Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance‑emploi du Canada et CS, 2023 TSS 691

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : X
Représentante : Chaylene L Gallagher
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Personne mise en cause : C. S.

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (531414) datée du 8 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 9 juin 2023
Numéro de dossier : GE-22-3226

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de l’employeur. J’explique pourquoi dans la présente décision.

[2] L’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que les gestes qu’il a invoqués comme étant le motif du congédiement du prestataire étaient délibérés. De plus, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il l’avait averti qu’il perdrait son emploi. Par conséquent, ses gestes ne satisfont pas au critère d’inconduite au sens de la loi.

[3] Cela signifie que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[4] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi le 2 mai 2022. La Commission a d’abord décidé qu’il avait été congédié pour inconduite et a refusé de lui verser des prestationsNote de bas de page 1. Elle a infirmé cette décision après qu’il eut demandé une révision.  

[5] L’employeur fait maintenant appel de la décision découlant de la révision de la Commission. Le prestataire est la personne mise en cause. Il a un intérêt direct puisqu’il pourrait perdre ses prestations. 

[6] Pour constituer une inconduite au sens de la loi qui régit l’assurance-emploi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 2.

[7] L’employeur affirme avoir congédié le prestataire en raison de problèmes d’assiduité et d’activités frauduleuses. Il dit que son client principal (T) s’est plaint que le prestataire avait agi de façon contraire à l’éthique et avait refusé de travailler avec lui. Il dit que la GRC menait une enquête également.

[8] Le prestataire affirme que l’employeur l’a congédié en raison de fausses accusations selon lesquelles il avait apporté de la drogue au travail. Il dit que l’employeur cherchait des moyens de se débarrasser de lui.

[9] Il incombe à l’employeur de prouver qu’il a congédié le prestataire pour inconduite, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). C’est la loi qui s’applique en l’espèce.

Le prestataire n’a pas assisté à l’audience

[10] Le prestataire n’était pas présent à l’audience du 30 janvier 2022, au cours de laquelle l’employeur a présenté sa preuve pour la première fois. J’ai ajourné l’affaire jusqu’au 18 avril 2022 pour donner au Tribunal plus de temps pour joindre le prestataire afin qu’il ait l’occasion de présenter sa positionNote de bas de page 3.

[11] La loi dit que je dois entendre l’appel le plus rapidement possibleNote de bas de page 4. Ainsi, une audience peut se dérouler en l’absence d’une partie même si le Tribunal n’arrive pas à joindre cette partieNote de bas de page 5. Mais il est dans l’intérêt de la justice que toutes les parties y assistent. En l’espèce, le prestataire (personne mise en cause) avait un intérêt direct dans le processus puisqu’il risquait de perdre ses prestations d’assurance-emploi.

[12] Comme il est indiqué au dossier, le Tribunal a tenté à maintes reprises de joindre le prestataire par service de messagerie, par courrier ordinaire et par téléphone. Le Tribunal a fait ces tentatives avant chaque segment de l’audition. J’ai également retardé le début de l’audience à chaque occasion pendant que le Tribunal tentait de le joindre. À la date de la présente décision, il n’avait toujours pas répondu au Tribunal.

[13] Les avis d’audience envoyés par service de messagerie et par la poste ont été retournés comme étant non livrables. Le prestataire pourrait donc avoir déménagé. Le numéro de téléphone au dossier n’est plus en service. Mais les courriels que le Tribunal a envoyés à l’adresse courriel du prestataire le 9 mars 2022 et le 16 mars 2022 ont été livrés. Il est donc plus probable qu’improbable que cette information soit encore à jour.

[14] Malgré les courriels du Tribunal, le prestataire n’était pas à l’audience que j’ai reprise le 18 avril 2022. Étant donné que ces courriels ont été livrés, je crois qu’il est plus probable qu’improbable qu’il savait que l’audience était fixée à cette date.

[15] Par conséquent, l’audience a eu lieu comme prévu, mais en l’absence du prestataire.

Question en litige

[16] Le prestataire a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[17] Pour répondre à cette question, je dois décider deux choses. Je dois d’abord décider pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite décider si ce motif est une inconduite au sens de la Loi. Il ne m’appartient pas de décider si l’employeur avait raison de congédier le prestataireNote de bas de page 6.

Pourquoi le prestataire a‑t‑il perdu son emploi?

[18] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique d’assiduité de l’entreprise et qu’il y avait eu des plaintes selon lesquelles il avait agi de manière frauduleuse avec des clients.

[19] Pour en arriver à cette conclusion, j’ai dû me fonder principalement sur la preuve de l’employeur puisque le prestataire n’a présenté aucune observation depuis sa demande de révision. J’ai examiné tous les éléments de preuve présentés par l’employeur dans les différents formats suivants.

[20] La lettre de congédiement du 2 mai 2022 documente les questions suivantes comme étant les motifs du congédiement du prestataire :

  • S’être présenté en retard ou s’être absenté du travail à six reprises entre le 7 avril 2022 et le 29 avril 2022, [traduction] « sans communication » (remarque : l’absence du 27 avril 2022 était [traduction] « avec approbation »).
  • Avoir commis une fraude relative aux heures le 14 avril 2022, lorsqu’il est arrivé au bureau au milieu de l’après-midi et a demandé au siège social de modifier son heure d’arrivée à 9 h 30.
  • S’être endormi pendant qu’il aidait un client le 28 avril 2022.
  • Avoir contrevenu à la politique de sécurité du personnel de l’entreprise après que des collègues se sont plaints de ne pas se sentir en sécurité avec lui parce qu’ils avaient vu de la drogue dans son sac à dos.
  • Plaintes de fraude d’un client : avoir accédé au compte d’un ami à plusieurs reprises (signalé le 30 janvier 2022); avoir activé des services sans le consentement du client (21 avril 2022); avoir conseillé à un client de désactiver son compte et de le réactiver au nom d’un conjoint (21 avril 2022, encadrement à ce sujet le 15 janvier 2022).
  • Avoir contrevenu à la politique d’utilisation des biens de l’entreprise en conservant ses propres identifiants et ceux d’amis sur son ordinateur portable (décrit ailleurs comme la création de faux certificats de vaccination).

[21] L’employeur a par la suite dit à la Commission que le prestataire avait également été congédié pour avoir volé les numéros de série d’un téléphone et d’une montre qui appartenaient à l’entrepriseNote de bas de page 7. Au cours de cet appel avec la Commission, l’employeur a dit que l’incident qui a entraîné le congédiement était la possession de drogue alléguée signalée par des collègues.

[22] Dans son appel, l’employeur a donné les motifs de congédiement suivants :

  • [traduction] « Multiples manquements à la politique ayant entraîné le congédiement conformément à notre manuel des politiques ont été violés, un accusé de réception signé par Christopher, et ont continué de se produire [sic] ».
  • [traduction] « Notre enquête interne a révélé des chefs d’accusation de vol, de fraude et de sécurité du personnel ».

[23] L’appel de l’employeur contient des extraits du manuel des politiques de l’entreprise concernant les trois questions susmentionnées : le vol, la fraude et la sécurité du personnel.

[24] À l’audience, le directeur des opérations de l’employeur a témoigné qu’il n’avait pas congédié le prestataire pour mauvais rendement, utilisation inappropriée de son ordinateur portable, possession de drogues au travail (sécurité du personnel) ou pour toute autre raison qu’il avait précédemment donnée pour justifier son congédiement. 

[25] L’employeur affirme que le congédiement du prestataire était déjà en cours en raison d’autres problèmes. Il affirme avoir congédié le prestataire en raison d’un manque d’assiduité et d’enquêtes pour fraude menées par T et la GRC. L’employeur affirme que T ne voulait plus travailler avec le prestataire. Il ne pouvait donc pas faire son travailNote de bas de page 8.  

[26] Le prestataire a affirmé que l’employeur l’avait congédié parce qu’il gagnait plus que ses gestionnairesNote de bas de page 9. Je ne vois aucun élément de preuve qui étaye cet argument.

[27] J’accepte donc le témoignage sous serment de l’employeur comme étant le dernier mot sur la raison pour laquelle il a congédié le prestataire. De plus, j’ai accordé du poids à ce témoignage parce qu’il a été donné avec l’aide d’une conseillère juridique.

[28] C’est pourquoi je conclus que le prestataire a perdu son emploi en raison d’un manque d’assiduité et d’allégations de fraude de T. Ce sont donc les seules questions que je vais examiner.

Les raisons du congédiement du prestataire sont‑elles une inconduite au sens de la loi?

[29] Non. Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les motifs du congédiement du prestataire constituent une inconduite au sens de la Loi. L’employeur peut décider qu’un congédiement constitue une inconduite au sens de ses politiques et procédures internes. Mais ce n’est pas nécessairement la même chose que l’inconduite au sens de la loi qui régit l’assurance-emploi. 

[30] Pour qu’il s’agisse d’une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10. L’inconduite doit être une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 11. Le prestataire n’a pas à avoir l’intention de faire quelque chose de mal pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 12.

[31] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 13. En d’autres termes, la principale question est la suivante : a-t-il été averti qu’il serait congédié si la conduite visée se poursuivait?

[32] Il incombe à l’employeur de prouver que les gestes du prestataire constituaient de l’inconduite au sens de la Loi. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 14. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[33] Compte tenu de la sanction sévère qui découle d’une conclusion d’inconduite, soit la perte de prestations d’assurance-emploi, je ne peux tirer cette conclusion que sur la foi d’éléments de preuve clairsNote de bas de page 15. Je ne peux m’en remettre uniquement à l’opinion de l’employeur.

[34] Pour les motifs qui suivent, je conclus que je ne dispose pas de ces éléments de preuve clairs.

Les gestes du prestataire ont-ils été délibérés, l’ont-ils empêché de faire son travail et le prestataire a-t-il été averti qu’il serait congédié?

[35] Je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que les gestes du prestataire satisfont à ce critère pour les deux raisons pour lesquelles l’employeur dit l’avoir congédié : les retards et l’activité frauduleuse.

[36] J’ai aussi relevé une anomalie. L’employeur affirme que le prestataire a signé un document reconnaissant qu’il ferait l’objet d’un [traduction] « congédiement si cela continuait, ce qui a continué », mais la preuve démontre seulement qu’il a signé un document confirmant qu’il acceptait les règles contenues dans le manuel des politiques lorsqu’il a commencé son emploi. Rien ne démontre qu’il a signé des avertissements au sujet de sa conduite depuis.

Assiduité

[37] Je conclus que le retard chronique est la question de l’assiduité dans le présent appel. L’employeur n’a pas fourni la preuve que le fait de manquer des jours de travail constituait également un problème chronique. La lettre de congédiement ne mentionnait qu’une absence d’une journée sans approbation et une absence d’une journée avec approbation.  

[38] Dans sa demande de révision, le prestataire a nié qu’il avait été en retard de façon chronique. Il a dit qu’il y avait une culture de retard dans le milieu de travail. Il a soutenu qu’il avait été plus assidu que la plupart des autres employés.

[39] Quel que soit le comportement des autres employés, je remarque que le prestataire a signé le manuel des politiques de l’entreprise lorsqu’il a été embauché. Ce document indique que les employés ont l’obligation d’être à l’heure et qu’ils peuvent être congédiés pour ne pas avoir observé cette règle. Les employeurs ont le droit de s’attendre à ce que leurs employés se présentent au travail et soient à l’heure.

[40] J’accepte le témoignage de l’employeur selon lequel le prestataire était souvent en retard, comme le montrent ses dossiersNote de bas de page 16.

[41] Je n’excuse pas les retards du prestataire, mais je me demande si l’employeur a prouvé qu’ils étaient délibérés, c’est-à-dire conscients, voulus ou intentionnels. 

[42] L’employeur affirme que l’entreprise savait que le prestataire était aux prises avec des problèmes de santé mentale après s’être remis d’une dépendance. Il dit qu’il voulait l’aiderNote de bas de page 17. Les éléments de preuve suivants le prouvent.

[43] L’employeur a documenté un comportement erratique. Il est indiqué que le prestataire semblait parfois incohérent et troublé. Il est indiqué qu’il s’est endormi au travail à plus d’occasions que celle qui est mentionnée. Il a donné des exemples de communications bizarres qu’il a envoyées pour signaler une entrée par effraction au magasin qui n’avait jamais eu lieu.

[44] Le 27 avril 2022, soit quelques jours avant le congédiement du prestataire, les dossiers de l’employeur indiquent qu’il a décidé, en consultation avec le directeur de district, [traduction] « d’offrir un congé ou de modifier les tâches pour s’assurer que nous puissions offrir le meilleur soutien possible dans l’espoir d’éliminer tout ce qui pourrait contribuer au déclin de sa santé mentale [du prestataire] [sic]Note de bas de page 18 ».

[45] Comme il était au courant des difficultés du prestataire, je conclus que l’employeur n’a pas prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que ses retards aient été délibérés. Les retards attribuables à un problème de santé ne constituent pas une conduite délibérée. Il s’agit du premier volet du critère d’inconduite au sens de la Loi.

[46] Rien ne prouve non plus que les retards du prestataire l’ont empêché de faire son travail. Les employés ont le devoir de veiller à ce que leurs gestes ne les empêchent pas de remplir leurs fonctions. Il s’agit du deuxième volet du critère d’inconduite.

[47] À l’audience, l’employeur a rejeté l’argument du prestataire selon lequel il avait été un employé très performant, mais a concédé que son rendement au travail avait été acceptable. À cette occasion, le directeur des opérations a confirmé que le mauvais rendement n’était pas la raison du congédiement du prestataire.

[48] En ce qui concerne les retards du prestataire, la preuve de l’employeur concernant de multiples retards s’étend du 2 mars 2021 au 28 avril 2022. Cela signifie qu’il a toléré les retards du prestataire pendant plus d’un an avant de le congédier. Il a également toléré les infractions à sa politique selon lesquelles [traduction] « la présentation délibérée de modifications inexactes à l’horloge de pointage peut entraîner des mesures disciplinaires, y compris le congédiementNote de bas de page 19 ».

[49] De plus, des textes produits en preuve entre le prestataire et un gestionnaire laissent entrevoir une approche laxiste à l’égard de ses problèmes d’assiduité. Voici la teneur de ces messages : [traduction] « Ce n’est pas dans tes habitudes de vouloir t’absenter du travail », [traduction] « prends le temps dont tu as besoin » et [traduction] « C’est tout à fait correctNote de bas de page 20 ».

[50] Selon la jurisprudence, l’employé n’a pas commis d’inconduite lorsque l’employeur, par son inaction, tolère des pratiques qui contreviennent à ses propres politiquesNote de bas de page 21.

[51] Rien ne prouve non plus que le prestataire a reçu un avertissement écrit selon lequel il serait congédié si ses retards se poursuivaient. Un seul des trois avertissements manuscrits dans la preuve fait mention des retards. Il s’agit du premier avertissement verbal du 18 mars 2021, soit plus d’un an avant que l’employeur le congédieNote de bas de page 22.

[52] Le dossier ne contient que deux autres avertissements manuscrits. L’un d’eux est un premier avertissement verbal donné le 30 mars 2021 pour ne pas avoir fait correctement la caisse à la fermeture du magasin. Le dernier est un premier avertissement verbal daté du 19 décembre 2021 pour avoir laissé un client quitter le magasin avec un appareil avant d’avoir terminé l’activation.

[53] La liste dactylographiée de l’employeur contient d’autres dates et infractions pour lesquelles il n’y a aucune preuve correspondante d’un avertissement, verbal ou écrit.

[54] Le prestataire a affirmé qu’il avait eu des conversations de formation, mais qu’il n’a jamais su qu’il s’agissait d’avertissements qu’il serait congédié. Et l’employeur a fait référence à de l’encadrement concernant certaines questions.

[55] Il est donc plus probable qu’improbable qu’il y ait eu des séances d’encadrement plutôt que des réunions officielles au cours desquelles l’employeur a averti le prestataire qu’il serait congédié. Selon la liste de l’employeur, le prestataire n’a été informé qu’une seule fois qu’il s’agissait d’un dernier avertissement. Il s’agit d’une conversation tenue le 13 mars 2022 au sujet de l’aide apportée à des amis avec leurs comptes pendant ses jours de congé.

[56] Il n’y a aucun avertissement documenté concernant les retards après mars 2021, seulement des mentions dans la liste de retards de l’employeur à compter de mars 2022.

[57] Le fait de savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié constitue le troisième volet du critère d’inconduite. Comme le prestataire n’a pas été averti et que ses retards étaient tolérés pour la plupart, cela ne satisfait pas au critère d’inconduite au sens de la Loi.

[58] J’examinerai ensuite l’activité frauduleuse présumée.

Activité frauduleuse

[59] L’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire s’est volontairement livré à des activités frauduleuses. Il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve au sujet des allégations de fraude pour démontrer que ses gestes satisfaisaient au critère d’inconduite au sens de la Loi.

[60] J’ai fondé cette conclusion sur les considérations suivantes :

  • La preuve démontre que T a rétabli l’identifiant du prestataire après avoir fait enquête à son sujet pour des relations inappropriées ou contraires à l’éthique avec des clients. Je conclus qu’il est peu probable que T ait rétabli l’accès du prestataire si ses enquêtes avaient révélé une fraude.
  • Rien ne prouve que la GRC a donné suite en menant une enquête. Le nom et le numéro d’insigne d’un agent qui avait pris les premiers renseignements ont été fournis, mais ils ne suffisent pas à démontrer que le prestataire a agi de manière frauduleuse.
  • L’employeur n’a fait qu’une légère réprimande à ses employés le 11 avril 2022 pour l’un des gestes qu’il a décrits comme étant une fraude dans le cas du prestataire : [traduction] « Les gars, à partir de maintenant, nous ne devons pas dire aux clients actuels d’annuler leurs services et de s’inscrire au nom d’un conjoint, d’un ami ou d’une connaissance [sic]Note de bas de page 23 ».
  • Ce message étaye l’argument du prestataire selon lequel les gestionnaires avaient auparavant toléré cette pratique, voire l’encourageaient activement.
  •  
  • Il n’y a pas d’avertissement verbal ou écrit dans la preuve concernant la fraude.
  • Un texte daté du 18 avril 2022, soit deux semaines avant le congédiement du prestataire, le remercie de ses efforts : [traduction] « Salut! Le magasin a l’air bien, les stocks sont bien gérés, tout comme la caisse [sic], même votre bureau est ordonné. Merci! »
  • Il est invraisemblable qu’un employé qui est félicité de cette façon sache qu’il risque d’être congédié.

[61] Je conclus donc que l’employeur n’a pas démontré que le prestataire a commis délibérément des actes frauduleux. Depuis que T l’a réintégré, l’employeur n’a pas démontré que les gestes du prestataire l’ont empêché de faire son travail. Rien ne montre non plus que l’employeur l’a averti qu’il serait congédié en raison de ses relations avec les clients de T. Et il n’aurait pas pu savoir, vu les interactions surtout positives qu’il avait avec ses gestionnaires, qu’il serait congédié.

Donc, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[62] Je conclus que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite, au sens de la Loi.

[63] L’employeur affirme qu’il a interjeté appel non pas parce qu’il veut que le prestataire perde ses prestations d’assurance-emploi, mais parce qu’il a entamé des procédures civiles pour congédiement injustifié. Comme je l’ai souligné à l’audience, mon seul rôle est de décider si les motifs du congédiement du prestataire constituent une inconduite au sens de la Loi. Je ne tire aucune conclusion quant à savoir s’il a été congédié à tort.

Conclusion

[64] L’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi. Il n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

[65] Cela explique pourquoi je rejette l’appel de l’employeur.

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