Assurance-emploi (AE)

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Citation : YM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 368

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Y. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (637240) datée du 10 janvier 2024 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 29 février 2024
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 4 mars 2024
Numéro de dossier : GE-24-414

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant a démontré qu’il est disponible pour travailler. Par conséquent, il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Âgé de 62 ans, l’appelant est retraité. Il est retourné sur le marché du travail comme balayeur de rues. Cet emploi saisonnier lui permet de respecter ses limitations physiques.

[4] À la fin du mois de novembre 2023, il est mis à pied en raison d’un manque de travail. Le 28 novembre 2023, il présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le 29 novembre 2023, la Commission communique avec l’appelant pour s’informer s’il fait des démarches pour se trouver un emploi. L’appelant déclare qu’il a un emploi saisonnier et qu’il va reprendre son emploi au printemps.

[6] La Commission décide que l’appelant n’est pas disponible pour travailler, parce qu’il se contente d’attendre d’être rappelé au travail par son employeur.

[7] Informé de la situation, l’appelant entreprend des démarches pour se familiariser avec l’informatique pour se chercher un emploi. Il est convoqué à une séance de formation par la Commission et il y assiste. Il s’inscrit sur différents sites par la suite et consulte les emplois offerts.

[8] Entre-temps, il demande à la Commission de réviser sa décision. Il déclare se chercher un emploi comparable à celui qu’il a présentement et qui respecte ses capacités physiques. La Commission maintient sa décision, l’appelant n’a pas démontré qu’il est disponible pour travailler.

Question en litige

[9] L’appelant est-il disponible pour travailler ?

Analyse

[10] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant est inadmissible selon ces deux articles. Ce dernier doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[11] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une personne doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[12] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la personne doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[13] La Commission a établi que la personne est inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’est pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[14] Je vais maintenant examiner ces deux articles pour décider si l’appelant est disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[15] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches l’appelant sont habituelles et raisonnablesNote de bas page 5. Je dois décider si ces démarches sont soutenues et si elles visent à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[16] Je dois aussi évaluer les démarches que l’appelant a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas page 6 :

  • évaluer les possibilités d’emploi ;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation ;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement ;
  • participer à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi ;
  • faire du réseautage ;
  • communiquer avec des employeurs éventuels ;
  • présenter des demandes d’emploi ;
  • participer à des entrevues ;
  • participer à des évaluations des compétences.

[17] Selon la Commission, les efforts effectués par l’appelant sont largement insuffisants pour démontrer qu’il effectue des recherches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi. Il préfère profiter de la période hivernale pour effectuer des travaux à sa résidence. Il se considère comme un retraité. Il occupe son temps pour des projets personnels.

[18] Pour sa part, l’appelant déclare avoir été sincère avec la Commission. Il considère que la Commission a rapidement statué sur son cas. Il a présenté une demande de prestations le 28 novembre 2023, dès le 29 novembre 2023, il recevait un appel. Il venait à peine de faire sa demande, il a été pris de court. Le 30 novembre 2023, la Commission a également communiqué avec lui. Il a expliqué qu’il avait un emploi au taux horaire de 32 $ et une journée à 48 $ de l’heure. Il cherche un emploi similaire. Dès le 13 décembre 2023, l’appelant a été avisé qu’il n’avait pas le droit de recevoir des prestations.

[19] Avant de décider si l’appelant a fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi, je vais déterminer l’emploi convenable dans son cas. Pour ce faire, je dois tenir compte des critères prévus à la Loi :

[20] Ainsi, je retiens que l’appelant travaille comme conducteur de balayeuse de rues. Il nettoie les chantiers après la fin des travaux. Il est rémunéré 32 $ de l’heure et 45 $ le vendredi. Cet emploi respecte ses capacités physiques.

[21] Le paragraphe 6 (4) de la Loi prévoit que l’emploi ne peut pas être à un taux plus bas ou des conditions moins favorables ni d’un genre différent à un taux plus bas.

[22] L’article 9 002 du Règlement de l’assurance-emploi prévoit qu’il faut, entre autres, tenir compte de l’état de santé et les capacités physiques du prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail.  

[23] La Commission soutient que l’appelant n’a pas présenté de preuves médicales à ce sujet. Je tiens à préciser que la Loi exige un certificat médical seulement dans les cas de prestations spécialesNote de bas page 7. Pour sa part, l’appelant soutient depuis le début qu’il a des capacités physiques limitées en raison de son âge et des emplois exigeants qu’il a occupés par le passé.

[24] Ainsi, l’appelant conduit des balayeuses de rues. Il a un permis de classe 5 qui lui permet de conduire certains types de véhicules, dont une balayeuse de rues. Le taux horaire de l’appelant est de 32 $. De plus, lorsqu’il travaille des heures supplémentaires, il reçoit un taux de 48 $. Il est donc justifié de se chercher un emploi similaire.

[25] La Commission ne peut pas lui exiger de travailler immédiatement dans un emploi moins bien payé. De plus, il doit tenir compte de ses capacités physiques.

[26] Je suis d’avis que l’appelant a fait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi. Après avoir reçu les explications de la Commission, obtenu ses codes d’accès, participer à une séance d’informations exigée par la Commission, il s’est inscrit sur différents sites de recherche d’emploi. Lors de son témoignage, il a énuméré les sites consultés chaque jour après sa séance d’informations.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[27] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si l’appelant est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas page 8 : 

  1. a) montrer qu’il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert ;
  2. b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable ;
  3. c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[28] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas page 9.

Vouloir retourner travailler

[29] Selon la Commission, l’appelant ne voulait pas retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert. Il a déclaré qu’il voulait se reposer et s’occuper de sa maison.

[30] Pour sa part, l’appelant admet qu’il n’était pas prêt immédiatement à se trouver un nouvel emploi. Il a un emploi exigeant pour ses capacités physiques. La Commission a communiqué avec lui peu de temps après la fin de son emploi. Il n’a pas compris les exigences de la Commission.

[31] Cependant, lorsqu’il a compris qu’il devait s’investir dans la recherche d’un emploi, il l’a fait.

[32] Je suis d’avis que l’appelant voulait retourner travailler sur le marché du travail, après avoir reçu les explications de la Commission.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[33] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné les activités de recherche d’emploi mentionnées ci‑dessus. Ces activités me servent seulement de points de repère pour rendre une décision sur cet élémentNote de bas page 10.

[34] Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’appelant a fait des démarches pour se trouver un emploi. Il s’est présenté à la rencontre d’information exigée par la Commission, il a obtenu ses codes d’accès pour s’inscrire sur des sites de recherches d’emplois et il a consulté les postes disponibles. Il n’a pas trouvé d’emploi convenable.

[35] J’estime que l’appelant a fait des démarches pour se trouver un emploi convenable.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[36] Selon la Commission, l’appelant limite ses chances de retourner sur le marché du travail, il exige un salaire de 30 $, il ne veut pas se déplacer sur plus de 25 kilomètres pour aller travailler, il ne veut pas travailler physiquement ni sur appel. Étant donné que l’emploi de balayeur de rues n’existe pas pendant l’hiver, il doit élargir son champ de recherche d’emplois.

[37] Je ne suis pas d’accord avec la Commission. J’ai précédemment expliqué ce qu’est un emploi convenable au sens de la Loi. Ainsi, l’appelant est justifié de se chercher un emploi au salaire de 30 $ de l’heure, puisque sa rémunération habituelle est de 32 $ de l’heure. Ce n’est donc pas une limite comme le soutient la Commission.

[38] Concernant sa capacité physique, ce n’est également pas une limite, puisque pour définir un emploi convenable on doit tenir compte de la capacité physique d’une personne. Dans le cas de l’appelant, il est âgé de 62 ans et il a des capacités physiques limitées.

[39] Concernant l’emploi saisonnier de l’appelant à titre de conducteur de nettoyeur de rues. Dans l’arrêt Faucher, la Cour d’appel fédérale a donné raison à des travailleurs saisonniers qui avaient de la difficulté à se trouver un emploi pendant la saison hivernale. Ils exerçaient le métier de couvreur et en hiver il est difficile de travailler dans ce domaine. En demandant à l’appelant de se trouver un emploi au début de sa période de chômage, alors qu’il est difficile de travailler dans son domaine et en lui exigeant d’ouvrir ses horizons aussi rapidement, je suis d’avis que l’indisponibilité déclarée à peine 15 jours après la période de chômage et pendant la période d’hiver est une interprétation restreinte de la disponibilitéNote de bas page 11.

[40] J’estime que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles limitant ses chances de retourner rapidement sur le marché du travail pour occuper un emploi convenable.

Alors, l’appelant est-il capable de travailler et disponible pour le faire ?

[41] Après avoir étudié le dossier, entendu le témoignage crédible de l’appelant et de ses explications plausibles ainsi que des représentations des parties, j’estime que l’appelant a démontré qu’il est capable de travailler et disponible pour le faire.

[42] En effet, après avoir compris les attentes de la Commission l’appelant s’est mobilisé et il a fourni des efforts pour se trouver un emploi convenable. La Commission ne pouvait pas lui exiger d’occuper un emploi qui n’est pas convenable peu de temps après sa période de chômage.

Conclusion

[43] L’appelant a démontré qu’il est disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus que l’appelant n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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