Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

Citation : RR c Commission de l’assurance-emploi du Canada et X, 2024 TSS 265

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : R. R.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause : X
Représentant : Nick Asselin

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
29 janvier 2024 (GE-23-1537)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 14 mars 2024
Numéro de dossier : AD-24-147

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel n’est pas accordée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) occupait un emploi de camionneur pour l’employeur. Il a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi. La défenderesse (Commission) a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire a perdu son emploi. Elle a décidé que le prestataire avait été congédié, mais que son congédiement n’était pas dû à son inconduite. Elle a donc décidé que le prestataire était admissible au bénéfice des prestations.

[3] L’employeur a demandé la révision de cette décision. Il a alors affirmé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. La Commission a maintenu la décision initiale. L’employeur a interjeté appel devant la division générale du Tribunal.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a volontairement quitté son emploi parce qu’il a cessé de se présenter au travail à partir du 13 juillet 2022. Elle a déterminé que l’employeur a demandé au prestataire de confirmer une entente verbale par écrit au sujet de certaines sommes dues, mais que ce dernier a refusé. La division générale a déterminé que le prestataire ne s’est plus présenté au travail par la suite. Elle a déterminé que le prestataire aurait pu se renseigner sur ses droits ou chercher un autre emploi avant de quitter. Elle a conclu qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

Question en litige

[5] La loi spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale.  Ces erreurs révisables sont que :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[6] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel il devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais, il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[7] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par le prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Remarques préliminaires

[8] Afin de décider de la présente demande pour permission d’en appeler, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale tenue le 22 décembre 2023.

[9] Au soutien de sa demande pour permission d’en appeler, le prestataire présente en détail sa version des évènements qui ont conduit à la fin de son emploi. Il produit des nouvelles pièces au soutien de sa position.Note de bas de page 1

[10] Il est bien établi que je dois seulement considérer la preuve qui a été présentée à la division générale afin de décider de la présente permission d’en appeler.  Un appel devant la division d’appel n’est pas une audience de nouveau qui permet la présentation de nouvelle preuve.Note de bas de page 2

Je n’accorde pas la permission de faire appel au prestataire

[11] Le prestataire fait valoir que la division générale ne lui a pas donné le temps de présenter sa cause puisqu’elle a laissé la parole à son ex-employeur. Il soutient ne pas avoir eu l’occasion de répondre aux allégations de l’employeur. Il fait valoir que la membre de la division générale lui a manqué de respect et qu’il a seulement compris après la lecture de la décision que l’on parlait d’un départ volontaire.

[12] Au soutien de sa demande pour permission d’en appeler, le prestataire répond à la décision de la division générale et présente en détail sa version des évènements qui ont conduit à la fin de son emploi. Il produit des nouvelles pièces au soutien de sa position.Note de bas de page 3

Principe de justice naturelle

[13] Un principe de justice naturelle se rapporte aux règles fondamentales de procédure exercées par les personnes et les tribunaux ayant compétence judiciaire ou quasi judiciaire. Le principe existe pour que l’on s’assure que toute personne reçoive un avis de comparution adéquat, se voit offrir la possibilité raisonnable de présenter sa cause, de défendre sa cause, et puisse s’attendre à ce que la décision soit rendue de façon impartiale et sans crainte raisonnable ni apparence de partialité.

[14] J’ai écouté attentivement l’enregistrement de l’audience que la division générale a tenue le 22 décembre 2023. Il m’est apparu manifeste que le prestataire s’est vu offrir la possibilité raisonnable de présenter sa version des évènements et de défendre sa cause devant la division générale.

[15] La membre de la division générale a écouté son témoignage, et considéré ses arguments au soutien de sa position. Elle a également permis au prestataire de produire des documents après l’audience avant de prendre sa décision, afin de s’assurer qu’il présente pleinement sa cause. La membre a clairement expliqué la position du prestataire dans sa décision.

[16] Il est vrai que la membre de la division générale n’a pas voulu entendre le prestataire après la fin de l’audience. Elle se devait d’agir ainsi afin de préserver le droit de chacune des parties à une audience équitable. Elle ne pouvait donc pas permettre au prestataire de continuer à présenter sa cause une fois l’audience terminée.

[17] Je n’ai rien constaté qui me permettrait de conclure que la membre de la division générale a dérogé à la norme de façon à soulever une crainte raisonnable ou une apparence de partialité.

[18] Je suis d’avis que ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Départ volontaire

[19] Il a été décidé par la Cour d'appel fédérale que, même si le motif de la perte d'emploi est énoncé soit comme étant de l'inconduite ou un départ volontaire non fondé, la compétence de la division générale consiste à déterminer le bien-fondé de l'exclusion aux prestations.Note de bas de page 4

[20] En d’autres mots, la division générale doit déterminer, selon la preuve qui lui est présentée, la raison de la cessation d’emploi et déterminer s’il y a lieu d’appliquer une exclusion au prestataire en vertu de la loi.

[21] La division générale a déterminé que le prestataire a volontairement quitté son emploi parce qu’il a cessé de se présenter au travail à partir du 13 juillet 2022. Elle a déterminé que l’employeur a demandé au prestataire de confirmer une entente verbale par écrit au sujet de certaines sommes dues, mais que ce dernier a refusé. Elle a déterminé que le prestataire ne s’est plus présenté au travail par la suite. La division générale a déterminé que le prestataire aurait pu se renseigner sur ses droits ou chercher un autre emploi avant de quitter. Elle a conclu qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

[22] Lors de l’audience, le prestataire a affirmé qu’il ne savait pas la raison pour laquelle il a été congédié. Il a dit que le 13 juillet 2022, son employeur l’a appelé et lui a demandé de venir porter les clés du camion. Il lui aurait aussi demandé verbalement de donner sa démission. Il aurait alors refusé.

[23] L’employeur a expliqué que le 13 juillet 2022, il a demandé au prestataire de mettre par écrit une entente verbale quant aux sommes qu’il devait lui rembourser puisque celui-ci ne semblait pas vouloir respecter son engagement verbal. Le prestataire n’était pas d’accord pour mettre cette entente par écrit. Selon l’employeur, le prestataire ne se serait plus présenté au travail par la suite, de telle sorte que ses effets personnels sont demeurés chez l’employeur.

[24] La division générale a accordé plus de poids à la version de l’employeur parce que sa description des situations problématiques est corroborée par une preuve abondante au dossier. Elle a considéré que la version de l’employeur en audience était la même que lors de sa demande de révision. Le prestataire a refusé de prendre une entente de remboursement avec lui et ne s’est plus présenté au travail.

[25] La division générale a déterminé que la version du prestataire était changeante et incohérente, au point d’affecter grandement sa crédibilité. Elle a considéré que le prestataire a affirmé avoir été forcé à démissionner en raison d’un événement survenu en mars 2022, soit plusieurs mois avant la fin de l’emploi. Puis il a affirmé ne pas savoir pourquoi son employeur lui demandait de démissionner. Lorsqu’il lui a été demandé de préciser comment son employeur lui a demandé de démissionner, ses explications sont demeurées vagues et il a affirmé qu’il ne s’en souvenait plus.

[26] La division générale a considéré que le message texte produit par le prestataire après l’audience ne prouvait pas que l’employeur l’avait congédié. Elle a déterminé que la date du message n’était pas visible et que l’employeur lui demandait plutôt de venir porter les clés du camion et de prendre ses effets personnels qui sont dans le camion.

[27] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas été congédié, mais qu’il avait plutôt quitté volontairement son emploi en ne se présentant plus au travail. Elle n’a donc pas procédé à l’analyse de la question d’inconduite.

[28] Un prestataire dont l’emploi prend fin parce qu’il a fait connaître à son employeur son intention de quitter son emploi, soit verbalement, par écrit, ou par ses actions, est considéré comme ayant quitté volontairement son emploi au sens de la loi.

[29] La division générale a déterminé que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Il aurait pu se renseigner sur ses droits ou chercher un autre emploi afin d’éviter de se placer en situation de chômage.

[30] Je ne vois aucune erreur révisable de la division générale. Elle a correctement énoncé le critère juridique applicable en matière de départ volontaire. Elle a appliqué ce critère aux faits en l’espèce et a cherché à savoir si le prestataire, après avoir considéré toutes les circonstances, n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Je ne vois aucune raison qui me permettrait d’intervenir sur la question de crédibilité, tel qu’évaluée par la division générale.

[31] Je dois réitérer qu’un appel devant la division d’appel n’est pas une occasion pour le prestataire de présenter à nouveau sa cause et espérer un résultat différent. La division d’appel n’est pas habilitée à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale.

[32] Je constate que le prestataire ne soulève aucune question de droit ou de fait ou de compétence dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

[33] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je n’ai d’autres choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission de faire appel n’est pas accordée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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