Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 224

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. N.
Représentant : P. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (619304) rendue le 25 octobre 2023 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 5 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-3205

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante a reçu une rémunération. Et la Commission de l’assurance-emploi du Canada a réparti (c’est‑à-dire distribué) la rémunération sur les bonnes semaines.

[3] La rémunération de l’appelante doit être répartie même s’il y a eu une erreur au moment où cet argent lui a été versé. Autrement dit, elle ne peut pas ravoir l’argent qu’elle a déjà retourné à la Commission.

Aperçu

[4] L’appelante a reçu 2 249 $ de son ancien employeur. La Commission a décidé que l’argent était une « rémunération » au sens de la loi parce qu’il a été versé pour indemniser l’appelante d’une perte de rémunération pendant son congé de maladie.

[5] La loi prévoit la répartition de toute la rémunération sur certaines semaines. La raison pour laquelle la personne a reçu la rémunération permet de savoir sur quelles semaines elle sera répartieNote de bas de page 1.

[6] La Commission a réparti la rémunération à compter de la semaine du 10 juin 2018 à raison de 173 $ par semaine. Selon elle, c’est la première semaine qui a un lien avec l’argent versé à l’appelante.

[7] L’appelante est d’accord avec la Commission sur le fait que l’argent qu’elle a reçu est une rémunération. Elle affirme toutefois qu’il ne faut pas répartir l’argent parce que son employeur le lui a versé de la mauvaise façon et elle s’en est rendu compte seulement plus tard. Elle dit être la victime de l’erreur de son employeur et croit que l’argent qu’elle a déjà remboursé à la Commission devrait maintenant lui être retourné parce qu’elle n’a rien fait de mal.

Question que je dois examiner en premier

L’appelante n’était pas à l’audience

[8] L’appelante était absente à l’audience. L’audience peut avoir lieu en l’absence de l’appelante si elle a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 2. Je pense que l’appelante a reçu l’avis d’audience parce que son représentant (qui était à l’audience) a dit qu’elle l’avait reçu. Il a ajouté qu’elle voulait que l’audience ait lieu même si elle n’était pas là.

[9] L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans l’appelante.

Questions en litige

[10] Voici les deux questions que je dois trancher :

  1. a) L’argent que l’appelante a reçu est‑il une rémunération?
  2. b) Si oui, la Commission a‑t‑elle réparti la rémunération correctement?

Analyse

L’argent que l’appelante a reçu est‑il une rémunération?

[11] Oui, les 2 249 $ que l’appelante a reçus constituent une rémunération. Je m’explique.

[12] Selon la loi, la rémunération est le revenu intégral (c’est‑à-dire entier) qu’on reçoit pour tout emploiNote de bas de page 3. La loi définit les termes « revenu » et « emploi ».

[13] Le revenu est tout ce qu’on a reçu ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne. C’est souvent une somme d’argent, mais pas toujoursNote de bas de page 4.

[14] Un emploi est tout travail qu’on a fait ou fera dans le cadre d’un contrat de travail ou de servicesNote de bas de page 5.

[15] L’ancien employeur de l’appelante lui a donné 2 249 $. La Commission a décidé qu’il s’agissait d’une somme d’argent visant à indemniser l’appelante pour la perte de rémunération qu’elle a subie pendant un congé de maladie. Selon la Commission, c’était donc une rémunération au sens de la loiNote de bas de page 6.

[16] L’ancien employeur de l’appelante a déclaré ceci à la CommissionNote de bas de page 7 :

  • Il a versé de l’argent à l’appelante comme complément aux prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle était en congé de maladie.
  • Il n’était pas inscrit au programme de prestations supplémentaires de chômage ni au programme de réduction du taux de cotisation, mais comme l’appelante était une employée de longue date et qu’elle était malade, il voulait lui payer la différence entre les prestations et sa rémunération hebdomadaire normale, et ce, même si ce n’était pas leur politique.
  • Ainsi, l’employeur a versé à l’appelante 45 % de sa rémunération hebdomadaire normale comme complément aux prestations d’assurance-emploi qu’elle recevait. Au total, cela faisait 173 $ par semaine, de la semaine du 17 juin 2018 à celle du 9 septembre 2018.

[17] L’appelante convient que l’argent est une rémunération. À l’audience, son représentant a confirmé qu’elle ne conteste pas ce faitNote de bas de page 8.

[18] Je conclus donc que l’argent versé à l’appelante est une rémunération.

[19] Je juge que la preuve démontre clairement que l’ancien employeur de l’appelante lui a versé de l’argent comme complément de sa rémunération normale pendant qu’elle était en congé de maladie. Il dit qu’il l’a fait, et l’appelante ne conteste pas ce fait. À mon avis, cet argent était directement lié à l’emploi de l’appelante, car il lui a été versé pour compenser la perte de revenu qu’elle a subie lorsqu’elle était malade et ne pouvait plus travailler.

[20] Je conclus aussi que le montant total de la rémunération reçue par l’appelante s’élève à 2 249 $. En effet, elle a reçu 173 $ par semaine pendant 13 semainesNote de bas de page 9 (de la semaine du 17 juin 2018 à celle du 9 septembre 2018), ce qui donne 2 249 $.

[21] Comme les 2 249 $ sont une rémunération, cette somme sera répartie sur la période de prestations de l’appelante.

La Commission a‑t-elle réparti la rémunération correctement?

[22] Je juge que la Commission a réparti la rémunération de la bonne façon. Il fallait la répartir à compter de la semaine du 17 juin 2018. Selon la déclaration de son ancien employeur, c’est la première semaine pour laquelle l’argent a été versé à l’appelante.

[23] La loi prévoit la répartition de la rémunération sur certaines semaines. La raison pour laquelle la personne a reçu la rémunération permet de savoir sur quelles semaines il faut la répartirNote de bas de page 10.

[24] La rémunération de l’appelante est l’argent qu’elle a reçu comme indemnité pour la perte de rémunération subie pendant son congé de maladie.

[25] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’ancien employeur de l’appelante a dit à la Commission qu’il lui versait 173 $ par semaine de la semaine du 17 juin 2018 à la semaine du 9 septembre 2018. C’était en complément des prestations d’assurance-emploi qu’elle recevait pendant son congé de maladie, et ce, même s’il n’était pas inscrit au programme de prestations supplémentaires de chômage ou au programme de réduction du taux de cotisation.

[26] Voici ce que dit l’appelanteNote de bas de page 11 :

  • Même si elle ne conteste pas le fait que l’argent qu’elle a reçu est une rémunération, elle estime qu’il lui appartient, ce qui signifie qu’il ne devrait pas être réparti.
  • Elle est victime de l’erreur de son ancien employeur. Elle ne devrait donc pas être pénalisée en étant obligée de rembourser une partie des prestations qu’elle a reçues.
  • Elle a dû cesser de travailler en mai 2018 pour des raisons de santé.
  • À cette époque, son mari (qui est aussi son représentant) a rencontré son ancien employeur. Elle était trop malade pour assister à la réunion. Son ancien employeur a assuré à son mari qu’il allait la dédommager et lui verser la différence entre sa rémunération à ce moment-là et la somme qu’elle recevrait en prestations d’assurance-emploi.
  • Il semble que son ancien employeur ait eu accès aux renseignements de Service Canada concernant son admissibilité à l’assurance-emploi avant même qu’elle présente sa demande. Elle ne sait pas si c’était légal.
  • Elle a seulement reparlé à son ancien employeur quand elle était prête à retourner au travail en novembre 2018. Il n’a pas non plus communiqué avec elle pendant son congé de maladie.
  • Elle est retournée au travail en novembre 2018 et son ancien employeur lui a fourni huit bulletins de paie ainsi que des chèques datés du 11 juin 2018 au 30 septembre 2018, selon le mode de paiement habituel. Son mari a déposé les chèques dans le compte bancaire de l’appelante le 22 novembre 2018. Cela s’est produit après la fin de ses prestations d’assurance-emploi, car elle n’y était plus admissible.
  • Par la suite, elle s’est rendu compte que son employeur avait fait une erreur en lui versant cet argent et que c’était une mauvaise gestion des finances de son entreprise.
  • Même si elle n’était pas tout à fait au courant de la situation, elle a décidé de rembourser une partie de l’argent qu’elle devait en mai 2022, après avoir reçu un avis de dette de Service Canada, parce que la réception de ces avis la mettait mal à l’aise.
  • L’argent qu’elle a remboursé en mai 2022 devrait maintenant lui être retourné parce que son ancien employeur a fait une erreur en lui donnant le complément d’argent comme il l’a fait. Elle ne savait pas à ce moment-là qu’il fallait s’inscrire au programme pour le faire. Elle a appris seulement plus tard que l’employeur n’était pas inscrit. Et comme son ancien employeur lui a donné cet argent, elle y a droit, contrairement à la Commission.
  • De plus, la Commission est responsable de l’erreur de son ancien employeur parce qu’il est de son devoir d’aviser les employeuses et employeurs qu’il faut s’inscrire pour pouvoir donner des compléments de salaire à leur personnel.

[27] Je reconnais que l’appelante estime que les sommes complémentaires versées par son ancien employeur ne devraient rien changer aux prestations qu’elle a reçues et qu’en conséquence, cet argent ne devrait pas être réparti simplement parce que son ancien employeur n’a pas respecté les règles lorsqu’il a décidé de le lui donner.

[28] Je reconnais aussi que l’appelante croit que les sommes complémentaires versées par son ancien employeur ne devraient rien changer aux prestations qu’elle a reçues et qu’en conséquence, cet argent ne devrait pas être réparti parce que la Commission aurait dû aviser son ancien employeur qu’il devait s’inscrire pour donner un complément de salaire à son personnel.

[29] Malheureusement, je juge que ces arguments ne sont pas pertinents dans la présente affaire.

[30] La Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il n’y a pas d’exemption du processus de répartition même si la Commission fournit de faux renseignementsNote de bas de page 12. De plus, la loi ne me donne pas le pouvoir d’accorder une réparation à l’appelante, et ce, même si une personne de la Commission a fait une erreur.

[31] Autrement dit, il faut que la rémunération de l’appelante soit répartie malgré les erreurs de la Commission.

[32] Une décision du juge-arbitre du Canada sur les prestations, le prédécesseur du Tribunal, précise aussi qu’il n’y a pas d’exemption du processus de répartition même si l’employeuse ou l’employeur commet une erreurNote de bas de page 13.

[33] Contrairement aux décisions de la Cour d’appel, je ne suis pas obligée de suivre les décisions du juge-arbitre. En d’autres termes, je n’ai pas à les imiter automatiquement, mais je peux choisir de le faire si je suis d’accord avec leurs conclusions.

[34] Dans la présente affaire, je suis d’accord avec les conclusions de la décision du juge-arbitre. À mon avis, il adopte le même processus de réflexion que la Cour d’appel lorsqu’il conclut qu’une personne ne peut pas être exemptée de la répartition même si une erreur survient à son insu ou indépendamment de sa volonté.

[35] Ainsi, je vais suivre la décision du juge-arbitre dans la présente affaire. Par conséquent, il faut répartir la rémunération de l’appelante malgré les erreurs de son ancien employeur.

[36] Je reconnais que l’appelante peut considérer que les règles de répartition sont injustes. Cependant, je dois appliquer la loi telle qu’elle est écrite et je ne peux pas l’interpréter d’une façon contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 14. Et je ne peux pas faire d’exception pour l’appelante, pas même si sa situation est difficile ou poignanteNote de bas de page 15.

[37] Autrement dit, je dois appliquer la loi telle qu’elle est écrite. Et la loi prévoit la répartition de la rémunération de l’appelante sur les semaines applicables, comme je l’ai expliqué plus haut.

[38] J’ai examiné la preuve et je constate que la rémunération de l’appelante a été répartie comme il le fallait.

[39] Son ancien employeur affirme qu’elle a reçu 173 $ par semaine de la semaine du 17 juin 2018 à la semaine du 9 septembre 2018. Une série de chèques lui a été remise lorsqu’elle a repris le travail en novembre 2018Note de bas de page 16. L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle a reçu les chèques pour cette périodeNote de bas de page 17. Je conclus donc qu’il faut répartir la rémunération de l’appelante à compter de la semaine du 17 juin 2018 parce que, selon son ancien employeur, c’est la date du premier chèque.

[40] Par conséquent, je conclus que la Commission a bien réparti la rémunération de l’appelante. Ainsi, la somme de 173 $ est répartie sur chaque semaine à compter de la semaine du 17 juin 2018. S’il reste de l’argent, la somme restante sera répartie sur la dernière semaine.

[41] Par conséquent, l’appelante ne peut pas se faire rembourser l’argent qu’elle a retourné à la Commission. En effet, l’argent que son ancien employeur lui a versé est une rémunération qu’il faut répartir comme l’exige la loi. Elle a donc reçu plus de prestations que ce à quoi elle avait droit.

[42] L’appelante affirme avoir déjà remboursé l’argent qu’elle devait à la Commission, comme celle‑ci le lui a demandé à la suite de la répartition de sa rémunérationNote de bas de page 18 (selon l’appelante, c’était 1961,87 $). Mais je remarque que la Commission affirme que l’appelante doit encore 1 819 $.Note de bas de page 19

[43] Je prierais donc la Commission de communiquer rapidement avec l’appelante pour lui dire quelles étaient les sommes qu’elle a déjà rembourséesNote de bas de page 20 et combien elle doit encore rembourser en raison de la répartition de sa rémunération.

Conclusion

[44] L’appel est rejeté.

[45] L’appelante a reçu une rémunération de 2 249 $. Cette somme est répartie à raison de 173 $ par semaine dès la semaine du 17 juin 2018. Toute somme restante est répartie sur la dernière semaine.

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