Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation :Citation : DA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1787

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. A.
Représentante ou représentant : P. C.
Commission : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (567030) datée du 7 février 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Paul Dusome
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er mai 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
La personne qui représente l’appelant
Date de la décision : Le 26 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-638

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La décision que la Commission de l’assurance-emploi du Canada a rendue le 3 février 2022 ne sera pas révisée et reste la même.

Aperçu

[2] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi le 20 décembre 2021. La Commission a rendu deux décisions lui refusant des prestations, les 3 février et 25 avril 2022. Le 6 janvier 2023, la Commission a reçu une demande de révision de l’appelant. Le 7 février 2023, la Commission a décidé qu’elle ne réviserait pas la décision du 3 février 2022, puisque la demande de révision était en retard et que l’appelant ne répondait pas aux critères à respecter pour obtenir une prolongation du délai permettant de déposer une demande. L’appelant a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale le 27 février 2023.

Questions préliminaires

Compétence du Tribunal dans le présent appel

[3] Il y a une question de compétence dans ce que le Tribunal peut décider dans le présent appel. La seule question en litige ici est de savoir si la décision rendue par la Commission le 7 février 2023 est correcte. Ce jour-là, la Commission a refusé de prolonger le délai pour permettre à l’appelant de déposer une demande de révision.

[4] Le Tribunal a le pouvoir d’examiner la décision de refus d’une prolongation de délai permettant de présenter une demande de révision à la CommissionNote de bas de page 1. Ce qui complique les choses ici, c’est qu’il y a deux décisions qui pouvaient être révisées. Elles portent sur une inconduite présumée (décision du 3 février 2022) et sur l’expiration présumée du permis de travail et du numéro d’assurance sociale de l’appelant (décision du 25 avril 2022). Comme la décision de la Commission du 7 février 2023 porte sur une seule de ces décisions de 2022, le Tribunal peut seulement examiner la prolongation du délai liée à cette décision.

[5] Je considère que la Commission s’est seulement penchée sur la décision du 3 février 2022 lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai permettant à l’appelant de présenter une demande de révision des deux décisions.

[6] La demande de révision présentée par l’appelant le 6 janvier 2023 fait seulement référence à la décision sur l’inconduite datée du 3 février 2022, malgré les instructions qui indiquent qu’il faut mentionner toutes les dates si plus d’une lettre de décision s’applique. Les documents à l’appui concernent l’inconduite présumée. On mentionne qu’il a fallu 23 semaines pour obtenir un nouveau permis de travail, mais sans plus (voir la page GD3-26 du dossier d’appel).

[7] La Commission a bel et bien examiné les questions relatives à l’inconduite et au permis de travail lorsqu’elle a traité la demande de révision. La question de l’inconduite est intitulée RFR 567030. La question du permis de travail est intitulée RFR 567030A. « RFR » est le sigle pour « Request for Reconsideration » [demande de révision].

[8] Or, la lettre de décision de la Commission du 7 février 2023 indique expressément que la demande de révision de l’appelant portait sur la décision du 3 février 2022. Elle ne fait pas référence à la décision du 25 avril 2022. L’en-tête de la lettre porte seulement le numéro RFR 567030. La lettre ne mentionne pas le numéro RFR 567030A.

[9] Dans son avis d’appel au Tribunal, l’appelant a bel et bien mentionné le permis de travail (voir les pages GD2-11 à GD2-13 du dossier d’appel). Mais ce n’était qu’un des facteurs du stress que l’appelant a éprouvé lorsqu’il a été congédié pour une inconduite présumée. Dans ses motifs, l’appelant ne conteste pas la décision de la Commission sur le permis de travail. Il a joint une copie des lettres de décision de la Commission datées du 3 février 2022 et du 7 février 2023. Il n’a pas fourni de copie de la lettre de décision de la Commission datée du 25 avril 2022 au sujet du permis de travail.

[10] La compétence du Tribunal se fonde sur la décision rendue dans la lettre de la Commission du 7 février 2023. Ce jour-là, la Commission a refusé de prolonger le délai pour permettre à l’appelant de demander une révision de la décision sur l’inconduite présumée énoncée dans la lettre du 3 février 2022 seulement. Même si la Commission a examiné les deux questions (liées aux décisions des 3 février et 25 avril 2022) avant sa décision du 7 février 2023 et que, dans ses observations au Tribunal, elle traite des deux décisions de 2022 (voir la page GD4-3 du dossier d’appel), le Tribunal n’a pas le pouvoir d’évaluer les deux décisions. La compétence du Tribunal se fonde seulement sur la décision du 7 février 2023. Par conséquent, ma décision peut concerner seulement le refus de réviser la décision rendue le 3 février 2022 sur l’inconduite présumée. Ma décision ne peut pas porter sur la révision de la décision du 25 avril 2022.

Orientation des arguments de l’appelant

[11] Bon nombre des arguments et des documents de l’appelant portent sur les raisons pour lesquelles l’allégation d’inconduite est fausse. Ces éléments sont pertinents pour voir si la Commission était fondée à refuser des prestations d’assurance-emploi en raison de l’inconduite présumée. Mais ce n’est pas la question que je dois trancher dans le présent appel. Je dois décider si la Commission a eu raison de refuser de se prononcer sur la demande de révision de l’appelant parce qu’elle était en retard. Par conséquent, je laisserai de côté un grand nombre d’éléments liés à la question de savoir s’il y a eu inconduite ou non.

Questions en litige

[12] Je dois trancher trois questions pour décider si la décision de la Commission de refuser de prolonger le délai est correcte.

  1. L’appelant a-t-il une explication raisonnable qui justifie le retard de sa demande de révision?
  2. L’appelant a-t-il manifesté l’intention constante de demander une révision?
  3. La Commission a-t-elle exercé de façon judiciaire son pouvoir de refuser de réviser la décision du 3 février 2022?

Analyse

[13] Une personne peut demander la révision d’une décision dans les 30 jours suivant la date où elle en reçoit communication ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorderNote de bas de page 2.

[14] L’appelant doit satisfaire à deux exigences pour obtenir un délai supplémentaire aux 30 jours prévusNote de bas de page 3 : avoir une explication raisonnable qui justifie le retard de sa demande de révision et avoir manifesté l’intention constante de demander une révision pendant toute la période du retard. L’appelant est responsable de prouver qu’il satisfait à ces deux exigences selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable qu’il y satisfait.

[15] La Commission a un pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non un délai supplémentaire après les 30 jours permettant de présenter une demande de révisionNote de bas de page 4. Comme il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire, le Tribunal peut modifier la décision seulement si la Commission n’a pas exercé ce pouvoir de façon judiciaireNote de bas de page 5. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire si l’on peut démontrer que la personne qui a rendu la décision : a agi de mauvaise foi, a agi dans un but ou pour un motif irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent, ou a agi de manière discriminatoireNote de bas de page 6.

Contexte factuel

[16] L’appelant est membre d’une profession de la santé réglementée. Il a fait ses études à l’étranger. Il a un baccalauréat ès sciences en médecine podiatrique. Son employeur au Canada l’a embauché au début de 2020, après un court stage en 2019. Cet employeur offre des services dans le domaine de la santé réglementé de l’appelant. L’appelant a déménagé au Canada pour occuper cet emploi. Il a obtenu un permis de travail lui permettant de travailler légalement au Canada. Ce permis était valide seulement chez cet employeur et devait expirer le 15 mars 2022.

[17] Le 6 octobre 2021, l’employeur a mis fin à l’emploi de l’appelant, mais n’a donné aucune raison. L’appelant a eu recours à une personne de la profession juridique, qui a contacté l’employeur le 2 novembre 2021. Cette personne a déclaré que le congédiement était sans motif et a présenté une proposition de règlement relative à l’allégation de congédiement injustifié. L’employeur a contesté les allégations de l’appelant. Il a avancé que l’appelant avait eu une conduite inappropriée notamment du fait qu’il ne s’était pas fait vacciner contre la COVID-19. Le 30 novembre 2022, l’appelant a poursuivi l’employeur pour congédiement injustifié. L’appelant a gagné sa cause fin mars 2023. L’employeur avait congédié l’appelant à tort. Il a dû verser à l’appelant la somme ordonnée en cour.

[18] Le 20 décembre 2021, l’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission a rendu deux décisions énoncées dans deux lettres. La première décision, datée du 3 février 2022, indiquait que l’appelant n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. La deuxième décision, datée du 25 avril 2022, indiquait que la Commission n’était pas en mesure de lui verser des prestations parce que son permis de travail canadien avait expiré le 15 mars 2022 et que son numéro d’assurance sociale n’était plus valide à partir de ce jour-là. Les deux lettres indiquaient en caractères gras le délai de 30 jours permettant de demander une révision de décision.

[19] L’appelant a déposé sa demande de révision le 6 janvier 2023. Elle portait sur la décision du 3 février 2022 à propos de l’inconduite présumée.

[20] Le 7 février 2023, la Commission a rendu sa décision sur la demande de révision. Elle a déclaré qu’elle ne réviserait pas la décision du 3 février 2022 parce que les raisons de l’appelant pour justifier le retard de sa demande ne répondaient pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révision. Le 18 février 2023, l’appelant a reçu la lettre de décision du 7 février 2023.

Question en litige no 1 : l’appelant a-t-il une explication raisonnable qui justifie le retard de sa demande de révision?

[21] L’appelant n’a pas fourni d’explication raisonnable qui justifie le retard de sa demande de révision du 3 février 2022 au 6 janvier 2023, date à laquelle il a demandé une révision de la décision relative à l’inconduite.

[22] L’appelant a donné quelques raisons pour expliquer son retard. Elles ont trait à sa situation personnelle à la suite de son congédiement. Elles indiquent que son attention était portée à autre chose que les questions d’assurance-emploi.

[23] Voici un résumé des raisons qu’il a données :

  1. a. Congédiement : son congédiement injustifié sans préavis l’a bouleversé. Il a sérieusement compromis son droit de rester au Canada. Son permis de travail lui permettait seulement de travailler pour son employeur.
  2. b. Nouvel emploi : il ressentait une énorme pression, car il devait trouver immédiatement un nouvel employeur pour rester au Canada. Sans nouvel emploi ni permis de travail renouvelé, sa demande de résidence permanente était compromise.
  3. c. Services juridiques : il s’est concentré sur la recherche d’un nouvel emploi et sur l’utilisation de ses économies pour obtenir des conseils juridiques sur son congédiement et son statut d’immigrant. Ses économies se sont vite envolées.
  4. d. Stress et difficultés financières : en raison de la situation, il ressentait un grave stress mental et avait d’importantes difficultés financières à ce moment-là.
  5. e. Méconnaissance de la loi : comme il était d’origine étrangère, il ne connaissait pas bien le fonctionnement des organismes gouvernementaux au Canada, surtout en ce qui a trait aux révisions et aux appels.
  6. f. Dyslexie : il a une dyslexie, alors il lui faut plus de temps pour comprendre toute information écrite. Il ne saisit pas toujours l’information et les délais comme il se doit.

[24] Je vais examiner ces raisons dans l’ordre en citant les éléments en gras.

[25] Congédiement : son congédiement injustifié sans préavis l’a bouleversé. Les répercussions potentielles pour l’appelant étaient plus graves que pour un citoyen canadien ou un résident permanent. Malgré le choc, l’appelant a eu recours à une personne de la profession juridique dès le 2 novembre 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi le 20 décembre 2021. Il s’est entretenu avec le personnel de la Commission au sujet de sa demande. Après avoir reçu la décision du 3 février 2022 concernant l’inconduite, il pensait qu’il n’y avait aucun espoir de poursuivre le processus au moyen d’une demande de révision à la Commission.

[26] Il ne s’agit pas d’une explication raisonnable pour son retard. L’appelant se sentait peut-être trop stressé pour continuer, mais il avait pourtant accès à des conseils juridiques au besoin. Le processus de révision n’exige pas la participation d’une personne de la profession juridique. L’appelant aurait pu commencer et poursuivre lui-même le processus de révision. Il a dit qu’il attendait des éléments de preuve pour contester les allégations d’inconduite de l’employeur. Il est vrai que de tels éléments de preuve pouvaient être utiles, mais attendre de les avoir n’est pas une explication raisonnable pour son retard. L’appelant avait déjà des éléments de preuve pour contester les allégations de l’employeur. Dans son avis d’appel, il a joint des captures d’écran qui montrent des commentaires positifs de patientes et patients à son égard pendant qu’il travaillait pour l’employeur (voir les pages GD2B-15 à GD2B-26 du dossier d’appel). Il s’agissait là d’éléments de preuve pour contester les allégations de l’employeur selon lesquelles l’appelant mettait ses patientes et patients mal à l’aise, ce qui aurait entraîné de nombreux refus de traitement. Plus précisément, l’employeur a avancé que l’appelant avait raconté à ses patientes et patients ses théories de complot liées à la COVID-19, qu’il ne portait pas le masque et qu’il ne s’était pas fait vacciner. L’appelant a aussi fourni la lettre de recommandation datée du 31 octobre 2021 que l’employeur lui a remis (voir la page GD2A-26 du dossier d’appel). Cette lettre décrit l’appelant comme un atout précieux pour l’employeur, les patientes et les patients. Il était prêt à travailler pendant les confinements et offrait des traitements et des soins de haute qualité à toute personne qui venait le voir. L’appelant a aussi fourni les notes d’un échange qu’il a eu avec l’employeur le 16 septembre 2021 (voir la page GD2-33 du dossier d’appel), mais ces notes pouvaient revenir contre lui-même. Les notes traitent de conversations inappropriées avec le personnel. Elles indiquent que l’employeur ne tolérerait plus que l’appelant exprime son point de vue sur la COVID-19 et la vaccination dans la clinique. Ce document montre que l’appelant ne se limite pas à fournir des renseignements qui lui sont favorables.

[27] Nouvel emploi : trouver un nouvel emploi était une priorité pour l’appelant. Tout emploi lui procurerait un revenu et l’aiderait à obtenir un permis de travail. Tout emploi faciliterait sa demande de résidence permanente et lui permettrait de rester au Canada au lieu de devoir partir. La recherche d’un emploi est aussi une exigence pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. Son attention portée à la recherche d’emploi n’est pas une explication raisonnable pour avoir retardé sa demande de révision. Le fait de ne pas présenter de demande signifiait que l’appelant abandonnait ses chances de recevoir des prestations d’assurance-emploi et de remédier à ses difficultés financières.

[28] Services juridiques : l’appelant a reçu des conseils juridiques à propos de l’emploi et de l’immigration. Le fait de ne pas avoir obtenu de conseils sur la question de l’assurance-emploi ou de ne pas y avoir donné suite n’est pas une explication raisonnable pour son retard.

[29] Stress et difficultés financières : on peut comprendre pourquoi l’appelant était très stressé. À l’audience, il a déclaré avoir obtenu un nouveau permis de travail le 16 mars 2022 et avoir recommencé à exercer sa profession depuis. Ainsi, son stress avait beaucoup diminué. Il avait maintenant un emploi et pouvait rester au Canada en vue d’obtenir sa résidence permanente. Il avait maintenant un revenu, mais cela n’éliminait pas le manque à gagner d’octobre 2021 à mars 2022 et ne lui redonnait pas l’argent utilisé pour payer ses frais juridiques. Puisque sa principale source de stress avait été éliminée et que ses difficultés financières avaient diminué, l’appelant aurait pu demander une révision à la fin de mars ou en avril 2022. Comme il l’a appris de la Commission au début de 2023, les demandes de révision tardives présentées 120 jours suivant la décision sont traitées de façon plus favorable que celles dont le retard est plus long. S’il était allé de l’avant à ce moment-là, l’appelant aurait peut-être reçu des prestations d’assurance-emploi de la fin décembre 2021 à la mi-mars 2022. Elles auraient réduit davantage ses difficultés financières. Enfin, le stress et les difficultés financières de l’appelant ne constituent pas une explication raisonnable pour son retard le 6 janvier 2023.

[30] Méconnaissance de la loi : de nombreuses personnes qui demandent des prestations d’assurance-emploi, qu’elles soient citoyennes ou non, ne connaissent pas bien la loi. Toute personne qui veut des prestations d’assurance-emploi doit se familiariser avec les conditions requises. L’appelant a démontré une capacité d’obtenir des renseignements pertinents, comme la publication de Service Canada sur l’assurance-emploi et la fraude (voir la page GD2A-32 du dossier d’appel), la publication de Ressources humaines et Développement des compétences Canada sur les mesures disciplinaires progressives (voir les pages GD2A-35 à GD2A-39 du dossier d’appel) et les commentaires en ligne de ses patientes et patients à propos de son travail (voir les pages GD2B-14 à GD2B-26 du dossier d’appel). Il a aussi démontré sa capacité de formuler une opinion structurée assortie de documents à l’appui (voir les pages GD2A-1 à GD2A-14 du dossier d’appel). Les capacités de l’appelant et les conseils juridiques qu’il a obtenus ne montrent pas qu’il avait une explication raisonnable pour son retard.

[31] Dyslexie : la dyslexie chez l’appelant se caractérise par une déficience de fonctionnement. Mais l’examen des documents de l’appelant et son témoignage à l’audience montrent que cette déficience n’est pas évidente. Voici deux faits qui m’amènent à cette conclusion. Premièrement, l’appelant a obtenu un baccalauréat ès sciences dans un domaine de la santé. Cela exige une grande capacité de comprendre, de traiter et d’utiliser de l’information qui est la plupart du temps à l’écrit. Deuxièmement, pour exercer sa profession de la santé, il doit être capable de comprendre, de traiter et d’utiliser de l’information sur les progrès dans son domaine ainsi que des renseignements de ses collègues à propos des patientes et patients. Encore une fois, une grande partie de cette information est offerte à l’écrit. Par conséquent, dans le cas de l’appelant, la dyslexie n’est pas une explication raisonnable pour justifier son retard.

Question en litige no 2 : l’appelant a-t-il manifesté l’intention constante de demander une révision?

[32] Du 3 février 2021 au 6 janvier 2023, l’appelant n’a pas manifesté l’intention constante de demander une révision de la décision relative à l’inconduite.

[33] L’une des raisons de son retard était qu’après avoir parlé à Tonya, une agente de la Commission, au sujet de sa demande en janvier 2022, il avait l’impression qu’elle était loin d’être impartiale et qu’il n’y avait aucun espoir. Elle avait accepté les faux renseignements fournis par l’employeur et n’avait pas accepté sa preuve visant à les contester. Il n’avait pas confiance dans le processus. À ce moment-là, il ne croyait pas qu’il pourrait demander une révision.

[34] En septembre 2022, l’appelant a communiqué avec la Commission pour contester les renseignements de l’employeur. On lui a répondu que s’il avait de nouveaux éléments de preuve, son dossier pouvait être rouvert jusqu’à 365 jours après la décision du 3 février 2022. L’appelant a obtenu des éléments de preuve de la personne de la profession juridique avec qui il faisait affaire. Le 30 novembre 2022, il a intenté une action en justice contre son employeur, puis il a fait sa demande de révision le 6 janvier 2023 avec des éléments de preuve à l’appui. Il s’attendait aussi à ce que la procédure judiciaire produise des éléments de preuve supplémentaires.

[35] L’intention constante doit être présente pendant toute la période, de la date où l’appelant a reçu communication de la décision du 3 février 2022 à la date de la demande de révision, le 6 janvier 2023. La preuve montre clairement qu’au départ, l’appelant n’avait pas l’intention de demander une révision parce qu’il n’avait aucun espoir et qu’il n’avait pas confiance dans le processus. Ce n’est qu’en septembre 2022, après avoir parlé à la Commission, qu’il a eu l’intention de demander une révision. L’appelant n’avait pas l’intention constante de demander une révision du 3 février 2022 jusqu’en septembre 2022 au moins. Il ne satisfait donc pas à cette exigence.

[36] Le raisonnement ci-dessus contredit aussi l’affirmation de l’appelant selon laquelle son retard, qui ne dépasse pas les 365 jours mentionnés par la Commission, montre une intention constante de demander une révision. Il est vrai que son retard ne dépassait pas les 365 jours, mais l’appelant devait quand même démontrer son intention constante pendant toute la période, ce qu’il n’a pas fait.

Question en litige no 3 : la Commission a-t-elle exercé de façon judiciaire son pouvoir de refuser de réviser la décision du 3 février 2022?

[37] Même si la Commission a fait référence au mauvais critère juridique dans ses observations, elle a bel et bien exercé son pouvoir de façon judiciaire. Les motifs invoqués par l’appelant pour soutenir que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire ne sont pas fondés. Je ne trouve aucune preuve au dossier ou dans l’ensemble du témoignage qui montre que la Commission n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire.

Mauvais critère juridique

[38] Il y a une erreur de droit dans les observations de la Commission. Celle-ci n’a pas cité le bon critère pour appuyer sa décision de refuser de se prononcer sur la demande de révision de l’appelantNote de bas de page 7. Utiliser le mauvais critère serait une erreur de droit qui reviendrait à tenir compte d’un facteur non pertinent pour rendre une décision. Cela voudrait dire que la Commission n’aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[39] Dans ses observations, la Commission a fait référence aux concepts de « personne raisonnable » et de « motif valable ». Ces concepts sont liés à la question de l’antidatation d’une demande de prestations d’assurance-emploi à une date antérieure au dépôt réelNote de bas de page 8. Pour ce qui est des demandes de révision tardives, les concepts sont les suivants : « une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai » et « l’intention constante de demander la révision »Note de bas de page 9. Dans les deux cas, on traite de questions de droit et de fait différentesNote de bas de page 10.

[40] Or, cette erreur dans les observations n’a aucune incidence sur la décision de refus de révision du 7 janvier 2023. Après avoir examiné les conversations de la Commission avec l’appelant et le raisonnement dans le compte rendu de décision, je constate que la Commission a appliqué le bon critère pour arriver à sa décision du 7 janvier 2023. Ma décision dans le présent appel doit être fondée sur le critère utilisé pour arriver à la décision du 7 janvier 2023. L’erreur que l’on voit dans les observations ne change pas le fait que le bon critère juridique a été utilisé pour arriver à la décision du 7 janvier.

Motifs de l’appelant

[41] À l’audience, l’appelant a présenté un certain nombre d’observations sur la question de savoir si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de réviser la décision du 3 février 2022. Il faut se concentrer sur la décision du 7 février 2023 où la demande de révision a été rejetée. Cette question de pouvoir discrétionnaire n’est aucunement lié au pouvoir discrétionnaire qui a pu être exercé lors de la décision du 3 février 2022 où il y a eu refus de verser des prestations d’assurance-emploi. Le pouvoir discrétionnaire qui nous importe ici est composé de deux éléments : une explication raisonnable pour le retard et l’intention constante de demander la révision. Il faut voir ce que la Commission a conclu de ces deux éléments dans la décision du 7 février 2023 et vérifier si cette décision a été rendue de façon judiciaire. Voici mon examen ci-dessous.

[42] Premièrement, l’appelant a déclaré que la Commission n’a pas tenu compte des fausses déclarations de l’employeur au sujet de l’inconduite présumée lorsqu’elle a évalué le retard. Ces fausses déclarations étaient une fraude contre le régime d’assurance-emploi et une infraction au Code criminel du Canada. Toute fausse déclaration de l’employeur est pertinente pour la décision initiale de refus des prestations d’assurance-emploi pour inconduite. Mais toute fausse déclaration n’est pas pertinente pour la décision de révision. Ce qui est pertinent pour la décision de révision, ce sont les actions de l’appelant qui démontrent une explication raisonnable et une intention constante. Les actions de l’employeur ne sont pas pertinentes. Elles ne constituent pas une explication raisonnable pour justifier le retard de l’appelant à présenter sa demande de révision de la décision initiale.

[43] Deuxièmement, l’appelant a déclaré que la Commission n’a pas agi de bonne foi lorsqu’elle a examiné le concept d’explication raisonnable. La Commission a ignoré la preuve à propos des faux renseignements fournis par l’employeur. L’appelant a senti qu’il était victime d’un acte criminel de la part de l’employeur, qui l’avait privé de prestations d’assurance-emploi de façon frauduleuse. La Commission aurait dû examiner cette question avant de décider que l’appelant n’avait pas d’explication raisonnable. Comme je l’ai mentionné plus haut, toute fausse déclaration d’un employeur est pertinente pour la décision initiale, et non pour la décision subséquente dont il est question dans le présent appel. La Commission n’a pas omis d’agir de bonne foi lorsqu’elle s’est concentrée sur les actions de l’appelant et non sur celles de l’employeur.

[44] Troisièmement, l’appelant a estimé que le personnel de la Commission lors de la décision initiale et lors de la décision de révision ne voulait pas l’aider. Le personnel a accepté les faux renseignements fournis par l’employeur et a ignoré la véritable preuve pertinente. Encore une fois, cette observation porte sur la prise de la décision initiale et ne concerne pas les deux éléments qui entrent en jeu dans la prise de la décision de révision.

[45] Quatrièmement, l’appelant a parlé d’un but ou d’un motif irrégulier. Il a dit que la Commission n’était pas impartiale et qu’elle l’a discriminé en raison de son opinion sur la vaccination contre la COVID-19. L’appelant ne s’est pas fait vacciner et ne voulait pas communiquer son statut vaccinal à son employeur. Encore une fois, cette observation concerne la prise de la décision initiale et n’est pas liée aux deux éléments qui entrent en jeu dans la prise de la décision de révision. Le compte rendu de décision confirme le tout (voir le page GD3-42 du dossier d’appel). L’appelant a fourni des renseignements pour contester l’information fournie par l’employeur au sujet de son congédiement. Il a fourni une explication pour son retard. Il s’agissait en fait de renseignements sur les déclarations fausses et incohérentes de l’employeur, plutôt que de renseignements sur une explication raisonnable. L’appelant n’a fourni aucun renseignement sur son intention constante de demander une révision. Comme l’appelant n’a pas fourni de renseignements sur les deux éléments à examiner, la Commission a décidé qu’il n’avait prouvé aucun de ces éléments. Ce n’est ni un but ni un motif irrégulier de la part de la Commission. Il ne s’agit pas non plus d’un manque d’impartialité ou d’une forme de discrimination.

[46] Pour ces raisons, la Commission a bel et bien exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de révision de l’appelant.

Conclusion

[47] L’appel est rejeté. La décision que la Commission a rendue le 3 février 2022 ne sera pas révisée et reste la même.

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