Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1836

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (577210) datée du 14 avril 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 27 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 15 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1446

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi. Son employeur affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle a agi contre sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner et n’a pas dit si elle avait été vaccinée.

[4] Bien que l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’agir contre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas obtenir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédié ou suspendueNote de bas de page 2.

[8] Pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[9] J’estime que l’appelante a perdu son emploi parce qu’elle a agi contre la politique de vaccination de son employeur.

[10] Les parties conviennent que l’appelante a été congédiée de son emploi parce qu’elle n’était pas vaccinée. Je ne vois aucune preuve du contraire, alors j’accepte cela comme un fait.

Qu’est-ce qu’une inconduite selon la loi?

[1] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Il peut aussi y avoir inconduite si le comportement était tellement insouciant qu’il est presque délibéréNote de bas de page 4. Cela signifie que même s’il n’y a pas d’intention coupable (c’est-à-dire que la personne n’a pas l’intention de faire quelque chose de mal), un comportement peut tout de même être une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[2] Pour être considérée comme une inconduite, selon l’exigence de la loi, l’appelante savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi en raison de sa conduite ou que cela pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeurNote de bas de page 6.

[3] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?

[11] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelante est une inconduite.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Cependant, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de l’appelante est le résultat d’une inconduite selon la Loi. Elle énonce le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[13] Je peux seulement trancher les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Je ne peux pas décider si des lois offrent d’autres options à l’appelante. Il ne m’appartient pas de décider si l’appelante a été congédiée injustement ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 8. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[14] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 9,un prestataire a été congédié de son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances, notamment parce qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue, et que le dernier test qu’il avait passé aurait dû être toujours valide. Essentiellement, M. McNamara a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que les agissements de son employeur entourant son congédiement n’étaient pas corrects.

[15] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question n’est pas « de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt, il leur appartient de dire si l’acte ou l’omission reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a ajouté que l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a fait remarquer qu’il y a d’autres solutions pour les personnes injustement congédiées, « qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[16] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 10, un prestataire, comme M. McNamara, a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a soutenu qu’il avait été injustement congédié, que les résultats de test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à sa politique et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour décider s’il y avait eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[17] Dans une autre affaire semblable de la Cour d’appel fédérale intitulée Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 12, un prestataire a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcool. Il a soutenu que, comme le trouble lié à la consommation d’alcool est considéré comme une déficience, son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore une fois affirmé qu’il faut se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Le fait que l’employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation n’est pas pertinentNote de bas de page 13.

[18] Ces dossiers ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19. Cependant, ce qu’ils disent est tout de même pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de congédier l’appelante. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou a omis de faire et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[19] L’appelante a présenté une décision du Tribunal dans laquelle un appel similaire en matière d’inconduite a été accueilli parce que le membre a conclu qu’un employeur ne peut pas modifier unilatéralement les conditions d’emploi lorsqu’il existe un contrat de travail. Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel. Je ne suis pas d’accord avec la décision du membre parce que je pense qu’il a outrepassé sa compétence. Les tribunaux ont statué clairement que de décider si les politiques de l’employeur sont justes, s’il y a eu infraction à un contrat de travail ou si le congédiement est justifié constitue une erreur de droit de la part du Tribunal. Le Tribunal doit seulement décider si la prestataire a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi sans tenir compte de la conduite de l’employeur.

[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • L’employeur a clairement avisé l’appelante de ses attentes concernant la vaccination et la divulgation de son statut vaccinal.
  • L’employeur a envoyé des courriels et des lettres à l’appelante à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes.
  • L’appelante savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.

[21] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Comme il y a eu un problème de communication avec l’employeur, l’appelante croyait se conformer aux exigences pendant son congé de maladie.
  • L’appelante ne pensait pas que la politique de vaccination s’appliquait à elle alors qu’elle était en congé de maladie.
  • L’appelante ne pouvait pas saisir la situation dans laquelle elle se trouvait en raison de ses blessures et des médicaments qu’elle prenait; elle n’a donc pas intentionnellement enfreint la politique.

[22] La politique de vaccination de l’employeur prévoit [traduction] « à compter du 31 octobre 2021, tous les membres du personnel de X, les membres du personnel professionnel, les bénévoles, y compris les membres du conseil d’administration, les étudiantes et étudiants et les entrepreneurs, devront être entièrement vaccinés. Cela signifie qu’une personne doit recevoir la première de deux doses au plus tard le 18 septembre 2021, et une autre dose au plus tard le 17 octobre 2021 afin d’être considérée comme entièrement vaccinée en date du 31 octobre 2021. On mettra fin à l’emploi des membres du personnel qui ne sont pas entièrement vaccinés et qui n’ont pas obtenu une exemption valide au plus tard le 31 octobre 2021; dans le cas des membres du personnel professionnel, les privilèges seront suspendus immédiatement à moyen terme. » Ce changement de politique a été communiqué à l’ensemble du personnel dans une note de service le 10 septembre 2021Note de bas de page 14.

[23] L’appelante savait ce qu’elle devait faire selon la politique de vaccination et ce qui se passerait si elle ne la respectait pas. L’employeur a informé l’appelante des exigences et des conséquences du non-respect de la politique aux dates ci-dessous :

  • Le 19 août 2021;
  • Le 25 août 2021;
  • Le 9 septembre 2021;
  • Le 10 septembre 2021;
  • Le 27 septembre 2021;
  • Le 8 octobre 2021.

[24] Je considère que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination, selon laquelle l’ensemble du personnel devait recevoir sa première dose de vaccin au plus tard le 18 septembre 2021, ou présenter une preuve d’exemption.
  • L’employeur a clairement informé l’appelante de ce qu’il attendait de ses employés en ce qui a trait à la vaccination et à la divulgation du statut vaccinal.
  • L’employeur a envoyé des notes de service, des courriels et des lettres à l’appelante à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes.
  • L’appelante connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[25] L’appelante a déclaré qu’elle avait subi une blessure importante lors d’une chute sérieuse le 18 septembre et qu’elle était incapable de travailler en raison de douleurs, de sa mobilité et des médicaments qu’elle prenait. Elle fait valoir que, comme elle était en congé à cause de ses blessures, elle ne pensait pas que la politique s’appliquait à elle. Elle soutient également que l’intensité de ses douleurs et les médicaments qu’elle prenait ont fortement touché sa capacité à réfléchir, et c’est pour cette raison qu’elle a rempli la deuxième déclaration comme elle l’a fait (en écrivant [traduction] « Je signe sous la contrainte pour » sans terminer en expliquant pourquoi). Cependant, elle a également déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de se faire vacciner à ce moment-là parce qu’elle se disait préoccupée par sa sécurité personnelle.

[26] L’appelante affirme avoir un problème cardiaque au sujet duquel son médecin était prêt à rédiger une exemption médicale. Cependant, elle n’en a parlé à son médecin que le 21 septembre 2021. De plus, elle n’a jamais choisi l’option disant qu’elle refusait le vaccin en raison d’un problème de santé dans l’une ou l’autre de ses déclarations de vaccination, et elle n’a pas abordé cette question avec son employeur pendant le processus de cessation d’emploi.

[27] L’employeur a clairement indiqué que l’appelante devait présenter une preuve d’exemption ou recevoir au moins une dose de vaccin au plus tard le 18 septembre 2021, sinon elle serait congédiée.

[28] J’admets que l’appelante n’a peut-être pas été en mesure de réfléchir ou de comprendre ce qui se passait lorsqu’elle a rempli des formulaires concernant son congé de maladie le 21 septembre. Ainsi, à ce moment-là, sa conduite n’était peut-être pas intentionnelle. Cependant, cela s’est produit après la date à laquelle elle devait soit avoir reçu sa première dose de vaccin reconnu ou présenter une preuve d’exemption médicale.

[29] Je considère, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante n’avait pas l’intention de se faire vacciner ou d’obtenir une exemption médicale avant la date limite fixée par son employeur, soit le 18 septembre 2021.

[30] L’appelante a donc délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur.

[1] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas intentionnellement enfreint la politique de vaccination parce qu’elle ne savait pas que des modifications entreraient en vigueur pendant son congé de maladie. Elle a dit qu’elle ne vérifiait jamais ses courriels au travail parce qu’il n’y avait pas de temps. L’hôpital manquait de lits et tous les membres du personnel étaient débordés. Elle a dit que pendant ses pauses, elle allait s’asseoir dans sa voiture et pleurait. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait pas accéder à son compte du travail de la maison parce que sa connexion Internet fonctionnait mal.

[2] L’appelante a déclaré que pendant la pandémie, les panneaux d’affichage n’étaient pas autorisés, de sorte que les notes et les nouvelles qui auraient normalement été affichées dans les salles de repos et les couloirs n’étaient plus en place. Elle a dit que certains renseignements sont parvenus à son hôpital satellite bien après le campus principal et que les gens qui effectuaient le quart de nuit n’avaient pas reçu beaucoup d’information parce qu’il n’y avait pas de gestionnaires en fonction pour parler au personnel. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas écouté les nouvelles ou la radio parce qu’elle craignait que cela ne déclenche l’anxiété de son mari et fasse peur à ses enfants.

[3] Je n’accepte pas cet argument. Bien que l’appelante n’ait peut-être pas été informée de l’entrée en vigueur d’une nouvelle directive provinciale sur la santé et de l’adoption par son hôpital d’une exigence selon laquelle tout le personnel devait se faire vacciner une première fois au plus tard le 18 septembre, sous peine de congédiement, elle l’ignorait parce qu’elle ne s’est pas tenue raisonnablement au courant alors qu’elle travaillait. Je comprends qu’elle était débordée et épuisée, mais cela ne l’exonère en rien de son obligation envers son employeur et ses collègues de vérifier régulièrement ses courriels professionnels. Les collègues de l’appelante savaient que la politique entrait en vigueur et travaillaient dans des conditions semblables. L’appelante a donc agi de façon tellement insouciante que sa conduite était considérée comme étant délibérée.

[4] Je considère, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante aurait dû savoir que ne pas se faire vacciner aurait pu entraîner son congédiement.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[31] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[32] En effet, les gestes posés par l’appelante ont mené à son congédiement. Elle a agi avec insouciance. Elle aurait dû savoir que le refus de se faire vacciner était susceptible de lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[33] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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