Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : XX c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 101

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : X. X.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Melanie Allen

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 29 juin 2023 (GE-22-3897)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 19 décembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 31 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-726

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Il y a une erreur de droit. La décision de la division générale dit que la durée du retard n’était pas un facteur à prendre en considération pour décider s’il y avait un motif valable d’antidater la demande.

[3] J’ai corrigé l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre. Mais le résultat est le même. Le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à une date antérieure.

Aperçu

[4] X. X. est le prestataire. Il a cessé de travailler le 4 août 2022. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 14 septembre 2022.

[5] Le prestataire a demandé à la Commission de l’assurance-emploi du Canada d’antidater sa demande au 31 juillet 2022.Note de bas de page 1 La Commission a refusé.

[6] Le prestataire a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale, mais la division générale a rejeté l’appel. Le prestataire a ensuite fait appel à la division d’appel.

[7] Le prestataire soutient qu’il a seulement eu un court retard. La politique administrative de la Commission indique qu’elle ne peut considérer qu’une demande de prestations est présentée à temps que si elle la reçoit dans les quatre semaines. Il n’est pas contesté que le prestataire a attendu plus longtemps pour présenter sa demande.

[8] La division générale a commis une erreur de droit. Elle a indiqué que la durée du retard n’est pas un facteur à prendre en considération. C’est inexact.

[9] Les parties conviennent que tous les renseignements ont été présentés à la division générale. Je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

[10] Je rejette l’appel. Le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. Par conséquent, sa demande ne peut pas être antidatée.

Questions préliminaires

[11] Le prestataire a demandé que la décision soit complètement anonymisée. Il dit que même l’utilisation de ses initiales pose problème. Il s’inquiète de la publication de la décision.

[12] Le prestataire affirme que ce n’est pas simplement une préférence. Il s’agit d’une question de confidentialité. Il craint qu’un futur employeur puisse établir un lien entre cette affaire et lui, et que cela limiterait ses possibilités d’emploi.

[13] J’ai examiné les arguments du prestataire. En examinant sa demande de protection de la vie privée, j’ai aussi tenu compte de l’engagement du Tribunal à l’égard de la transparence de la justice.Note de bas de page 2 J’estime qu’il convient d’anonymiser la décision en utilisant « XX », au lieu des initiales du prestataire, dans la version publiée de la décision.

Questions en litige

[14] Voici les questions en litige dans le présent appel :

  1. a) La division générale a-t-elle omis d’offrir au prestataire un processus équitable?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a dit que la durée du retard n’était pas prise en considération pour décider s’il y avait un motif valable d’antidater la demande de prestations d’assurance-emploi du prestataire?
  3. c) Si la division générale a commis une erreur, comment devrais-je la corriger?
  4. d) La demande de prestations du prestataire peut-elle être antidatée?

Analyse

[15] Je peux intervenir si la division générale a commis une erreur. Cependant, je peux seulement tenir compte de certaines erreurs. En bref, je peux intervenir si la division générale a commis au moins une des erreurs suivantesNote de bas de page 3 :

  • Elle a agi injustement d’une façon ou d’une autre.
  • Elle a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher ou n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher.
  • Elle n’a pas respecté la loi ou a mal interprété la loi.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La division générale a offert au prestataire une procédure équitable

Le prestataire affirme que trop de temps s’est écoulé avant la tenue de l’audience

[16] Le prestataire soutient que la division générale a mis un temps déraisonnablement long à prévoir l’audience et à instruire l’affaire. Il affirme que la norme de service du Tribunal n’a pas été respectée.Note de bas de page 4 La norme de service était de 45 jours dans son cas, mais on a pris beaucoup plus de temps. Pour cette raison, il dit qu’il était plus difficile pour lui de recueillir tous les détails concernant son cas, et que c’était moins efficace.

[17] J’estime que cela ne constitue pas un processus injuste. Le prestataire n’a pas perdu accès à un élément de preuve. Étant donné que c’est le prestataire qui a déposé l’appel, il n’y avait pas de surprise, il savait qu’il allait faire partie d’un appel.

[18] La norme de service de 45 jours est un objectif. La norme prévoit que, dans 80 % des cas, une décision finale sera rendue dans 45 jours.Note de bas de page 5 Le cas du prestataire s’inscrit dans les 20 % restants. C’est fâcheux, mais j’estime que cela ne signifie pas que le prestataire s’est vu refuser l’équité procédurale de quelque façon que ce soit.

La membre n’était pas partiale

[19] Le prestataire affirme qu’il n’a pas soulevé la question de partialité pendant l’audience parce que l’idée lui est venue par la suite. Il croyait que la membre avait tranché l’affaire à l’avance. Dans son esprit, lorsqu’elle lui a dit que la loi était stricte, cela voulait dire qu’elle ne l’écoutait pas vraiment.

[20] Le prestataire soutient que la membre aurait dû être plus proactive. À l’audience, il lui a demandé s’il y avait d’autres arguments qu’il devrait présenter. Elle a répondu qu’elle ne pouvait pas parler à son nom et qu’il lui appartenait de plaider sa cause.Note de bas de page 6

[21] Les allégations de partialité sont très graves. Les membres sont présumés impartiaux. Le critère de la partialité est de savoir si une personne raisonnablement bien informée penserait, en étudiant les circonstances, que le ou la membre n’allait pas trancher l’affaire équitablement.Note de bas de page 7 Un simple soupçon de partialité ne suffit pas. Il doit y avoir une preuve réelle de partialité. Le seuil pour établir la partialité est élevé.Note de bas de page 8

[22] Le prestataire soutient que la membre de la division générale avait un parti pris parce qu’elle commence le paragraphe 16 de sa décision comme suit : [traduction] « Je suis d’accord avec la Commission ». Avec respect, je ne suis pas d’accord avec le prestataire. Une partie du rôle de la membre consiste à expliquer la position de chaque partie. C’est ce qu’elle a fait. Elle a ensuite expliqué pourquoi elle était d’accord avec la Commission. Le fait qu’elle n’était pas d’accord avec le prestataire ne signifie pas qu’elle avait un parti pris.

[23] Je ne suis pas d’accord avec le prestataire sur le fait que la membre n’écoutait pas. Lorsque la membre a dit que la loi sur l’antidatation était exigeante et stricte, elle était en train d’expliquer le critère juridique.Note de bas de page 9 Cela ne prouve pas qu’elle était déjà convaincue de l’issue de la procédure. Cela ne veut pas dire qu’elle avait un parti pris.

Le prestataire a eu droit à une audience équitable

[24] Le prestataire soutient que la membre l’a empêché de présenter ses arguments. Il soutient qu’elle a interrompu ou arrêté la conversation.

[25] Rien dans l’enregistrement d’audience ne prouve que la membre a fait cela.

[26] Le prestataire soutient également que la membre ne lui a pas posé assez de questions. Il estime qu’elle aurait dû l’informer des arguments qu’il devait présenter.

[27] Je ne suis pas d’accord. La membre a bien expliqué le critère juridique relatif à l’antidatation au début de l’audience. Elle lui a expliqué ce qu’est un motif valable et lui a demandé de lui dire pourquoi il croyait avoir un motif valable justifiant son retard.Note de bas de page 10

[28] La membre a dit au prestataire que ce n’était pas son rôle de présenter des arguments pour lui. Il s’agissait de son appel. Cela signifie qu’il lui incombait de présenter tous ses arguments.

[29] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Le prestataire n’a pas établi que la membre avait un parti pris.

[30] La division générale a offert au prestataire une procédure équitable.

La division générale a commis une erreur de droit en affirmant que la durée du retard ne faisait pas partie du critère juridique pour trancher la question de l’antidatation

[31] Le prestataire soutient qu’il a seulement eu un court retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission accorde un délai de grâce de quatre semaines; le prestataire a présenté sa demande peu de temps après.Note de bas de page 11 Cela ressort clairement de l’enregistrement de l’audience et de la décision de la division générale.Note de bas de page 12

[32] La décision de la division générale dit : « Selon la jurisprudence, je ne dois pas examiner la durée du retard, mais plutôt les raisons de ce retard.Note de bas de page 13 » Pour appuyer sa conclusion, la division générale s’est appuyée sur une affaire intitulée McBride.Note de bas de page 14 Cependant, dans une affaire appelée Burke, la Cour d’appel fédérale a reconnu que la durée du retard était un facteur pertinent, même si la raison du retard est le facteur le plus important.Note de bas de page 15

[33] Cela signifie que la raison du retard est la considération la plus importante. Néanmoins, la durée du retard est encore un élément à prendre en considération. Il semble que la membre de la division générale se soit concentrée uniquement sur la raison du retard. Elle connaissait l’affaire Burke, mais elle a ignoré l’un de ses principes clés : la durée du retard est un facteur pertinent dont il faut tenir compte.Note de bas de page 16 Cela signifie qu’il y a eu une erreur de droit dans la décision de la division générale.

Il n’est pas nécessaire d’examiner d’autres erreurs

[34] J’ai conclu qu’il y a une erreur de droit dans la décision de la division générale. Il n’est pas nécessaire d’examiner d’autres erreurs potentielles.

Réparation

[35] Étant donné que j’ai trouvé une erreur, il y a deux façons de la corriger. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale si je juge que l’audience n’a pas été équitable ou qu’il n’y a pas assez de renseignements pour rendre une décision.Note de bas de page 17

[36] Les parties ont convenu que, si je trouvais une erreur, je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Aucune des parties n’a laissé entendre qu’elle n’avait pas présenté tous ses éléments de preuve à la division générale.

[37] J’estime que cela signifie que je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Il faut notamment décider si la demande de prestations d’assurance-emploi doit être antidatée.Note de bas de page 18

Le prestataire n’a pas de motif valable, alors la demande ne peut pas être antidatée

Le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la durée du retard

[38] La présente affaire porte sur la question de savoir si la demande de prestations du prestataire peut être antidatée. Pour faire antidater une demande, la personne doit prouver qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.Note de bas de page 19

[39] Pour prouver qu’il avait un motif valable, le prestataire doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables.Note de bas de page 20 Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe qui d’autre l’aurait fait dans une situation semblable. Il doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la durée du retard.Note de bas de page 21

[40] Le prestataire doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loi.Note de bas de page 22 Cela signifie que le prestataire doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si le prestataire n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il ne l’a pas fait.Note de bas de page 23

[41] Il incombe au prestataire de démontrer qu’il avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la période écoulée. Je conclus qu’il ne l’a pas fait pour les raisons suivantes.

Le dernier jour de travail du prestataire était le 4 août 2022

[42] Le dernier jour de travail du prestataire était le 4 août 2022.Note de bas de page 24 Cependant, il estime que son emploi n’a [traduction] « pris fin » qu’au moment où il a rapporté des articles à son employeur, le 12 août 2022. Il soutient que cela signifie que son retard était encore moins long.

[43] Le fait est que le dernier jour où le prestataire a travaillé était le 4 août 2022. C’est à ce moment-là que son arrêt de rémunération a eu lieu.

[44] Par conséquent, la période de retard s’étend du 4 août 2022 au 14 septembre 2022, date à laquelle le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi.

Un court délai, en soi, ne constitue pas un motif valable

[45] Le prestataire a fait valoir qu’il avait seulement eu un court retard à présenter sa demande de prestations. Un court délai, en soi, ne constitue pas un motif valable.

[46] Le prestataire s’appuie sur une décision du Tribunal de la sécurité sociale que j’appellerai SV.Note de bas de page 25 Il estime que sa situation est la même que celle qui se trouve dans la décision SV, alors je devrais suivre ce qui a été fait dans cette affaire. Il estime que son retard qui dépasse d’une à deux semaines la « période de grâce » ne dépasse pas le délai permis pour présenter une demande. Le Tribunal essaie d’être cohérent dans ses décisions. Cependant, je peux m’écarter d’une autre décision du Tribunal si j’explique pourquoi.Note de bas de page 26

[47] Dans la décision SV, le prestataire a cessé d’occuper son emploi et a reçu une indemnité de départ et une paie de vacances. Cependant, dans ce cas, l’employeur de S.V. lui a dit qu’il ne pourrait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi avant la fin de l’indemnité de départ et sa paie de vacances, alors il a attendu avant de présenter sa demande. Le Tribunal a conclu qu’il avait agi raisonnablement, car il avait suivi les conseils de son employeur.

[48] Par la suite, le Tribunal a jugé que la politique administrative de quatre semaines de la Commission était utile.Note de bas de page 27 La politique permet l’antidatation automatique pour toute partie demanderesse qui présente une demande dans les quatre semaines suivant un arrêt de rémunération. Le Tribunal a conclu qu’il était raisonnable d’utiliser cette politique comme ligne directrice à compter de la date à laquelle le prestataire (S.V.) pensait pouvoir présenter une demande.

[49] Dans la présente affaire, le prestataire affirme qu’il n’a reçu aucun conseil de son employeur.Note de bas de page 28 Cela signifie que son cas se distingue de celui de S.V. Les faits sont différents. Pour cette raison, je ne ferai pas appel au raisonnement de la décision SV. Le prestataire ne s’est pas fié aux conseils de son employeur.

[50] Le prestataire s’appuie également sur une autre décision que j’appellerai MC.Note de bas de page 29 Encore une fois, je dois examiner la décision du Tribunal à laquelle le prestataire fait référence et voir si la situation dans celle-ci est semblable à la sienne.Note de bas de page 30

[51] Dans la décision MC, le prestataire travaillait dans une industrie grandement affectée par la COVID-19. Il y avait également une certaine confusion au sujet de la façon dont la Prestation canadienne d’urgence (PCU) fonctionnait. Le Tribunal a conclu que, comme il s’agissait d’une période confuse, le prestataire avait agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans la même situation. Le Tribunal a également conclu qu’il y avait des circonstances exceptionnelles dans son cas. Ces éléments distinguent MC de l’affaire dont je suis saisie.

[52] J’estime qu’on ne peut pas appliquer le raisonnement de la décision MC. En l’espèce, il n’y a pas de circonstances exceptionnelles et il ne s’agissait pas d’une période confuse. Le prestataire affirme qu’il n’était pas au courant des mesures temporaires et qu’il ne pensait pas pouvoir recevoir des prestations plus tôt. Ce sont des conjectures.

[53] De plus, la présente affaire ne porte pas sur l’admissibilité. Cela n’est pas contesté. La présente affaire porte sur une demande de prestations. Même si le prestataire bénéficiait d’un délai de grâce, on s’attend tout de même à ce qu’il demande des prestations pour vérifier son admissibilité. Il est important, dans le cadre du régime d’assurance-emploi, que les prestataires demandent des prestations en temps opportun.Note de bas de page 31

[54] Je ne suis pas d’accord sur le fait que la seule période de retard à examiner est la période qui s’est écoulée après les quatre semaines prévues par la politique administrative de la Commission. La politique vise à permettre aux personnes qui présentent une demande au cours de la période de quatre semaines d’antidater automatiquement leur demande. Ces personnes, qui ont aussi tardé à présenter leur demande, peuvent automatiquement antidater leur demande.

[55] Comme ces demandes sont présentées en retard, il faut quand même tenir compte de la période du retard. La période entière doit être considérée comme faisant partie du retard.

[56] Même si c’est inexact, et que seule la période de quatre semaines après la période d’antidatation automatique devrait être prise en considération, je ne trouve pas que cela change l’analyse dans la présente affaire.

[57] La Cour d’appel fédérale s’est exprimée clairement : « L’obligation de présenter avec célérité sa demande de prestations est considérée comme étant très exigeante et très stricte. C’est la raison pour laquelle l’exception relative au “motif valable justifiant le retard” est appliquée parcimonieusement. »Note de bas de page 32 Cela signifie que l’antidatation d’une demande n’est pas automatique au-delà de la politique administrative de quatre semaines. Il doit y avoir une bonne explication pour justifier le retard.

[58] J’estime que le retard du prestataire n’était pas court. Si cela avait été le cas, il se serait trouvé dans le délai de quatre semaines prévu par la politique administrative.

[59] J’ai tenu compte de la durée du retard du prestataire. Je vais maintenant me concentrer sur les raisons du retard, ce qui est la considération la plus importante.Note de bas de page 33

Les raisons du retard ne constituent pas un motif valable

[60] Le prestataire affirme qu’il y avait un certain nombre de raisons pour lesquelles il n’a pas demandé de prestations d’assurance-emploi tout de suite. Je vais examiner chacun de ses arguments ci-dessous. Cependant, peu importe si je les examine séparément ou ensemble, il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant toute la période du retard.

[61] Premièrement, le prestataire soutient que le site Web de la Commission accepte comme motif de retard le fait qu’une personne n’a pas reçu son relevé d’emploi.Note de bas de page 34 Ce n’est pas ce qui se trouve sur le site Web. Le site indique qu’il s’agit souvent d’une raison invoquée par les prestataires. On ne signale nulle part qu’il s’agit d’une raison acceptable pour justifier le retard. Le paragraphe suivant sur cette page indique clairement que la raison du retard en soi ne prouve pas l’existence d’un motif valable justifiant le retard.

[62] En l’espèce, je juge que le fait d’attendre un relevé d’emploi ne donne pas au prestataire un motif valable justifiant son retard. Il a dit qu’il attendait de recevoir son relevé d’emploi avant de demander des prestations d’assurance-emploi. Pourtant, il a dit à la Commission qu’il savait qu’il aurait pu demander des prestations sans son relevé d’emploi.Note de bas de page 35 De plus, le 30 août 2022, son employeur lui a dit que le relevé d’emploi avait été émis par voie électronique le 19 août 2022.Note de bas de page 36 Si le prestataire avait présenté sa demande le 30 août 2022, il n’aurait pas été en retard.

[63] Deuxièmement, le prestataire a admis que son objectif principal était de trouver un emploi, non pas d’obtenir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 37 Cependant, il affirme que, comme il a reçu une indemnité de départ, il s’est dit qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations avant la fin de son indemnité de départ.Note de bas de page 38

[64] Le prestataire affirme qu’il s’est renseigné sur les prestations d’assurance-emploi dès qu’il a reçu son relevé d’emploi.Note de bas de page 39 C’est à ce moment-là qu’il a appris que des mesures temporaires étaient en place, ce qui voulait dire qu’il n’avait pas à attendre que les indemnités de départ soient versées avant de recevoir des prestations.

[65] Le prestataire soutient qu’il était certain qu’il devait attendre la fin de l’indemnité de départ. Il n’est donc pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il fasse des recherches sur son admissibilité aux prestations. Il ne pouvait pas savoir que des mesures temporaires étaient en place.

[66] Je comprends la position du prestataire. Pourtant, je juge qu’il n’est pas nécessaire de regarder quand il recevrait des prestations. La question est de savoir quand il aurait dû demander des prestations et s’il demande l’antidatation de sa demande.

[67] Le fait est que le prestataire aurait dû demander des prestations rapidement. Son admissibilité aux prestations et le moment où elles sont versées ne font pas partie du critère juridique d’antidatation. Le critère est simplement de savoir s’il avait un motif valable justifiant son retard. Peu importe les mesures temporaires, il aurait dû demander des prestations rapidement. Je ne trouve donc pas que cette raison constitue un motif valable.

[68] Troisièmement, le prestataire soutient que son employeur ne lui a fourni aucun renseignement sur la présentation d’une demande d’assurance-emploi. Il s’appuie sur une page Web du gouvernement du Canada qui dit ceci :

Service Canada collabore étroitement avec les employeurs pour s’assurer que le régime d’assurance-emploi est géré efficacement et équitablement. En tant qu’employeur, vos responsabilités sont les suivantes :

  • Conseiller aux employés de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi le plus tôt possible après la cessation d’emploi.Note de bas de page 40

[69] Mais ce n’est pas une disposition législative. Il n’y a aucune obligation légale pour un employeur de fournir ce type de renseignements à un employé. Il incombe plutôt à chaque prestataire de s’informer de ses droits et obligations aux termes de la loi. Je conclus donc que le fait que l’employeur ne donne pas de renseignements au prestataire ne constitue pas un motif valable ni une circonstance exceptionnelle.

[70] En l’espèce, le prestataire n’a pas présenté sa demande rapidement. Il dit que c’était parce qu’il cherchait du travail et qu’il ne pensait pas recevoir des prestations tout de suite. Malheureusement, il n’a pas vérifié rapidement ses droits et ses obligations au titre de la loi. Il a fait des suppositions qui se sont avérées inexactes.

[71] Je conclus que le prestataire n’a pas cherché à obtenir les renseignements qu’une personne raisonnable aurait cherché à obtenir dans des circonstances semblables.Note de bas de page 41 Il aurait pu simplement demander des prestations pour savoir s’il pouvait les obtenir.

Aucune circonstance exceptionnelle ne s’applique dans la présente affaire

[72] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas de circonstances exceptionnelles. Le prestataire convient qu’il a tout dit à la division générale sur cette question. Il ne prétend pas que des circonstances exceptionnelles s’appliquent dans son cas.

[73] Je suis d’accord avec la division générale et je conclus que cela signifie qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles qui s’appliquent en l’espèce.

[74] Je conclus qu’aucune circonstance exceptionnelle n’a empêché le prestataire de demander des prestations. De sorte qu’il aurait dû vérifier assez rapidement son admissibilité aux prestations et quelles obligations la loi lui imposait.Note de bas de page 42

Il n’y a aucun autre argument qui donne au prestataire un motif valable justifiant son retard

[75] Le prestataire affirme qu’une autre de ses demandes de prestations avait déjà été antidatée. Il admet qu’il s’agissait d’une situation différente. Cependant, il croyait que le fait d’attendre de présenter sa demande n’était pas grave.

[76] Chaque demande est examinée individuellement, alors je ne peux pas me prononcer sur sa demande précédente.

[77] Le prestataire soutient également qu’il ne faut pas tenir compte de la jurisprudence [traduction] « antérieure à la COVID-19 » (c’est-à-dire avant que les mesures temporaires soient en place). Cependant, à sa connaissance, il n’y a pas de jurisprudence plus récente.

[78] Les affaires de la Cour d’appel fédérale auxquelles j’ai fait référence sont toujours valides en droit. Je rejette l’argument du prestataire.

[79] C’est vrai que le retard n’était pas extrêmement long (environ six semaines). Toujours est-il que le retard n’est qu’un facteur. J’ai tenu compte de cela. La Cour d’appel fédérale a déclaré que la considération la plus importante est la raison du retard.Note de bas de page 43 Dans la présente affaire, le prestataire n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la durée du retard.

Conclusion

[80] L’appel est rejeté.

[81] La division générale a commis une erreur de droit. Sa décision précise que la durée du retard n’est pas une considération. C’est inexact. Il s’agit d’un facteur à prendre en considération.

[82] J’ai corrigé l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre. Mais le résultat est le même. Je ne peux pas antidater la demande de prestations du prestataire.

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