Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DP c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1858

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : D. P.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (466053) datée du 11 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 19 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 25 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-22-2149

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant ne peut recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait comme messager immobilier au Service de police de Toronto (l’employeur).

[4] En octobre 2021, l’employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 obligeant tout le personnel à se faire entièrement vacciner au plus tard le 30 novembre 2021 (la politique). Seules les personnes bénéficiant d’une exemption médicale valide ou d’une exemption fondée sur le Code des droits de la personne de l’Ontario pourraient demander des mesures d’adaptation. Les personnes qui n’étaient pas vaccinéesNote de bas de page 2 et qui n’avaient pas d’exemption approuvée avant la date limite seraient mises en congé sans solde pour une période indéterminée.    

[5] L’appelant n’a pas divulgué son statut vaccinal ni obtenu une exemption médicale ou en vertu du Code des droits de la personne approuvée avant la date limite du 30 novembre 2021 prévue dans la politique. Il a travaillé jusqu’au 29 novembre 2021, puis l’employeur l’a mis en congé sans soldeNote de bas de page 3.  

[6] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée (la Commission) a décidé qu’il était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il était suspendu de son emploi en raison de son inconduite. L’appelant a présenté une demande de révision à la Commission. Il a dit qu’il n’avait pas été suspendu, mais qu’il avait été [traduction] « mis en congé sans solde » par l’employeur [traduction] « parce qu’il n’a pas avoir divulgué [son] état de santé »Note de bas de page 4. Il a ajouté qu’il n’était pas à l’aise de se faire vacciner contre la COVID-19 parce qu’il estimait qu’il n’y avait pas eu assez de tests de ces vaccins.   

[7] La Commission a maintenu l’inadmissibilité de sa demande. L’appelant a fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] Je dois décider si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 5. Pour ce faire, je dois examiner la raison pour laquelle il a cessé de travailler, puis décider si la conduite qui a entraîné sa cessation d’emploi constitue, selon la loi, une « inconduite » aux fins des prestations d’assurance‑emploi.

[9] La Commission affirme que l’appelant était au courant de la politique, des dates limites pour s’y conformer et des conséquences de la non‑conformité, et qu’il a fait le choix conscient et voulu de ne pas se conformer à la politique. Il savait qu’il serait mis en congé sans solde pour une durée indéterminée en faisant ce choix, et c’est ce qui s’est produit. La Commission affirme que ces faits prouvent que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite, ce qui signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[10] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il a fait un choix personnel valable de ne pas divulguer son statut vaccinal. Il fait valoir qu’il était un employé exemplaire, que la politique était arbitraire et déraisonnable et que l’employeur aurait pu tenir compte de ses préoccupations concernant l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19. Il soutient en outre qu’il n’a pas commis d’inconduite parce qu’il a été réintégré dans son emploi et autorisé à racheter sa pensionNote de bas de page 6.

[11] Je suis d’accord avec la Commission. Voici les motifs de ma décision.

Question en litige

[12] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[13] Les prestataires qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite sont exclus du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[14] La perte d’emploi comprend la suspension de l’emploiNote de bas de page 8.

[15] Le prestataire suspendu en raison d’une inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi :

  1. a) jusqu’à la fin de la période de suspension;
  2. b) jusqu’à ce qu’il perde son emploi ou quitte celui‑ci volontairement;
  3. c) jusqu’après le début de la suspension, s’il accumule assez d’heures d’emploi assurable dans un autre emploi pour remplir les conditions requises pour recevoir des prestationsNote de bas de page 9.

Ces prestataires n’ont pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant qu’ils sont suspendus de leur emploiNote de bas de page 10. Pendant la période de suspension, les conséquences sont les mêmes que s’il s’agissait d’un congédiement pour inconduiteNote de bas de page 11.

[16] Lorsqu’un employeur refuse de permettre à un prestataire de continuer à travailler et qu’il le place en congé sans solde (autrement dit, c’est un congé involontaire), le prestataire sera considéré comme ayant été suspendu aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). De plus, si la suspension était attribuable à une inconduite, le prestataire n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant la période de la suspension (congé involontaire)Note de bas de page 12.

[17] Le fait que l’employeur qualifie la cessation d’emploi — qu’il s’agisse d’une mise à pied, d’un congédiement ou d’un congé — n’est pas déterminantNote de bas de page 13. Je ne suis pas liée par la façon dont l’employeur et l’appelant pourraient qualifier la manière dont l’emploi a pris finNote de bas de page 14.

[18] Je dois évaluer la preuve et décider de la véritable raison pour laquelle l’appelant a cessé de travailler après son dernier jour rémunéré le 29 novembre 2021.

[19] Je dois ensuite décider si cette raison était attribuable à une conduite considérée comme une « inconduite » en vertu de la Loi. Si tel était le cas, je dois décider s’il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi ou inadmissible à celles-ci.

Question en litige no 1 : Pourquoi l’appelant a-t-il cessé de travailler?

a)  Mes conclusions

[20] L’appelant a cessé de travailler parce que l’employeur l’a mis en congé sans solde pour non-respect de la politique.

[21] Il est demeuré en congé sans solde du 30 novembre 2021 jusqu’à sa réintégration en juin 2022Note de bas de page 15.

[22] Ce congé sans solde est considéré comme une suspension aux fins de la Loi.

b)  Les éléments de preuve et les observations

[23] La politique exigeait que tout le personnel soit entièrement vacciné en date du 30 novembre 2021. Elle énonce les conséquences de la non-conformité comme suit :

[Traduction]

« Les membres doivent se conformer à l’exigence de vaccination obligatoire contre la COVID-19 comme condition d’emploi.

À compter du 30 novembre 2021, tous les membres qui ne sont pas entièrement vaccinés contre la COVID-19 ou qui sont réputés non vaccinés parce qu’ils n’ont pas divulgué leur statut vaccinal à l’unité du mieux-être se seront rendus incapables d’exécuter les tâches qui leur sont confiées et d’entrer dans les installations du service, et ne recevront donc aucun salaire ou traitement pour une durée indéterminée.

Les membres ne seront pas autorisés à utiliser leurs banques de congés de maladie, de vacances ou d’autres banques de temps pour conserver leur traitement ou leur salaire parce qu’ils se sont rendus incapables d’exécuter les tâches qui leur sont confiées en raison du non-respect de l’exigence de vaccination obligatoire contre la COVID-19 »Note de bas de page 16.

[24] L’appelant n’a pas fourni de preuve de vaccination à l’employeur avant la date limite du 30 novembre 2021Note de bas de page 17. Il a témoigné à l’audience qu’il avait pris la décision à titre personnel, en collaboration avec son médecin, de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19.

[25] Le 17 décembre 2021, l’employeur a établi un relevé d’emploi pour l’appelant. Le relevé mentionnait qu’il avait été rémunéré jusqu’au 29 novembre 2021 et qu’il était en « congé »Note de bas de page 18.

[26] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’appelant devait préciser pourquoi il ne travaillait plus. Il a choisi la réponse « congédié ou suspendu » plutôt que la réponse « Je suis en congé »Note de bas de page 19. Toutefois, il a ajouté qu’il avait été [traduction] « mis en congé sans solde » parce qu’il était [traduction] « considéré comme inapte au travail » en raison du [traduction] « mandat vaccinal » et qu’il ne divulguait pas son statut vaccinalNote de bas de page 20.

[27] L’appelant a dit ce qui suit à la Commission :

  • Le personnel devait présenter une preuve de vaccination, sinon il serait placé en congé sans solde jusqu’à ce qu’il se conformeNote de bas de page 21.
  • [Traduction] « Comme je n’ai pas divulgué mon état de santé, j’ai été mis en congé sans solde »Note de bas de page 22.
  • Son employeur l’a placé en congé sans solde et a codé son relevé d’emploi en conséquenceNote de bas de page 23.

[28] Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré [traduction] « j’ai été mis en congé sans solde » et a ajouté que la suspension et l’inconduite n’ont [traduction] « jamais été implicites ou communiquées » de la part de l’employeurNote de bas de page 24. Dans ses autres documents d’appel, l’appelant a déclaré ce qui suit : [traduction] « Le 30 novembre 2021, j’ai été mis en congé sans solde » en raison de l’obligation vaccinale exigée par l’employeurNote de bas de page 25.

[29] À l’audience, il a déclaré qu’il avait été mis en congé sans solde — et non suspendu — pour ne pas avoir fourni de preuve de vaccination avant la date limite du 30 novembre 2021 prévue dans la politique. Il a également déclaré qu’il avait été réintégré dans son emploi en juin 2022, après la levée de la politique.

[30] Tous ces éléments de preuve montrent que l’employeur a mis l’appelant en congé sans solde pour une période indéterminée parce qu’il n’a pas fourni de preuve de vaccination avant la date limite du 30 novembre 2021 prévue dans la politique. Je conclus que ce défaut de se conformer à la politique est la véritable raison pour laquelle l’appelant a cessé de travailler après son dernier jour rémunéré le 29 novembre 2021.

[31] Je conclus également que l’appelant est demeuré en congé sans solde du 30 novembre 2021 à juin 2022, alors qu’il a été réintégré dans son emploi.

[32] Le libellé de la politique montre que l’employeur a choisi de mettre l’appelant en congé sans solde plutôt que d’imposer une suspension ou un congédiement pendant cette période.   

[33] Lorsqu’un employeur fait ce choix plutôt que d’imposer une suspension ou un congédiement, il s’agit d’un congé involontaire qui sera traité comme une suspension, peu importe ce que mentionne le relevé d’emploiNote de bas de page 26.

[34] Je conclus donc que l’appelant a été suspendu de son emploi à compter du 30 novembre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politiqueNote de bas de page 27.

[35] Je dois maintenant décider si le motif de sa suspension, soit son défaut de se conformer à la politique, est considéré comme une inconduite.

Question en litige no 2 : Le motif de sa suspension est-il une inconduite au sens de la loi?

a)  Mes conclusions

[36] Oui, c’est le cas. Le motif de la suspension de l’appelant (soit son défaut de se conformer à la politique) est une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.

b)  Droit applicable

[37] En vertu de la loi, si vous perdez votre emploi (congédiement ou suspension) en raison de votre inconduite, vous ne pouvez pas recevoir de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 28.

[38] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 29. L’inconduite comprend également une conduite à ce point insouciante (ou négligente) qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 30 (ou qui démontre un mépris délibéré des répercussions de ses actes sur son rendement au travail).

[39] À l’audience, l’appelant a soutenu qu’il était un employé exemplaire et qu’il n’avait pas adopté un comportement qui pourrait être considéré comme une inconduite, surtout si l’on tient compte de sa réintégration dans son poste. La loi prévoit cependant que l’appelant n’a pas à manifester une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 31.

[40] Il y a inconduite lorsque l’appelant savait ou aurait dû savoirque sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers l’employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 32.

[41] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 33. Elle s’appuie sur la preuve que les représentants de Service Canada obtiennent de l’employeur et de l’appelant pour le faire.

[42] Dans le cadre de la question 1 ci-dessus, j’ai conclu que l’appelant a cessé de travailler, car il a été placé en congé sans solde par l’employeur parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique. J’ai également conclu que ce congé sans solde est considéré comme une suspension aux fins des prestations d’assurance-emploi.  Je dois maintenant décider si la suspension de l’appelant était attribuable à son inconduiteNote de bas de page 34.

[43] Pour ce faire, je dois décider si le comportement qui a mené à la suspension (soit le défaut de l’appelant de se conformer à la politique) était délibéré et s’il savait ou aurait dû savoir qu’il pourrait être suspendu (placé en congé sans solde) en adoptant ce comportement.

c)  Les éléments de preuve et les observations

[44] L’appelant a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 35 :

  • L’employeur a instauré une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 qui exige que tout le personnel soumette une preuve de vaccination ou soit placé en congé sans solde jusqu’à ce qu’il se conforme aux exigencesNote de bas de page 36.
  • La politique prévoyait que le personnel devait fournir une preuve de vaccination avant le 30 novembre 2021Note de bas de page 37.
  • Il ne voulait pas divulguer son statut vaccinal.
  • Il n’était pas à l’aise de se faire vacciner parce qu’il estime que les vaccins contre la COVID-19 n’ont pas fait l’objet d’assez de tests.
  • Il n’a pas demandé d’exemption médicale ou autre à la politique.
  • Il savait qu’il serait placé en congé sans solde parce qu’il n’avait pas fourni de preuve de vaccination et qu’il a choisi sciemment de ne pas le faire.
  • [Traduction] « Comme je n’ai pas divulgué mon état de santé, j’ai été mis en congé sans solde »Note de bas de page 38.
  • Son employeur l’a placé en congé sans solde et a codé son relevé d’emploi en conséquence.

[45] À l’audience, l’appelant a lu à haute voix les observations écrites qu’il a déposées au Tribunal la veille de l’audience (GD24). J’ai examiné ces observations.    

[46] Il a dit ce qui suit dans son témoignage :

  • Son emploi est régi par une convention collectiveNote de bas de page 39, qui est « exécutoire » et ne peut être modifiée pendant sa duréeNote de bas de page 40. La convention collective n’exige pas la vaccination obligatoire.
  • Se faire vacciner contre la COVID-19 n’était pas une condition de son embauche.
  • Il est un employé exemplaire depuis plus de 20 ans.
  • Il travaille « de façon autonome », sans « qui que ce soit autour de lui ». Il se trouve soit dans un camion, seul, et ramasse des biens pour les livrer entre différents postes de police (et a peu d’interaction avec autrui), soit dans un grand entrepôt où il est facile de préserver un éloignement physique.
  • Avant la mise en œuvre de la politique, l’employeur avait des exigences très strictes en matière de dépistage et les éclosions étaient toujours « surveillées ».
  • Il aurait fait un test rapide à ses frais pour continuer à travailler tout en demeurant non vacciné, mais ce n’était pas une option.
  • Son syndicat a demandé des mesures d’adaptation pour le personnel qui veut éviter la vaccination, mais l’employeur [traduction] « n’était pas du tout flexible ».
  • La politique était arbitraire et déraisonnable. Il n’enfreignait pas les conditions de son emploi.
  • Les vaccins contre la COVID-19 n’étaient pas efficaces contre la transmission du virus. Tant les fabricants que les dirigeants de la santé publique l’ont reconnu.
  • En 1980, la Cour suprême du Canada a statué dans une « affaire d’autonomie corporelle » que les personnes devraient être autorisées à consentir à toute intervention médicale. Le consentement doit être exempt de coercition. Cela signifie qu’on ne peut lui refuser des prestations d’assurance-emploi sous prétexte de favoriser la vaccination.
  • Ce n’est pas qu’il ne voulait pas se faire vacciner.
  • Il avait des inquiétudes quant à l’innocuité et à l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.
  • Il s’avère qu’il avait raison de s’inquiéter.
  • De nombreuses preuves établissent maintenant que les vaccins ne sont pas sûrs pour les enfants, ont causé beaucoup plus de décès que ce qui a été inscrit correctement par le gouvernement et sont inefficaces contre la transmission.
  • Il a fait exactement ce que le premier ministre a dit aux Canadiens de faire. Il s’est rendu chez son médecin pour recevoir des conseils et a pris sa décision en fonction de ces conseils.  
  • Les vaccins n’ont jamais fait l’objet de tests rigoureux. Ils n’auraient jamais dû être imposés parce qu’ils étaient fondés sur des hypothèses qui n’ont pas été testées et qui ne se sont pas avérées.
  • Le syndicat a contesté la politique et les actions de l’employeur en vertu de celle-ci, mais le syndicat a « perdu ».
  • Il a été placé en congé sans solde et non suspendu.
  • Il a trouvé du travail temporaire dans un conseil scolaire. Comment pourrait-il être possible pour lui d’être autorisé à travailler avec de jeunes enfants alors qu’il n’était pas vacciné, mais de ne pas l’être pour travailler seul dans un entrepôt?
  • Les actions de l’employeur étaient arbitraires, déraisonnables et incohérentes. Il aurait dû bénéficier de mesures d’adaptation. Il connaît d’autres membres du personnel qui ont obtenu « des concessions et des options ».
  • Il a été réintégré dans son emploi en juin 2022, lorsque la politique a été levée pour le personnel existant. Elle est demeurée en vigueur pour les nouveaux membres du personnel pendant un certain temps, puis la politique a été complètement annulée.
  • Il a été autorisé à racheter sa pension, ce qu’il n’aurait pas pu faire s’il avait été suspendu pour inconduite. [Traduction] « X a des règles très strictes » à ce sujet. Les courriels concernant le rachat de sa pension mentionnent qu’il est en « congé ».

[47] Je reconnais que l’appelant est déçu de ne pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[48] L’appelant semble penser qu’une conclusion d’« inconduite » exige qu’il ait fait quelque chose de « mal » dans l’exercice de ses fonctions ou dans sa conduite en milieu de travail. Cependant, comme je l’ai expliqué au début de l’audience, le terme « inconduite » aux fins des prestations d’assurance‑emploi ne signifie pas nécessairement qu’un prestataire a fait quelque chose de « mal ». Le terme « inconduite » n’a pas la même signification pour les prestations d’assurance‑emploi que dans d’autres contextes d’emploi, comme dans le cadre d’instances disciplinaires et de règlement de griefs ou d’arbitrages en matière de travail. Il signifie simplement qu’un prestataire a adopté une conduite délibérée (voulue, intentionnelle) et qu’il savait ou aurait dû savoir que cette conduite pouvait entraîner sa cessation d’emploi.

[49] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable. Ce n’est pas non plus au Tribunal de décider si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’appelant en lui permettant de subir des tests rapides, ou si le congé sans solde infligé à titre de sanction était trop sévèreNote de bas de page 41. Le Tribunal n’a pas non plus le pouvoir d’interpréter les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le droit international, le Code criminel ou d’autres lois ou de les appliquer aux décisions rendues en vertu de la LoiNote de bas de page 42.

[50] Le Tribunal doit se concentrer sur la conduite qui a entraîné la suspension de l’appelant, et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[51] J’ai déjà conclu que la conduite qui a mené à la suspension de l’appelant était son défaut de fournir une preuve de vaccination au 30 novembre 2021, comme l’exige la politique en milieu de travail que l’employeur a instauré en réponse à la pandémie de COVID-19.

[52] La preuve dans le dossier de réexamen (GD3), ainsi que la preuve dans les documents d’appel de l’appelant et son témoignage à l’audience, me permettent de tirer ces conclusions supplémentaires :

  1. a) L’appelant a été informé de la politique et a eu le temps de s’y conformerNote de bas de page 43.
  2. b) Son défaut de se conformer à la politique était intentionnel — il a pris la décision personnelle délibérée de ne pas se faire vacciner. Son manquement à la politique était donc délibéré.
  3. c) Il savait que son défaut de fournir une preuve de vaccination avant la date limite du 30 novembre 2021 prévue dans la politique ferait en sorte qu’il serait mis en congé sans solde (suspendu) de son emploi.
  4. d) Son refus de se conformer à la politique était la cause directe de sa suspension.

[53] L’employeur a le droit d’établir des politiques en matière de santé et sécurité au travail. L’appelant avait le droit de refuser de se conformer à la politique. En choisissant de ne pas se faire vacciner et de ne pas fournir une preuve de vaccination, il a pris une décision personnelle qui a entraîné des conséquences prévisibles sur son emploi.

[54] La division d’appel du Tribunal a confirmé à maintes reprises qu’il importe peu que la décision personnelle d’un prestataire soit fondée sur des croyances religieuses, des problèmes de santé ou une autre raison personnelle. Le choix voulu de ne pas se conformer à une politique sur la santé et la sécurité au travail liée à la COVID-19 est considéré comme étant délibéré et constitue une inconduite aux fins des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 44.

[55] Les décisions de la division d’appel sont appuyées par la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale selon laquelle une violation voulue de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 45. De plus, une décision récente de la Cour fédérale, la décision Cecchetto, a confirmé ce principe dans le contexte particulier d’une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 46.

[56] Je conclus donc que l’omission délibérée de l’appelant de fournir une preuve de vaccination au plus tard le 30 novembre 2021 conformément à la politique constitue une inconduite au sens de la Loi.

[57] S’il le souhaite, l’appelant peut présenter en cour ou devant un autre tribunal qui traite de ces questions ses plaintes concernant la politique ou les actions de l’employeur en lien avec la cessation de son emploi et les mesures gouvernementales qu’il dit être inappropriées. Il demeure libre de présenter ces arguments et de demander réparation devant les instances compétentes.

[58] Toutefois, aucun de ses arguments au sujet de ce que l’employeur (ou le gouvernement) a ou n’a pas fait ou aurait dû faire ne change le fait que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a été suspendu en raison d’une conduite qui constitue une inconduite au sens de la Loi.

[59] Cela signifie qu’il n’a pas droit à des prestations d’assurance-emploi pendant sa suspensionNote de bas de page 47.

[60] L’appelant a également fait référence à une décision du Tribunal (que j’appellerai la décision ALNote de bas de page 48), dans laquelle un membre du Tribunal a infirmé la conclusion d’inconduite de la Commission et a déclaré que la prestataire (AL) n’était pas inadmissible aux prestations d’assurance-emploi. Je retiens du fait qu’il a déposé une copie de la décision d’AL avec ses documents d’appel (à la page GD16) qu’il suggère que je suive la décision d’ALNote de bas de page 49.

[61] AL travaillait dans un hôpital, son emploi était assujetti à une convention collective et elle a été suspendue, puis congédiée pour non-respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur. Le membre du Tribunal a conclu qu’AL n’avait pas perdu son emploi pour une raison que la Loi considère comme une inconduite pour deux raisons :

  1. a) Le membre a conclu que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur n’était pas une condition expresse ou implicite de l’emploi d’AL et que, par conséquent, son refus de se faire vacciner ne constituait pas une inconduite.
  2. b) Le membre a conclu qu’AL avait droit à l’intégrité physique et qu’elle avait exercé ce droit lorsqu’elle a refusé de se faire vacciner. Le membre a conclu que l’exercice d’un droit juridique ne peut être considéré comme un acte ou un comportement fautif qui devrait exclure un prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.   

[62] Bien que je ne sois pas liée par les décisions des autres membres du Tribunal, je peux m’appuyer sur elles pour me guider si je les trouve convaincantes et utilesNote de bas de page 50.

[63] Je ne crois pas que la décision AL soit convaincante ou utile, et je refuse de la suivre.

[64] En effet, la décision AL va à l’encontre de la jurisprudence obligatoire de la Cour fédérale concernant l’inconduite, dont j’ai traité précédemment.

[65] Dans la présente décision comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui importent sont les questions de savoir si l’appelant a été suspendu parce qu’il a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si ce manquement était voulu et vraisemblablement susceptible d’entraîner sa suspension (sa mise en congé sans solde). La réponse à toutes ces questions est oui.

[66] Parce qu’il a fait le choix voulu de ne pas se faire vacciner et de ne pas fournir de preuve de vaccination comme l’exige la politique, l’appelant a fait l’objet d’une cessation d’emploi à compter du 30 novembre 2021 en raison d’une conduite considérée comme étant une inconduite au sens de la Loi. Il n’a donc pas le droit de recevoir des prestations d’assurance‑emploi pendant sa suspensionNote de bas de page 51.

Conclusion

[67] L’appelant a cessé de travailler, car son employeur l’a mis en congé sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 (en fournissant une preuve de vaccination avant la date limite du 30 novembre 2021 prévue dans la politique).

[68] Il est demeuré en congé sans solde du 30 novembre 2021 jusqu’en juin 2022.

[69] Le congé sans solde est considéré comme une suspension aux fins de la Loi. Cela signifie que l’appelant a été suspendu de son emploi du 30 novembre 2021 au mois de juin 2022.

[70] L’appelant a été suspendu en raison de son inconduite. Cela signifie qu’il est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant la période de suspensionNote de bas de page 52.

[71] L’appel est rejeté.

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