êtes fondé à » faire quelque chose si, compte tenu de toutes les circonstances, vous n’aviez pas d’autre choix raisonnable que de quitter votre emploi au moment où vous l’avez faitNote de bas de page 3.

[12] L’appelante doit prouver qu’elle avait une justificationNote de bas de page 4. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 5.

[13] Je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsque l’appelante a quitté son emploi pour décider si elle était fondée à le faire. La loi énonce certaines de ces circonstancesNote de bas de page 6. Une fois que j’ai décidé des circonstances qui s’appliquent à l’appelante, celle-ci doit démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 7.

Les parties ne conviennent pas que l’appelante avait une justification

[14] Les parties ne conviennent pas que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait.

[15] L’appelante affirme que deux des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent. Plus précisément, elle affirme que des conditions de travail constituaient un danger pour la santé ou la sécurité et que des pratiques de l’employeur sont contraires à la loi.

[16] L’appelante affirme qu’elle a contracté l’hépatite A en étant en contact avec des fraises dans le cadre de son travail au magasin. Elle a dit à la Commission que la santé publique l’avait informée qu’elle avait eu un résultat de test positif pour l’hépatite A. Elle a ajouté que son médecin lui avait dit que c’était à la suite de l’éclosion causée par des fraises que Santé Canada suivait. Elle a dit en avoir parlé à son employeur, sans suite. Ni la santé et la sécurité ni les ressources humaines ne l’ont contactée. Aucune mesure de sécurité comme le port de gants n’a été mise en place au magasin. L’appelante a déclaré qu’elle avait décidé d’appeler tous les membres du personnel à l’arrière pour leur parler de son diagnostic afin qu’ils soient au courant de la situation. Elle a dit que personne ne s’inquiétait d’elle, alors elle a continué à travaillerNote de bas de page 8.

[17] L’employeur a dit à la Commission que lorsque l’appelante les a informés de son test positif de dépistage de l’hépatite A, elle a dit que ce n’était [traduction] « pas grave et qu’il ne fallait pas s’en inquiéter » et que c’est la raison pour laquelle aucune mesure n’a été priseNote de bas de page 9.

[18] La Commission soutient que même si l’appelante a contracté une maladie pendant qu’elle travaillait, elle a continué de travailler pendant plusieurs mois avant de démissionner. Elle indique qu’elle n’a pas démontré qu’il y avait un risque pour sa santé au moment où elle a démissionné.

[19] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune condition de travail susceptible de créer un danger immédiat pour la santé ou la sécurité au moment où l’appelante a démissionné. La santé publique était au courant de son état de santé et n’a pas communiqué avec son employeur ni ne lui a fourni une liste de précautions à prendre. L’appelante n’était pas préoccupée par la situation au point de communiquer avec les ressources humaines, la haute direction ou Santé et sécurité au travail.

[20] L’appelante affirme qu’ultimement, la question qui l’a amenée à quitter son emploi était que son employeur l’obligeait à travailler en violation des lois de la Saskatchewan. L’appelante a déclaré que toute personne qui vend, sert ou manipule de l’alcool doit avoir un certificat valide du programme Serve It Right Saskatchewan (SIRS) sous peine de sanction prévue par la loi. Elle dit avoir informé son gestionnaire au début de novembre de l’expiration de son SRIS le 20 novembre 2023. Elle lui a demandé si elle devait suivre elle-même la formation et soumettre la dépense. Son gestionnaire lui a dit qu’elle devrait suivre la formation pendant les heures de travail et a prévu le cours et l’examen le 18 novembre.

[21] Le jour de l’examen, le magasin manquait de personnel, de sorte que le directeur a annulé la formation SRIS de l’appelante. L’appelante a déclaré que lorsqu’elle a souligné que cela signifiait qu’elle ne pouvait plus manipuler de l’alcool (ce qui comprenait commander, remplir les tablettes, utiliser la caisse enregistreuse et aider les clients dans la section des boissons alcoolisées), le gestionnaire a rougi et est parti. L’appelante a travaillé du 22 au 26 novembre et du 28 novembre au 1er décembre sans certificat SIRS valide. Son gestionnaire ne voulait pas reporter la formation tant que le magasin n’avait pas tout son personnel à nouveau.

[22] L’appelante a déclaré que le fait de travailler illégalement avec de l’alcool n’était pas conforme à sa morale. Après avoir pris quelques jours de congé et avoir discuté de la question avec son époux, elle a décidé qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler sans son certificat du SRIS.

[23] L’employeur a dit à la Commission qu’il savait que le certificat de l’appelante était expiré et qu’il était au courant qu’il était tenu par la loi de le renouveler. L’employeur a confirmé qu’il avait annulé son cours en raison de problèmes de dotation. Il a dit que l’appelante avait démissionné avant qu’une nouvelle date puisse être fixéeNote de bas de page 10.

[24] Je conclus que l’appelante a démontré que son employeur avait des pratiques contraires à la loi. L’employeur savait qu’elle devait détenir un certificat valide du SRIS pour accomplir légalement ses tâches quotidiennes et l’a sciemment fait travailler sans certificat.

[25] Les autres circonstances qui existaient lorsque l’appelante a démissionné comprenaient la frustration et l’insatisfaction à l’égard du rendement au travail d’une collègue, ainsi que des sentiments similaires au sujet de l’évitement chronique des conflits et de l’inaction de sa gestionnaire au sujet de ses préoccupations. L’appelante a déclaré que son gestionnaire n’avait pas les compétences nécessaires pour gérer les gens, ce qui a créé un environnement de travail hostile où les employés qui travaillaient fort souffraient d’épuisement professionnel et ne se sentaient pas appréciés. Pendant ce temps, l’employée problématique a été autorisée à passer ses quarts de travail à socialiser sans reproche.

[26] L’appelante a déclaré qu’elle vit dans une très petite ville où les possibilités d’emploi sont très rares pour une personne qui a fait des études secondaires et qui a de l’expérience de travail comme gestionnaire de la sécurité pour une entreprise de taille moyenne dans le secteur pétrolier.

L’appelante avait d’autres solutions raisonnables

[27] Je dois maintenant décider si l’appelante n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[28] L’appelante a déclaré qu’elle avait décidé de quitter son emploi après avoir pris quelques jours de congé dans la période de son anniversaire. Elle n’a pas discuté des raisons de son départ et n’a pas donné à son gestionnaire l’occasion d’apaiser ses préoccupations.

[29] La Commission affirme qu’au lieu de démissionner lorsqu’elle l’a fait, l’appelante aurait pu demander un congé, être mutée dans un autre magasin, discuter de ses problèmes avec les ressources humaines ou la haute direction ou attendre de trouver un autre emploi. L’employeur a dit à la Commission qu’il y avait des possibilités de mutation et que l’appelante aurait pu demander des congés.

[30] L’appelante affirme qu’elle ne pouvait pas travailler dans un autre magasin ou trouver un autre emploi dans une autre ville parce que sa famille n’avait qu’une seule voiture et que son époux en avait besoin pour se rendre à son emploi. Toutefois, dans sa demande de révision, l’appelante déclare qu’elle n’a pu être mutée parce qu’elle possède un [traduction] « véhicule à essence » et qu’elle n’a pas les moyens d’utiliser l’essence pour se rendre au prochain magasin à 30 minutes de distance. L’appelante a déclaré que, comme elle n’était pas à l’origine du problème, elle ne devrait pas avoir à être la personne mutée. Selon elle, l’employée problématique possédait de l’expérience en administration et aurait pu être mutée au siège social à Tisdale.

[31] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas signalé ses préoccupations à la haute direction ou aux ressources humaines parce que chaque fois qu’elle soulevait un problème, sa gestionnaire lui disait qu’elle s’en occuperait. Rien n’ayant changé, elle ne voulait pas « passer au-dessus de la tête de son gestionnaire » parce qu’elle craignait que son gestionnaire ait une dent contre elle.

[32] L’appelante a déclaré qu’elle aurait dû demander un congé, mais qu’elle n’y avait pas pensé à l’époque. Elle a ajouté qu’elle était disposée à suivre la formation sur le SRIS pendant ses temps libres et qu’elle avait offert à son gestionnaire de le faire. Cependant, il ne lui a pas dit comment couvrir ses coûts.

[33] Je conclus que l’appelante avait plusieurs options raisonnables autres que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Elle aurait pu :

  • Discuter de la gravité de ses préoccupations avec son gestionnaire, lui donner un délai pour résoudre les problèmes, puis transmettre les questions en suspens aux ressources humaines ou à la haute direction.
  • Refuser d’effectuer un travail qui impliquait de l’alcool jusqu’à ce que son certificat du SRIS soit renouvelé, même si cela signifiait qu’elle était incapable d’accomplir la plupart ou la totalité de ses tâches.
  • Signaler la non-conformité de son employeur aux lois sur l’alcool à la Régie des alcools et des jeux de hasard de la Saskatchewan.
  • Suivre la formation SIRS dans ses temps libres et soumettre les dépenses à son gestionnaire.
  • Demander un congé autorisé ou un congé pour stress.

[34] Compte tenu de toutes les circonstances en présence lorsque l’appelante a quitté son emploi, celle-ci avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait pour les raisons susmentionnées.

[35] C’est dire que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[36] Je conclus que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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