Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et PD, 2023 TSS 982

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : X
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause : Prestataire (P. D.)

Décision portée en appel : Décision de révision (563768) datée du 24 février 2023
rendue par la Commission de l’assurance-emploi du
Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Parker
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 14 juin 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 26 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-709

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je suis d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand elle l’a fait. Elle était fondée à quitter son emploi parce que le départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a quitté son emploi le 11 octobre 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de la prestataire pour quitter son emploi. Elle a conclu que cette dernière était fondée à quitter volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de le faire). Par conséquent, la Commission lui a versé des prestations.

[4] L’employeur a demandé une révision à la Commission, qui a maintenu sa décision initiale. Il a donc porté cette décision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Je dois décider si quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans le cas de la prestataire.

[6] La Commission était d’accord avec la prestataire : quitter volontairement son emploi était la seule solution dans son cas. Elle a dit que l’employeur rendait le milieu de travail si pénible qu’elle ne pouvait plus travailler là.

[7] L’appelant a déclaré dans son appel que la prestataire avait fait preuve d’une mauvaise conduite, pas lui. Il a dit qu’il était un bon gestionnaire.

[8] L’appelant a dit que la Commission n’avait pas tenu compte de la façon dont la prestataire avait démissionné. Il a dit qu’elle avait tendance à faire preuve d’un comportement négatif dans le cadre de son emploi et avec son ancien employeur. Selon l’appelant, il ne faut pas croire la témoin parce qu’elle est une amie de la prestataire. Il a dit que la Commission devrait refuser de lui verser des prestations, sans quoi elle récompenserait un tel comportementNote de bas de page 1.

[9] La prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’elle a été régulièrement intimidée et harcelée par l’employeur. Elle a dit que :

  • L’appelant et son autre gérant, N., ont juré et crié après elle sur une longue période.
  • N. a violé sa vie privée, ce qui lui a sapé le moral. Elle a dit qu’il avait révélé à une collègue quelque chose de personnel qui a nui à son image et l’a humiliée.
  • L’appelant a rabaissé la prestataire devant ses collègues en raison de sa réaction quand elle ne trouvait pas ses clés. Elle a dit qu’il avait éclaté et l’a humiliée en faisant de nombreuses remarques désobligeantes. Elle est partie et a démissionné ce matin-là, avant le début de son quart de travail.
  • Sa témoin a témoigné devant la Commission et a confirmé ce qui s’est passé.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire n’était pas présente à l’audience

[10] La prestataire a été mise en cause dans l’appel conformément à l’article 33(1)b) des Règles de procédure de la sécurité sociale et elle a présenté des observations avant l’audienceNote de bas de page 2. Mais elle n’y était pas présente. Une audience peut avoir lieu en l’absence d’une partie si celle-ci a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 3. La prestataire l’a reçu parce qu’elle a présenté des observations.

[11] Après l’audience, j’ai envoyé une lettre à la prestataire pour lui donner la possibilité de présenter des observations supplémentaires, mais elle a décidé de ne pas participer davantageNote de bas de page 4.

[12] L’audience a eu lieu à la date prévue. La décision a été rendue sans autres observations de la part de la prestataire.

Question en litige

[13] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[14] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi

[15] J’accepte le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi. La prestataire reconnaît qu’elle a quitté son emploi le 11 octobre 2022. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[16] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[17] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 5. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[18] La loi explique ce que signifie « être fondée à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 6.

[19] La prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand la prestataire a quitté son emploi.

[20] La prestataire affirme qu’elle a quitté son emploi parce que l’appelant, son gestionnaire, et N. l’intimidaient et la harcelaient régulièrement. Selon elle, son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là parce que le jour de sa démission était un autre jour où l’appelant l’a humiliée. Elle ne pouvait pas revenir étant donné l’hostilité que ses gestionnaires ont manifestée envers elle.

[21] La Commission affirme que la prestataire était fondée à quitter son emploi parce que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La Commission a parlé à l’ancienne collègue de la prestataire, qui a confirmé que le milieu de travail était toxique.

[22] La Commission a déclaré qu’il ne faut pas s’attendre à ce que la prestataire conserve son emploi quand une situation de conflit persiste entre elle et ses superviseursNote de bas de page 7.

[23] À l’audience, l’appelant a déclaré que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il affirme plus précisément qu’elle aurait pu rester, arranger les choses et continuer à occuper son emploi. Il l’a affirmé même s’il a dit à la Commission que la prestataire a un mauvais comportement depuis longtemps.

[24] L’appelant a dit à la Commission que la prestataire avait été réprimandée pour son attitude et qu’elle avait reçu des avertissements écrits ainsi qu’une suspension de deux jours en raison de son inconduiteNote de bas de page 8. Il a dit que la Commission devrait refuser de lui verser des prestations pour renforcer son comportement négatif.

Crédibilité du témoignage

[25] Je conclus que la prestataire a quitté son emploi parce qu’elle a subi de la violence verbale de la part de l’appelant le 11 octobre 2022, tel qu’elle l’a expliqué, et qu’il était hostile à son égard. Je crois son témoignage et j’y accorde plus d’importance qu’à celui de l’appelant.

[26] L’appelant n’a pas fourni de preuve montrant qu’il n’y avait pas de harcèlement en milieu de travail. Il a mis l’accent sur les raisons pour lesquelles il était un bon gestionnaire et nié avoir dit des choses qui ont poussé la prestataire à démissionner.

[27] L’appelant s’est contredit dans ses témoignages. Il a fait part de ses préoccupations au sujet de la conduite de la prestataire à la Commission, mais à l’audience, il a dit que tout allait bien et qu’il n’y avait aucune animosité entre lui et la prestataire.

[28] Je crois la témoin de la prestataire, qui a confirmé que l’appelant a fait preuve de violence verbale à son égard le jour où elle a démissionné. J’ai trouvé sa preuve crédible en raison de la façon dont elle a décrit son propre inconfort, et elle s’est adressée directement à la Commission. Je ne vois pas pourquoi elle aurait inventé une histoire. De plus, son témoignage concorde avec ce qui s’est passé selon la prestataireNote de bas de page 9.

[29] À l’audience, l’appelant a dit que N. n’a pas harcelé la prestataire, mais qu’il la réprimandait lorsqu’elle utilisait un langage vulgaire. C’est ce qu’il faisait à toute personne qui blasphémait. Il a dit que ce n’était pas du harcèlement. 

[30] L’appelant a confirmé que N. avait violé la vie privée de la prestataire en révélant des renseignements personnels à une autre collègue. Il a dit qu’il en avait parlé avec N. et qu’il avait donné à la prestataire l’occasion de déposer une plainte, mais elle ne l’a pas fait. Cela contredit son témoignage livré à la Commission selon lequel il n’était pas au courant d’une violation de confidentialitéNote de bas de page 10.

[31] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il n’a jamais été contacté pour fournir des renseignements dans cette affaire. Il a dit qu’il n’avait jamais entendu parler de H. K., le nom inscrit sur le relevé d’emploi et la personne-ressource de la CommissionNote de bas de page 11. Il a dit que personne à l’entreprise ne connaissait ce nom et comme l’entreprise est petite, il connaissait tout le monde. Cependant, le 18 novembre 2022, l’appelant a fait la connaissance de H. K. en contactant la Commission par téléphone. 

[32] À l’audience, l’appelant a dit qu’il aurait réembauché la prestataire même si elle lui avait fait des commentaires très négatifs et désobligeants au moment de son départ. Il a dit que c’était une solution raisonnable pour la prestataire.

[33] Cependant, je juge peu probable que la prestataire ait pu continuer à travailler là en raison de l’animosité que l’appelant entretenait à son égard, comme en témoigne son comportement le jour où elle a démissionné.

[34] L’appelant a demandé une audience en personne. Il a dit qu’il ne s’attendait pas à ce que le fait qu’ils se trouvent dans la même pièce provoque un conflit ou un sentiment d’inconfort. Il a dit qu’ils étaient en bons termes depuis son départ et qu’ils avaient été en contact à quelques reprises. Cependant, la prestataire a envoyé un courriel après l’audience pour dire qu’elle ne savait pas que l’appelant allait être dans la même pièce qu’elle, ce qui lui a causé du stress et de l’anxiétéNote de bas de page 12. Cela m’a fait comprendre qu’il y a toujours de l’animosité entre elle et l’appelant.

[35] L’appelant n’a pas fourni de réponse directe au serment. Il a nuancé sa réponse en disant « si je me souviens bien ».

[36] Pour les raisons expliquées ci-dessus, j’ai accordé plus d’importance au témoignage de la prestataire.

[37] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que la prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi parce que le départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 13.

Conclusion

[38] Je conclus que la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[39] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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