[TRADUCTION]
Citation : AA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1751
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | A. A. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 23 octobre 2023 (GE-23-2362) |
Membre du Tribunal : | Pierre Lafontaine |
Date de la décision : | Le 5 décembre 2023 |
Numéro de dossier : | AD-23-981 |
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Décision
[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.
Aperçu
[2] La demanderesse (prestataire) a demandé des prestations d’assurance-emploi le 14 février 2023. Elle a demandé que sa demande soit antidatée au 8 mars 2022. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé d’antidater sa demande. Elle affirme que la prestataire n’avait aucun motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt. La prestataire a fait appel de la décision de révision devant la division générale.
[3] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas établi qu’elle avait un motif valable parce qu’elle n’a pas agi de la manière dont une personne raisonnable et prudente aurait agi dans des circonstances similaires. Par conséquent, sa demande d’antidatation a été refusée.
[4] La prestataire a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Elle soutient que la division générale n’a pas examiné les éléments de preuve dont elle disposait.
[5] Je dois décider si la prestataire soulève une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.
[6] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.
Question en litige
[7] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès?
Analyse
[8] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social précise les seuls motifs d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :
- le processus d’audience devant la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon;
- la division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher;
- la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante;
- la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
[9] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’audience sur le fond. Il s’agit d’un obstacle initial que la prestataire doit surmonter, mais il est moins rigoureux que celui qui doit être surmonté lors de l’audience d’un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à établir sa cause, mais elle doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. En d’autres termes, elle doit soulever une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.
[10] Par conséquent, avant de pouvoir accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des motifs d’appel déjà mentionnés, et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.
La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès?
[11] La prestataire affirme que ses droits en tant qu’être humain et en tant qu’employée ont été violés. Toute personne raisonnable a le droit de connaître la raison de son congédiement pour comprendre si elle peut demander des prestations. La prestataire soutient que l’employeur n’a pas produit de relevé d’emploi après le congédiement. Cela l’a fait douter de son admissibilité aux prestations et l’a forcée à communiquer avec la Commission des relations de travail de l’Ontario pour connaître la raison de son congédiement. Ce n’est qu’après avoir demandé des prestations d’assurance-emploi en février 2023 qu’elle a appris qu’elle avait le droit de demander des prestations d’assurance-emploi sans connaître la raison de son congédiement. Elle estime que la division générale n’a pas entièrement compris ou pris en compte son témoignage.
[12] Pour établir qu’elle avait un motif valable, une personne doit démontrer qu’elle a fait ce qu’une personne raisonnable dans la même situation aurait fait pour se conformer à ses droits et à ses obligations en vertu de la loiNote de bas page 1.
[13] Compte tenu des éléments de preuve, la division générale a conclu que la prestataire n’avait pas établi qu’elle avait un motif valable parce qu’elle n’avait pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similaires.
[14] La division générale a considéré que la prestataire avait initialement déclaré qu’elle avait reçu une lettre de son représentant syndical peu de temps après avoir été congédiée, laquelle l’informait qu’elle pouvait demander de l’assurance‑emploiNote de bas page 2. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas présenté de demande parce qu’elle croyait qu’elle devait établir qu’elle avait été congédiée à tort par son employeur avant de pouvoir demander des prestations d’assurance‑emploi. Toutefois, elle n’a jamais vérifié si c’était le cas auprès de la CommissionNote de bas page 3. La division générale a conclu que la demande d’antidatation ne pouvait pas être accueillie.
[15] Il est bien établi que la bonne foi et l’ignorance de la loi ne constituent pas en soi une raison valable pour justifier le retard dans le dépôt d’une demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas page 4.
[16] Le retard d’une demande de prestations en raison d’une hypothèse erronée et non vérifiée selon laquelle une personne ne serait pas admissible, ou en attendant qu’un employeur produise un relevé d’emploi ne constitue pas un motif valable selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 5.
[17] La prestataire avait l’obligation d’agir rapidement pour demander à la Commission si elle était admissible aux prestations d’assurance-emploi, sans attendre 11 mois après son congédiement. Cela est particulièrement vrai lorsque l’on considère que la prestataire croyait fermement qu’elle avait perdu son emploi pour une raison fictive et qu’elle avait reçu de son syndicat des renseignements indiquant qu’elle pouvait demander des prestations dès avril 2022.
[18] Le fait que la prestataire estime qu’elle a été maltraitée par son employeur ne modifie pas la conclusion de la division générale selon laquelle elle ne satisfaisait pas aux conditions d’antidatation de sa demande. Il revient à d’autres forums (c’est-à-dire d’autres cours ou tribunaux) de décider si elle a une cause contre son employeur en ce qui concerne son congédiement.
[19] Je ne vois aucune erreur révisable que la division générale aurait commise sur la question de l’antidatation. La décision est fondée sur les éléments de preuve dont elle disposait et ne contient aucune erreur de droit.
[20] Je dois répéter que la division d’appel n’a pas le pouvoir de tirer une conclusion différente de celle de la division générale en se fondant sur les mêmes faits, compte tenu de la portée de sa compétence et de l’absence d’une erreur de droit, d’un manquement au principe de justice naturelle ou d’une conclusion de fait arbitraireNote de bas page 6.
[21] Après un examen du dossier d’appel et de la décision de la division générale, ainsi qu’un examen des arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je n’ai d’autres choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire n’a soulevé aucun motif qui correspond aux motifs d’appel déjà mentionnés et qui pourraient éventuellement entraîner l’annulation de la décision contestée.
Conclusion
[22] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.