Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1912

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. L.
Représentant : B. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (538377) datée du
22 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 31 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3029

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel du prestataire en partie. Cette décision explique pourquoi.

[2] La pension du Régime de pensions du Canada que le prestataire reçoit constitue une rémunération. Elle doit être répartie sur ses prestations d’assurance-emploi. Je dois donc rejeter cette partie de son appel.

[3] Cependant, rien ne prouve que la pension du prestataire a commencé à être versée avant décembre 2020. J’accueille donc cette partie de son appel et son trop‑payé doit être recalculé.

Aperçu

[4] J. L. est le prestataire dans cet appel. Il a demandé des prestations d’assurance‑emploi le 28 septembre 2020. Il a reçu des prestations du 27 septembre 2020 au 11 septembre 2021.

[5] Le prestataire a demandé une pension du Régime de pensions du Canada. Il a déclaré cette pension dans ses déclarations de revenus, mais pas dans ses déclarations bimensuelles d’assurance-emploi. Il dit qu’il a commencé à recevoir sa pension en décembre 2020.

[6] Lorsque la Commission de l’assurance-emploi du Canada a été avisée que le prestataire recevait une pension du Régime, elle a réparti cette somme en tant que rémunération sur ses prestations d’assurance-emploi. La Commission a calculé un trop‑payé de 1 702 $. Elle dit que la pension du Régime du prestataire a commencé à être versée en novembre 2020.

[7] La Commission affirme qu’une pension du Régime constitue une rémunération qui doit être répartie sur les semaines où une personne demande des prestations d’assurance-emploi. La rémunération d’une personne réduit ses prestations.

[8] Le prestataire affirme qu’il est injuste de répartir en tant que rémunération les sommes qu’il reçoit du Régime puisqu’il s’agit d’un régime de retraite et que l’assurance‑emploi est un régime d’assurance. Il soutient que la Commission aurait dû lui dire qu’il serait perdant s’il demandait une pension du Régime tout en recevant des prestations d’assurance-emploi. Il dit ne pas avoir les moyens de rembourser le trop‑payé.

[9] Le prestataire soutient que sa dette devrait être annulée parce que la Commission a commis une faute en omettant de lui expliquer son avis de dette. Il dit que le gouvernement a promis d’aider la population canadienne, mais qu’il n’a pas mis en place un système équitable et transparent.

Les questions que je dois trancher

[10] Une pension du Régime de pensions du Canada constitue-t-elle une rémunération?

[11] La Commission doit-elle répartir la rémunération provenant de la pension du prestataire sur ses prestations d’assurance-emploi?

[12] À partir de quelle date la répartition de la pension du Régime du prestataire doit‑elle commencer?

Je dois tenir compte des documents postérieurs à l’audience pertinents

[13] Après l’audience, le prestataire a envoyé des relevés bancaires pour novembre et décembre 2020. Ces relevés indiquent que sa pension du Régime et ses prestations d’assurance-emploi étaient versées dans un compte qui se termine par les chiffres 2430. J’ai accepté ces relevés parce qu’ils étaient pertinents pour son appelNote de bas de page 1.

[14] J’ai communiqué ces renseignements à la Commission et je lui ai donné la possibilité d’y répondre. La Commission a présenté en réponse des observations sur les demandes de dépôt direct du prestataire que j’ai jugé pertinentes. J’ai ensuite transmis ces observations au prestataire et je lui ai donné une nouvelle chance de répondre, mais il ne l’a pas fait.

Analyse

Je dois examiner ce que dit la loi

[15] Le prestataire soutient que sa pension du Régime ne devrait pas être considérée comme une rémunération. Je vais donc d’abord examiner ce que la loi considère comme une rémunération.

[16] La loi établit que la rémunération est le revenu intégral (c’est-à-dire le revenu entier) qu’une personne reçoit de tout emploiNote de bas de page 2.

[17] La loi définit les termes « revenu », « emploi » et « pension »Note de bas de page 3.

[18] On entend par revenu tout ce qu’une personne a reçu ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne. Un emploi est tout travail qu’une personne a fait ou fera dans le cadre d’un contrat de travail ou de services. Une pension est une pension de retraite provenant d’un emploi.

Une pension du Régime de pensions du Canada constitue une rémunération

[19] Je vais maintenant examiner si la pension du Régime de pensions du Canada que reçoit le prestataire constitue une rémunération.

[20] La loi définit une pension comme des sommes payées à une personne, par versements périodiques (de manière récurrente) ou sous forme de montant forfaitaire, au titre ou au lieu d’une pensionNote de bas de page 4.

[21] Le terme pension englobe la pension du RégimeNote de bas de page 5.

[22] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il reçoit des versements mensuels récurrents de sa pension du Régime. Il conteste seulement la date du début de ces versements (comme expliqué ci-dessous).

[23] Le prestataire soutient que sa pension du Régime ne devrait pas être considérée comme une rémunération. Il dit que le Régime est un régime de retraite et que l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Il dit qu’il a cotisé aux deux régimes séparément et qu’il n’a jamais demandé de prestations à l’un ou l’autre.

[24] Je comprends le raisonnement du prestataire, mais selon la loi, sa pension du Régime constitue une rémunération.

La rémunération du prestataire provenant de sa pension doit être répartie

[25] Je vais maintenant examiner si la Commission devait répartir la pension du Régime du prestataire sur les semaines où il a demandé des prestations d’assurance‑emploi.

[26] Le prestataire soutient qu’il était [traduction] « cruel » de lui verser des prestations d’assurance-emploi et d’exiger par la suite qu’il rembourse à même ces prestations les sommes qu’il a reçues du Régime. Il dit que la réduction de ses prestations d’assurance‑emploi au beau milieu d’une pandémie est injuste et que l’on devrait faire preuve d’indulgence dans de telles circonstances.

[27] Cependant, la loi prévoit que toute la rémunération qu’une personne reçoit doit être répartie lorsqu’elle demande des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 6.

[28] Une répartition rétroactive (après coup) peut être faite après que la Commission a versé des prestations à une personne si elle découvre plus tard que ses déclarations de prestations bimensuelles étaient inexactesNote de bas de page 7.

[29] Les déclarations bimensuelles du prestataire étaient inexactes puisqu’il n’a pas déclaré les versements de pension qu’il a reçus.

[30] Le prestataire affirme qu’il ne savait pas qu’il devait déclarer sa pension dans ses déclarations d’assurance-emploi parce qu’il l’avait déjà déclarée comme revenu dans ses déclarations de revenus. Il dit qu’il ne considérait pas sa pension comme une rémunération. Et il pensait que la question récurrente lui demandant s’il avait reçu « d’autres sommes » faisait référence à de l’argent provenant d’un emploi, et non à une pension.

[31] Je suis d’accord avec le prestataire pour dire qu’il serait utile d’inclure « une pension » comme exemple « d’autres sommes » dans les formulaires de déclaration d’assurance‑emploi. Cependant, je suis également d’accord avec la Commission pour dire que les parties prestataires devraient se renseigner avant de remplir leur déclaration d’assurance-emploi si elles ne sont pas sûres de la signification d’une question.

[32] Quoi qu’il en soit, la loi exige que la Commission répartisse toute la rémunération que reçoit une personne, y compris les sommes provenant d’une pension du Régime. Ainsi, la répartition de la pension du prestataire était correcte.

Cependant, la répartition de la rémunération du prestataire a commencé à la mauvaise date

[33] La Commission a réparti la rémunération du prestataire à compter du 1er novembre 2020.

[34] La loi prévoit que les rémunérations sont réparties en fonction de leur nature, c’est-à-dire de la raison pour laquelle elles ont été versées.

[35] Dans le cas du prestataire, sa rémunération était des versements récurrents de pension du Régime, et la pension provenait de son emploi. Ce genre de rémunération est réparti sur la semaine pour laquelle elle a été payée ou payableNote de bas de page 8. La répartition se fait à hauteur de 50 % du montant de la rémunération.

[36] Les seuls éléments de preuve disponibles dans le cas du prestataire montrent qu’il a commencé à recevoir des versements de pension du Régime en décembre 2020.

[37] Ces éléments de preuve sont les relevés bancaires de novembre et de décembre 2020 que le prestataire a soumis après son audience pour le compte se terminant par les numéros 2430. Ces relevés bancaires indiquent un versement du de pension du Régime le 22 décembre 2020, mais aucun versement en novembre 2020.

[38] La Commission soutient que le prestataire avait précédemment donné des instructions de dépôt direct pour un autre compte bancaire se terminant par les numéros 9156. Ces instructions ont expiré le 24 novembre 2020Note de bas de page 9. Elles concernaient ses prestations d’assurance-emploi, pas sa pension du Régime.

[39] À partir de ces instructions, la Commission émet l’hypothèse que le prestataire a peut-être reçu un versement du Régime le 22 novembre 2020 dans le compte se terminant par les chiffres 9156.

[40] Toutefois, il est de notoriété publique que la pension du Régime est versée dans les deux jours ouvrables suivant la fin de chaque mois. La seule exception est le mois de décembre, au cours duquel les versements sont effectués avant la semaine de Noël.

[41] Ainsi, l’hypothèse de la Commission concernant un possible versement du Régime le 22 novembre 2020 ne semble pas correspondre aux faits.

[42] Je remarque qu’il incombe au prestataire de démontrer que toute somme qu’il a reçue pendant qu’il demandait des prestations d’assurance-emploi n’était pas une rémunération. J’ai déjà conclu qu’il ne pouvait pas remplir cette obligation parce que la loi prévoit qu’une pension du Régime constitue une rémunération.

[43] Je note également que lorsqu’une partie prestataire conteste le montant de rémunération que la Commission répartit, c’est à elle de prouver le bon montantNote de bas de page 10.

[44] Cependant, demander au prestataire de prouver qu’il n’a pas reçu de versement du Régime en novembre 2022 est injuste.

[45] La Commission n’a pas communiqué les détails de la vérification interne sur laquelle elle s’est fondée pour soutenir que le prestataire a commencé à recevoir sa pension du Régime en novembre 2020. Elle n’a pas démontré qu’il avait reçu un versement du Régime ce mois-là. De plus, son tableau de versements modifié ne présente aucun montant dans les colonnes relatives à la rémunération pour novembre 2020Note de bas de page 11.

[46] Sans ces éléments de preuve, je ne peux pas m’appuyer sur l’hypothèse récente de la Commission selon laquelle le prestataire a reçu un versement du Régime le 22 novembre 2020.

[47] C’est pourquoi je juge qu’il est plus probable qu’improbable que la pension du Régime du prestataire a commencé à être versée en décembre 2020. Je fonde cette conclusion sur le seul élément de preuve de versement du Régime disponible et sur le témoignage constant du prestataire à propos de cette dateNote de bas de page 12.

[48] Cela signifie que la répartition de la rémunération provenant de la pension du prestataire ne peut commencer qu’en décembre 2020. Par conséquent, la Commission devra recalculer son trop-payé. Le nouveau calcul devrait entraîner une diminution du montant du trop-payé.

Je ne peux pas annuler le trop-payé du prestataire

[49] Le prestataire affirme que le trop-payé devrait être annulé puisque l’avis de dette n’était accompagné d’aucune explication, ce qui lui causait beaucoup de stress. Il veut que la Commission soit réprimandée parce qu’aucun membre du personnel de Service Canada n’a été en mesure de lui expliquer le trop-payé.

[50] Le prestataire soutient également qu’il n’aurait jamais demandé la pension du Régime s’il avait su qu’elle serait soustraite de ses prestations d’assurance‑emploi. Il dit que la Commission aurait dû lui dire cela.

[51] Je suis d’accord avec le prestataire pour dire qu’il aurait dû être en mesure d’obtenir des renseignements beaucoup plus tôt sur les raisons pour lesquelles il devait rembourser un trop-payé. Cependant, demander de l’aide après avoir reçu un avis de dette n’est pas la même chose que se renseigner avant de demander la pension du Régime.

[52] Rien ne prouve que le prestataire se soit informé auprès de la Commission s’il était sage de demander la pension du Régime dans sa situation avant de le faire. Il a déclaré qu’il avait parlé pour la première fois à la Commission (et à son comptable) après avoir reçu son avis de dette.

[53] Je suis vraiment sensible à la situation du prestataire, mais je ne peux pas changer la loiNote de bas de page 13. Une pension du Régime est considérée comme une rémunération. Si la rémunération d’une personne n’a pas été répartie parce qu’elle ne l’a pas déclarée, elle doit rembourser les prestations d’assurance-emploi qui lui ont été versées en tropNote de bas de page 14.

[54] Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir d’annuler ou de réduire le trop-payé du prestataireNote de bas de page 15. Je peux seulement corriger la date à laquelle la répartition de sa rémunération aurait dû commencer. Cela devrait entraîner une légère réduction de sa dette.

[55] Toutefois, le prestataire a toujours la possibilité de demander à la Commission de supprimer ou de réduire le reste de son trop-payé pour cause de préjudice abusifNote de bas de page 16. Si la Commission refuse, il peut porter l’affaire devant la Cour fédérale.

[56] Le prestataire peut aussi appeler le Centre de gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada pour discuter de sa situation financière difficile et organiser un plan de remboursement qu’il peut respecter.

Conclusion

[57] La pension du Régime de pensions du Canada que reçoit le prestataire constitue une rémunération. Toute rémunération doit être répartie sur les prestations d’assurance‑emploi.

[58] Cependant, la Commission a réparti sa rémunération provenant de sa pension du Régime à compter de novembre 2020 sans prouver qu’il avait reçu des versements du Régime avant décembre 2020.

[59] Je rejette donc la première partie de l’appel du prestataire sur la question de savoir si sa pension du Régime était une rémunération qui devait être répartie sur ses prestations d’assurance-emploi. Cependant, j’accueille la deuxième partie de son appel sur la question de savoir si la Commission a commencé la répartition trop tôt.

[60] Voilà pourquoi j’accueille l’appel du prestataire en partie.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.