Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1822

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (491458) datée du
7 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Peter Mancini
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 5 décembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Intimée
Date de la décision : Le 15 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2672

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été mis en congé administratif sans solde (suspendu) en raison d’une inconduite (c’est‑à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été suspendu sans solde. Son employeur a déclaré qu’il avait été suspendu sans solde parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme que ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur n’est pas une inconduite. Il soutient également que parce qu’il avait droit à des prestations de maladie, il devrait être admissible à des prestations régulières.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a estimé que le prestataire avait été suspendu sans solde en raison d’une inconduite. Elle a donc conclu que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il été suspendu sans solde en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[8] Pour décider si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a été suspendu. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Je conclus que le prestataire a été suspendu parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur.

[10] Le prestataire et la Commission ne sont pas en désaccord sur la raison pour laquelle il a été suspendu. Les deux conviennent qu’il a été suspendu parce qu’il ne s’est pas fait vacciner.

[11] Je conclus que le prestataire a été suspendu sans solde parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Le prestataire a déclaré qu’il ne voulait pas suivre la politique et qu’il n’a pas demandé d’exemption. Il a dit qu’il connaissait le contenu de la politique et les conséquences de ne pas la respecter.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[12] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[13] La Loi sur lassurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si la suspension du prestataire résulte d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique de l’inconduite, c’est‑à‑dire les questions et les éléments à prendre en considération quand on examine la question de l’inconduite.

[14] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[15] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[16] Je peux seulement trancher les questions auxquelles la Loi sur l’assurance‑emploi s’applique. Je ne peux pas décider si d’autres lois offrent d’autres options au prestataire. Il ne m’appartient pas non plus de décider si son employeur l’a congédié injustement ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 7. Je peux seulement évaluer si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[17] Dans une décision de la Cour fédérale intitulée McNamara, le prestataire a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié injustementNote de bas de page 8. Il avait perdu son emploi en raison de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a déclaré qu’aucun motif raisonnable ne permettait de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité après avoir consommé de la drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage auraient dû être valides.

[18] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle avait toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question était de savoir si l’action ou l’omission de la personne employée constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non si la personne employée avait été congédiée injustementNote de bas de page 9.

[19] La Cour d’appel fédérale a aussi dit que lorsqu’on interprète et applique la Loi sur l’assurance-emploi, il faut se concentrer sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a aussi fait remarquer que les personnes employées qui ont été congédiées injustement ont d’autres solutions à leur disposition. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur et évitent que celui-ci coûte de l’argent aux contribuables en versements de prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 10.

[20] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, le prestataire a été congédié après avoir échoué à un test de dépistageNote de bas de page 11. Il a fait valoir qu’il avait été congédié injustement parce que les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses politiques et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a déclaré que le comportement de l’employeur n’était pas pertinent pour évaluer s’il y avait eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[21] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, le prestataire a perdu son emploi en raison de son alcoolismeNote de bas de page 13. Il a soutenu que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que l’alcoolisme est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait et qu’il importe peu que l’employeur lui ait offert ou non des mesures d’adaptationNote de bas de page 14.

[22] Ces décisions ne concernant pas des politiques de vaccination contre la COVID-19, mais ce qu’elles disent est pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de suspendre le prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que celui-ci a fait ou n’a pas fait et voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a refusé de se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Il l’a fait délibérément en sachant qu’il serait suspendu sans solde. La Commission convient qu’il a reçu des prestations de maladie, mais cela ne lui donne pas droit à des prestations régulières. Les critères d’admissibilité aux deux types de prestations sont différents. Le refus du prestataire de suivre la politique constitue une inconduite et c’est pour cela qu’on lui a refusé des prestations.

[24] Le prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait les codes internationaux ainsi que ses droits. Il savait qu’il pouvait demander une exemption pour des raisons religieuses, mais il n’en a pas demandé parce qu’il connaissait d’autres personnes qui l’avaient fait sans succès.

[25] La politique de vaccination de l’employeur prévoit que tous les membres du personnel doivent attester qu’ils ont été vaccinés avant le 14 novembre 2021. Les personnes qui n’étaient pas vaccinées à cette date seraient mises en congé administratif sans solde à moins qu’elles aient demandé et obtenu une exemption. La politique a été communiquée au prestataire le 6 octobre 2021. Le fait qu’il était au courant de la politique est un élément important du critère d’inconduite.

[26] Le prestataire savait ce que la politique de vaccination exigeait de lui et ce qui se passerait s’il ne la respectait pas. Le 6 octobre 2021, l’employeur l’a informé des exigences de la politique et des conséquences de ne pas les respecter. Le prestataire ne conteste pas ce fait.

[27] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que les deux parties conviennent qu’il a refusé de suivre la politique de l’employeur. La preuve montre clairement que le prestataire avait été informé de la politique et qu’il connaissait ses exigences et les conséquences de ne pas les respecter. Il savait qu’il serait mis en congé administratif sans solde s’il n’obtenait pas d’exemption. Sachant cela, il a refusé de suivre la politique. La Commission a raison de dire que les critères d’admissibilité aux prestations de maladie et aux prestations régulières prévus par la Loi sur l’assurance-emploi sont différents.

Le prestataire a-t-il donc été suspendu en raison d’une inconduite?

[28] Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[29] Il en est ainsi parce que ses actions ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait qu’il risquait d’être mis en congé administratif sans solde s’il refusait de se faire vacciner.

Conclusion

[30] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu sans solde en raison d’une inconduite. Le prestataire est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[31] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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