Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DD c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1852

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : D. D.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (527937) datée du 2 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 10 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3119

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait chez l’employeur comme camionneur depuis 2014. Il a été congédié le 28 février 2022. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[4] L’employeur affirme que l’appelant a été congédié parce qu’il a enregistré des conversations qu’il a eues avec d’autres membres du personnel à leur insu ou sans leur consentement. Lorsque l’employeur lui a demandé à plusieurs reprises de détruire les enregistrements, il a refusé de le faire. L’employeur affirme que l’appelant a enfreint la politique de confidentialité de l’entrepriseNote de bas de page 1.

[5] Même si l’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme que les enregistrements lui appartiennent en propre, car ils ont été réalisés lorsqu’il était à la maison, pendant ses temps libres. Il dit que les enregistrements contiennent des preuves que l’employeur trafiquait ses registres et payait incorrectement le personnelNote de bas de page 2.

[6] La Commission a accepté le motif de congédiement de l’appelant invoqué par l’employeur. Elle a décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelant n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

[7] Après révision, la Commission a déclaré qu’elle maintenait sa décision concernant l’inconduite. Elle a également déclaré qu’elle maintenait sa décision concernant la disponibilité de l’appelant pour travaillerNote de bas de page 3.

[8] Au début de l’audience, l’appelant a confirmé qu’il ne faisait pas appel de la question de la disponibilité. Il a confirmé qu’il était d’accord avec cette décision. Il a dit qu’il voulait seulement porter la question de l’inconduite en appel.

[9] Mon analyse portera donc uniquement sur la question de l’inconduite. Il s’agit de la seule question que l’appelant porte en appel dans le présent appel.

Question en litige

[10] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[11] En vertu de la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Si vous êtes congédié en raison d’une inconduite, vous êtes exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 4.

Pourquoi l’appelant a-t-il été congédié de son emploi?

[12] Je conclus que l’appelant a été congédié de son emploi parce qu’il a enfreint la politique de l’employeur en matière de confidentialité. Il a enregistré des conversations téléphoniques avec d’autres membres du personnel sans leur consentement, puis a refusé de suivre les instructions répétées de l’employeur de détruire les enregistrements.

[13] L’employeur dispose d’une politique de confidentialité selon laquelle l’enregistrement de toute communication avec un membre du personnel, de la direction, de l’administration ou un mandataire de (l’employeur), sans le consentement exprès de toutes les parties à la conversation, est interdit. Cette politique prévoit qu’une [traduction] « telle inconduite peut mener à une procédure disciplinaire, y compris le licenciement motivé »Note de bas de page 5.

[14] L’employeur a fourni à la Commission une copie de son guide de référence du conducteur, qui contient sa politique de confidentialité. L’appelant l’a signé le 13 mai 2017, confirmant qu’il l’avait reçu et lu et qu’il avait accepté de suivre les règles, les règlements, les procédures et les directives qu’il contientNote de bas de page 6.

[15] L’employeur a également fourni à la Commission une copie de ses règles de conduite, qui interdisent au personnel de faire preuve d’insubordination, d’adopter une conduite irrespectueuse ou de divulguer des renseignements confidentiels sans autorisation. L’appelant a signé une copie des règles de conduite le 12 mai 2014Note de bas de page 7.

[16] L’appelant a dit à la Commission qu’il avait été congédié pour avoir conservé des enregistrements téléphoniques qu’il avait réalisés et pour avoir refusé de les effacer lorsque l’employeur lui avait dit de le faireNote de bas de page 8.

[17] L’appelant a déclaré qu’il avait des antécédents de différends avec l’employeur au sujet d’un certain nombre de questions.

[18] Il a dit à la Commission qu’il avait communiqué avec l’employeur en 2014 au sujet de l’altération de ses registres. Il affirme avoir contacté Motor Carrier Enforcement, qui lui a dit que la pratique était illégale. Il n’a pas déposé de plainte contre l’employeur, mais il a dit qu’il aurait dû le faireNote de bas de page 9.

[19] L’appelant a déclaré qu’il avait également des problèmes avec l’employeur qui ne le rémunérait pas correctement. L’employeur l’avait également affecté à un emploi moins bien rémunéré lorsqu’il est retourné au travail en août 2020, après avoir été en congé de maladie.

[20] Il a dit croire qu’en raison de ces problèmes, l’employeur tentait de lui imposer le plus de stress possible afin qu’il quitte son emploi. Il sentait qu’il devait se protéger, alors il a enregistré tous ses appels téléphoniques entrants.

[21] L’appelant a déclaré qu’il dispose d’une application sur son téléphone qui enregistre automatiquement tous ses appels téléphoniques entrants, à moins que l’appel ne provienne d’un numéro qu’il a identifié comme un [traduction] « numéro sûr » sur l’application. Lorsqu’un appel téléphonique prend fin, il a la possibilité de conserver l’enregistrement ou de l’envoyer dans la corbeille. Les enregistrements peuvent encore être récupérés après avoir été envoyés à la corbeille. Il a dit qu’il enregistre tous ses appels téléphoniques, parce qu’il a [traduction] « appris à la dure que les gens mentent ». Il a dit que « politique de confidentialité ou non », tous les camionneurs enregistrent les appels, pour avoir des preuves de ce qui a été dit. Il ajoute qu’il éprouve aussi de la difficulté à se souvenir des choses et qu’il ne peut pas s’arrêter pour prendre des notes lorsqu’il conduit.

[22] L’appelant a déclaré que, pendant qu’il était à la maison, il a reçu deux appels téléphoniques pendant ses temps libres. Il s’agissait notamment d’un appel téléphonique de K. C. (gestionnaire de la division autoroute à péage de l’employeur) le 17 novembre 2020Note de bas de page 10 et d’un appel téléphonique de J. B. (directeur des opérations de l’employeur) le 18 novembre 2020Note de bas de page 11. Il a dit que les appels étaient automatiquement enregistrés et qu’il avait envoyé les enregistrements à la corbeille de son application téléphonique une fois les appels terminés.

[23] L’appelant a déclaré que K. C. l’a appelé le 17 novembre 2020 au sujet des tests de dépistage de drogues que les conducteurs devaient subir pour être autorisés à conduire aux États-Unis. Il a dit qu’il n’avait pas conduit aux États-Unis, de sorte qu’il ne voulait pas divulguer ses renseignements médicaux. Il a affirmé qu’il avait communiqué avec Travail Canada et la Commission de la protection de la vie privée à ce sujet, et que c’est la raison pour laquelle K. C. l’a appelé. Après l’appel, il a envoyé l’enregistrement de l’appel à la corbeille sur son application téléphonique.

[24] L’appelant a dit à la Commission qu’il avait déposé des plaintes contre l’employeur auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) et du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). Selon lui, l’employeur tentait de créer un milieu de travail toxique pour l’amener à démissionner parce que l’appelant avait des preuves d’altération du registre. Il estime que si cette situation était portée à l’attention du public, l’entreprise serait très embarrassée. Il a dit que lors de leur conversation enregistrée, K. C. lui avait demandé si la direction lui avait remis son itinéraire : [traduction] « Vas-tu quitter ta mission? »Note de bas de page 12.

[25] L’appelant a déclaré que le 18 novembre 2020, il a reçu un appel téléphonique de J. B. qui lui a dit qu’il était suspendu de son emploi. Cet appel a également été enregistré dans l’application téléphonique de l’appelant et il l’a envoyé dans la corbeille.

[26] L’appelant a déclaré qu’il avait été convoqué à une rencontre avec R. P. (PDG de l’employeur) et J. B. le 24 novembre 2020Note de bas de page 13. La réunion a été convoquée parce que K. C. avait déclaré que l’appelant avait dit [traduction] « Je suis un homme dangereux qui n’a rien à perdre » lors de leur appel téléphonique du 17 novembre 2020. L’employeur a demandé à l’appelant s’il menaçait une personne ou l’entreprise. Il a été question de la politique de l’employeur sur les comportements agressifs et les menaces. L’appelant a dit croire que l’employeur tentait un coup monté à son égard pour pouvoir le congédier.

[27] Après la rencontre du 24 novembre 2020, R. P. a écrit à l’appelant pour lui dire que pour être réintégré de sa suspension, il devait fournir une déclaration écrite précisant ce qu’il entendait par la phrase [traduction] « un homme dangereux qui n’a rien à perdre ». R. P. a également déclaré que l’appelant devait cesser d’adopter un comportement récalcitrant et perturbateurNote de bas de page 14.

[28] L’appelant a témoigné qu’après avoir reçu la lettre de R. P., il a récupéré les enregistrements de son appel téléphonique du 17 novembre 2020 avec K. C. et de son appel téléphonique du 18 novembre 2020 avec J. B. dans la corbeille de son application téléphonique et les a envoyés à R. P. par courrielNote de bas de page 15.

[29] L’appelant a déclaré que R. P. avait convenu que l’enregistrement de son appel téléphonique avec K. C. ne contenait aucune preuve d’une raison de sa suspension, de sorte qu’il a été remis en service actifNote de bas de page 16.

[30] Le 27 novembre 2020, l’appelant a présenté un rapport médical à l’employeur. Il a pris un congé de maladie et a reçu des prestations d’invalidité de courte durée pendant son absence du travail.

[31] Le 3 décembre 2020, L. Y. (vice-présidente des ressources humaines nommée agente de protection de la vie privée pour l’employeur) a écrit à l’appelant. Dans sa lettre, elle a souligné que l’appelant avait enregistré des conversations qu’il avait eues avec K. C. et J. B. sans leur consentement préalable. Selon elle, la politique de confidentialité de l’employeur prévoit que les membres du personnel ne sont pas autorisés à enregistrer des conversations avec un autre membre du personnel sans consentement. Elle a déclaré que l’enregistrement de ses conversations avec K. C. et J. B. constituait par conséquent une violation de la politique de confidentialité de l’employeur. Elle a déclaré que la divulgation des enregistrements ou de renseignements contenus dans les enregistrements constituerait une autre violation de la politiqueNote de bas de page 17.

[32] L. Y. a demandé à l’appelant de détruire les enregistrements de ses conversations avec K. C. et J. B et tout autre enregistrement de conversations qu’il avait faites sans consentement mutuel. Elle lui a demandé de lui envoyer une confirmation écrite qu’il l’avait fait. Elle lui a également demandé de l’informer immédiatement s’il avait divulgué les enregistrements ou toute autre information confidentielle de l’employeur, de ses clients ou de son personnelNote de bas de page 18.

[33] L’appelant a écrit à L. Y. le 23 novembre 2021, alors qu’il était encore en congé de maladie, pour s’informer des attentes et des exigences de l’employeur concernant son retour au travailNote de bas de page 19.

[34] L. Y. a répondu à l’appelant que les renseignements médicaux que l’appelant avait fournis seraient examinés pour confirmer qu’il était prêt à reprendre le travail. Elle a ajouté que les enregistrements que l’appelant avait faits en novembre 2020 demeuraient une question en suspens. Elle a déclaré que l’employeur avait toujours besoin de la confirmation de l’appelant que ces enregistrements avaient été ou seraient détruits avant qu’il puisse reprendre le travailNote de bas de page 20.

[35] L. Y. a écrit à l’appelant le 7 janvier 2022. Elle a informé l’appelant que pour reprendre le travail, il devait :

  • Détruire toutes les copies des enregistrements de ses conversations avec K. C. et J. B., ainsi que tous les autres enregistrements qu’il a faits de conversations avec du personnel ou des clients de l’employeur, sans leur consentement préalable.
  • Confirmer par écrit qu’il a détruit les enregistrements.
  • Confirmer s’il a divulgué les enregistrements ou d’autres renseignements confidentiels de l’employeur, de ses clients ou du personnel.

Elle a dit que si l’appelant ne se conformait pas à ces exigences au plus tard le 14 janvier 2022, il s’exposerait à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 21.

[36] L. Y a écrit à l’appelant le 26 janvier 2022. Elle a répété les exigences de l’employeur pour qu’il puisse retourner au travail, comme il est indiqué dans ses lettres précédentes. Elle a souligné que l’appelant n’avait pas confirmé qu’il avait supprimé les enregistrements, malgré des demandes répétées en ce sens. Elle a dit que s’il n’avait pas fourni de confirmation d’ici le 2 février 2022, il ferait l’objet d’une cessation d’emploiNote de bas de page 22.

[37] L. Y. a écrit à l’appelant le 31 janvier 2022. Elle a noté que l’appelant avait mentionné qu’il n’était pas en mesure de répondre aux demandes de l’employeur. Elle lui a demandé de fournir les raisons et a ajouté que s’il ne le faisait pas d’ici le 8 février 2022, son emploi prendrait finNote de bas de page 23.

[38] L’appelant a écrit à L. Y. le 9 février 2022. Il a dit qu’il n’avait enfreint aucune loi et que l’employeur avait enfreint les lois et ses propres politiques. Selon ses dires, il attendait que la CCDP examine sa demande contre l’employeur, ce qui comprend l’examen des enregistrements que l’employeur voulait qu’il détruiseNote de bas de page 24.

[39] Dans une lettre datée du 15 février 2022, L. Y. a dit à l’appelant que l’employeur ne voulait pas limiter les renseignements qu’il a fournis à la (CCDP). Mais une fois qu’il avait soumis les enregistrements à la CCDP, sa possession continue de ceux-ci était déraisonnable et contraire à la politique de confidentialité de l’employeur et aux directives répétées. Elle a demandé à l’appelant de confirmer qu’il avait détruit les enregistrements et de préciser s’il avait divulgué les enregistrements ou tout autre renseignement confidentiel de l’employeur, sauf à la CCDP. Elle a dit que s’il ne le faisait pas d’ici le 22 février 2023, son emploi prendrait finNote de bas de page 25.

[40] Dans un courriel envoyé à L. Y le 21 février 2022, l’appelant a dit que l’employeur aurait dû lui demander s’il enregistrait leurs conversations avant d’entamer des conversations avec lui. Il a dit qu’il ne détruirait pas les enregistrements, car ils étaient sa propriété personnelle. Il a ajouté que le fait de lui demander de détruire les enregistrements violait ses droits constitutionnels et que l’employeur ne pouvait pas le contraindre à le faire. Il a affirmé qu’il avait l’intention de déposer une réclamation pour congédiement injustifié auprès de Travail CanadaNote de bas de page 26.

[41] Dans une lettre datée du 28 février 2022, L. Y. a dit à l’appelant que son emploi avait pris fin pour insubordination, parce qu’il n’avait pas suivi les instructions de l’employeur de détruire les enregistrements qu’il avait faits et de préciser s’il avait divulgué les enregistrements ou tout autre renseignement confidentiel de l’employeur. Elle a également informé l’appelant qu’il avait des obligations continues envers l’employeur en matière de renseignements confidentielsNote de bas de page 27.

[42] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur en matière de confidentialité lorsqu’il a enregistré des conversations qu’il a eues avec d’autres membres du personnel sans leur consentement. Lorsque l’employeur l’a averti à plusieurs reprises de détruire les enregistrements sans quoi il serait congédié de son emploi, il a refusé.

Le motif du congédiement de l’appelant est-il une inconduite au sens de la loi?

[43] Je conclus que le motif du congédiement de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[44] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux administratifs et judiciaires) nous montre comment décider si le congédiement de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[45] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 28. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 29. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 30.

[46] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 31.

[47] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres lois. Et il ne m’appartient pas de décider si son employeur l’a congédié à tortNote de bas de page 32. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que l’appelant a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[48] Dans une affaire dont a été saisie la Cour d’appel fédérale (CAF), intitulée McNamara, l’appelant a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié à tortNote de bas de page 33. En réponse, la CAF a déclaré qu’elle a conclu de façon constante que dans les cas d’inconduite, il s’agit de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constitue une inconduite au sens de la Loi, et non s’il a été congédié à tortNote de bas de page 34.

[49] La CAF a également affirmé que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé. Elle a souligné que les membres du personnel qui font l’objet d’un congédiement injustifié disposent d’autres recours. Ces recours permettent de sanctionner le comportement de l’employeur et d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables fassent les frais du comportement de l’employeurNote de bas de page 35.

[50] Dans une affaire plus récente appelée Paradis, l’appelant a également fait valoir qu’il a été congédié à tort. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a affirmé que la conduite de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 36.

[51] Dans une décision très récente, ayant trait à l’inobservation d’une politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, l’appelant a fait valoir qu’aucune réponse satisfaisante n’a été donnée à ses questions au sujet de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et des tests antigéniques. Il a également affirmé qu’aucun décideur n’avait abordé la façon dont une personne pourrait être forcée de prendre des médicaments non testés ou d’effectuer des tests alors que cela violait l’intégrité corporelle fondamentale et équivalait à de la discrimination fondée sur des choix médicaux personnelsNote de bas de page 37.

[52] Lorsqu’elle a rejeté l’affaire, la Cour fédérale a écrit ce qui suit :

Bien que le demandeur soit manifestement frustré du fait qu’aucun des décideurs n’a examiné ce qu’il considère comme étant les questions fondamentales de droit ou de fait qu’il a soulevées […] Le principal problème avec cet argument du demandeur vient du fait qu’il reproche aux décideurs de ne pas avoir examiné une série de questions qu’ils ne sont pas légalement autorisés à examinerNote de bas de page 38.

[53] La Cour a également écrit :

La [division générale du Tribunal de la sécurité sociale] et la division d’appel ont un rôle important à jouer au sein du système judiciaire, mais ce rôle est limité et précis. En l’espèce, ce rôle consistait à établir les raisons pour lesquelles le demandeur avait été congédié et à déterminer si ces raisons constituaient une « inconduite »Note de bas de page 39.

[54] Il ressort donc clairement de la jurisprudence qu’il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il avait raison de congédier l’appelant. Je dois plutôt m’attarder à ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, et à la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

[55] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 40.

[56] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Les actions de l’appelant d’enregistrer les conversations téléphoniques qu’il a eues avec d’autres membres du personnel allaient à l’encontre de la politique de confidentialité de l’employeur.
  • Ses actions étaient délibérées et voulues.
  • Il savait que le défaut de se conformer aux demandes et aux avertissements de l’employeur de détruire les enregistrements entraînerait la perte de son emploi.
  • Il a refusé de détruire les enregistrements et a perdu son emploi en conséquence.

[57] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • La politique de confidentialité de l’employeur ne s’applique pas parce qu’il a fait les enregistrements lorsqu’il était à la maison et non pendant ses heures de travail pour l’entreprise.
  • Les enregistrements sont sa propriété personnelle.
  • Les enregistrements contiennent des preuves que l’entreprise a trafiqué ses registres et qu’elle ne l’a pas payé correctement, de sorte qu’il les a conservés pour se protéger de l’employeur.
  • L’employeur tentait de l’amener à démissionner ou de trouver une raison de le congédier.

[58] Je conclus que l’appelant a enregistré délibérément des conversations qu’il a eues avec d’autres membres du personnel, même s’il savait que l’employeur avait une politique de confidentialité selon laquelle il ne pouvait pas enregistrer d’autres membres du personnel sans leur consentement. Il a témoigné qu’il était [traduction] « tout à fait conscient » qu’il n’était pas autorisé à enregistrer des conversations avec d’autres membres du personnel, mais il a enregistré tous ses appels parce que les gens mentent. C’était un acte délibéré.

[59] L’appelant a présenté d’autres enregistrements de conversations qu’il a eues avec d’autres membres du personnelNote de bas de page 41. Il a témoigné qu’il avait enfreint sciemment la politique de confidentialité de l’employeur en enregistrant ces conversations, qui ont eu lieu pendant ses heures de travail. Il soutient cependant qu’il n’a pas enfreint la politique lorsqu’il a enregistré ses conversations avec K. C. et J. B. en novembre 2020, car il était à la maison, pendant ses temps libres, lorsqu’il a enregistré les appels. Je n’accepte pas cet argument. En effet, la politique de confidentialité de l’employeur prévoit qu’elle s’applique à [traduction] « toute communication avec un membre du personnel, de la direction, de l’administration, ou avec un ou une mandataire de l’employeur ». Elle ne mentionne pas qu’elle ne s’applique qu’aux conversations qui ont lieu pendant les heures de travail. Selon moi, il est raisonnable de conclure que la politique interdit d’enregistrer toute conversation qui a lieu sans le consentement de tous les interlocuteurs, que la conversation ait lieu ou non pendant les heures de travail.

[60] Je conclus que l’appelant savait que l’enregistrement de conversations avec d’autres membres du personnel sans leur consentement pouvait lui faire perdre son emploi.

[61] L’employeur a écrit à l’appelant à plusieurs reprises pour l’informer qu’il avait enfreint sa politique de confidentialité en enregistrant ses conversations avec K. C. et J. B. L’employeur lui a demandé de détruire les enregistrements et tous les autres enregistrements de conversations qu’il avait eues avec d’autres membres du personnel, et de confirmer par écrit qu’il l’avait fait. L’employeur l’a averti que s’il ne le faisait pas, il serait congédié.

[62] L’appelant a confirmé dans son témoignage qu’il savait qu’il pouvait perdre son emploi lorsqu’il a refusé de supprimer les enregistrements qu’il avait faits de ses conversations avec K. C. et J. B. Il a dit qu’il n’était pas surpris de se faire congédier par l’employeur. Il s’est dit surpris de ne pas avoir été congédié plus tôt.

[63] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur disposait d’une politique de confidentialité selon laquelle des membres du personnel ne pouvaient enregistrer quelque communication que ce soit avec un membre du personnel, de la direction, de l’administration ou avec un ou une mandataire de l’employeur, sans le consentement exprès de toutes les parties à la conversation.
  • L’appelant était au courant de la politique de confidentialité de l’employeur et savait qu’il n’était pas autorisé à enregistrer des conversations avec d’autres membres du personnel sans leur consentement.
  • L’appelant a enregistré des conversations qu’il a eues avec K. C. et J. B. ainsi qu’avec d’autres membres du personnel.
  • L’employeur a demandé à plusieurs reprises à l’appelant de détruire les enregistrements.
  • L’appelant a refusé de détruire les enregistrements et a donc été congédié de son emploi.

Donc, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[64] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, j’estime que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[65] Cela s’explique par le fait que les actes de l’appelant ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de détruire les enregistrements lui ferait perdre son emploi.

Conclusion

[66] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi.

[67] L’appel est donc rejeté.

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