Assurance-emploi (AE)

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Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 205

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (614431) datée du 23 août 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 15 janvier 2024
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 29 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-2663

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant a démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestationsNote de bas de page 1. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Par conséquent, sa demande initiale peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Aperçu

[3] L’appelant travaille à titre de débroussailleur dans le domaine forestier. Il doit parcourir de longues distances en région.

[4] Il termine son emploi le 24 septembre 2022. Il revient dans sa ville de résidence vers le 25 septembre 2022.

[5] Le 1er novembre 2022, il présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il demande à la Commission que sa demande soit effective à partir du 25 septembre 2022.

[6] L’appelant justifie son retard à présenter sa demande par le fait qu’il a tenté à plusieurs de rejoindre un agent à Service Canada. Il ne pouvait pas se déplacer avec son véhicule qui devait être réparé. Il n’avait pas eu de problème à présenter ses demandes par téléphone pendant la pandémie.

[7] La Commission refuse la demande de l’appelant concernant la présentation de sa demande le 25 septembre 2022. Selon la Commission, l’appelant n’a pas un motif valable pour justifier son retard.

[8] L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission. Il a tenté de s’informer auprès de la Commission sans succès.

Question en litige

[9] La demande initiale de l’appelant peut‑elle être traitée comme si elle avait été présentée le 25 septembre 2022 ? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande initiale.

Analyse

[10] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :

  1. a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi ;
  2. b) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[11] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si l’appelant avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[12] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[13] L’appelant doit le prouver pour toute la période du retardNote de bas de page 4. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où il a présenté cette demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelant est du 25 septembre 2022 au 1er novembre 2022.

[14] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 5. Cela veut dire que l’appelant doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas de page 6.

[15] L’appelant doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[16] Je retiens que l’appelant travaille comme débroussailleur dans le nord. En 2022, il est revenu vers le 24 septembre. Il s’est fait intercepter par les policiers en raison de l’état de son véhicule. Il a reçu plusieurs constats qui l’obligeaient à faire des réparations sur son véhicule. Il n’avait pas les moyens de débourser plus de 10 000 $.

[17] Il a fait des démarches pour s’acheter une nouvelle voiture. Il a été également tenté de faire sa demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi par téléphone. Cependant, il y a eu un bogue. Il ne pouvait pas se rendre au bureau de Service Canada. Il a tenté de joindre par téléphone un agent, mais sans succès.

[18] Il s’est présenté au bureau de Service Canada vers le 1er novembre 2022. Il avait un véhicule pour se rendre au bureau. Il a présenté sa demande et il a demandé qu’elle soit effectivement à partir du 25 septembre 2022.

[19] De plus, pendant la pandémie, il n’avait pas de problèmes à présenter ses demandes par téléphone. Il ne comprend pas pourquoi la situation a changé.

[20] Selon la Commission, l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable dans les circonstances. Il n’a pas prouvé qu’il a tenté de joindre la Commission. Dans les faits, il a présenté une demande pour qu’elle soit effective seulement le 1er novembre 2022. La Commission n’a pas été en mesure de rejoindre l’appelant dans le cadre de sa demande de révision. Elle soutient que l’appelant aurait dû s’informer rapidement de ses droits.

[21] Après avoir étudié le dossier, entendu l’appelant et pris en compte les représentations de parties, j’estime que l’appelant a un motif valable pour justifier son retard.

[22] Je constate que l’appelant vit et travaille dans des lieux isolés. Il ne peut compter que sur lui-même pour subvenir à ses besoins et faire des démarches auprès de la Commission. Lorsqu’il n’a plus eu accès à un véhicule, il ne pouvait pas se déplacer pour obtenir des informations au bureau de Service Canada. Il a tenté de téléphoner sans succès. Il a également tenté de remplir sa demande par téléphone.

[23] À l’audience, l’appelant a expliqué sa situation et les efforts qu’il a faits pour remplir sa demande afin de recevoir des prestations. Aussitôt qu’il a eu accès à un véhicule, il a fait ses démarches.

[24] Par ailleurs, la Commission a mis en place une politique administrative pour traiter les demandes antidateNote de bas de page 7. L’appelant a cessé de travailler le 24 septembre 2022. Il demande que les prestations commencent le dimanche de la semaine d’arrêt de rémunération. Dans son cas, il a demandé que les prestations commencent le 25 septembre 2022. 

[25] La politique de la Commission prévoit qu’une personne doit présenter sa demande dans les 4 semaines civiles. Dans le cas de l’appelant, la semaine commence lors de l’arrêt de rémunération le 25 septembre 2022. Il pouvait donc présenter sa demande jusqu’au 23 octobre 2022 sans avoir à justifier son retard. L’appelant a donc présenté sa demande dans la cinquième semaine. La Commission a décidé que les prestations commençaient à cette dateNote de bas de page 8.

[26] J’estime que l’appelant a un motif valable pour expliquer son retard à présenter sa demande en tenant compte de la politique de la Commission. Je comprends que l’appelant a agi le plus rapidement possible lorsqu’il a eu accès à un véhicule. Comme je l’ai mentionné, l’appelant réside en région, il vit seul et il n’a pas accès au transport en commun.

[27] Concernant la question de savoir si l’appelant remplissait les conditions requises au moment de sa demande, je comprends que l’appelant y répondait. En effet, la Commission a refusé de verser des prestations à partir du 25 septembre 2022 uniquement au motif que l’appelant a présenté sa demande en retard sans motif valable. 

Conclusion

[28] L’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations pendant toute la période écoulée.

[29] L’appel est accueilli.

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