Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1734

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (566738) datée du 30 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 29 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 2 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-579

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel du prestataire. La présente décision explique pourquoi.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable de tarder à présenter sa demande de prestations tout au long de sa période de retard. En d’autres termes, il n’a fourni aucune explication acceptable en vertu de la loi.

[3] Cela signifie que la demande du prestataire ne peut pas être traitée comme s’il l’avait présentée à une date antérieure.

Aperçu

[4] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières de l’assurance‑emploi le 22 septembre 2022. Il demande maintenant que sa demande soit traitée comme s’il l’avait présentée à une date antérieure, soit le 18 novembre 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà refusé sa demande.

[5] Pour trancher l’appel du prestataire, je dois d’abord décider s’il avait un motif valable de présenter sa demande de prestations en retard. Pour obtenir une antidatation, il faut démontrer l’existence d’un motif valable.

[6] La Commission affirme que le prestataire n’avait aucun motif valable, puisqu’une personne raisonnable dans sa situation aurait fait le suivi de ses prestations beaucoup plus tôt.

[7] Le prestataire affirme qu’il a tenté de présenter une demande en ligne en novembre et en décembre 2021, mais qu’il avait reçu un message d’erreur. Il affirme que, lorsqu’il a appelé le numéro indiqué dans le message, il a été informé qu’il y avait un problème avec son numéro d’assurance sociale (NAS), et il a passé des mois à corriger ce problème.

La question que je dois trancher

[8] La demande de prestations du prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée à une date antérieure, soit le 18 novembre 2021? Cela s’appelle l’antidatation d’une demande.

Documents déposés après l’audience

[9] Après l’audience, j’ai demandé à la Commission si elle avait des renseignements sur les tentatives du prestataire pour présenter une demande de prestations en novembre ou en décembre 2021, ou si elle avait des relevés de conversations avec le prestataire au sujet de son NAS ou de ses prestationsNote de bas de page 1. La Commission a répondu qu’elle n’avait aucun autre renseignement dans ses dossiers.

[10] Le prestataire a ensuite présenté des renseignements supplémentaires sur ses tentatives de présenter une demande en novembre 2021. Je lui ai donné la possibilité de présenter de nouveau ces renseignements, puisqu’ils étaient illisibles. J’ai accepté les documents qu’il a présentés de nouveau parce qu’ils étaient pertinents à son appel, et je les ai transmis à la Commission, mais cette dernière n’a pas répondu avant la date limite du 28 juillet 2023.

Analyse

[11] Pour pouvoir antidater une demande de prestations, il faut établir deux élémentsNote de bas de page 2 :

  1. a) l’existence d’un motif valable pour le retard tout au long de la période du retard, ou, autrement dit, l’existence d’une explication acceptable selon la loi;
  2. b) l’admissibilité aux prestations à la date antérieure (c’est-à-dire à la date à laquelle le prestataire demande l’antidatation de sa demande).

[12] Les principaux arguments en l’espèce portent sur la question de savoir si le prestataire avait un motif valable de tarder à présenter sa demande d’assurance‑emploi. Je commencerai donc par cette question.

[13] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, le prestataire doit établir qu’il a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans des circonstances similairesNote de bas de page 3.

[14] Le prestataire doit démontrer qu’il a agi de cette façon tout au long de la période de son retardNote de bas de page 4. Le retard commence à la date à laquelle il voulait que sa demande soit antidatée et se termine le jour où il a présenté sa demande de prestations. Par conséquent, son retard s’étend du 18 novembre 2021 au 22 septembre 2022. Il s’agit d’un retard de plus de 11 mois.

[15] Le prestataire doit établir qu’il avait rapidement pris des mesures pour comprendre son droit aux prestations et ce qu’il devait faire pour recevoir les prestationsNote de bas de page 5. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour connaître ses droits et ses responsabilités le plus rapidement possible. S’il n’a pas pris ces mesures, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui justifient son inactionNote de bas de page 6.

[16] Le prestataire doit établir qu’il avait un motif valable selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’il y avait un motif valable justifiant le retard.

[17] Le prestataire affirme qu’il avait un motif valable parce qu’il a tenté de déposer une demande le 18 novembre 2021, puis de nouveau le 10 décembre 2021, mais que ses demandes n’avaient pas pu être présentées en fin de compte. Il affirme que, lorsqu’il a téléphoné à la Commission, cette dernière lui a indiqué que les demandes n’avaient pas pu être présentées en raison d’un problème avec son NAS. Il a présenté une lettre qu’il a reçue en janvier 2022 au sujet de son NAS.

[18] Le prestataire soutient que ses efforts pour régler les problèmes liés à son NAS et à son certificat de naissance au cours des mois de son retard devraient être considérés comme des efforts de bonne foi pour assurer le suivi de son assurance-emploi.

[19] Le prestataire affirme qu’il a tenté d’appeler la Commission à plusieurs reprises, mais les délais d’attente étaient trop longs. Il affirme que s’il s’était rendu à un bureau de Service Canada, il aurait été obligé de faire la file à l’extérieur, en hiver, sans aucune garantie qu’il serait vu avant la fermeture du bureau. Il affirme que, lorsqu’il a pu entrer, il a été informé qu’il aurait besoin d’un nouveau certificat de naissance pour corriger son NAS. Il a passé des mois à obtenir ce document, puis il l’a perdu et a dû en demander un nouveau. Son voyage en Italie a retardé cette étape.

[20] Le prestataire a d’abord indiqué à la Commission qu’il n’était pas certain de pouvoir présenter une demande d’assurance-emploi pendant qu’il recevait un maintien de salaireNote de bas de page 7. À l’audience, il a nié que cela l’avait retardé.

[21] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable parce que rien n’indique qu’il a présenté une demande ou qu’il a demandé précisément comment présenter une demande d’assurance-emploi. Elle affirme que le prestataire n’avait pas besoin d’avoir un NAS pour présenter une demande de prestations; la demande le précise. Elle affirme que le prestataire n’avait pas non plus besoin d’un nouveau certificat de naissance pour présenter une demande.

Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable

[22] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire n’a pas démontré qu’il y avait un motif valable justifiant le retard à demander des prestations. Elle a conclu qu’une personne raisonnable et prudente aurait continué à tenter de téléphoner ou de se rendre à la Commission après quelques mois sans progrès à l’égard de ses prestations. Les éléments de preuve ne démontrent pas qu’il l’a fait tout au long de la période de son retard.

Éléments de preuve du prestataire

[23] La date de « dernière modification » indiquée dans la demande non terminée que le prestataire avait initialement présentée à titre de preuve qu’il avait tenté de demander des prestations en novembre ou en décembre 2021 est le 31 octobre 2022Note de bas de page 8. Par conséquent, ce n’est pas la demande qu’il a tenté de déposer en 2021.

[24] Le message d’avertissement montre que le compte de Service Canada du prestataire a été verrouillé le 17 novembre 2021Note de bas de page 9. Il affirme ce qui suit : [traduction] « Je ne dis pas que le message d’erreur […] est le produit direct de mes échecs à présenter une demande d’assurance-emploi, puisque je ne m’en souviens pas avec certitude, mais il a été généré dans le cadre de mes efforts pour régler mon problème d’accès à ma demande d’assurance-emploiNote de bas de page 10 ».

[25] Par conséquent, je conclus qu’il est plus probable que le contraire que le prestataire a tenté de déposer une demande de prestations le 17 novembre 2021. Rien n’indique qu’il a tenté de déposer une autre demande en ligne en décembre 2021. De plus, s’il avait été banni du système en ligne en raison d’un problème non réglé avec son NAS, il n’aurait pas pu réessayer avant que le problème soit réglé.

[26] Les relevés téléphoniques du prestataire montrent qu’il a appelé la Commission à quatre reprises en janvier 2022Note de bas de page 11. Trois de ces appels indiquent de longs délais d’attente. Rien n’indique qu’il y ait eu d’autres tentatives d’appel à la Commission avant que le prestataire ne présente sa demande d’assurance-emploi.

[27] La lettre sur le NAS du prestataire, datée du 8 janvier 2022, ne mentionne aucun problème de traitement d’une demande d’assurance-emploi. Elle indique seulement qu’il y a eu un problème dans le traitement de sa demande de NASNote de bas de page 12. Les problèmes relatifs au certificat de naissance, concernant l’obtention d’un nouveau NAS, ne sont pas non plus pertinents, puisqu’il n’est pas nécessaire d’avoir un NAS pour présenter une demande d’assurance-emploi. Seule la date de naissance est nécessaire.

[28] Le prestataire affirme qu’une personne de « Canada.ca » l’a informé, lors d’un appel téléphonique, qu’il n’avait pas pu présenter sa demande d’assurance-emploi en ligne en raison d’un problème avec son NAS. Toutefois, je ne suis pas en mesure de déterminer avec quels services de la Commission le prestataire a communiqué ou ce qui lui a été dit, puisqu’il n’y a aucune trace de ce qui a été discuté.

[29] Le prestataire soutient dans des observations déposées après l’audience que rien n’indique qu’un autre moyen de demander de l’assurance-emploi (au lieu de la demande en ligne) [traduction] « aurait permis à ma demande d’être traitée avec succès sans que mon problème sous-jacent de NAS soit d’abord régléNote de bas de page 13 ».

[30] Toutefois, comme il est indiqué dans le formulaire de demande, si certains renseignements fournis dans la demande ne correspondent pas aux détails du NAS, cela [traduction] « peut causer un retard dans le traitement de votre demandeNote de bas de page 14 ». Le formulaire ne dit pas qu’un problème relatif au NAS empêchera le traitement d’une demande d’assurance-emploi.

[31] Par conséquent, le problème relatif au NAS du prestataire était probablement un problème différent. Je ne peux pas formuler d’hypothèses sur ce problème compte tenu des éléments de preuve limités dont je dispose.

Mes conclusions

[32] Le prestataire ne s’est pas acquitté de la responsabilité de démontrer qu’il avait un motif valable justifiant le retard, puisqu’il n’a pas prouvé qu’il avait agi tout au long de la période de ce retard.

[33] Je conclus qu’une personne raisonnable et prudente en aurait fait plus pendant le retard de 11 mois pour tenter de comprendre les prestations et savoir ce qu’elle devait faire pour protéger son admissibilité.

[34] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait agi rapidement en réponse au message d’erreur du 17 novembre 2021. Ses relevés téléphoniques montrent quatre tentatives de téléphoner à la Commission, mais ces efforts n’ont commencé qu’au début de janvier 2022. La dernière tentative a eu lieu le 6 janvier 2022.

[35] Le prestataire n’a pas non plus démontré que ses tentatives auprès de la Commission s’étaient poursuivies tout au long de son retard de plusieurs mois. J’ai noté son témoignage selon lequel il a tenté de rappeler, mais que les délais d’attente étaient excessifs. Il a affirmé qu’il s’était rendu à un Centre Service Canada en janvier et en mars 2022, mais qu’il trouvait difficile de continuer à le faire pendant l’hiver en raison des longues files d’attente et de l’incertitude de pouvoir entrer dans le centre ce jour-là.

[36] Je reconnais ces difficultés, mais le retard du prestataire à obtenir des réponses au sujet de ses prestations s’étend bien après les mois d’hiver. Il a soulevé d’autres motifs pour justifier son retard pendant l’été, lesquels n’avaient rien à voir avec la difficulté de communiquer avec la Commission.

[37] Le prestataire affirme avoir commandé un nouveau certificat de naissance, qui a été reçu à la fin de mai 2022Note de bas de page 15. Toutefois, il l’a perdu et a dû en demander un autre. Il affirme qu’il a pu faire une nouvelle demande seulement plus tard durant l’été, puisqu’il était parti en voyage en Italie. Ce retard était donc dû à ses projets de vacances.

[38] Le prestataire soutient que les mesures qu’il a prises pour corriger le problème avec son NAS démontrent ses efforts de bonne foi pour faire avancer sa demande d’assurance-emploi. Il affirme qu’il n’a pas demandé précisément s’il y avait une autre façon de demander de l’assurance-emploi lorsqu’il a réussi à parler à la Commission. Toutefois, il soutient que la Commission aurait dû l’informer qu’il pouvait encore demander de l’assurance-emploi malgré les messages d’erreur liés à son NAS.

[39] Il aurait été utile au prestataire que la Commission lui fournisse volontairement cette information, mais la Cour d’appel fédérale affirme que l’ignorance de la loi ne suffit pas à démontrer l’existence d’un motif valable, même si la personne a agi de bonne foiNote de bas de page 16. Les décisions de la Cour d’appel fédérale sont exécutoires, et je dois donc les suivre.

[40] Ainsi, le prestataire ne peut pas démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard en s’appuyant sur le fait qu’il ne savait pas comment demander de l’assurance-emploi après l’échec de sa tentative en ligne.

[41] Je reconnais que les longs délais d’attente pour parler à la Commission peuvent être frustrants, mais il faut persévérer pour obtenir les renseignements requis. Les appels du prestataire en janvier 2022 et ses visites à un bureau de Service Canada à l’hiver 2022 ne couvrent pas les 11 mois de son retard. Il aurait également pu chercher en ligne des réponses aux difficultés auxquelles il était confronté ou présenter une demande eService pour obtenir de plus amples renseignements.

[42] J’ai examiné l’argument du prestataire selon lequel la Commission l’a mal informé lorsqu’elle l’a informé qu’un problème avec son NAS avait empêché la présentation de sa demande d’assurance-emploi. Il soutient que le Tribunal a déjà accueilli un appel en raison d’une mauvaise informationNote de bas de page 17.

[43] Toutefois, les circonstances de l’appel cité par le prestataire étaient différentes. Dans cet appel, le Tribunal a conclu que la situation exceptionnelle du prestataire justifiait son inaction. Ces circonstances uniques ne s’appliquent pas au prestataire dans le présent appel.

[44] De plus, la Cour d’appel fédérale affirme que, même si la Commission n’avait pas fourni des renseignements clairs, la loi s’applique toujours. Les décisions de la Cour d’appel fédérale l’emportent sur les décisions du Tribunal, et je dois donc les suivre.

[45] La loi prévoit que, pour démontrer l’existence d’un motif valable, il faut agir de la façon dont une personne raisonnable et prudente aurait agi dans une telle situation. Le prestataire a déployé des efforts peu après l’échec de sa demande d’assurance‑emploi, mais il n’a pas maintenu ces efforts pendant les mois de son retard comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente. Cela est illustré par son retard, à l’été 2022, à présenter une nouvelle demande de certificat de naissance malgré le fait qu’il considère ce document comme essentiel pour régler ses problèmes relatifs au NAS et, par conséquent, ses problèmes relatifs à l’assurance-emploi.

Le prestataire ne mentionne aucune circonstance exceptionnelle

[46] Le prestataire n’a mentionné aucune circonstance exceptionnelle qui l’aurait libéré de l’obligation d’agir comme une personne raisonnable et prudente aurait agi dans sa situation. Par conséquent, il ne peut pas démontrer qu’il avait un motif valable pour justifier son retard.

[47] Par conséquent, la demande du prestataire ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 18 novembre 2021. Je n’ai donc pas à décider s’il était admissible aux prestations à cette date antérieure.

[48] Le prestataire soutient qu’il a cotisé à l’assurance-emploi pendant plus de 30 ans et qu’il ne devrait pas perdre ses prestations parce qu’il n’a pas respecté une date limite. Toutefois, l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Comme pour les autres régimes d’assurance, il ne suffit pas de cotiser au régime. Il faut également respecter toutes les conditions et les dates limites. Le prestataire n’a pas respecté ces conditions, puisqu’il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour tarder à demander des prestations tout au long de la période de son retard.

Conclusion

[49] Le prestataire n’a pas établi qu’il avait un motif valable de tarder à demander des prestations d’assurance-emploi. Par conséquent, il ne peut pas obtenir l’antidatation de sa demande.

[50] Je dois donc rejeter l’appel du prestataire.

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