Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1856

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. I.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (562313) datée du 15 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 2 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-115

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi à la date à laquelle elle a demandé que ses prestations commencent. Sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi le 3 août 2022. Elle veut que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 24 avril 2022. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé.

[4] Pour que sa période de prestations commence plus tôt, l’appelante doit respecter deux choses. Premièrement, elle doit remplir les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi à la date antérieure souhaitée. Si elle remplit ces conditions, elle doit alors démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

[5] La Commission affirme que l’appelante souhaite que sa demande commence le 24 avril 2022. Même si elle a approuvé sa demande pour que sa période de prestations commence le 24 avril 2022, la Commission a décidé après un examen plus approfondi que l’appelante ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations à cette date. La Commission affirme que pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, l’appelante doit avoir subi un arrêt de rémunération. Elle précise qu’il y a eu continuation de salaire après le 24 avril 2022 et que l’appelante n’a pas eu d’arrêt de rémunération avant le 28 juin 2022.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme que l’argent reçu de son employeur du 26 avril au 28 juin 2022 n’était pas une continuation de salaire. Elle dit qu’il s’agissait d’une indemnité de départ et que la date de sa fin d’emploi, le 26 avril 2022, est celle qui devrait être utilisée pour calculer le début de sa période de prestations.

Question en litige

[7] La demande initiale de la prestataire peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 24 avril 2022? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande initiale.

Analyse

[8] Pour qu’une demande initiale de prestations d’assurance-emploi soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :

  1. a) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations;
  2. b) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée, autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi.

[9] La question principale dans la présente affaire est de savoir si l’appelante remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure souhaitée.

[10] Malgré la fin de son emploi le 26 avril 2022, l’appelante n’a pas demandé de prestations avant le 3 août 2022. La Commission a parlé à l’appelante en août 2022 et a autorisé l’antidatation de sa demande au 24 avril 2022.

[11] Par la suite, la Commission a réexaminé la demande et décidé qu’il y avait eu continuation de salaire du 26 avril au 28 juin 2022. Elle affirme que l’appelante a continué d’être rémunérée du 26 avril au 28 juin 2022 et qu’elle n’a donc pas eu d’arrêt de rémunération pendant cette période.

[12] Le 17 novembre 2022, la Commission a avisé l’appelante qu’elle changeait la date de début de sa demande, c’est-à-dire que celle-ci passait du 24 avril au 3 juillet 2022. À la suite de ce changement, la Commission a établi un trop-payé de prestations d’assurance-emploi pour la période du 26 avril au 3 juillet 2022.

[13] Comme l’appelante n’a pas eu l’arrêt de rémunération requis avant le 28 juin 2022, la Commission soutient qu’il est impossible d’antidater sa demande au 24 avril 2022 et que les prestations déjà versées pour cette période doivent être remboursées.

[14] L’appelante affirme qu’elle a été congédiée et que son dernier jour de travail était le 26 avril 2022. Elle dit qu’elle n’a pas travaillé pour l’employeur après cette date. Elle précise que l’argent reçu de cet employeur était une indemnité de départ et non une continuation de salaire. À ce sujet, elle affirme que l’employeur n’a pas respecté son entente de fin d’emploi, puisqu’il ne lui a pas versé son indemnité de départ sous forme de paiement forfaitaire.

[15] Je dois donc examiner si l’appelante remplissait les critères pour recevoir des prestations à la date antérieure demandée, soit le 24 avril 2022.

L’appelante remplissait-elle les conditions requises pour recevoir des prestations le 24 avril 2022?

[16] J’estime que l’appelante ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi le 24 avril 2022, parce qu’elle n’a pas eu d’arrêt de rémunération au sens de la loi.

[17] Pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi, une personne doit avoir subi un arrêt de rémunération et avoir accumulé un nombre précis d’heures d’emploi assurable au cours de sa période de référenceNote de bas de page 3.

[18] La période de référence correspond généralement aux 52 semaines qui précèdent la date de début de la période de prestations. Il n’y a aucun doute que l’appelante avait accumulé les heures requises pendant sa période de référence de 52 semaines avant le 24 avril 2022. Elle satisfait à cette exigence.

[19] L’appelante doit aussi avoir subi un arrêt de rémunérationNote de bas de page 4. Un arrêt de rémunération se produit lorsqu’une personne :

  • est licenciée ou cesse d’être au service de son employeur;
  • ne travaille pas pour cet employeur durant sept jours consécutifs;
  • ne reçoit aucune rémunération provenant de cet emploiNote de bas de page 5.

[20] L’arrêt de rémunération se produit au début de la semaine où la personne subit une baisse de rémunération de plus de 40 % de sa rémunération hebdomadaire normaleNote de bas de page 6. Cet arrêt de rémunération survient habituellement au moment du licenciement ou de la cessation d’emploi.

[21] L’appelante a arrêté de travailler le 26 avril 2022. Elle a fourni une lettre rédigée par son employeur qui décrit son entente de fin d’emploi, qui comprend :

  • 17 semaines de salaire, soit 8 semaines d’indemnité de préavis et 9,33 semaines d’indemnité de départ (le montant total pour cette partie du règlement s’élève à 39 743,02 $);
  • une somme à titre gracieux de 40 000,00 $ en échange d’un dégagement total et définitif de l’employeur de tout recours contre lui;
  • la prolongation de son régime d’assurance collective jusqu’au 30 juin 2022 et son inscription au régime de retraite enregistré jusqu’à la fin de sa période de préavis.

[22] La lettre rédigée par l’employeur précise que ces sommes doivent être versées à l’appelante sous forme de paiement forfaitaire.

[23] L’appelante affirme qu’elle a été victime d’un congédiement déguisé. Elle dit qu’elle n’a pas travaillé pour l’employeur après le 26 avril 2022.

[24] Elle soutient que toutes les sommes qui lui ont été versées sont des indemnités de fin d’emploi. Elle a confirmé avoir reçu des paiements périodiques toutes les deux semaines immédiatement après son départ, mais que ces paiements étaient des erreurs. Elle affirme que son entente de fin d’emploi précise que l’argent devait lui être versé sous forme de paiement forfaitaire et non sous forme de paiements périodiques.

[25] L’appelante ajoute qu’elle a eu recours à des services juridiques. La personne qui la représentait a avisé l’employeur de cesser les paiements périodiques et de verser le reste de l’argent en paiement forfaitaire. L’appelante a confirmé qu’elle n’a rien signé pour accepter que l’argent soit versé en paiements périodiques.

[26] L’appelante a aussi souligné qu’au moment où elle a arrêté de travailler, des règles spéciales étaient en vigueur concernant la façon dont la Commission traitait les indemnités de fin d’emploi. Elle soutient que tout l’argent versé découlait de sa cessation d’emploi. Par conséquent, ces sommes pouvaient être considérées comme des indemnités de fin d’emploi, lesquelles ne devaient pas être prises en considération pour établir son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi et ne devaient pas avoir d’incidence sur le paiement des prestations.

[27] La Commission affirme que l’appelante n’a pas subi d’arrêt de rémunération qui permettrait d’antidater sa demande. Elle affirme que l’appelante a reçu des paiements périodiques qui correspondent à une continuation de salaire. Initialement, elle a établi que la période de prestations de l’appelante commençait le 24 avril 2022 et lui a versé des prestations à compter de cette date.

[28] La Commission affirme que l’employeur a confirmé avoir versé un salaire à l’appelante jusqu’au 28 juin 2022. Elle mentionne que l’appelante a reçu des talons de paie pendant cette période. Elle ajoute que l’employeur a versé à l’appelante huit semaines de salaire en paiements périodiques du 23 avril au 28 juin 2022. L’employeur a confirmé que l’appelante a reçu l’équivalent de son salaire pendant la période de préavis. Il affirme que toutes les retenues, dont les cotisations à l’assurance-emploi, au régime collectif d’assurance pour soins de santé et au régime de retraite collectif, ont été effectuées et que l’appelante a reçu un [traduction] « talon de paie » qui précisait ces sommes.

[29] La Commission a conclu qu’il y avait eu continuation de salaire. Elle affirme qu’il n’y a eu aucun arrêt de rémunération véritable avant le 28 juin 2022, soit à la date où les paiements périodiques ont cessé.

À quel moment l’arrêt de rémunération est-il survenu?

[30] J’estime que l’appelante n’a pas subi d’arrêt de rémunération avant le 28 juin 2022. Par conséquent, ses prestations ne peuvent pas commencer avant cette date.

[31] Comme je l’ai mentionné plus haut, un arrêt de rémunération dépend de trois choses.

[32] Premièrement, l’appelante devait avoir été licenciée ou avoir cessé d’être au service de son employeur. Les parties ne contestent pas le fait que l’appelante a cessé de travailler le 26 avril 2022. Elle-même l’affirme, et la Commission a reconnu que c’était la date de son dernier jour de travail. Je ne vois rien qui m’amène à une autre conclusion, alors je reconnais que c’est un fait.

[33] Deuxièmement, l’appelante ne peut pas avoir travaillé pour l’employeur durant sept jours consécutifs. Les parties ne contestent pas le fait que l’appelante n’a pas travaillé pour l’employeur durant au moins sept jours après la fin de son emploi le 26 avril 2022. Encore une fois, je ne vois rien qui m’amène à une autre conclusion, alors je reconnais que c’est un fait.

[34] Troisièmement, l’appelante ne peut recevoir aucune rémunération provenant de cet emploi.

[35] Je considère que l’appelante a bel et bien reçu une rémunération au cours de la période du 23 avril au 28 juin 2022.

[36] La Commission et l’appelante s’entendent pour dire qu’il y a eu des paiements périodiques pendant cette période. J’ai examiné le relevé d’emploi produit par l’employeurNote de bas de page 7. Il confirme que l’appelante était payée toutes les deux semaines. Je peux voir que son dernier jour payé était le 28 juin 2022. Je vois aussi des heures d’emploi assurable accumulées jusqu’au 28 juin 2022. Pendant la période de deux semaines précédant son dernier jour de travail payé, l’appelante a reçu une rémunération assurable de 1 099,83 $. Pendant les six semaines précédentes, elle avait une rémunération assurable qui correspondait à celle qu’elle avait avant sa fin d’emploi.

[37] Je considère que les paiements à la quinzaine effectués pendant la période de préavis correspondaient à la rémunération qu’elle recevait avant sa fin d’emploi et qu’il y a eu continuation de salaire du 23 avril au 28 juin 2022. La rémunération déclarée par l’employeur était réputée assurable, ce qui signifie que des cotisations à l’assurance-emploi ont été effectuées. En plus des paiements périodiques, l’appelante a continué de participer au régime collectif d’assurance pour soins de santé et au régime de retraite collectif jusqu’au 28 juin 2022.

[38] L’appelante laisse entendre que la totalité des sommes versées, que ce soit de façon périodique ou forfaitaire, correspondait à des indemnités de fin d’emploi, soit à des indemnités de départ, et non à une continuation de salaire. De plus, elle affirme que l’employeur a fait l’erreur de lui verser des paiements périodiques. Elle ajoute que l’avis de cessation d’emploi mentionne expressément que la totalité de l’argent serait versée de façon forfaitaire.

[39] Je reconnais que l’avis de cessation d’emploi précise que la totalité de l’argent serait versée de façon forfaitaire. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. L’argent a été versé toutes les deux semaines pendant au moins huit semaines.

[40] Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les paiements périodiques faits à l’appelante (toutes les deux semaines) puissent être uniquement considérés comme des indemnités de départ. Si les paiements périodiques étaient de véritables indemnités de départ versées sur une certaine période, ils ne seraient pas assurables. Et habituellement, les indemnités de départ n’incluent pas de cotisations à des régimes d’assurance collective et à des régimes de retraite collectifs.

[41] L’employeur a décrit les paiements périodiques comme une [traduction] « indemnité de préavis ».

[42] Le versement d’indemnités de fin d’emploi, y compris d’une indemnité de préavis, n’empêche pas nécessairement un arrêt de rémunérationNote de bas de page 8. Celui-ci peut se produire même lorsqu’un employeur verse ces sommes en paiements périodiques.

[43] Toutefois, il n’y a pas d’arrêt de rémunération si une personne cesse de travailler, continue de recevoir des paiements périodiques de rémunération et continue de bénéficier du régime d’assurance collective de l’employeur. En réalité, on continue d’occuper un emploi conformément à un contrat de travail jusqu’au terme de l’assurance collectiveNote de bas de page 9.

[44] Je suis convaincu que l’appelante a conservé son contrat de travail jusqu’au 28 juin 2022.

[45] L’appelante soutient que l’employeur a fait l’erreur de lui verser des paiements périodiques et que la totalité des sommes aurait dû être versée sous forme de paiement forfaitaire, comme convenu dans l’avis de cessation d’emploi.

[46] Le fait que l’employeur a versé les sommes d’une manière qui ne correspondait pas à l’entente n’est pas une question que je peux examiner. Si une partie contrevient à un élément d’un contrat, c’est à d’autres tribunaux de trancher le litige, et non au Tribunal de la sécurité sociale. Je dois rendre une décision en fonction des faits dont je dispose. L’employeur a fait des paiements bimensuels qui correspondaient à la rémunération antérieure de l’appelante. Et les retenues appropriées ont été effectuées, dont les cotisations à l’assurance-emploi, au régime collectif d’assurance pour soins de santé et au régime de retraite.

[47] Je remarque que l’employeur a fait les paiements toutes les deux semaines pendant huit semaines. Il aurait dû être évident pour l’appelante, dès la réception du premier paiement périodique, que l’employeur ne respectait pas l’entente. Toutefois, les paiements bimensuels ont eu lieu pendant huit semaines avant que l’appelante demande à la personne qui la représentait d’aviser son employeur de cesser les paiements périodiques et de verser le reste de l’argent en paiement forfaitaire.

[48] Je peux seulement conclure que l’appelante a accepté l’entente au début et qu’elle l’a remise en question vers la fin des paiements.

[49] Quoi qu’il en soit, l’employeur a effectué des paiements qui correspondent à une continuation de salaire. Par conséquent, il n’y a pas eu d’arrêt de rémunération jusqu’à ce que ces paiements périodiques cessent. L’arrêt de rémunération véritable a eu lieu le 28 juin 2022, lorsque l’employeur a cessé de faire des paiements à l’appelante toutes les deux semaines. La période de prestations de l’appelante ne peut donc pas commencer avant cette date.

[50] L’appelante a fait valoir que des règles spéciales étaient en vigueur au moment où elle a reçu les paiements et qu’il ne devrait donc pas y avoir d’incidence sur sa demande.

[51] L’appelante a raison de dire qu’il y a eu des modifications réglementaires. Pendant la pandémie de COVID-19, des arrêtés provisoires sur l’administration des prestations d’assurance-emploi comprenaient une disposition qui ordonnait à la Commission de ne pas répartir d’indemnité de départ aux semaines de chômageNote de bas de page 10.

[52] Il était possible qu’une personne conserve son indemnité de départ et touche des prestations d’assurance-emploi à partir du moment de sa demande.

[53] Ces dispositions ont pris fin le 24 septembre 2022. Par conséquent, toute demande présentée après cette date est traitée selon les règles habituelles associées au Règlement sur l’assurance-emploi. Autrement dit, l’obligation de répartir la rémunération est revenue le 25 septembre 2022.

[54] L’appelante a présenté sa demande le 8 août 2022, avant le retour des dispositions de répartition. Elle a bel et bien bénéficié des dispositions en ce sens qu’une portion de ses indemnités de fin d’emploi a été exemptée de la répartition aux semaines de chômage. Autrement dit, les paiements forfaitaires n’ont eu aucune incidence sur ses prestations d’assurance-emploi.

[55] Toutefois, comme l’appelante a reçu une grande somme d’argent sous forme de continuation de salaire, cet argent n’était pas soumis à la répartition et n’a donc pas été pris en compte dans les paramètres des procédures provisoires. Ces paiements périodiques ont prolongé son emploi et retardé son arrêt de rémunération. Seules les sommes versées après le début de sa période de prestations le 28 juin 2022 seraient admissibles dans le cadre des dispositions des arrêtés provisoires.

[56] L’appelante laisse entendre que la Commission n’aurait pas dû réexaminer sa demande parce que le premier examen était pointu et que la Commission avait déjà établi que sa période de prestations pouvait commencer dès le 24 avril 2022.

[57] La Commission admet avoir commis une erreur lorsqu’elle a fait commencer la période de prestations le 24 avril 2022. Elle dit avoir réexaminé la demande de l’appelante après avoir décidé de lui verser des prestations. Elle a conclu qu’en raison des paiements périodiques de continuation de salaire, l’appelante n’avait pas subi d’arrêt de rémunération et n’avait donc pas droit aux prestations. Elle a examiné sa demande de nouveau et a établi une date de début qui arrivait plus tard. Ce changement a entraîné un trop-payé de 6 380,00 $.

[58] La Commission peut réexaminer une décision qu’elle a elle-même rendue. Seulement, elle doit agir de façon judiciaire lorsqu’elle le fait.

La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelante?

[59] J’estime que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelante.

[60] La loi prévoit que toute personne qui touche des prestations auxquelles elle n’a pas droit est tenue de les rembourser. La Commission a une politique pour établir s’il y a un trop-payé ou non.

[61] La Commission peut réexaminer toute demande dans les 36 mois qui suivent le versement des prestationsNote de bas de page 11.

[62] Dans la Loi sur l’assurance-emploi, le mot « peut » signifie que la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’agir ou non. Lorsque la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal ne peut pas intervenir dans la décision qu’elle rendra, sauf s’il démontre au moins une des choses suivantes :

  • qu’elle a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • qu’elle a pris en compte un facteur non pertinent;
  • qu’elle a ignoré un facteur pertinent;
  • qu’elle a agi de manière discriminatoire.

[63] J’ai examiné les observations de la Commission. Rien ne me montre qu’elle a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier.

[64] Je suis convaincu que la décision initiale de la Commission d’antidater la demande venait du fait qu’elle considérait que l’appelante avait été fondée à retarder sa demande et que cette dernière remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à la date antérieure. À ce moment-là, la Commission n’était pas au courant des paiements sous forme de continuation de salaire.

[65] Lorsque la Commission a constaté qu’elle avait commis une erreur d’antidatation, elle a simplement fait le nécessaire pour rendre la demande conforme à la loi. Pour ce faire, elle a reporté la date de début au moment suivant l’arrêt de rémunération.

[66] Je ne vois pas de mauvaise foi, de but ou de motif irrégulier dans la décision visant à rétablir la conformité de la demande.

[67] De plus, je ne trouve aucun facteur non pertinent que la Commission aurait pris en compte et qui aurait influencé ses décisions.

[68] Après avoir vu de nombreux dossiers où la Commission a réexaminé sa décision initiale, je ne peux pas conclure qu’elle a agi de manière discriminatoire lorsqu’elle a examiné de nouveau la demande de l’appelante. La Commission a simplement corrigé ses propres erreurs pour rendre les choses conformes. Je ne vois aucun geste arbitraire qui pourrait être considéré comme de la discrimination à l’égard de l’appelante.

[69] Je suis aussi convaincu que la Commission a pris en compte tous les facteurs pertinents avant de rendre sa décision. La Commission a fait ses recherches. Elle a obtenu des renseignements de l’appelante et de l’employeur sur la nature de la cessation d’emploi et de l’argent reçu, ainsi que sur les raisons du retard de la demande. Ce sont là les facteurs pertinents qu’il fallait prendre en compte pour décider si l’appelante avait droit aux prestations d’assurance-emploi.

[70] Enfin, la Commission a élaboré une politique pour assurer une application juste de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cette politique précise les circonstances où la Commission réexamine une demande qui entraînerait un trop-payé lorsque la personne a touché des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volontéNote de bas de page 12.

[71] La politique de réexamen de la Commission prévoit qu’il peut y avoir un nouvel examen seulement dans les situations suivantes :

  • il y a un moins-payé de prestations (des sommes qui pourraient être payables n’ont pas été versées);
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • la personne aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

[72] Dans les observations de la Commission, je n’ai trouvé aucune preuve qui montre qu’elle a appliqué sa politique avant de rendre sa décision qui a entraîné le trop-payé.

[73] Cependant, je suis convaincu que la Commission savait qu’elle ne pouvait pas laisse aller la situation sans rendre la demande conforme, car elle aurait autorisé le paiement de prestations contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi.

[74] La politique dit clairement que la date de l’arrêt de rémunération et la date de début de la demande sont des éléments essentiels pour établir une période de prestations. Le fait de ne pas corriger la date de début de la demande serait contraire à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission n’avait pas le choix de corriger la date de début de la demande.

Trop-payé de prestations

[75] Je compatis avec l’appelante. La Commission a fait l’erreur de dire que la date de début de sa demande était le 24 avril 2022. La correction de sa propre erreur laisse à l’appelante un trop-payé important à rembourser. Même si c’est la faute de la Commission, celle-ci n’avait pas le choix de réviser sa décision initiale, de corriger son erreur et d’établir le trop-payé.

[76] La Commission ne peut pas agir d’une façon contraire à la loi. Une erreur ou une information erronée de la part de la Commission ne dispense personne de l’application de la loi.

[77] Et la loi ne me permet tout simplement pas de dégager l’appelante de sa responsabilité liée au trop-payé. Je ne peux pas ignorer la loi même si le résultat peut sembler injuste.

[78] L’autre chose à vérifier pour permettre l’antidatation est la question de savoir si l’appelante avait un motif valable justifiant le retard de sa demande.

Motif valable

[79] Comme j’ai conclu que l’appelante ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations au 24 avril 2022, il n’est pas nécessaire que je vérifie si elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande du 24 avril au 3 août 2022.

[80] La Commission a établi que la date de début de la demande était le 3 juillet 2022. De toute évidence, elle était convaincue que l’appelante remplissait les conditions requises, y compris qu’elle avait un motif valable, pour que sa demande commence à cette date même si elle avait présenté sa demande le 3 août 2022.

Conclusion

[81] La prestataire n’a pas prouvé qu’elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi à la date antérieure qu’elle souhaitait, soit le 24 avril 2022. Autrement dit, sa demande ne peut pas être antidatée à cette date.

[82] L’appel est rejeté.

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