Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 31

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Parties demanderesse : K. B.
Partie défenderesse  : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
13 octobre 2023
(GE-23-2099)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 10 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-952

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, K. B. (la prestataire), demande la permission de faire appel de la décision de la division générale du 13 octobre 2023.

[3] La division générale a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, avait prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi.

[4] En raison de son inconduite, la prestataire a été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] La prestataire nie avoir commis une inconduite. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle avait commis une inconduite.

[6] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, il doit y avoir une cause défendableNote de bas de page 1. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 2.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[8] Voici les questions en litige :

  1. a) Peut-on soutenir que la division générale a omis d’appliquer la Loi sur les normes d’emploi ou les principes du droit du travail?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante?

Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel

[9] La permission de faire appel est refusée lorsque la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a une chance raisonnable de succès s’il est possible que la division générale ait commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[10] Pour ce type d’erreur de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 4.

La prestataire n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait omis d’appliquer la Loi sur les normes d’emploi

[11] La prestataire n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale a omis d’appliquer la Loi sur les normes d’emploi ou les principes du droit du travail.

[12] La prestataire affirme qu’elle a droit à une indemnité de départ pour congédiement injustifié. Elle dit que la Loi sur les normes d’emploi et les principes du droit du travail s’appliquent.

[13] Toutefois, la Loi sur les normes d’emploi et les principes du droit du travail ne sont pas pertinents pour décider si une partie prestataire a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] Les tribunaux ont toujours affirmé que, dans le contexte du régime d’assurance-emploi, les principes du droit du travail et de la Loi sur les normes d’emploi ne s’appliquent pas. Ils ont déclaré que le rôle de la division générale est restreint lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite. La division générale doit se concentrer sur la question de savoir si ce que le membre du personnel a fait ou omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[15] Il existe d’autres voies en dehors du contexte de l’assurance-emploi que les employées et les employés peuvent suivre pour toute violation des lois du travail ou de la Loi sur les normes d’emploi, y compris pour congédiement injustifié.

La prestataire n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait mal interprété ce qui constitue une inconduite

[16] La prestataire n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait mal interprété ce qu’est une inconduite.

[17] La prestataire nie avoir commis une inconduite. Elle soutient que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite. Elle affirme qu’il n’y a pas inconduite dans les circonstances suivantes :

  • Si une employée est en mesure de remplir ses fonctions sans avoir à se faire vacciner. La prestataire affirme que les exigences de vaccination de l’employeur n’avaient rien à voir avec son travail. Elle affirme qu’elle était capable d’effectuer son travail sans avoir à se faire vacciner.
  • Lorsque la politique de l’employeur est illégale, inconstitutionnelle ou déraisonnable. Elle dit qu’on ne devrait pas exiger d’une employée qu’elle se conforme à une politique illégale ou déraisonnable. Elle affirme que son employeur s’immisçait dans des choix très personnels touchant son intégrité corporelle.
  • Lorsqu’un employeur peut offrir des mesures d’adaptation à une employée. La prestataire affirme que la politique de son employeur était draconienne. Elle dit que son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation, plutôt que de s’attendre à ce qu’elle fasse quelque chose avec lequel elle n’était pas d’accord.

Une inconduite peut survenir même si l’employeur met en place une nouvelle politique qui ne fait pas partie du contrat de travail initial ou de la description d’emploi d’une personne

[18] La prestataire affirme que la vaccination ne faisait pas partie de ses obligations d’emploi. Essentiellement, elle affirme que ses obligations d’emploi étaient définies par son contrat initial et sa description de travail. Elle dit que si son contrat de travail et sa description de travail ne l’obligeaient pas à se faire vacciner, le fait qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner ne constitue pas une inconduite.

[19] Cependant, il est maintenant bien établi que les politiques et les exigences d’un employeur n’ont pas à faire partie du contrat de travail ou de la description de travail pour qu’il y ait inconduite.

[20] Au cours de la dernière année, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont rendu plusieurs décisions concernant des membres du personnel qui n’ont pas respecté les politiques de vaccination de leur employeur respectif. Dans chaque cas, aucun des contrats de travail originaux ou des descriptions de travail n’exigeait la vaccination contre la COVID-19. Pourtant, les tribunaux étaient prêts à accepter qu’il y ait eu inconduite lorsque les membres du personnel n’ont pas respecté les politiques de vaccination de leur employeur.

[21] Par exemple, dans l’affaire Matti, la Cour fédérale a conclu qu’il n’était pas nécessaire que la politique de vaccination de l’employeur soit incluse dans l’entente initiale, car [traduction] « l’inconduite peut être évaluée par rapport aux politiques qui surviennent après le début de la relation d’emploi »Note de bas de page 6.

[22] Dans le cas de KukNote de bas de page 7, M. Kuk a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur. La politique ne faisait pas partie de son contrat de travail. La Cour fédérale a conclu qu’il y avait inconduite parce que M. Kuk ne s’était pas conformé à la politique de vaccination de son employeur et qu’il savait quelles seraient les conséquences s’il ne s’y conformait pas.

[23] Dans les affaires CecchettoNote de bas de page 8et MilovacNote de bas de page 9, la vaccination ne faisait pas partie de la convention collective ou du contrat de travail. La Cour fédérale a conclu que même ainsi, il y avait inconduite lorsque les appelants ne respectaient pas les politiques de vaccination de leur employeur.

[24] Il y a aussi de nombreux cas en dehors du contexte des politiques de vaccination qui montrent que les politiques d’un employeur n’ont pas à faire partie du contrat de travail ou de la description d’emploi d’une partie prestataire pour qu’il y ait inconduiteNote de bas de page 10. La politique de vaccination a introduit une autre exigence ou une obligation que la prestataire avait envers l’employeur.

La légalité ou le caractère raisonnable d’une politique n’est pas pertinent pour la question de l’inconduite

[25] La prestataire affirme que la politique de vaccination de son employeur était illégale, inconstitutionnelle et déraisonnable. Par exemple, elle dit que son employeur a enfreint la Loi sur la santé et la sécurité au travail avec sa politique de vaccination. Pour cette raison, elle affirme qu’elle n’avait pas à se conformer à la politique.

[26] Elle affirme que la division générale aurait dû examiner la légalité et le caractère raisonnable de la politique. Elle affirme que si elle l’avait fait, elle aurait conclu que la politique de son employeur était à la fois illégale et déraisonnable. Pour cette raison, elle affirme qu’elle aurait conclu qu’elle n’était pas tenue de se conformer à la politique.

[27] Toutefois, les arguments concernant la légalité et le caractère raisonnable de la politique de vaccination d’un employeur ne sont pas pertinents pour la question de l’inconduite. La Cour fédérale a conclu que la division générale et la division d’appel n’ont pas le pouvoir de traiter ce type d’arguments. Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a écrit :

Comme je l’ai déjà mentionné, il est probable que le demandeur [Cecchetto] sera frustré par ce résultat, parce que mes motifs ne portent pas sur les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. Il en est ainsi parce que bon nombre de ces questions débordent tout simplement le cadre de la présente affaire. Il n’est pas déraisonnable pour un décideur de ne pas tenir compte d’arguments de droit qui ne s’inscrivent pas dans la mission qui lui a été conférée par la loi.

La division générale et la division d’appel [du Tribunal de la sécurité sociale] ont un rôle important à jouer au sein du système judiciaire, mais ce rôle est limité et précis. En l’espèce, ce rôle consistait à établir les raisons pour lesquelles le demandeur [Cecchetto] avait été congédié et à déterminer si ces raisons constituaient une « inconduite » […]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a pas de fondement pour annuler la décision de la division d’appel parce qu’elle n’aurait pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. [Citation omiseNote de bas de page 11]

[C’est moi qui souligne]

[28] La Cour fédérale a conclu que la division générale et la division d’appel [traduction] « ne sont pas les instances appropriées pour établir si la politique [de l’employeur] ou le congédiement [de l’employé] était raisonnable »Note de bas de page 12.

[29] Je ne suis pas convaincue qu’il est possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite lorsqu’elle n’a pas évalué la légalité ou le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur.

Le fait qu’un employeur n’ait pas offert de mesures d’adaptation n’est pas pertinent à la question de l’inconduite

[30] La prestataire fait valoir que son employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation plutôt que de la congédier parce qu’elle n’était pas vaccinée.

[31] Toutefois, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’obligation d’un employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour décider s’il y a inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[32] Je ne suis pas convaincue qu’il soit possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite si elle n’a pas évalué si l’employeur de la prestataire aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation au lieu de la congédier.

La prestataire n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis des erreurs de fait importantes

[33] La prestataire n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis des erreurs de fait importantes sur la question de savoir si elle aurait dû être au courant des conséquences du non-respect de la politique de vaccination de son employeur.

[34] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle savait que son employeur la congédierait si elle ne respectait pas sa politique. Elle nie qu’elle savait que son employeur pouvait la congédier.

[35] La division générale a écrit :

[…] la [prestataire] a confirmé qu’elle savait que si elle ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur, elle serait congédiée (page GD3-31 du dossier d’appel)Note de bas de page 14.

[36] La division générale a cerné la preuve qui montrait que la prestataire savait qu’elle risquait d’être congédiée.

[37] Les conclusions de la division générale concordent avec la preuve. En plus du document de renseignements supplémentaires de la Commission (page GD3-31 du dossier d’appel), l’employeur de la prestataire a également déclaré à la Commission qu’il l’avait informée de ses exigences en matière de vaccination. L’employeur aurait dit à la prestataire qu’il la congédierait de son emploi si elle ne respectait pas sa politique de vaccinationNote de bas de page 15.

[38] Je conclus que la prestataire n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait en décidant si elle savait qu’elle pouvait être congédiée parce qu’elle ne respectait pas la politique de vaccination de son employeur.

Conclusion

[39] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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