Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1824

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Prolongation du délai et décision relative à la
permission de faire appel

Partie demanderesse : L. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 11 octobre 2023
(GE-23-2536)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 22 décembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-1087

Sur cette page

Décision

[1] Une prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. La permission de faire appel est refusée. L’appel ne sera pas instruit.

Aperçu

[2] L. B. est le prestataire dans la présente affaire. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi après avoir cessé de travailler.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 21 mai 2023 parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite.Note de bas de page 1

[4] La division générale a tiré la même conclusion.Note de bas de page 2 Elle a déclaré que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite lorsqu’il a enfreint la politique de sécurité de l’employeur en portant un chandail à capuche non résistant au feu.Note de bas de page 3

[5] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.Note de bas de page 4 Il soutient que la membre de la division générale n’a pas suivi une procédure équitable parce qu’elle était partiale et ne l’a pas traité comme un être humain.Note de bas de page 5 Il affirme également que la division générale a commis une erreur de fait importante parce qu’il a fourni une copie de l’avis d’expulsion pour loyer impayé de son propriétaire.Note de bas de page 6 Il affirme que la division générale n’a pas dûment tenu compte de son explication et de sa lettre.

[6] Je rejette la demande de permission de faire appel parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.Note de bas de page 7

Je n’accepte pas le nouvel élément de preuve

[7] Le prestataire a joint deux lettres à sa demande à la division d’appel. Les deux lettres sont datées du 6 novembre 2023. Elles indiquent que les restrictions liées à son congédiement ont été levées et qu’il est maintenant admissible à soumissionner pour tout emploi disponible dans la province d’Alberta.Note de bas de page 8

[8] Ces lettres constituent de nouveaux éléments de preuve parce que la division générale ne les avait pas lorsqu’elle a rendu sa décision.

[9] La division d’appel n’accepte généralement pas de nouveaux éléments de preuve. En effet, la division d’appel ne peut pas tenir une nouvelle audience ni examiner de nouveaux éléments de preuve.Note de bas de page 9 Il s’agit d’une révision d’une décision de la division générale fondée sur les mêmes éléments de preuve.Note de bas de page 10

[10] Toutefois, il y a quelques exceptions quant aux nouveaux éléments de preuve. Par exemple, je peux accepter de nouveaux éléments de preuve dans les cas suivants :

  • ils contiennent des renseignements généraux seulement;
  • ils font ressortir des conclusions tirées sans preuve à l’appui;
  • ils démontrent que le Tribunal a agi de façon injuste.

[11] Puisqu’aucune des exceptions ne s’applique dans la présente affaire, je ne peux pas accepter les lettres du prestataire et je ne les ai pas prises en considération.

Questions en litige

[12] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La demande à la division d’appel était-elle présentée en retard?
  2. b) Si elle était en retard : devrais-je prolonger le délai de dépôt de la demande?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante?
  4. d) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale?

Analyse

La demande à la division d’appel a été présentée en retard

[13] Le prestataire a écrit que la décision de la division générale lui avait été communiquée le 13 octobre 2023.Note de bas de page 11

[14] Le délai pour déposer une demande à la division d’appel est de 30 jours suivant la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée par écrit.Note de bas de page 12

[15] Par conséquent, la date limite de 30 jours pour présenter sa demande à la division d’appel était le 13 novembre 2023.

[16] Le Tribunal a reçu sa demande à la division d’appel le 30 novembre 2023.Note de bas de page 13

[17] Par conséquent, je conclus que le prestataire a présenté sa demande à la division d’appel en retard.

Je prolonge le délai pour le dépôt de la demande

[18] Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prolongation du délai, je dois vérifier si la partie prestataire a une explication raisonnable justifiant son retard.Note de bas de page 14

[19] J’ai communiqué par écrit avec le prestataire pour lui signaler que la division d’appel pouvait envisager d’accepter un appel en retard, mais qu’il devait fournir une explication raisonnable justifiant son retard.Note de bas de page 15 Je lui ai demandé de répondre par écrit et de fournir les raisons pour lesquelles il avait présenté sa demande en retard.

[20] Le prestataire a répondu par écrit et a expliqué que lorsqu’il a reçu la décision de la division générale, il avait le cœur brisé, il était bouleversé.Note de bas de page 16 Il a expliqué que sa tension artérielle a augmenté, ce qui a entraîné des problèmes de santé physique et mentale. De plus, il n’avait pas les moyens de payer son loyer à ce moment-là, ce qui aggravait son stress et son anxiété.

[21] Je conclus que le prestataire a fourni une explication raisonnable justifiant le retard de sa demande à la division d’appel. Je lui accorde plus de temps pour faire appel.Note de bas de page 17

Je ne donne pas au prestataire la permission de faire appel

[22] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel donne la permission de faire appel.Note de bas de page 18

[23] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 19 Cela signifie qu’il doit exister un moyen défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilli.Note de bas de page 20

[24] Je peux examiner seulement certains types d’erreurs. Je dois surtout vérifier si la division générale aurait pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (c’est ce qu’on appelle les « moyens d’appel »).Note de bas de page 21

[25] Pour démontrer qu’il existe une erreur pertinente, le prestataire doit prouver que la division générale a fait l’une des choses suivantesNote de bas de page 22 :

  • elle a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a commis une erreur de droit;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[26] Pour que l’appel passe à l’étape suivante, je dois conclure qu’il a une chance raisonnable de succès grâce à un des moyens d’appel.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante

[27] Il y a erreur de fait lorsque la division générale a « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ».Note de bas de page 23

[28] Cela implique d’examiner certaines des questions suivantesNote de bas de page 24 :

  • La preuve contredit-elle carrément l’une des principales conclusions de la division générale?
  • N’y a-t-il aucun élément de preuve pouvant étayer rationnellement l’une des principales conclusions de la division générale?
  • La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve essentiels qui contredisent l’une de ses principales conclusions?

[29] La division générale a décidé que le prestataire a été congédié de son emploi parce qu’il avait enfreint la politique de sécurité de l’employeur en portant un chandail à capuche non résistant au feu après avoir déjà commis de multiples infractions à la sécurité.Note de bas de page 25 Elle a dit que sa conduite était insouciante et constituait une inconduite délibérée.Note de bas de page 26 Elle a conclu que le prestataire aurait dû savoir qu’il pouvait être congédié pour avoir enfreint la politique de sécurité de l’employeur.Note de bas de page 27

[30] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante étant donné qu’il a fourni une copie d’un avis d’expulsion dans lequel son propriétaire lui signale qu’il sera expulsé parce qu’il n’a pas payé de loyer au cours des six derniers mois.Note de bas de page 28

[31] Le prestataire affirme également qu’il travaille depuis 22 ans et que c’est la première fois qu’il demande du soutien et qu’il espère que sa demande sera approuvée.Note de bas de page 29

[32] L’enregistrement de l’audience révèle que le prestataire a soulevé cet argument à l’audience.Note de bas de page 30 Il a dit à la division générale qu’il avait une lettre du gérant de son immeuble confirmant qu’il n’avait pas payé de loyer au cours des six derniers mois et qu’il allait être expulsé. La lettre faisait partie du dossier et il a demandé à la membre de la division générale d’en tenir compte.Note de bas de page 31

[33] Dans sa décision, la division générale a reconnu que le prestataire éprouvait des difficultés financières et émotionnelles.Note de bas de page 32 Elle savait que son loyer n’avait pas été payé depuis quelques mois et qu’il avait reçu une lettre de son propriétaire.

[34] La membre de la division générale n’a pas négligé ou ignoré la preuve concernant sa situation financière, son loyer impayé et sa lettre d’expulsion. Bien qu’elle ait sympathisé avec le prestataire, elle a déclaré à juste titre qu’elle ne pouvait pas ignorer la loi.Note de bas de page 33

[35] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que si une partie prestataire perd son emploi en raison de son inconduite, elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 34 Selon la jurisprudence, l’inconduite doit être délibérée, ce qui signifie que la conduite est consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 35 Cela comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 36

[36] La division générale doit respecter la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence exécutoire. Elle a fait référence à la loi et à la jurisprudence pertinente dans sa décision.Note de bas de page 37 Elle n’a pas le pouvoir de faire une exception et d’accorder des prestations d’assurance-emploi en raison des difficultés financières du prestataire ou parce qu’il estime avoir subi une injustice de la part de son employeur.Note de bas de page 38

[37] Les principales conclusions de la division générale au sujet de l’inconduite concordent avec la preuve qu’elle a entendue et le dossier. Elle n’a pas négligé ou ignoré les éléments de preuve critiques ou contradictoires.

[38] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a décidé que la conduite du prestataire constituait une inconduite. Elle a tenu compte de sa situation financière et de la lettre de son propriétaire et a décidé à juste titre qu’elle devait respecter la loi.

On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable ni qu’elle a fait preuve de partialité

[39] Si la division générale n’a pas suivi une procédure équitable, je peux intervenir dans la présente affaire.Note de bas de page 39

[40] Les principes de « justice naturelle » ont trait à l’équité procédurale. Le droit à une audience équitable devant le Tribunal comprend certaines garanties procédurales comme le droit d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale. Les parties qui se présentent devant le Tribunal ont également le droit de connaître les arguments avancés contre elles et d’avoir la possibilité d’y répondre.

[41] Le prestataire soutient que la division générale a fait preuve de partialité et ne l’a pas traité comme un être humain.Note de bas de page 40 Il affirme que la division générale a accordé plus de poids aux propos de l’employeur et que sa propre explication n’a pas été prise en considération.Note de bas de page 41

[42] Une allégation de partialité est une allégation grave. Selon la loi, une telle allégation ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou des impressions.Note de bas de page 42

[43] Le critère juridique pour établir la partialité est de savoir si une personne bien renseignée, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique, conclurait qu’il était plus probable qu’improbable que la ou le membre de la division générale, consciemment ou non, ne trancherait pas l’affaire de façon équitable.Note de bas de page 43

[44] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. L’audience a duré 38 minutes et seul le prestataire y était présent. La division générale a expliqué au prestataire comment se déroulerait l’audience et a décrit le critère juridique pour les cas d’inconduite.Note de bas de page 44 Elle a également confirmé qu’il était prêt à procéder et qu’il avait examiné les documents de son dossier.Note de bas de page 45

[45] L’enregistrement révèle que le prestataire a eu toutes les chances de présenter ses arguments et qu’il a eu l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires avant la fin de l’audience.Note de bas de page 46

[46] L’enregistrement confirme que la division générale a écouté le prestataire pendant qu’il présentait ses arguments. Elle lui posait des questions pertinentes au besoin et était respectueuse tout au long de l’audience.

[47] Une personne bien renseignée qui étudierait l’affaire de façon raisonnable et pratique et qui aurait réfléchi à l’affaire ne conclurait pas qu’il était plus probable que la division générale avait un parti pris.

[48] L’allégation du prestataire ne semble être rien de plus qu’un désaccord avec le résultat. Un désaccord avec le résultat obtenu ne suffit pas pour constituer une partialité et il ne s’agit pas d’une erreur révisable non plus.

[49] Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable ou qu’elle a fait preuve de partialité. Par conséquent, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès à cet égard.Note de bas de page 47

Conclusion

[50] En plus des arguments du prestataire, j’ai examiné le dossier pour m’assurer que la division générale n’avait pas commis d’erreur. J’ai examiné les documents au dossier, j’ai examiné la décision portée en appel et j’ai écouté l’enregistrement audio. Je suis convaincue que la division générale n’a pas mal interprété ou omis d’examiner adéquatement les éléments de preuve pertinents.Note de bas de page 48

[51] Une prolongation de délai est accordée. La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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