Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1855

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (591389) datée du
2 juin 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Rena Ramkay
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 3 octobre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1754

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelantNote de bas de page 1.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, l’appelant n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, la demande de l’appelant ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 21 décembre 2017Note de bas de page 2.

Aperçu

[3] L’appelant, R. G., a demandé des prestations d’assurance-emploi le 2 août 2022, et la Commission de l’assurance-emploi du Canada a établi une période de prestations débutant le 17 juillet 2022.

[4] L’appelant demande maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 21 décembre 2017. La Commission a déjà rejeté cette demande.

[5] La Commission affirme que l’appelant a d’abord demandé que ses prestations soient antidatées au 4 septembre 2016. Lors d’un appel téléphonique avec la Commission le 3 janvier 2023, il a précisé la date. Il croyait être admissible du 2 décembre 2017 au 24 juillet 2019Note de bas de page 3. Lorsqu’il a parlé à la Commission de sa demande de révision, l’appelant a révisé ces dates du 21 décembre 2017 au 27 juin 2019. Il a confirmé qu’il s’agissait des bonnes dates à l’audience.

[6] La Commission affirme que l’appelant ne remplissait pas les conditions pour recevoir des prestations d’assurance-emploi à compter du 17 décembre 2017. Il n’a pas démontré qu’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure. De plus, il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période du retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il devrait pouvoir faire antidater sa demande au 21 décembre 2017, parce qu’il en a fait la demande dès qu’il a su qu’il pouvait être admissible. Il n’a pas tardé lorsqu’il a su qu’il pouvait faire une demande d’antidatation. Il n’aurait pas pu chercher plus tôt des renseignements sur l’antidatation puisqu’il ne savait pas qu’il était possible de faire antidater une demande.

[8] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt. Dans l’affirmative, je dois décider s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à une date antérieure.

Question en litige

[9] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 21 décembre 2017? C’est ce qu’on appelle « antidater la demande ».

Analyse

[10] Pour que la demande de prestations d’une personne soit antidatée, elle doit prouver les deux choses suivantes :Note de bas de page 4

  1. a) Elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période du retard. Autrement dit, elle a une explication que la loi accepte.
  2. b) Elle remplissait les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle souhaite que sa demande soit antidatée).

[11] Dans la présente affaire, les principaux arguments portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. Je vais donc commencer par cela.

[12] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 5. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait si elle était dans une situation semblable.

[13] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 6. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Par conséquent, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 21 décembre 2017 au 27 octobre 2022.

[14] L’appelant doit également démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 7. Cela signifie que l’appelant doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il pouvait. Si l’appelant n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 8.

[15] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[16] La Commission affirme qu’il n’avait pas de motif valable parce qu’il n’a pas agi comme une « personne raisonnable » l’aurait fait dans la même situation pour vérifier ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Il aurait pu communiquer avec la Commission (Service Canada) pour s’informer au sujet des prestations d’assurance-emploi. Il aurait pu se renseigner sur les prestations en visitant le site Web de la Commission (Service Canada). Pour ces motifs, la Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période du retard.

[17] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il ne savait pas qu’il pouvait demander de faire antidater sa demande et qu’il n’aurait donc pas pu présenter sa demande plus tôt. Il dit qu’il n’est pas le genre de personne qui demande la charité au gouvernement.

[18] L’appelant a travaillé à temps plein jusqu’à ce qu’il soit mis à pied le 31 août 2016. Il a reçu une indemnité de départ que la Commission a répartie à titre de rémunération jusqu’au 3 décembre 2017. Elle lui a dit de présenter une nouvelle demande à cette date. Il a commencé un emploi à temps partiel comme chauffeur d’autobus scolaire le 21 décembre 2017 et il a oublié de demander des prestations. Il dit que son employeur a mis à pied beaucoup de chauffeurs d’autobus le 27 juin 2019.

[19] L’appelant affirme qu’il n’a pas demandé de prestations d’assurance-emploi entre le 21 décembre 2017 et le 27 juin 2019. Il travaillait à temps partiel, alors il ne croyait pas être admissible. Ce n’est qu’à la fin de juin 2019 qu’il a appris qu’il pouvait être admissible à des prestations à titre de travailleur à temps partiel. C’est à ce moment qu’il a entendu un collègue dire qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. Il a donc demandé des prestations d’assurance-emploi le 27 juin 2019, lorsqu’il a été mis à pied. Il a reçu des prestations depuis. Il a présenté des demandes au besoin lorsque ses contrats prenaient fin ou lorsqu’il était mis à pied.

[20] L’appelant affirme qu’il ne savait pas non plus qu’il était possible de faire antidater une demande. Le 27 octobre 2022, il est tombé sur l’information relative à l’antidatation de l’assurance-emploi pendant qu’il faisait une recherche sur Google. Il a pensé qu’il pouvait être admissible, alors il a communiqué immédiatement avec la Commission (Service Canada). Il a parlé à une agente de la ligne générale et dit qu’on lui a dit qu’il pourrait être admissible à faire antidater sa demande au 21 décembre 2017.

[21] L’appelant affirme qu’il n’aurait pas présenté de demande si l’agente lui avait dit qu’il n’était pas admissible. Comme on lui a dit qu’il pouvait être admissible à des prestations antidatées, il a immédiatement demandé l’antidadation du début de sa période de prestationsNote de bas de page 9.

[22] L’appelant pense qu’il devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploi pour la période du 17 décembre 2017 au 27 juin 2019. Le 3 décembre 2017, il a été mis à pied d’un travail à temps plein et il est devenu admissible aux prestations. C’est la date à laquelle ses allocations de départ ont pris fin après sa mise à pied du 31 août 2016. Et la Commission lui a dit qu’il serait admissible aux prestations à cette date. L’appelant a travaillé à temps partiel du 17 décembre 2017 au 27 juin 2019 et n’a reçu aucune prestation d’assurance-emploi pendant cette période même s’il pense qu’il aurait pu y être admissible.

[23] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période du retard, soit du 21 décembre 2017 au 27 octobre 2022, lorsqu’il a présenté sa demande d’antidatation. Il n’a fait aucun effort pour s’informer de ses droits et de ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Il aurait pu s’en informer en consultant le site Web de la Commission (Service Canada). Il aurait aussi pu communiquer avec la Commission (Service Canada) pour obtenir des renseignements sur les prestations d’assurance-emploi.

[24] L’appelant n’est pas d’accord. Il croit qu’une personne raisonnable n’aurait pas fait de recherches sur les prestations sur le site Web de la Commission (Service Canada) pour voir si elle était admissible à une indemnisation, à moins d’avoir été motivée à le faire. Comme il ne savait pas qu’il pouvait demander de faire antidater sa demande d’assurance-emploi, il n’avait aucune raison de communiquer avec la Commission pour en savoir plus sur les droits et les obligations liés à l’antidatation.

[25] La Commission affirme que l’ignorance de la loi, même lorsque la personne est de bonne foi ou qu’elle a une intention honnête, ne suffit pas à prouver l’existence d’un motif valable. Le critère du motif valable consiste de savoir si l’appelant a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans la même situation pour s’informer de ses droits et de ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission soutient que l’appelant n’en a pas fait assez pour s’informer de son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi.

[26] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations du 21 décembre 2017 au 27 octobre 2022. Il avait peut-être une bonne raison ou une justification pour son retard. Mais ce n’est pas le critère du motif valable. L’appelant doit démontrer que, pendant toute la période du retard, il a fait ce qu’une personne raisonnable aurait fait pour s’assurer de ses droits et de ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10. La loi précise également qu’il doit prendre des mesures assez rapidement pour s’informer de ses droits et de ses obligationsNote de bas de page 11.

[27] L’appelant s’est fondé sur ses suppositions personnelles selon lesquelles il n’était pas admissible aux prestations du 21 décembre 2017 au 27 juin 2019. Il n’a pas vérifié s’il avait raison. Les tribunaux ont répété à maintes reprises qu’il ne s’agit pas d’un motif valable justifiant le retardNote de bas de page 12.

[28] Il a seulement demandé l’antidatation de sa demande de prestations le 27 octobre 2022. Malgré les communications régulières qu’il avait eues avec la Commission depuis juin 2019, lorsque l’appelant a commencé à recevoir des prestations d’assurance-emploi, il n’a fait aucun effort pour demander à la Commission s’il pourrait être admissible à des prestations plus tôt.

[29] Il incombe à l’appelant de vérifier assez rapidement s’il a droit aux prestations d’assurance-emploi et de s’assurer de ses droits et obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 13. J’estime que l’appelant n’a pas vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations lorsqu’il a demandé, le 27 octobre 2022, que sa demande de prestations soit antidatée au 21 décembre 2017. Sa demande d’antidatation était en retard de quatre ans et dix mois.

[30] Selon la jurisprudence (les tribunaux), l’antidatation est un avantage qui doit être appliqué de façon exceptionnelle ou peu fréquenteNote de bas de page 14. Une raison importante pour refuser une demande d’antidatation alors que le prestataire n’était pas au courant de son admissibilité est qu’il serait difficile pour la Commission de savoir si le prestataire était disponible pour travailler pendant toute la période de prestations lorsque cela fait longtemps que cette période s’est écouléeNote de bas de page 15.

[31] Je conclus que rien n’empêchait l’appelant de communiquer avec la Commission pendant toute la période de son retard, si ce n’est son hypothèse selon laquelle il n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi. À mon avis, cela n’établit pas l’existence d’un motif valable.

[32] L’appelant fait valoir que la jurisprudence dit ce qui suit : « On ne gagne rien en refusant des prestations à des personnes qui y seraient autrement admissibles au seul motif qu’elles n’ont pas présenté leur demande au bon moment.Note de bas de page 16 »

[33] J’ai examiné la décision du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB) citée par l’appelant au paragraphe 32 ci-dessus. J’estime que les faits de l’appel sont très différents des faits de la présente affaire. Dans la décision CUB :

  • Le prestataire a tardé à présenter sa demande d’antidatation pendant cinq semaines, et non près de cinq ans.
  • Le prestataire s’est rendu dans un bureau d’assurance-chômage et a parlé à une conseillère pendant la période du retard, et a fait une tentative raisonnable d’obtenir des renseignements.
  • La conseillère qui a parlé au prestataire avait le devoir de l’informer qu’il pouvait demander des prestations, mais elle ne l’a pas faitNote de bas de page 17.

[34] Aucun de ces faits ne s’applique à l’appel de l’appelant, alors je suis convaincue que la décision CUB n’est pas pertinente à sa situation.

[35] Je conclus qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles justifiant le retard de l’appelant à présenter une demande initiale de prestations d’assurance-emploi. L’ignorance de l’appelant ou son ignorance de la loi ne suffit pas à établir un motif valable. De plus, il n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans sa situation pour s’informer de ses droits et de ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. L’appelant n’a pas agi rapidement pour s’informer de ses droits et de ses obligations.

[36] L’appelant doit présenter sa demande dans les délais prévus par la Loi sur l’assurance-emploi ou prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Comme je l’ai mentionné plus haut, je juge que les raisons pour lesquelles l’appelant a tardé à présenter sa demande pendant toute la période du 21 décembre 2017 au 27 octobre 2022 ne constituent pas un motif valable.

[37] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelant remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. S’il n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[38] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période du retard, soit du 21 décembre 2017 au 27 octobre 2022.

[39] L’appel est rejeté.

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