Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1988

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (611284) datée du 13 septembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 15 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 20 novembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2871

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’est pas admissible à recevoir des prestations parentales en dehors de la période de prestations parentales (comme cette expression est expliquée ci-dessous dans mon analyse).

Aperçu

[3] L’appelant et son épouse se sont vu offrir la possibilité d’adopter une petite fille. L’enfant a été confié à leur garde le 3 mai 2022.

[4] Comme l’occasion était inattendue et qu’ils n’ont presque pas eu de préavis, l’appelant et son épouse n’étaient pas préparés à l’arrivée du bébé. Puisque l’appelant et son épouse occupaient des postes avec des responsabilités importantes, ni l’un ni l’autre n’était en mesure de prendre immédiatement un congé parental.

[5] Le couple a tenté de s’informer de la possibilité de retarder le début de leur congé parental. L’agence d’adoption avec laquelle ils faisaient affaire les a avisés qu’il n’y avait aucun problème à retarder leur congé. On leur a dit que la seule exigence était qu’ils commencent leur congé dans les 78 semaines suivant la date à laquelle leur enfant leur a été confié. Le couple a vérifié cette information sur un site Web du gouvernement de l’Ontario et a jugé qu’elle était exacte.

[6] Le couple a décidé qu’aucun des deux ne prendrait de congé parental avant octobre 2022. Après en avoir discuté avec leurs employeurs respectifs, ils ont décidé de partager 40 semaines de congé parental. L’appelant prendrait 10 semaines de congé après que son épouse en ait pris 30.

[7] Ils ont choisi les prestations parentales standards, car ils croyaient que c’était ce qui répondait le mieux à leurs besoins.

[8] L’épouse de l’appelant a pris son congé parental comme prévu et a reçu des prestations parentales standards du 16 octobre 2022 au 6 mai 2023Note de bas de page 1. L’appelant a pris congé après son retour au travail. Son dernier jour de travail était le 19 mai 2023. Il a demandé 10 semaines de prestations parentales standards.

[9] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant n’avait pas droit aux prestations parentales parce que les prestations qu’il a demandées se situaient à l’extérieur de la période de prestations parentales.

[10] L’appelant affirme qu’il ne savait pas qu’il y avait une période de prestations parentales. Il soutient que les renseignements concernant la période de prestations parentales qui se trouvent sur le site Web de la Commission et dans le formulaire de demande prêtent à confusion et sont incomplets. Il affirme que, pour cette raison, son épouse et lui n’ont pas pu faire un choix éclairé concernant la date de leur congé et le type de prestations qu’ils ont choisi.

[11] Il croit également que la Commission aurait dû avertir son épouse que ses prestations se situeraient à l’extérieur de la période de prestations parentales lorsqu’elle a déclaré dans sa demande qu’elle partagerait avec lui 40 semaines de prestations.

[12] Il affirme qu’il aurait commencé son congé plus tôt s’il avait su qu’il devait prendre son congé dans les 52 semaines, plutôt que dans les 78 semaines suivant l’arrivée de leur enfant. Il estime que la distinction entre la loi provinciale sur l’admissibilité au congé parental et la loi fédérale établissant la période de prestations parentales devrait être explicitement portée à l’attention des prestataires lorsqu’ils demandent des prestations parentales.

[13] Il demande au Tribunal de prolonger la période d’admissibilité aux prestations parentales pour qu’il puisse recevoir les prestations demandées. Autrement, son épouse et lui veulent faire modifier leur choix de prestations parentales standards à des prestations parentales prolongées.

Question en litige

[14] L’appelant a-t-il droit aux prestations parentales demandées?

Analyse

[15] Je juge que l’appelant n’est pas admissible aux prestations parentales. En effet, les semaines qu’il demande se situent à l’extérieur de la période de prestations parentales.

En quoi consiste une période de prestations parentales?

[16] Les prestations parentales sont versées aux prestataires admissibles qui prennent soin d’un nouveau-né ou d’un enfant placé chez eux en vue de son adoptionNote de bas de page 2.

[17] Il existe deux types de prestations parentales : les prestations standards et les prestations prolongées. Les parents qui choisissent les prestations parentales standards reçoivent jusqu’à 40 semaines de prestations parentales à partagerNote de bas de page 3.

[18] La Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) établit la période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées. C’est ce qu’on appelle souvent la période de prestations parentales, bien que cette expression n’apparaisse pas dans la Loi.

[19] La période d’admissibilité aux prestations parentales commence la semaine de la naissance de votre enfant ou la semaine où il vous est confié en vue d’adoption et se termine habituellement 52 semaines plus tardNote de bas de page 4. Elle peut être supérieure à 52 semaines si :

  • vous avez choisi les prestations parentales prolongéesNote de bas de page 5;
  • votre enfant est hospitalisé pendant la période de prestations parentalesNote de bas de page 6;
  • vous êtes membre des Forces canadiennes et vous devez reporter votre congé ou vous présenter au travail pendant la période visée par la présente décisionNote de bas de page 7;
  • vous recevez plus d’un type de prestations spécialesNote de bas de page 8;
  • vous recevez certaines combinaisons de prestations régulières et spécialesNote de bas de page 9.

[20] Les 40 semaines de prestations partagées que j’ai mentionnées ci-dessus peuvent seulement être versées pendant la période de prestations parentalesNote de bas de page 10.

Quand la période de prestations parentales de l’appelant a-t-elle commencé?

[21] Je juge que la période de prestations parentales de l’appelant a commencé le 1er mai 2022, soit le dimanche de la semaine où son enfant a été placé physiquement chez lui en vue de son adoptionNote de bas de page 11.

[22] L’appelant affirme que la mère biologique de leur enfant avait 21 jours pour changer d’avis au sujet du placement de l’enfant en vue de son adoption. Il a fourni des documents confirmant celaNote de bas de page 12.

[23] Il fait valoir que même si leur enfant était physiquement sous sa garde en date du 3 mai 2022, il ne pouvait pas être placé chez lui en vue d’adoption avant l’expiration de ces 21 jours. Il soutient que sa période de prestations parentales aurait seulement commencé la semaine où le délai de 21 jours a pris fin.

[24] La loi prévoit que les prestations parentales sont payables au prestataire qui a fait placer un enfant chez lui en vue de son adoption au titre des lois régissant l’adoption dans la province où il résideNote de bas de page 13. Elle dit que la période d’admissibilité aux prestations parentales commence lorsque l’enfant est réellement placé en vue d’adoptionNote de bas de page 14.

[25] L’appelant réside en Ontario. Ainsi, pour déterminer quand la période de prestations parentales a commencé dans son cas, je dois tenir compte de ce que dit la Loi sur les services à l’enfance et à la famille de l’Ontario au sujet du moment où un enfant est considéré comme étant placé en vue de son adoption.

[26] Bien que la Loi sur les services à l’enfance et à la famille utilise l’expression « placé en vue de son adoption » à de nombreuses reprises, elle ne la définit pas.

[27] Le processus d’adoption prévu par la Loi sur les services à l’enfance et à la famille comprend un certain nombre de formalités, y compris l’expiration d’un délai de 21 jours pour que les parents biologiques retirent leur consentement à l’adoptionNote de bas de page 15. Toutefois, je ne peux pas conclure que cette formalité a une incidence sur la date à laquelle un enfant peut être considéré comme étant placé en vue de son adoption.

[28] D’après ce que j’ai lu dans la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, lorsque la Société de l’aide à l’enfance (ou sa représentante ou son représentant) établit un plan de soins pour un enfant qui comprend l’adoption éventuelle de celui-ci, le placement de l’enfant chez des parents adoptifs potentiels, qui ont été approuvés à cette fin et ont accepté d’adopter, est à toutes fins utiles un « placement en vue de l’adoption ».

[29] Je conclus que la Loi sur les services à l’enfance et à la famille considère qu’un enfant est placé pour adoption si les parents biologiques ont signé un consentement à l’adoption et que l’enfant a été placé chez des parents adoptifs qui se sont engagés à respecter le plan de soins pour cet enfant.

[30] L’entente que l’appelant a signée avec l’agence d’adoption impliquée dans l’adoption de leur fille le confirmeNote de bas de page 16. Elle s’adresse aux « parents adoptifs potentiels ». Elle semble avoir été précédée d’un accusé de réception de placement en adoption. Dans sa première phrase, elle indique que l’enfant a été confié à l’appelant et à son épouse en attendant une ordonnance d’adoption. Elle confirme que la mère biologique a signé un consentement à l’adoption.

[31] L’appelant fait valoir que comme son statut de parent adoptif est demeuré précaire jusqu’à l’expiration du délai de 21 jours accordé à la mère biologique pour retirer son consentement, ce n’est qu’après ce délai de 21 jours que le placement est devenu permanent. Pour cette raison, il affirme que son enfant a été placé chez lui en vue de son adoption, comme l’exige la Loi sur l’assurance-emploi, le 25 mai 2022.

[32] Je n’accepte pas que la précarité du statut de parent adoptif de l’appelant puisse être comprise comme un report du moment où son enfant a été placé « en vue de son adoption ». En effet, son statut est demeuré précaire même après l’expiration du délai de 21 jours.

[33] Un certain nombre de situations énoncées dans la Loi sur les services à l’enfance et à la famille pourraient empêcher qu’une adoption ait lieu même après l’expiration du délai de 21 joursNote de bas de page 17. La situation d’un parent adoptif potentiel cesse véritablement d’être précaire seulement lorsqu’une ordonnance d’adoption est rendueNote de bas de page 18. Je ne peux donc pas accepter que la fin du délai de 21 jours soit le moment où le placement devient « en vue d’adoption ».

[34] Je crois que l’interprétation correcte de la loi est que la période d’admissibilité aux prestations parentales commence lorsque l’enfant est placé physiquement sous la garde d’un prestataire qui s’est engagé à l’adopter. Cette interprétation est conforme au texte, au contexte et à l’objet du paragraphe de la loi prévoyant le début de la période de prestations parentales.

[35] Ce paragraphe précise que la période d’admissibilité aux prestations parentales commence la semaine où l’enfant est « effectivement confié au prestataire en vue de son adoption »Note de bas de page 19.

[36] La définition de « effectivement » est d’une manière effective; réellementNote de bas de page 20.

[37] Je comprends que les mots « effectivement placé » visent à souligner ce qui s’est réellement passé dans les gestes et les faits (le placement physique) par opposition à ce qui peut se produire en théorie (que l’objet du placement, l’adoption, n’est plus précaire). Ainsi, le sens ordinaire de ce paragraphe est que le versement des prestations commence la semaine où l’enfant est placé physiquement chez le prestataire.

[38] Cette interprétation serait également conforme au contexte et à l’objet du paragraphe, qui se trouve dans un article de loi intitulé « prestations parentales »Note de bas de page 21.

[39] Comme je l’ai mentionné plus haut, les prestations parentales visent à fournir une aide financière aux prestataires qui sont sans emploi parce qu’ils s’occupent d’un nouveau-né ou d’un enfant placé chez eux en vue de son adoption.

[40] En cas d’adoption, l’obligation de prendre soin de l’enfant commence dès que l’enfant est placé physiquement chez le prestataire. Cela expliquerait pourquoi le législateur aurait choisi que la période commence dès que l’enfant est sous la garde physique du prestataire.

[41] Si la période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées ne commençait qu’après l’expiration du délai accordé aux parents biologiques pour retirer leur consentement, ou une fois qu’une ordonnance d’adoption a été rendue (ce qui est le moment où le statut de parent adoptif d’un prestataire n’est vraiment plus précaire), le prestataire pourrait être privé d’une aide financière durant des semaines ou des mois pendant qu’il est en congé pour s’occuper de l’enfant qui lui a été confié. Ce ne peut pas être l’intention du législateur.

[42] De plus, comme l’appelant le souligne lui-même, prendre le temps de développer un lien intime avec l’enfant est une composante essentielle de toute adoption. Retarder le début de la période de prestations parentales rendrait financièrement difficile, voire impossible, pour certains parents de prendre un congé pour commencer à établir des liens avec leur enfant. Encore une fois, ce ne peut pas être l’intention du législateur.

[43] Je suis d’avis que si le législateur avait eu l’intention de retarder le début de la période de prestations parentales jusqu’à la semaine où les parents biologiques ne peuvent plus retirer leur consentement à l’adoption ou jusqu’à la semaine où l’ordonnance d’adoption est rendue, il l’aurait dit clairement. Je ne vois pas comment les termes « effectivement placé... en vue de son adoption » peuvent être interprétés comme signifiant cela.

[44] Je conclus donc que la seule interprétation qui concorde avec le sens ordinaire du texte du paragraphe pertinent, son contexte et son objet est que la période de prestations parentales commence dès que l’enfant est placé physiquement chez le prestataire. Cela est bien sûr à condition que soit mis en place un processus d’adoption sanctionné par la loi provinciale, comme c’était le cas dans la présente affaire.

Quand la période de prestations parentales de l’appelant a-t-elle pris fin?

[45] Je conclus que la période de prestations parentales de l’appelant a pris fin le 6 mai 2023. Cela est 52 semaines après la semaine où la garde de sa fille lui a été confiée.

[46] Selon son témoignage, aucune des conditions prévues par la loi qui permettraient la prolongation de la période de prestations parentales ne s’applique dans son cas.

[47] L’appelant fait valoir qu’étant donné qu’il existe des circonstances dans lesquelles la période de prestations parentales peut être prolongée et que ces circonstances existent pour offrir de la souplesse, je devrais moi-même faire preuve de souplesse et prolonger la période dans son cas.

[48] Même si j’ai de la sympathie pour la situation de l’appelant, je ne suis pas en mesure de le faire. Je dois appliquer la loi telle qu’elle est écriteNote de bas de page 22. Je ne peux pas ajouter quelque chose à la loi qui n’existe pas. Le législateur a prévu un certain nombre d’exceptions permettant de prolonger la période de prestations parentales. Ce sont les seules exceptions où ce serait possible.

Est-il possible de modifier la période de prestations parentales d’une autre façon?

[49] Je conclus qu’il n’y a aucun fondement juridique sur lequel je peux m’appuyer pour ajuster la période de prestations parentales.

[50] L’appelant fait valoir que même s’il demande des prestations en dehors de la période de prestations parentales, cette période devrait être ajustée dans son cas pour les raisons suivantes :

  • il a été induit en erreur par la loi provinciale concernant l’admissibilité au congé parental et par ce que l’agence d’adoption lui a dit;
  • la Commission n’a pas fourni de renseignements clairs sur son site Web ou dans le formulaire de demande qui auraient permis à son épouse et lui de comprendre qu’il y a une période de prestations parentales;
  • la Commission n’a pas fourni de renseignements qui lui permettraient de faire la distinction entre la loi provinciale établissant le droit au congé parental et la période de prestations parentales;
  • la Commission n’a pas avisé son épouse que ses prestations se situeraient à l’extérieur de la période de prestations parentales lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations et déclaré qu’elle partagerait 40 semaines de prestations.

[51] L’appelant soutient que son épouse et lui n’ont pas pu faire un choix éclairé lors de la planification de leurs congés respectifs, parce que l’existence de la période de prestations parentales ne leur a pas été communiquée adéquatement. Par conséquent, l’appelant estime qu’il devrait recevoir les prestations qui se situent à l’extérieur de la période de prestations parentales, mais auxquelles il aurait autrement droit.

[52] Autrement, il fait valoir que sa femme et lui devraient pouvoir modifier leur choix de prestations standards pour passer à des prestations prolongées.

[53] De plus, il me demande de tenir compte des éléments suivants :

  • son épouse et lui n’ont eu pratiquement aucun temps pour planifier l’arrivée de leur fille
  • ils étaient débordés et n’étaient pas en mesure de lire les petits caractères des diverses sources qu’ils ont consultées pour savoir quand ils pouvaient prendre leurs congés;
  • leur décision de retarder leur congé a été influencée, en grande partie, par leurs responsabilités professionnelles et leur engagement envers leurs employeurs et leurs collègues, et non par leurs propres intérêts;
  • la Commission n’est pas tenue responsable de ses erreursNote de bas de page 23, ce qui donne lieu à une inégalité de traitement injuste;
  • son épouse et lui n’essayaient pas de manipuler le système en retardant leurs congés parentaux.

[54] L’appelant et son épouse ont tous deux témoigné à l’audience. Ce sont des personnes extrêmement brillantes, réfléchies et très crédibles.

[55] Je les crois quand ils disent qu’ils ont été pris par surprise et complètement dépassés pendant les semaines et les mois qui ont suivi l’arrivée de leur fille à leur porte.

[56] Je n’ai aucun doute qu’ils se sont fiés à l’agence d’adoption avec laquelle ils faisaient affaire et aux ressources humaines de leurs employeurs respectifs, comme experts en la matière, pour savoir quand ils pouvaient prendre leurs congés parentaux. Et je ne doute pas qu’on leur ait dit que la seule limitation était que leur congé parental devait commencer dans les 78 semaines suivant le placement de leur fille.

[57] Je suis certaine que l’appelant et son épouse ont fait de leur mieux, dans les circonstances où ils se trouvaient, pour vérifier eux-mêmes les renseignements qu’ils avaient reçus d’autres personnes afin de s’assurer qu’ils prenaient la bonne décision quant au moment de prendre leurs congés.

[58] Je suis également certaine qu’après avoir fait cela, ils croyaient sincèrement que l’épouse de l’appelant pouvait retarder son congé de 30 semaines jusqu’en octobre 2022 et que l’appelant pouvait prendre 10 semaines de congé après le retour au travail de son épouse.

[59] Je les crois lorsqu’ils disent qu’en retardant leur congé, ils faisaient passer les besoins des autres avant les leurs.

[60] La Commission souligne que contrairement à ce qu’affirme l’appelant, la demande de prestations et le site Web du gouvernement de l’Ontario font bel et bien référence à la période de prestations parentales. De plus, le site Web mentionne qu’il y a des différences entre le moment où une employée ou un employé a le droit de prendre congé au titre d’une loi provinciale et le moment où elle ou il peut recevoir des prestations parentales. Le site Web encourage également les prestataires à communiquer avec la Commission pour obtenir de plus amples renseignements.

[61] Cependant, je peux parfaitement comprendre pourquoi l’appelant et son épouse ont manqué cette information et ne comprenaient pas qu’aucune prestation n’est payable plus de 52 semaines après la semaine de la naissance ou du placement de l’enfant en vue de son adoption. Et je peux comprendre pourquoi, même après avoir vérifié le site Web du gouvernement de l’Ontario et celui de la Commission, et après avoir rempli leurs demandes de prestations, ils ont continué à penser que ce qu’on leur avait dit sur le début de leurs congés dans les 78 semaines était correct et qu’ils n’avaient pas besoin de s’informer davantage.

[62] Pourtant, tout cela dit, l’appelant peut seulement recevoir des prestations d’assurance-emploi s’il peut prouver qu’il y a droit. Et comme je l’ai expliqué plus haut, il n’a pas droit aux prestations qui se situent à l’extérieur de la période de prestations parentales.

[63] Aussi injuste que cela puisse paraître, surtout que la loi régissant les prestations parentales prête à confusion, on s’attend à ce que les prestataires connaissent la loiNote de bas de page 24. S’ils ont agi sans avoir toute l’information nécessaire, aucun recours ne s’offre à eux.

[64] En ce qui a trait au fait que la Commission n’a pas avisé l’épouse de l’appelant que ses prestations se situeraient à l’extérieur de la période de prestations parentales, la Commission n’est pas obligée de prendre l’initiative de fournir des renseignements aux prestatairesNote de bas de page 25. Il incombe à ceux-ci de communiquer avec la Commission pour s’assurer qu’ils comprennent leurs droits et font des choix appropriés.

[65] De plus, on ne peut pas s’attendre à ce que la Commission comprenne les intentions d’un couple à partir des renseignements contenus dans la demande de l’un des prestataires.

[66] Quoi qu’il en soit, la jurisprudence prévoit que la Commission ne peut pas être tenue responsable de fournir des renseignements inexacts aux prestataires, et encore moins de ne pas leur fournir de façon proactive des renseignements qu’ils n’ont pas cherché à obtenir eux-mêmesNote de bas de page 26.

Le Tribunal peut-il examiner la demande de l’appelant de modifier son choix?

[67] L’appelant affirme que maintenant qu’il comprend ce qu’est la période de prestations parentales, il aimerait faire passer son choix des prestations standards aux prestations prolongées. Il souhaite le faire pour que la période de prestations parentales puisse être prolongée, ce qui lui permettrait de recevoir des prestations.

[68] La Commission affirme que je ne peux pas trancher cette question parce qu’elle n’est pas visée par sa décision de révision. Je ne suis pas d’accord.

[69] La décision de révision dont il est fait appel traite de l’admissibilité de l’appelant aux prestations parentales dans la période de prestations parentales.

[70] Je suis d’avis que le type de prestations choisi est lié à la question de l’admissibilité de l’appelant aux prestations et à la durée de la période de prestations parentales. De plus, l’appelant a soulevé la possibilité de modifier son choix pour obtenir des prestations prolongées dans sa demande de révisionNote de bas de page 27.

[71] Par conséquent, je considère que j’ai le pouvoir d’examiner si l’appelant peut modifier son choix de prestations standards en prestations prolongées.

L’appelant peut-il modifier son choix pour recevoir des prestations prolongées?

[72] Je conclus que l’appelant ne peut pas modifier son choix et passer des prestations standards aux prestations prolongées.

[73] La loi prévoit qu’une fois que l’on fait un choix entre les prestations parentales standards et les prestations prolongées, ce choix devient irrévocable (c’est-à-dire qu’il ne peut pas être modifié)Note de bas de page 28.

[74] Auparavant, il y avait une certaine controverse sur ce que signifiait choisir un type de prestations. Certaines décisions du Tribunal laissent entendre que si une personne ne dispose pas de l’information nécessaire pour faire un choix éclairé, son choix pourrait être jugé invalide et pourrait donc être modifié. L’appelant a présenté deux de ces décisions à l’appui de son appelNote de bas de page 29.

[75] Cependant, comme je l’ai expliqué à l’appelant lors de l’audience, la Cour d’appel fédérale a rendu un certain nombre de décisions qui règlent cette controverse. Il est clair que, peu importe les circonstances, une fois qu’un prestataire a fait un choix dans son formulaire de demande et qu’il commence à recevoir des prestations, il ne peut plus modifier son choixNote de bas de page 30.

[76] De plus, les deux parents doivent choisir le même type de prestations parentales. Le choix que fait le premier parent lie l’autre parentNote de bas de page 31.

[77] L’appelant a présenté sa demande en son propre nom et au nom de son épouse.

[78] Cependant, même si la loi n’a pas rendu le choix irrévocable, je suis seulement saisie de l’appel de l’appelant. Je n’ai pas le pouvoir de faire quelque chose qui concerne un autre prestataire qui n’est pas partie à l’appel.

[79] Quoi qu’il en soit, d’un point de vue pratique, si l’appelant et son épouse modifiaient leur choix pour choisir les prestations parentales prolongées, je ne suis pas certaine qu’ils s’en porteraient mieux financièrement. En effet, les prestations parentales prolongées sont versées à un taux inférieurNote de bas de page 32. Je soupçonne que le montant total qu’ils recevraient serait inférieur, et non supérieur, à ce que l’épouse de l’appelant a déjà reçu.

La Commission voudra peut-être examiner la façon dont elle peut améliorer l’information sur son site Web et dans son formulaire de demande

[80] Avoir un enfant, ou en adopter un, est une période occupée et épuisante pour tout nouveau parent.

[81] Le droit aux prestations parentales est une partie compliquée de la loi. De plus, il y a des incohérences entre la période pendant laquelle un prestataire a droit à des prestations et son droit au congé parental au titre de la législation sur les normes du travail.

[82] Souvent, les personnes sur qui les prestataires s’appuient pour obtenir des conseils sur ces questions, comme le personnel des ressources humaines de leur employeur ou les agences d’adoption, ne disposent pas toujours de renseignements complets ou exacts sur les droits et obligations des prestataires en ce qui concerne les prestations parentales, et ils donnent de mauvais conseils.

[83] J’ai vu un certain nombre de cas où les agentes et agents de la Commission ont fourni des renseignements erronés aux prestataires au sujet de leur admissibilité aux prestations parentales.

[84] Il n’est donc pas surprenant que des erreurs soient commises lorsque des parents occupés, dépassés et épuisés tentent de comprendre leur admissibilité aux prestations parentales.

[85] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelant et son épouse sont manifestement des personnes intelligentes et très instruites. Ils occupent des postes avec des responsabilités importantes. Ils ont pris la planification de leur congé très au sérieux. Et pourtant, ils n’ont pas compris l’information qui leur était offerte et n’ont pas saisi certaines des nuances qu’elle contenait.

[86] L’appelant et son épouse sont loin d’être seuls. Le Tribunal reçoit un grand nombre d’appels de prestataires qui disent ne pas avoir compris qu’il y avait une période de prestations parentales, ne pas avoir bien compris la distinction entre les prestations parentales standards et prolongées et ne pas s’être rendu compte qu’une fois qu’ils ont fait leur choix, celui-ci devient irrévocable.

[87] Au fil du temps, la Commission a apporté des améliorations à l’information sur son site Web et à son formulaire de demande de prestations. Cependant, il est clair que des améliorations sont encore possibles.

[88] L’appelant a fait quelques suggestions sur la façon dont la Commission pourrait rendre l’information plus claire pour les prestataires et réduire le nombre d’erreurs. En voici quelques-unes :

  • expliquer ce qu’est la période de prestations parentales dans une section distincte du site Web;
  • créer un titre distinct pour la période de prestations parentales dans le formulaire de demande;
  • faire en sorte que les dates de la période de prestations parentales se génèrent automatiquement dans le formulaire de demande en fonction des autres choix du prestataire (date de naissance ou de placement de l’enfant, premier jour de congé, nombre de semaines, date de retour);
  • indiquer sur le formulaire de demande et sur le site Web que la période de prestations parentales diffère de la période pendant laquelle un prestataire a le droit de prendre congé au titre de la législation sur les normes du travail;
  • ajouter une case à cocher pour demander aux prestataires de confirmer qu’ils comprennent ce qu’est la période de prestations parentales et exiger qu’ils communiquent avec la Commission s’ils ne comprennent pas.

[89] La Commission voudra peut-être tenir compte de ces suggestions, qui profiteraient probablement aux futurs prestataires.

Conclusion

[90] L’appelant n’a pas droit aux prestations parentales. En effet, les semaines qu’il demande se situent à l’extérieur de la période de prestations parentales.

[91] L’appel est donc rejeté.

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