Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1254

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. A.
Représentante ou représentant : L. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (553294) datée
du 12 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 31 juillet 2023
Date de la décision : Le 8 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-165

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a quitté son emploi le 5 août 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de l’appelant pour quitter son emploi. Elle a conclu que ce dernier a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] L’appelant soutient qu’il a quitté son emploi parce qu’il voulait s’éloigner lorsque son mariage a pris fin. Il a décidé de déménager de Mississauga à St. Catharines où il pouvait louer une chambre de son frère. Il dit que le trajet quotidien entre sa nouvelle résidence et son ancien employeur était trop long. Il a ajouté que trouver un autre logement près de son travail était trop coûteux.

[5] La Commission affirme que l’appelant aurait pu rester plus près de son lieu de travail et conserver son emploi au lieu de déménager plus loin. Elle ajoute que l’appelant aurait pu faire des recherches d’emploi dans sa nouvelle région de résidence avant de démissionner.

[6] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

Question que je dois examiner en premier

L’appelant et son représentant désigné n’étaient pas présents à l’audience

[7] L’appelant et son représentant désigné ont assisté à la première audience par téléconférence le 19 juillet 2023. À ce moment-là, j’ai jugé que l’appelant avait besoin des services d’interprétation et je n’ai pas entamé l’audience. J’ai informé l’appelant et son représentant que je tiendrais l’audience avec les services d’interprétation dès que possible.

[8] Le 19 juillet 2023, le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé un avis à l’adresse courriel du représentant de l’appelant. Cet avis précisait que la nouvelle audience devait avoir lieu le 31 juillet 2023 à 10 h. Le 24 juillet 2023, le Tribunal a appelé l’appelant au numéro de téléphone du représentant désigné. Le Tribunal a passé six minutes au téléphone pour confirmer l’heure, la date et la façon de participer à l’audience par téléconférence. Selon le représentant du Tribunal, [traduction] « ils » n’avaient pas de questions et avaient confirmé [traduction] « leur » intention d’assister à l’audience.

[9] Le 31 juillet 2023 à 10 h, ni l’appelant ni son représentant désigné ne se sont joints à l’audience par téléconférence. Après 10 minutes, j’ai communiqué avec le Tribunal pour qu’on essaie de communiquer avec l’appelant. Le Tribunal a déclaré que ni l’appelant ni son représentant désigné n’avaient communiqué avec lui pour signaler des problèmes liés à leur participation à l’audience et qu’il avait tenté à deux reprises d’appeler l’appelant, mais qu’il était tombé sur la boîte vocale.

[10] L’audience peut avoir lieu en l’absence de l’appelant, si ce dernier a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 1. Je pense que l’appelant et son représentant désigné ont reçu cet avis parce qu’un courriel détaillant l’heure et la date de l’audience par téléconférence a été envoyé à l’adresse courriel fournie pour les joindre le 19 juillet 2023. De plus, le Tribunal a appelé l’appelant le 24 juillet 2023 au numéro fourni pour joindre son représentant désigné et a confirmé avec eux l’heure et la date de l’audience.

[11] Je remarque que l’adresse courriel affichée sur l’avis d’appel est celle du représentant de l’appelant. Toute la correspondance a été envoyée à cette adresse. L’appelant a fourni le numéro de téléphone du représentant désigné, et c’est ce numéro que le Tribunal a composé pour confirmer la date et l’heure de l’audience du 31 juillet 2023.

[12] Je suis convaincu que l’appelant et son représentant désigné ont tous deux reçu l’avis d’audience le 31 juillet 2023. Aucune explication n’a été fournie pour justifier le fait qu’ils n’aient pas participé à l’audience. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans l’appelant et son représentant désigné.

Question en litige

[13] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[14] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

Analyse

L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

[15] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Le critère juridique relatif au départ volontaire est plutôt simple : la personne avait-elle le choix de rester ou de partirNote de bas de page 3? C’est à la Commission de prouver qu’une partie prestataire a quitté volontairement son emploi.

[16] Je conclus que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant a dit à la Commission qu’il avait quitté son emploi parce qu’il devait déménager à cause de sa rupture. Il a dit à la Commission qu’il avait déménagé de Mississauga à St. Catharines et que le trajet jusqu’à son ancien lieu de travail était trop long. Il a aussi dit qu’il avait avisé son employeur de son intention de partir trois semaines à l’avance. Dans ses observations, l’appelant a admis avoir quitté son emploi.

[17] L’employeur a confirmé à la Commission que l’appelant avait démissionné. Il a dit que l’appelant l’avait avisé par écrit le 25 juillet 2022 qu’il partirait et que son dernier jour de travail serait le 5 août 2022.

[18] Selon les observations au dossier, je suis convaincu que la Commission a prouvé que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Il avait le choix de rester ou de partir et il a choisi de partir.

[19] Je dois maintenant vérifier si l’appelant était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

L’appelant est-il fondé à quitter son emploi?

[20] Je conclus que l’appelant n’avait pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[21] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 4. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[22] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 5.

[23] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 6. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi.

[24] Dans sa demande de révision, l’appelant a déclaré qu’il voulait s’éloigner le plus possible à cause de sa rupture. Son frère a offert de l’aider et de le laisser emménager dans une propriété qu’il possède à St. Catharines. L’appelant a essayé de se rendre au travail, mais il a décidé de quitter son emploi en raison de la distance, du prix de l’essence, de l’usure de son véhicule et des déplacements épuisants. Il a aussi souligné que son âge, sa santé et sa stabilité mentale avaient contribué à sa décision de démissionner. Il a précisé qu’au mois d’août 2022, il manquait de soutien et n’était pas mentalement stable. Il affirme qu’il n’avait d’autre choix que de quitter son emploi.

[25] L’appelant a dit à la Commission qu’il avait quitté son emploi parce que son mariage avait pris fin. En août 2022, il a décidé de se séparer de sa partenaire. À l’époque, il vivait à Mississauga, en Ontario, et travaillait à Guelph, en Ontario. Il s’est organisé avec son frère pour déménager à St. Catharines, en Ontario, où celui-ci avait un logement disponible pour lui. L’appelant a précisé à la Commission qu’il avait déménagé à St. Catharines le 1er août 2022, mais qu’il n’avait pas vendu sa maison à Mississauga avant le 19 août 2022.

[26] L’appelant a dit à la Commission qu’il n’avait pas envisagé de se rendre à son ancien emploi parce que cela prenait trop de temps. Il a expliqué qu’il avait fait le trajet de St. Catharines jusqu’à son ancien emploi à Guelph du 1er août 2022 au 4 août 2022, pour un total de quatre jours. Il a laissé entendre qu’il lui fallait deux fois plus de temps pour se rendre au travail que lorsqu’il vivait à Mississauga.

[27] Il a aussi confirmé qu’il n’avait pas cherché un autre logement à Mississauga ou près de son lieu de travail. Il n’a pas demandé de congé parce que la distance ne changerait pas. Il n’a pas envisagé le covoiturage parce qu’il a dit que la durée du trajet resterait la même. Le dossier montre que l’appelant s’est bel et bien informé au sujet d’un transfert, mais qu’au sein de l’organisation, il était seulement possible de passer à un quart de travail différent ou à une autre chaîne de fabrication.

[28] L’appelant n’a pas cherché d’autre emploi avant de démissionner.

[29] La Commission affirme que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Elle soutient que l’appelant avait vendu sa maison et qu’il aurait été raisonnable et abordable pour lui de rester près de son lieu de travail et de conserver son emploi. La Commission ajoute qu’il aurait pu chercher un autre emploi dans le nouveau lieu qu’il préférait avant de quitter son travail.

[30] L’appelant aurait aussi pu demander et accepter un transfert. Compte tenu du désir de l’appelant de s’éloigner, la Commission soutient qu’il aurait pu accepter un poste chez l’employeur à Windsor, en Ontario, pour conserver son emploi.

[31] La Commission dit qu’en choisissant de déménager à St. Catharines, l’appelant s’est volontairement placé dans une situation où il était difficile de conserver son emploi. Elle affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[32] La Loi sur l’assurance-emploi précise les circonstances qui peuvent permettre de conclure qu’il existe un motif valable de quitter un emploiNote de bas de page 7.

[33] Je suis sensible à la situation de l’appelant. Toutefois, sa décision de déménager loin de son employeur à cause de sa rupture ne permet pas de conclure qu’il était fondé à quitter son emploi. Il ne s’agit pas d’une circonstance prévue par la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] Quelle que soit la situation de l’appelant, il doit tout de même démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

Solutions raisonnables

[35] J’estime que le départ de l’appelant n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[36] L’appelant a choisi de démissionner et de déménager à St. Catharines, un endroit qu’il trouvait trop loin de son emploi à Guelph. Il aurait pu trouver un logement à Mississauga ou plus près de son employeur et ainsi garder son emploi.

[37] L’appelant a laissé entendre à la Commission qu’il ne pouvait pas se le permettre. Cet argument ne me convainc pas. L’appelant a déclaré avoir vendu sa maison. Même en supposant qu’il s’agissait d’une copropriété et qu’il ait dû attendre que la vente soit conclue, l’appelant aurait tout de même obtenu le produit net de cette vente qu’il aurait pu utiliser pour un logement. De plus, en continuant à travailler, il aurait eu les moyens de payer le logement en attendant le produit de la vente de la maison.

[38] L’appelant a déclaré que le trajet quotidien entre St. Catharines et Guelph était trop long.

[39] En fait, à l’intérieur du Golden Horseshoe, le trajet décrit par l’appelant est considéré comme une distance raisonnable. De nombreuses personnes parcourent des distances semblables et même plus grandes pour conserver un emploi. Pour diminuer le stress et les coûts associés à ces trajets quotidiens, certaines personnes choisissent le covoiturage.

[40] Je suis convaincu que l’appelant aurait pu faire le trajet de St. Catharines à Guelph et conserver son emploi pendant au moins une courte période jusqu’à ce qu’il puisse trouver un autre emploi plus près de sa nouvelle résidence ou un logement plus près de Guelph. L’appelant avait d’autres solutions pour pallier le problème de transport, mais il a choisi de ne pas les explorer.

[41] Je ne suis pas convaincu que l’appelant ait eu la possibilité d’être transféré à Windsor. L’employeur a confirmé à la Commission qu’il aurait envisagé d’accorder un congé à l’appelant, mais qu’il n’y avait pas de transfert possible.

[42] Enfin, l’appelant a fourni une copie d’un billet médical indiquant qu’il a été jugé inapte au travail. La date du billet n’est pas tout à fait claire, mais je suis convaincu qu’il s’agit du 24 décembre 2022. L’appelant a noté ses problèmes de santé mentale dans ses observations, en précisant qu’il était mentalement instable. Toutefois, aucun billet médical antérieur ne donne à penser que l’appelant n’était pas apte à travailler lorsqu’il a quitté son emploi en août 2022.

[43] Je suppose que l’appelant présente ce billet pour appuyer davantage le fait que son départ était la seule solution raisonnable parce qu’il avait des problèmes de santé mentale.

[44] Même si l’appelant avait été malade et inapte au travail lorsqu’il a démissionné, il ne serait pas considéré comme étant fondé à quitter volontairement son emploi. L’appelant aurait pu demander un congé de maladie ou s’absenter pour des raisons médicales et ainsi conserver son emploi.

[45] Essentiellement, l’appelant a lui-même pris la décision de déménager à St. Catharines, puis de quitter son emploi parce qu’il était trop loin du travail. Soit il n’a pas exploré d’autres solutions raisonnables qui lui auraient permis de conserver son emploi, soit il les a écartées. Étant donné les circonstances, il était clairement plus avantageux de déménager. Cependant, ces circonstances n’appuient pas la conclusion selon laquelle il était fondé à quitter son emploi.

[46] Compte tenu de toutes les circonstances et du fait que le départ de l’appelant n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas, l’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

Conclusion

[47] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.

[48] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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