Assurance-emploi (AE)

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Citation : WG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 206

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : W. G.
Représentante ou représentant : V. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (617610) datée du 10 octobre 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 16 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : L’appelante
Le représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 7 février 2024
Numéro de dossier : GE-23-3147

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Depuis le mois de juin 2022, l’appelante travaille à titre de conseillère en sécurité financière pour un courtier en assurance. Le 25 juillet 2023, elle est congédiée.

[4] L’appelante présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi régulières. La Commission enquête auprès de l’appelante et de l’employeur pour connaitre les motifs du congédiement. L’employeur déclare qu’il a reçu trois plaintes au sujet de l’appelante. Le 25 juillet 203, elle a été rencontrée et congédiée pour cette raison. La Commission refuse de verser des prestations à l’appelante, parce que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] L’appelante n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. L’employeur n’a pas fourni la preuve des plaintes. Il a prétexté que cela était confidentiel. Elle soutient avoir été congédiée sans motif. Elle a porté plainte à la Commission de normes, de l’équité et de la santé du travail (CNESST), parce qu’elle considère que le congédiement est illégal et qu’elle n’a pas commis les gestes reprochés.

Question que je dois examiner en premier

[6] Lors de l’audience, le représentant de l’appelante a produit des documents supplémentaires. Également, l’appelant a transmis des documents après l’audience dont l’entente entre l’appelante et son employeur intervenue devant la CNESST.

[7] Comme je l’ai mentionné lors de l’audience, les documents sont acheminés à la Commission, afin qu’elle puisse présenter des observations supplémentaires. J’ai accordé un délai à la CommissionNote de bas page 2. Elle n’a pas donné suite à la lettre. La décision peut donc être rendue après ce délai.

Question en litige

[8] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[9] Pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi ?Note de bas page 3

[10] L’appelante travaille à titre de conseillère en finance pour un courtier en assurance. Elle obtient un congé du 11 février 2023 au 27 février 2023 pour visiter sa famille. Elle quitte le Canada pour l’Algérie pendant cette période.

[11] Le 27 février 2023, elle doit consulter d’urgence un médecin, parce qu’elle fait une hémorragie. Elle doit recevoir des soins en Algérie. Elle informe son employeur de la situation. Elle obtient l’autorisation de son médecin de revenir au Canada vers le 20 juillet 2023. Elle revient au Canada le 20 juillet 2023. Elle doit reprendre son emploi le 27 juillet 2023.

[12] Le 24 juillet 2023, son employeur demande de la rencontrer par vidéoconférence le 25 juillet 2023. L’appelant suppose qu’elle doit être mise au courant de certains changements pendant son absence.

[13] Lors de la rencontre du 25 juillet 2023, l’employeur est accompagné d’une représentante d’un de ses clients. Elles informent l’appelante qu’elle est congédiée, parce qu’elle a reçu trois plaintes de la part d’un assureur, d’un conseiller et d’un client.

[14] L’appelante demande des détails concernant ces plaintes. L’employeur lui mentionne que le tout fait l’objet d’une enquête et confidentiel. On demande à l’appelante de signer une quittance pour mettre un terme à l’emploi. L’appelante refuse.

[15] Selon les informations recueillies par la Commission auprès de l’employeur, l’appelante n’a pas respecté le Code de déontologie de l’Autorité des marchés financiers.

[16] Dans le cadre de la demande de révision, l’employeur confirme qu’il y a reçu trois plaintes. Toutefois, il déclare que la plainte de l’assureur n’était pas importante. Dans les faits, on reprochait à l’appelante d’avoir des écritures illisibles. La plainte d’un assureur courtier concerne la vente d’une assurance. L’appelante devait elle-même demander l’annulation de l’assurance. Elle a plutôt demandé au client de la faire. Enfin, la plainte d’un client concernait des informations erronées saisies par l’appelante.

[17] L’appelante n’est pas d’accord. À titre de conseillère financière, elle doit respecter le Code de déontologie de l’Autorité des marchés financiers. Elle n’a eu aucune plainte en lien avec les gestes qui lui sont reprochés.

[18] Elle soutient que l’employeur l’a congédié en raison de ses problèmes de santé et de son âge.  

[19] Il est probable qu’elle ait commis des erreurs en saisissant des données, mais l’employeur n’a pas prouvé les gestes reprochés.

[20] Après avoir étudié le dossier, entendu le témoignage de l’appelante et pris en compte les représentations de parties, je suis d’avis que la Commission n’a pas prouvé les gestes reprochés à l’appelante.

[21] Lorsqu’il s’agit d’inconduite, il faut se fonder sur des éléments de preuve clairs et non de simples conjectures et hypothèsesNote de bas page 4.

[22] De plus, l’inconduite est une violation de la loi, d’un règlement ou d’une règle de déontologie et peut faire en sorte qu’une condition essentielle à l’emploi cesse d’être satisfaiteNote de bas page 5. On doit examiner les faits. On ne peut pas non se contenter d’adopter la conclusion de l’employeur sur l’inconduite. Il faut une appréciation objective permettant de dire que l’inconduite avait vraiment été la cause de la perte de l’emploiNote de bas page 6.

[23] Or, la Commission n’a pas démontré que l’appelante a enfreint une règle, une loi ou un règlement. L’employeur a soutenu que l’appelante n’a pas respecté des règles, sans en fournir la preuve à la Commission. Il a simplement déclaré des erreurs commises par l’appelante, mais il n’y avait rien à l’appui de ses prétentions. Congédier une personne en raison d’une inconduite est une chose grave qui entraîne des répercussions importantes. On ne peut pas se contenter d’adhérer à la thèse de l’employeur qui ne fournit pas une preuve claire.

[24] D’ailleurs, l’appelante a produit l’entente intervenue entre son ancien employeur et elle-même à la suite d’une plainte pour pratique illégale de la part de l’employeur.

[25] Je comprends que je ne suis pas liée par l’entente intervenue entre l’employeur et l’appelanteNote de bas page 7. Je dois tout de même examiner la preuve. J’ai effectivement examiné la preuve de la Commission et j’ai conclu qu’elle n’avait pas prouvé les gestes reprochés à l’appelante.

[26] Également, bien que les parties n’aient fait aucune admission, l’employeur ou son partenaire d’affaires a tout de même signé une lettre indiquant que l’appelante a mis fin à son emploi pour des raisons personnelles. Selon l’attestation d’emploi, l’appelante a démontré une assiduité sans faille, de l’entregent et une bonne volonté à bien servir la clientèleNote de bas page 8.

[27] Cette lettre de l’employeur est difficilement conciliable avec sa position prise pendant l’enquête de la Commission.Note de bas page 9

[28] Dans ce contexte, j’estime que la Commission n’a pas prouvé les gestes qui ont amené le congédiement de l’appelante.

[29] Je n’ai pas besoin d’examiner si les gestes commis par l’appelante constituent de l’inconduite, parce qu’ils n’ont pas été démontrés par la Commission.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

[30] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[31] La Commission n’a pas prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[32] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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