Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1984

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (613215) rendue le 8 septembre 2023 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Rattray
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 décembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 19 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2904

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pour les jours où il était à l’étranger.

[3] L’appelant n’a pas non plus démontré qu’il était disponible pour travailler pendant son séjour à l’étranger.

Aperçu

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi du 24 avril 2023 au 10 juin 2023 parce qu’il se trouvait à l’étranger. Selon la Commission, à moins que certaines exemptions ne s’appliquent, les prestataires qui sont à l’étranger ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Elle a conclu que l’appelant n’avait pas démontré que l’une des exemptions s’appliquait à sa situation.

[5] La Commission a aussi décidé que l’appelant n’est pas admissible parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, les prestataires doivent être disponibles pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Autrement dit, il faut que les prestataires soient à la recherche d’un emploi.

[6] L’appelant explique qu’il était à l’étranger pour s’occuper de sa santé mentale et rendre visite à sa mère, qui avait suivi un traitement contre le cancer. Il était disponible pour travailler pendant son séjour à l’étranger.

[7] Je dois décider si l’appelant se trouvait à l’étranger et s’il était inadmissible au bénéfice des prestations. Je dois aussi décider s’il était disponible pour travailler.

Question en litige

[8] L’appelant était-il inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il était à l’étranger?

[9] L’appelant était-il inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant son séjour à l’étranger?

Analyse

Séjour à l’étranger

[10] Les prestataires ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour toute période passée à l’étrangerNote de bas de page 1. Il existe quelques exceptions qui permettent le versement de prestations, mais c’est en fonction de la raison du séjour à l’étrangerNote de bas de page 2. L’appelant a la responsabilité de prouver que l’une des exceptions s’appliquait à lui pendant son séjour à l’étrangerNote de bas de page 3.

[11] Les parties affirment que l’appelant se trouvait à l’étranger du 24 avril 2023 au 10 juin 2023 (période d’absence). Je ne vois aucune preuve du contraire. Je suis donc d’accord avec elles et je conclus que l’appelant était à l’étranger pendant la période d’absence.

[12] La Commission a déclaré l’appelant inadmissible pour la période d’absence parce qu’il était à l’étranger. Elle affirme que la raison du séjour à l’étranger ne correspondait à aucune exception. L’appelant n’est pas d’accord.

Les exceptions s’appliquent-elles?

[13] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’une des exceptions permettant aux prestataires qui se trouvent à l’étranger de recevoir des prestations d’assurance-emploi s’appliquait à lui. Voici pourquoi je tire cette conclusion.

[14] L’appelant a dû composer avec du stress au cours des mois précédant son congédiement. Il voyait une psychiatre non loin de chez lui. Il parlait aussi régulièrement à un psychothérapeute. Ce dernier vivait à l’étranger et l’avait épaulé pendant plus de 15 ans, durant sa jeunesse à l’étranger.

[15] Peu de temps après que l’appelant a perdu son emploi, la propriétaire de son condominium lui a dit qu’elle le mettait en vente. Le logement serait mis en valeur et rendu disponible pour les visites. Ces deux événements, la perte de son emploi et la perte imminente de son logement, ont entraîné chez lui une anxiété grave et des crises de panique.

[16] Après avoir consulté sa psychiatre et parlé à sa famille ainsi qu’à son psychothérapeute, il a quitté le Canada pendant un certain temps. Durant cette période d’absence, il voyait régulièrement son psychothérapeute, rendait visite à sa famille et bénéficiait d’un soutien émotionnel.

[17] Selon la Commission, l’appelant n’a pas prouvé qu’aucun traitement médical n’était disponible dans sa région. Il était et est toujours suivi par sa psychiatre. La Commission ajoute que la mère de l’appelant n’était pas gravement malade et ne suivait pas de traitement médical. Elle faisait l’objet d’un suivi régulier, mais elle n’était pas malade pour le moment.

[18] Voici ce qui se dégage du témoignage et des déclarations de l’appelant :

  • Il voyait et continue de voir une psychiatre près de chez lui pour son anxiété et ses crises de panique.
  • Sa psychiatre n’était pas psychothérapeute et n’offrait aucun service de consultation psychologique semblable à celui offert par son psychothérapeute à l’étranger.
  • Il n’a pas demandé à sa psychiatre de le diriger vers un service de psychothérapie près de chez lui.
  • Il a utilisé une application sur les médias sociaux pour les séances de consultation psychologique avec son psychothérapeute, qui vivait à l’étranger.
  • Les mauvaises connexions Internet compliquaient les vidéoconférences avec son psychothérapeuteNote de bas de page 4.
  • Il aurait cessé ses séances de consultation psychologique et serait rentré au Canada s’il avait reçu une offre d’emploi.
  • En 2018, sa mère a reçu un diagnostic de cancer et suivi des traitements.
  • Son traitement n’était pas continu, mais elle faisait l’objet d’un suivi régulier.
  • Il s’inquiétait pour sa mère et s’ennuyait du soutien émotionnel de sa famille.

[19] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’aucun traitement médical n’était facilement disponible dans la région où il habitait au Canada. Je tire cette conclusion parce que sa psychiatre lui offrait un traitement médical au Canada et qu’il ne lui a pas demandé de l’envoyer voir une ou un psychothérapeute près de chez lui. Sa psychiatre a rédigé une lettre pour appuyer la demande de révision de l’appelant, mais elle a seulement écrit qu’il avait voyagé [traduction] « pour améliorer son humeur et réduire son anxiétéNote de bas de page 5 ». La lettre ne précise pas que les traitements médicaux nécessaires n’étaient pas disponibles dans la grande ville métropolitaine où il vivait.

[20] Avec cette conclusion, j’accepte la preuve de l’appelant voulant qu’il ait vu les bienfaits de rentrer à la maison pour avoir le soutien émotionnel de sa famille et pour rencontrer son psychothérapeute en personne et ainsi éviter les problèmes de connexion à Internet. Toutefois, il n’a pas prouvé qu’aucun traitement médical n’était facilement disponible dans la région où il habitait au Canada et qu’il était prêt à cesser les séances de consultation psychologique en personne et à revenir au Canada s’il recevait une offre d’emploi.

[21] J’admets aussi qu’il s’inquiétait pour le bien-être de sa mère et que lui rendre visite l’a aidé. Cependant, elle ne recevait pas de traitement médical à ce moment-là et n’était pas gravement malade ou blesséeNote de bas de page 6.

[22] Par conséquent, l’appelant n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa période d’absence.

L’appelant était-il disponible pour travailler pendant son séjour à l’étranger?

[23] Il y a deux articles de loi qui exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon ces deux articles. Il doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[24] Premièrement, la Loi précise qu’une personne qui demande des prestations doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 7. Le Règlement sur l’assurance-emploi donne les critères qui aident à expliquer ce qu’on entend par « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 8 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[25] Deuxièmement, la Loi prévoit que la personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 9. La jurisprudence énonce trois éléments qu’il faut prouver pour démontrer qu’on est « disponible » en ce sensNote de bas de page 10. Je vais les examiner plus loin.

[26] La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon les deux articles de loi.

[27] Je vais maintenant me pencher sur les deux articles pour vérifier si l’appelant était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[28] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelant étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 11. Je dois regarder si elles étaient soutenues et si elles visaient l’obtention d’un emploi convenable. Autrement dit, il faut que l’appelant ait continué à chercher un emploi convenable.

[29] Je dois aussi évaluer ce que l’appelant a fait pour trouver un emploi. Le Règlement présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 12 :

  • faire du réseautage;
  • communiquer avec des employeuses ou employeurs qui sont peut-être en période d’embauche;
  • présenter des demandes d’emploi.

[30] Selon la Commission, l’appelant n’en a pas fait assez pour tenter de trouver un emploi. L’appelant a déclaré avoir quitté le Canada pour prendre des vacancesNote de bas de page 13.

[31] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit qu’il n’est pas parti en vacances. Il précise qu’il est plutôt allé rendre visite à sa famille et chercher de l’aide pour son anxiété et ses crises de panique. Il ajoute avoir fait des recherches en ligne et avoir postulé à des emplois. Il a posé sa candidature quand il se sentait mieux.

[32] Je juge que l’appelant n’a pas fait de démarches habituelles et raisonnables. Ses démarches n’étaient pas soutenues. Je tire cette conclusion parce que son principal objectif était de recouvrer la santé, d’améliorer son bien-être et de retrouver la capacité à travailler de façon efficaceNote de bas de page 14.

Capable de travailler et disponible pour travailler

[33] La jurisprudence nomme trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si l’appelant était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 15 :

  1. a) Il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[34] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois regarder l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 16.

Désir de retourner au travail

[35] Je juge que l’appelant n’a pas démontré qu’il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible. Le but de son voyage était de rendre visite à sa famille et de recouvrer la santé. Ainsi, chercher du travail n’était pas sa priorité.

Efforts pour trouver un emploi convenable

[36] L’appelant n’a pas fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[37] Pour rendre une décision sur le deuxième élément, j’ai tenu compte de la liste d’activités de recherche d’emploi que j’ai mentionnée plus haut. Elle me sert seulement de référenceNote de bas de page 17.

[38] Pour essayer de trouver un nouvel emploi, l’appelant a, entre autres choses, mis à jour un curriculum vitae et fait des recherches en ligne quand il allait mieux. Il a expliqué que chercher un nouvel emploi avant de se sentir mieux aurait augmenté son niveau de stress.

[39] Je juge que de tels efforts n’étaient pas suffisants pour répondre aux exigences du deuxième élément parce que l’appelant se concentrait sur sa famille et sa santé mentale, et non sur la recherche d’un nouvel emploi.

Limitation indue des chances de retourner au travail

[40] Je juge que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter beaucoup trop ses chances de reprendre le travail.

[41] Je tire cette conclusion parce qu’il pouvait vérifier ses courriels, recevoir des appels et revenir au Canada dans les 48 heures suivant une offre d’emploiNote de bas de page 18.

Somme toute, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour travailler?

[42] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments analysés, je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[43] L’inadmissibilité imposée en raison du séjour à l’étranger et de la non-disponibilité pour le travail est maintenue.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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