Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1752

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (604646) datée du 14 août 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marisa Victor
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 16 octobre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Interprète
Date de la décision : Le 23 octobre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2362

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale du Canada n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable de tarder à présenter une demande de prestations. En d’autres termes, l’appelante n’a fourni aucune explication acceptable en vertu de la loi. Par conséquent, la demande de l’appelante ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtFootnote 1.

Aperçu

[3] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi le 14 février 2023. Elle demande maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée avant cette date, soit le 8 mars 2022. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà refusé sa demande.

[4] Je dois décider si l’appelante a établi qu’elle avait un motif valable de ne pas avoir demandé de prestations plus tôt.

[5] La Commission affirme que l’appelante n’avait aucun motif valable parce qu’elle n’a pas agi de la manière qu’une personne raisonnable aurait agi tout au long de la période du retard. C’est parce qu’elle a délibérément décidé de ne pas présenter de demande même si elle connaissait le programme et que son syndicat l’avait informée de son droit de présenter une demande.

[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle ne pouvait pas présenter sa demande plus tôt parce qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait perdu son emploi. Elle pensait également qu’elle ne pouvait pas demander de l’assurance-emploi sans connaître la raison de son congédiement et en raison du fait qu’elle occupait un autre emploi à temps partiel.

Question que je dois d’abord examiner

L’appelante voulait que l’audience ait lieu

[7] Avant le début de l’audience, avec l’aide de l’interprète, j’ai demandé à l’appelante si elle était certaine de vouloir donner suite à son appel. Je l’ai informée que les documents de la Commission indiquent que, si l’appelante a gain de cause et que sa demande était antidatée, elle pourrait avoir à rembourser une partie des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle occupait un emploi à temps partiel au cours de la période du retard. L’appelante m’a assuré qu’elle voulait poursuivre l’audience. Par conséquent, l’audience a eu lieu.

Question en litige

[8] La demande de prestations de l’appelante peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 8 mars 2022? C’est ce qu’on appelle l’« antidatation » de la demande.

Analyse

[9] Pour antidater une demande de prestations, il faut établir deux élémentsFootnote 2 :

  1. a) l’existence d’un motif valable justifiant le retard tout au long de la période du retard (autrement dit, l’existence d’une explication acceptable selon la loi);
  2. b) l’admissibilité aux prestations à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle la demande serait antidatée).

[10] Les principaux arguments ici portent sur la question de savoir si l’appelante avait un motif valable. Par conséquent, je commencerai par cette question.

[11] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, l’appelante doit établir qu’elle a agi de la manière qu’une personne raisonnable et prudente aurait agi dans des circonstances similairesFootnote 3. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de façon raisonnable et prudente, comme toute autre personne l’aurait fait si elle se trouvait dans une situation similaire.

[12] L’appelante doit démontrer qu’elle a agi ainsi tout au long de la période du retardFootnote 4. Cette période s’étend de la date à laquelle l’appelante veut antidater sa demande à la date à laquelle elle a effectivement présenté sa demande. Par conséquent, dans le cas de l’appelante, la période du retard s’étend du 14 février 2023 au 8 mars 2022Footnote 5.

[13] L’appelante doit également démontrer qu’elle a pris des mesures raisonnablement rapides pour comprendre son admissibilité aux prestations et ses obligations selon la loiFootnote 6. Autrement dit, l’appelante doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour connaître ses droits et ses responsabilités le plus rapidement possible. Si l’appelante n’a pas pris ces mesures, elle doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui justifient son inactionFootnote 7.

[14] L’appelante doit établir cet élément selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’elle avait un motif valable justifiant le retard.

[15] L’appelante affirme qu’elle avait un motif valable justifiant le retard. Elle affirme qu’elle avait tenté de présenter une demande en ligne avec l’aide de son époux. Cependant, le formulaire en ligne l’obligeait à indiquer pourquoi elle avait été congédiée, ce qu’elle ne pouvait pas faire parce qu’elle ne connaissait pas la raison de son congédiement. Elle affirme donc que le programme ne lui permettait pas de continuer à remplir le questionnaire et de présenter la demande. De plus, elle occupait un autre emploi à temps partiel et elle pensait que c’était peut-être une autre raison pour laquelle elle n’était pas admissible. Elle n’a pas fait de suivi auprès d’un centre de Service Canada.

[16] L’appelante s’est concentrée sur les raisons pour lesquelles elle avait perdu son emploi. Elle affirme qu’elle s’était plainte du manque d’indemnisation pour ses heures de travail et de harcèlement. Peu après, elle a été congédiée. La lettre de renvoi indique que son congédiement était justifié, en raison de la violation d’une politique de l’entrepriseFootnote 8. L’appelante croyait qu’elle devait établir qu’elle avait été congédiée à tort avant de pouvoir être admissible à l’assurance-emploi. Elle a affirmé qu’elle avait immédiatement contesté son congédiement avec son syndicat. Elle affirme que son syndicat l’a informée peu de temps après son congédiement qu’elle pourrait demander des prestations d’assurance-emploi. Toutefois, son représentant syndical a cessé de répondre à ses appels téléphoniques après trois semaines. Elle a donc déposé une demande auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario. Elle n’a reçu aucune nouvelle concernant l’avancement de cette demande. L’appelante a affirmé qu’elle s’était concentrée sur la cause de son congédiement en raison d’une perte d’emploi précédente, un certain nombre d’années auparavant.

[17] L’appelante a également affirmé qu’elle avait subi une opération en février 2023 et qu’elle avait dû être hospitalisée.

[18] L’appelante a finalement demandé des prestations de maladie le 14 février 2023. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle s’est rendu compte qu’elle pouvait également demander des prestations régulières et l’antidatation de sa demande, ce qu’elle a fait.

[19] La Commission affirme que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard. Elle affirme :

  1. a) que l’appelante a attendu 11 mois avant de présenter sa demande;
  2. b) que l’appelante connaissait le programme d’assurance-emploi depuis le début de la période du retard, lorsque son syndicat l’a informée de son droit de présenter une demande;
  3. c) que l’appelante aurait pu communiquer avec Service Canada pour obtenir des renseignements sur ses droits et ses responsabilités, mais qu’elle ne l’a pas fait;
  4. d) que l’appelante a choisi de ne pas demander d’assurance-emploi et de plutôt se concentrer sur sa demande à la Commission des relations de travail de l’Ontario;
  5. e) que rien n’empêchait l’appelante de demander des prestations d’assurance‑emploi.

[20] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande durant toute la période de retard. Je comprends que l’appelante n’ait pas compris la raison de son congédiement. Toutefois, elle connaissait déjà le programme d’assurance-emploi au début de la période du retard parce que son syndicat l’avait informée qu’elle pouvait demander de l’assurance-emploi. À ce moment-là, elle devait prendre toutes les mesures raisonnables pour le faire en temps opportun. Ses éléments de preuve indiquaient qu’elle avait été informée du programme d’assurance-emploi dans le mois suivant son congédiement, soit en avril 2022. Toutefois, elle a attendu 10 mois de plus pour présenter sa demande. Elle affirme qu’elle a essayé de présenter une demande en ligne, mais qu’elle n’a pas pu remplir le formulaire. À ce moment-là, elle aurait pu appeler Service Canada ou se rendre à un centre de Service Canada.

[21] J’ai tenu compte du fait que l’anglais n’est pas la langue maternelle de l’appelante. L’audience a eu lieu avec l’aide d’un interprète. Les notes de la Commission montrent que, lorsqu’elle a parlé avec l’appelante, un membre de la famille traduisait pour elle. Certes, une partie du retard peut être attribuée à une barrière linguistique. L’appelante ne connaissait pas bien ses droits, puisqu’elle avait été congédiée et qu’elle n’avait pas pu accéder facilement aux renseignements nécessaires en ligne dans sa propre langue. De plus, si l’appelante avait décidé de se rendre en personne dans un centre de Service Canada ou d’appeler au téléphone, elle aurait eu besoin d’aide pour traduire. Cependant, l’appelante a affirmé qu’elle connaissait l’assurance-emploi en raison d’une demande antérieure et qu’elle avait démontré qu’elle était en mesure de déposer une demande à la Commission des relations de travail de l’Ontario, malgré les barrières linguistiques. Bien que la barrière linguistique de l’appelante puisse expliquer un court retard pour s’informer de ses droits et de ses obligations, elle ne peut pas raisonnablement expliquer un retard de 11 mois.

[22] J’ai également tenu compte du fait que l’appelante a subi une chirurgie en février 2023. Elle a affirmé que l’opération était prévue. J’accepte que l’opération explique le retard du mois de février. Toutefois, elle n’explique pas le retard d’avril 2022 à janvier 2023.

[23] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard. Je compatis sincèrement à la situation de l’appelante, mais je ne peux pas modifier la loiFootnote 9.

[24] Je n’ai pas à décider si l’appelante était admissible aux prestations plus tôt. Si l’appelante n’a aucun motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[25] L’appelante n’a pas établi qu’elle avait un motif valable justifiant le retard à demander des prestations pour toute la période du retard.

[26] L’appel est rejeté.

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