Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1681

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : M. D.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (585460) datée du
28 avril 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Emily McCarthy
Mode d’audience : PAR ÉCRIT
Date de la décision : Le 16 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1431

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). C’est donc dire que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant, M. D., a perdu son emploi. Son employeur, X, a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il avait enfreint sa politique sur les normes de l’entrepriseNote de bas de page 2 en dormant dans un chariot élévateur pendant qu’il était en marche (une infraction à la sécurité). Il a également été averti de ne pas fumer dans des zones non désignées sur la propriété de l’entreprise.

[4] L’appelant affirme qu’il n’a pas dormi dans le chariot élévateur. Il se réchauffait parce que c’était une journée froide, et que c’était plus facile que d’aller à l’intérieur. Il affirme qu’il n’a eu aucun problème et qu’il n’a pas reçu d’avertissement écrit ce jour-là. Il nie aussi avoir fumé.

[5] La Commission a accepté le motif du congédiement invoqué par l’employeur. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question que je dois examiner en premier

L’appelant n’a pas fourni plus d’arguments

[6] L’appelant me demande de tenir l’audience par écrit. Avant d’aller de l’avant, je lui ai demandé s’il voulait ajouter des renseignements à son appel maintenant qu’il disposait d’une copie du dossier de révision et des observations de la Commission. Je lui ai demandé de répondre au plus tard le 1er août 2023.

[7] L’appelant n’a jamais répondu. J’ai donc tenu une audience par écrit et j’ai pris ma décision en me fondant sur les renseignements au dossier.

Question en litige

[8] L’appelant a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[9] Pour répondre à la question de savoir si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois trancher deux éléments. Je dois d’abord établir pourquoi l’appelant a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si ce motif constitue une inconduite au sens de la loi.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[10] L’appelant a été congédié parce que l’employeur a conclu qu’il avait enfreint la politique. Sa lettre de congédiement fait état de trois violations :

  • dormir au travail
  • violer les mesures de sécurité pendant l’utilisation de l’équipement motorisé
  • fumer dans les locaux de l’entreprise alors qu’il n’est pas dans une zone désignéeNote de bas de page 3.

[11] De plus, le relevé d’emploi de l’appelant indique qu’il a été congédié pour « violation des politiques de l’entreprise »Note de bas de page 4.

[12] L’appelant nie avoir dormi au travail et avoir dormi en utilisant de l’équipement motorisé. Il dit aussi qu’il n’a pas fumé. Il affirme avoir été accusé à tort. C’est donc dire qu’il n’est pas d’accord avec ce que l’employeur dit qu’il a faitNote de bas de page 5.

[13] Je conclus que la Commission a prouvé que l’appelant a été congédié parce qu’il s’est endormi en service, ce qui était contraire à la politique sur les normes de l’employeur (par. X, p.). Il est également allé à l’encontre des mesures de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’utilisation de l’équipement motorisé. La politique sur les normes de l’entreprise prévoit en outre que les associés doivent se conformer à toutes les politiques et procédures publiées de l’entrepriseNote de bas de page 6.

[14] La politique de l’employeur sur les normes de l’entreprise dispose qu’aller à l’encontre de cette politique peut mener au congédiementNote de bas de page 7. Selon la procédure de l’employeur en matière de mesures disciplinaires progressivesNote de bas de page 8, les infractions graves à la sécurité sont des infractions de classe A qui peuvent entraîner un congédiement immédiat après une enquêteNote de bas de page 9.

[15] La preuve de la Commission comprend des déclarations de l’employeur et le dossier d’enquête bien documenté de l’employeurNote de bas de page 10.

[16] L’appelant a dit à la Commission qu’il est entré dans le chariot élévateur pour se réchauffer. Il ne s’est pas endormi. Il se tenait tout simplement au chaudNote de bas de page 11. Quelqu’un a frappé à la porte, et il est sortiNote de bas de page 12. Il affirme que des caméras pourraient montrer qu’il ne dormait pasNote de bas de page 13.

[17] L’appelant a également mentionné à la Commission qu’il ne comprend pas pourquoi d’autres membres du personnel ont dit qu’il dormait alors que ce n’était pas le cas. Il a également dit à la Commission qu’il n’était pas malade et qu’il se sentait bien lorsqu’il est entré dans le chariot élévateurNote de bas de page 14.

[18] La preuve démontre qu’il est plus probable qu’improbable que le 6 janvier 2023, l’appelant s’est endormi dans un chariot élévateur en marche. La Commission a fourni une copie du dossier d’enquête de Rona qui comprend :

  • Un courriel daté du 6 janvier 2023, à 20 h 21, d’un gérant en service disant qu’à 17 h 40, il a vu que l’appelant avait amené le chariot élévateur à sa voiture dans le stationnement du personnel. Plus tard le même soir, à 19 h 20, le gérant a trouvé l’appelant endormi dans le chariot élévateur en marche. Il l’a réveillé et l’a renvoyé chez luiNote de bas de page 15.
  • Le personnel du service de l’expédition a déclaré (le 9 janvier 2023) qu’il a reçu un appel d’un autre employé de ce service. Cet employé leur a dit que l’appelant avait été vu en train de dormir dans le chariot élévateur à 19 h 11. L’auteur du message a appelé le gestionnaire en service, qui a dit que quelqu’un était allé réveiller l’appelant. L’auteur a reçu un autre appel 10 minutes plus tard. On lui a mentionné que l’appelant s’était de nouveau endormiNote de bas de page 16.
  • Une déclaration d’un employé (le 9 janvier 2023) indiquant qu’un collègue du service de l’expédition avait appelé pour dire que l’appelant s’était endormi dans le chariot élévateurNote de bas de page 17.
  • Une déclaration d’un autre employé du service de l’expédition (le 9 janvier 2023) mentionnant qu’il a trouvé l’appelant endormi dans le chariot élévateur. Il l’a réveillé, a communiqué avec un gestionnaire et a trouvé l’appelant endormi de nouveau 10 minutes après avoir appelé le gestionnaireNote de bas de page 18.
  • Notes d’une conversation entre trois employés de Rona et l’appelant le 9 janvier 2023 au cours d’une rencontre sur ce qui s’est passé le 6 janvier 2023. Il est mentionné que l’appelant a reconnu qu’il comprenait la politique concernant le chariot élévateur et qu’il dormait dans le chariot élévateurNote de bas de page 19.

[19] L’employeur a fourni trois comptes rendus distincts de la conversation de suivi du 9 janvier 2023 entre trois employés et l’appelant. Selon les trois déclarations, l’appelant a reconnu s’être endormi et a dit qu’il était très fatigué. Il aurait également dit avoir compris qu’il s’agissait d’un problème de sécurité graveNote de bas de page 20.

[20] Le dossier d’enquête est bien documenté. Je préfère le compte rendu des événements qui se trouve dans les déclarations écrites des employés à ceux que l’appelant a présentés à la Commission. Les déclarations écrites sont cohérentes, ont été faites au moment de l’incident et ont été produites par plusieurs employés, y compris des pairs et des gestionnaires. C’est pourquoi je les préfère aux déclarations de l’appelant.

[21] J’ai conclu que le 6 janvier 2023, la Commission a démontré qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant s’est endormi dans un chariot élévateur en marche.

[22] La politique de l’employeur sur les normes de l’entreprise interdit de dormir au travailNote de bas de page 21. L’employeur affirme que dormir en opérant de l’équipement (dans un chariot élévateur en marche) constitue une violation de ses mesures de sécuritéNote de bas de page 22. Les infractions à la sécurité se rangent dans les infractions de classe A conformément à la Procédure sur les mesures disciplinaires progressives. L’employeur a congédié l’appelant parce qu’il a enfreint la politique sur les normes de l’entreprise et qu’il a commis une grave infraction à la sécurité lorsqu’il a utilisé de l’équipement.

[23] Il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour démontrer que l’appelant a fumé dans des zones non désignées après avoir reçu le formulaire de mesures disciplinaires progressives le 15 novembre 2022Note de bas de page 23. C’est donc dire que la Commission n’a pas prouvé que l’appelant a été congédié pour avoir fumé sur la propriété de l’employeur dans une zone non désignée.

[24] J’ai donc conclu que l’appelant a été congédié parce qu’il dormait alors qu’il était en service, contrairement à la politique sur les normes de l’entreprise. Je reconnais également que le fait de dormir dans un chariot élévateur en marche allait à l’encontre des mesures de sécurité de l’employeur relatives à l’utilisation d’équipement motorisé.

Le motif du congédiement de l’appelant est‑il une inconduite au sens de la loi?

[25] Le motif du congédiement de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[26] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. C’est donc dire que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 24. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 25. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 26.

[27] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 27.

[28] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 28.

La conduite de l’appelant était-elle délibérée?

[29] La conduite de l’appelant était délibérée.

[30] La Commission a établi que le 6 janvier 2023, l’appelant est entré intentionnellement dans un chariot élévateur en marche pour se réchauffer et qu’il s’est endormi alors qu’il était en service.

[31] Le dossier d’enquête fourni par la Commission démontre que l’appelant est entré dans le chariot élévateur pour se réchauffer. Il s’est endormi et a été réveillé par un employé du service de l’expédition. Dix minutes plus tard, le même employé l’a retrouvé en train de dormir dans le chariot élévateurNote de bas de page 29.

[32] L’appelant savait qu’il s’était endormi dans le chariot élévateur, mais il y est resté et s’est endormi de nouveau.

[33] Dans les notes d’enquête, trois personnes rapportent que l’appelant a dit le 9 janvier 2023 qu’il était très fatigué et qu’il savait qu’il ne devrait pas dormir dans le chariot élévateurNote de bas de page 30.

[34] En s’adressant à la Commission, l’appelant a nié s’être senti malade ou avoir été intoxiqué le 6 janvier 2023. Il est entré dans le chariot élévateur pour se réchauffer parce qu’il était plus facile de se réchauffer ainsi que d’aller dans le magasinNote de bas de page 31. Il affirme avoir été accusé à tort.

[35] Je préfère les comptes rendus documentés fournis par la Commission aux déclarations faites par l’appelant. Les déclarations écrites ont été faites au moment de l’incident, elles sont cohérentes et ont été rédigées par plusieurs employés différents, y compris des pairs et des gestionnairesNote de bas de page 32.

[36] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je conclus que la Commission a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant est délibérément entré dans un chariot élévateur pour se réchauffer, puis s’est endormi pendant qu’il était en marche. Il a été réveillé par un autre employé, mais, même s’il savait qu’il s’était endormi, il est resté dans le chariot élévateur en marche et s’est endormi à nouveau. La Commission a prouvé que sa conduite était si téméraire qu’elle était délibérée.

L’appelant aurait-il dû savoir qu’il pouvait être congédié pour s’être endormi dans le chariot élévateur?

[37] L’appelant aurait dû savoir que s’endormir dans un chariot élévateur en marche entraînerait son congédiement.

[38] La Commission affirme que l’appelant :

  • était au courant de la politique sur les normes de l’entreprise
  • a commis deux infractions de classe A (dormir au travail et violer les mesures de sécurité)
  • aurait dû savoir que ses gestes pourraient entraîner son congédiement.

[39] La preuve démontre que l’appelant a reçu un avertissement écrit pour avoir fumé dans un endroit non désigné sur la propriété de l’employeur en novembre 2022. Ce comportement allait à l’encontre de la politique sur les normes de l’entreprise et il a reçu un avertissement dans le cadre de la procédure sur les mesures disciplinaires progressives. Je conclus donc qu’au plus tard en novembre 2022, il a été informé de la politique de l’employeur sur les normes de l’entreprise, quelques mois avant l’incident du chariot élévateurNote de bas de page 33.

[40] L’appelant affirme qu’il n’a eu aucun problème et qu’il n’a reçu aucune lettre ni aucun avertissement le 6 janvier 2023. Toutefois, la politique sur les normes de l’entreprise explique qu’un comportement inapproprié peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement sans préavis. La procédure de mesures disciplinaires progressives démontre que des infractions graves à la sécurité peuvent donner lieu à une enquête pouvant entraîner une suspension immédiate ou un congédiementNote de bas de page 34.

[41] J’ai conclu que l’appelant aurait dû savoir que dormir au travail et dormir en utilisant de l’équipement (chariot élévateur) était un comportement qui pouvait lui coûter son emploi.

Donc, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[42] L’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[43] Je conclus que la Commission a prouvé que l’appelant est monté dans un chariot élévateur en marche et s’est endormi pendant qu’il était en service. Il connaissait la politique sur les normes de l’entreprise. Il savait ou aurait dû savoir que le fait de dormir au travail et de commettre une infraction grave à la sécurité pouvait l’amener à perdre son emploi. Finalement, le fait de dormir en service dans un chariot élévateur en marche a bel et bien entraîné son congédiement.

Autres questions en litige

[44] L’appelant soutient qu’il a été congédié à tort. Ce n’est pas une question que je peux trancher. Le rôle du Tribunal se limite à décider si l’appelant a été congédié pour inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[45] C’est donc dire que le Tribunal n’a pas à décider si la sanction ou le congédiement était justifié. Le Tribunal doit décider si la conduite de l’appelant constituait une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 35.

Conclusion

[46] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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