Assurance-emploi (AE)

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Citation : MT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 386

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (621262) datée du 24 octobre 2023 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 31 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-3264

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté, avec modification.

[2] Je conclus que la rémunération reçue par l’appelant doit être répartie à compter de la semaine de la cessation de son emploi.

Aperçu

[3] L’appelant occupait un emploi au X et il a été congédié le 3 mai 2019. Il a présenté une demande de prestations le 4 mai 2019.

[4] Le 24 octobre 2023, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rendu une décision indiquant qu’un montant de 19 330,38 $ avait été réparti sur sa période de prestations débutant le 5 mai 2019.

[5] L’appelant ne conteste pas avoir reçu un montant à titre de paie de vacances et d’indemnité de départ. Cependant, il fait valoir qu’il ne peut confirmer le montant exact qu’il a reçu et que l’indemnité de départ ne lui aurait pas été versée le 13 juin 2019 comme le mentionne l’employeur, il soutient l’avoir reçu un mois peut-être deux plus tard.

[6] L’appelant affirme également que la Commission ne lui a pas fourni des informations claires et exactes. Pour ces raisons, il demande que ce montant ne soit pas réparti sur sa période de prestations.

[7] Je dois déterminer si le montant de 19 330,38 $ a correctement été réparti sur la période de prestations de l’appelant.

Questions en litige

[8] Le montant de 19 330,38 $ a-t-il correctement été réparti ?

[9] Étant donné que la Commission a réexaminé une période de prestations, je vais également répondre à cette question :

[10] La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la période de prestations de l’appelant débutant le 5 mai 2019 ?

Analyse

[11] Le revenu intégral provenant de l’emploi du prestataire doit être pris en considération lors du calcul du montant à déduire de ses prestations.Note de bas de page 1

[12] La paie de vacances et l’indemnité de départ constituent une rémunération au sens du paragraphe 35(2) du Règlement. L’appelant est d’accord que ces sommes constituent une rémunération, mais il conteste qu’elles aient été réparties sur sa période de prestations.

[13] Les sommes versées par un employeur en raison d’une cessation d’emploi doivent être réparties sur la période de prestations du prestataire.Note de bas de page 2

[14] Le paragraphe 36(9) du Règlement dit ce qui suit :

Sous réserve des paragraphes (10) à (11), toute rémunération payée ou à payer au prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou à payer, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi, de sorte que la rémunération totale tirée par lui de cet emploi dans chaque semaine consécutive, sauf la dernière, soit égale à sa rémunération hebdomadaire normale provenant de cet emploi.Note de bas de page 3

[15] L’appelant a déclaré qu’il a été congédié le 3 mai 2019. Après avoir cessé d’occuper son emploi, il a reçu sa paie de vacances ainsi qu’une indemnité de départ. Cependant, il fait valoir qu’au moment où il a présenté sa demande de prestations, il ne pouvait pas savoir qu’il recevrait une indemnité de départ ni quel en serait le montant.

[16] La Commission affirme que ce n’est pas la date, mais la raison du versement de l’indemnité qui détermine le moment où elle doit être répartie. Elle soutient que dans le cas de l’appelant, cette somme a été versée en raison de sa cessation d’emploi et qu’elle a justement réparti cette somme sur la période de prestations du 5 mai 2019 au 20 juillet 2019.

[17] Le relevé d’emploi émis par l’employeur le 7 mai 2019 indique qu’un montant de 91,58 $ est versé à l’appelant à titre de paie de vacances en raison de la cessation de son emploi. Ce montant apparaît également sur le relevé d’emploi émis le 19 juillet 2019.

[18] Un formulaire rempli par l’employeur et transmis à la Commission le 5 août 2019 démontre qu’une somme de 91,58 $ a été versée à l’appelant à titre de paie de vacances le 16 mai 2019 et que deux sommes, 16 849,80 $ et 2 389 $, lui ont été versées à titre d’indemnité de départ le 13 juin 2019. L’addition de ces trois montants fait la somme de : 19 330,38 $.

[19] Le paragraphe 36(9) du Règlement (https://www.canlii.org/fr/ca/legis/regl/dors-96-332/derniere/dors-96-332.html) précise que l’on doit faire abstraction de la période à laquelle la somme a été payée et que la répartition de cette somme doit se faire sur la semaine de la période de prestation qui correspond à la dernière semaine travaillée.

[20] L’appelant a cessé d’occuper définitivement son emploi le vendredi 3 mai 2019 et cette semaine-là débutait le dimanche 28 avril 2019.

[21] Ainsi, je suis d’avis que le montant total de 19 330,38 $ doit être réparti sur un nombre de semaines qui commence par la semaine de la cessation d’emploi définitive, c’est-à-dire le 28 avril 2019.

[22] Cette répartition est effectuée ainsi de sorte que la rémunération totale que l’appelant a reçue de cet emploi pour chaque semaine consécutive, sauf la dernière, soit égale à sa rémunération hebdomadaire normale provenant de cet emploi.Note de bas de page 4

[23] Même si je comprends qu’au moment de présenter sa demande de prestations le 4 mai 2019, l’appelant ne pouvait pas savoir qu’une indemnité de départ lui serait versée, il devait déclarer ce montant sur sa déclaration du prestataire au moment où il l’a reçu. L’appelant n’a déclaré aucun montant reçu à titre d’indemnité de départ.

[24] Quoi qu’il en soit, je précise qu’en présence de déclarations fausses ou inexactes, la Commission n’a pas imposé une pénalité et le trop-payé réclamé à l’appelant constitue uniquement les prestations qu’il a reçues en trop parce qu’il a omis de déclarer cette rémunération.

[25] Ainsi, la totalité de ce montant doit être répartie sur sa période de prestations et le moment où l’indemnité de départ lui a été versée n’a que peu d’incidence sur le résultat final puisqu’un montant versé en raison d’une cessation d’emploi définitive est considéré être versé à compter de la semaine de la cessation d’emploi.

[26] L’appelant fait valoir que la Commission ne lui a pas fourni des informations claires et exactes et qu’il n’a compris ses prétentions que lorsqu’il a reçu les documents du dossier transmis par le Tribunal. Il a alors su que l’employeur avait fourni un formulaire précisant des renseignements à la Commission.

[27] Ainsi, même s’il admet qu’il a reçu une paie de vacances ainsi qu’une indemnité de départ, l’appelant soutient que le montant ne devrait pas du tout être réparti sur sa période de prestations puisqu’il ne peut fournir la date exacte et le montant exact de l’indemnité de départ qu’il a reçu.

[28] Quant à la paie de vacances, il soutient qu’il a plutôt reçu un montant de 57,48 $ et non un montant de 91,58 $ comme l’employeur l’a déclaré.

[29] Je prends en considérant l’ensemble des arguments que fait valoir l’appelant et je précise que je rends cette décision en fonction de la balance des probabilités. En ce sens, j’estime qu’étant donné les faits présentés, il est plus probable qu’improbable que l’appelant ait reçu un montant à titre de paie de vacances et à titre d’indemnité de départ. D’ailleurs, l’appelant ne conteste pas avoir reçu cette rémunération.

[30] Ainsi, la rémunération est payée à l’appelant et il a accepté et reçu une paie de vacances ainsi qu’une indemnité de départ.

[31] Concernant l’exactitude des montants, selon la balance des probabilités, le montant reçu à titre de paie de vacances correspond à un revenu net selon l’appelant et à un revenu brut selon l’employeur. L’employeur a déclaré un montant de 91,58 $ sur le relevé d’emploi et aussi sur un formulaire qu’il a rempli et qu’il a transmis à la Commission. D’ailleurs, la Commission a fourni cette information à l’appelant le 4 juillet 2022. Je retiens une rémunération brute de 91,58 $ comme étant reçue à titre de paie de vacances.

[32] Concernant le montant de l’indemnité de départ, l’employeur a déclaré sur le formulaire qu’il a versé un total de 19 330,38 $ à l’appelant le 13 juin 2019. Cette somme est composée du montant de 91,58 $ reçu à titre de paie de vacances ainsi qu’un d’un montant de 19 238,80 $ versé à titre d’indemnité de départ. L’employeur détaille deux montants distincts, c’est-à-dire 16 849,80 pour l’indemnité de départ ainsi qu’un montant de 2389 $ pour l’assurance de l’indemnité de départ et cette somme totalise 19 238,80 $. Après avoir soupesé la preuve qui m’est présentée, c’est ce montant que je retiens comme rémunération à titre d’indemnité de départ.

[33] Bien que l’appelant soutienne qu’il y a une confusion puisque l’employeur a indiqué trois montants différents sur le formulaire et qu’il n’a pas reçu ces montants aux dates inscrites sur le formulaire, c’est-à-dire le 16 mai 2019 et le 13 mai 2019, l’appelant demeure lui-même évasif sur la date réelle à laquelle il aurait reçu ces montants. D’ailleurs, il fait valoir que les montants sont inexacts.

[34] Après avoir soupesé l’ensemble de la preuve qui m’est présentée, je retiens les montants fournis par l’employeur à la Commission. Cette information m’apparaît plausible et exacte. Le montant indiqué sur les relevés d’emploi à titre de paie de vacances est constant et il apparaît également sur le formulaire transmis ultérieurement.

[35] Étant donné que l’appelant admet avoir reçu une indemnité de départ, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que les montants indiqués par l’employeur sont exacts. D’ailleurs, une responsable chez l’employeur a été contactée par la Commission et celle-ci a confirmé le 12 mars 2020 que les informations transmises sur le formulaire étaient exactes.

[36] Ainsi, bien que l’appelant ait présenté une argumentation écrite, il y indique qu’il n’a pas reçu d’indemnité de départ entre le 28 avril 2019 et le 4 mai 2019. Il indique également avoir reçu une rémunération le 16 mai 2019, mais que ce montant ne correspond pas à ceux indiqués par l’employeur et/ou la Commission.Note de bas de page 5 Il indique également ne pas avoir reçu une rémunération à titre d’indemnité de départ le 16 mai 2019.

[37] Lors de l’audience, il a admis avoir reçu un montant, mais il demeure évasif sur la date et les montants exacts qu’il aurait reçus autant devant la Commission que devant le Tribunal. L’appelant dit qu’il ne s’en souvient pas.

[38] Or, l’appelant a la responsabilité de déclarer ces montants. Bien qu’il soutienne que la Commission est confuse étant donné des erreurs qui se sont glissées à différentes reprises, l’appelant de son côté fournit des réponses évasives disant ne pas se souvenir du tout quel est le montant exact et à quel moment ce montant lui aurait été versé. Or, l’appelant a pourtant fourni un relevé bancaire du mois de mai 2019 prouvant qu’il n’a pas reçu d’indemnité de départ pendant cette période. Étonnamment, il n’a présenté aucun relevé bancaire pour les mois de juin 2019, juillet 2019 ou août 2019 pour établir le moment du versement de l’indemnité de départ.

[39] Puisqu’un montant lui a été versé à titre d’indemnité de départ tout comme à titre de paie de vacances, il est plus probable qu’improbable que les montants déclarés par l’employeur soient exacts et je retiens la version des faits de la Commission.

[40] Comme mentionné, même si ce montant lui avait été versé plus tard, ce montant doit quand même être réparti à compter de la semaine de la cessation de son emploi.

[41] Je conclus que le montant total de 19 330,38 $ versé à l’appelant à titre de paie de vacances et d’indemnité de départ doit être réparti sur sa période de prestations à compter de la semaine de la cessation de son emploi, c’est-à-dire le 28 avril 2019.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la période de prestations de l’appelant ?

[42] Je comprends la déception de l’appelant puisque la répartition de ce montant a engendré un trop-payé de prestations qu’il doit rembourser. Je note cependant que la Commission n’a pas imposé une pénalité au dossier. Elle n’a pas considéré que l’appelant avait sciemment omis de déclarer la paie de vacances et l’indemnité de départ qu’il a reçu de son employeur.

[43] La Commission a aussi rendu une décision favorable concernant une période de prestations antérieure établie en 2016. Le dossier de la Commission démontre que l’appelant avait omis de déclarer sa rémunération tout en recevant des prestations pendant cette période. Cependant, la Commission n’a pas réparti la rémunération qui n’avait pas été déclarée sur cette période de prestations étant donné le délai qu’elle disposait pour réexaminer cette période.

[44] Par contre, la Commission a réexaminé la période de prestations de l’appelant débutant le 5 mai 2019.

[45] En ce sens, la Commission dispose d’un délai de 36 mois à partir du moment où les prestations ont été payées pour réexaminer toute demande de prestations. Si la Commission estime qu’une fausse déclaration a été faite, ce délai peut être prolongé à 72 mois.Note de bas de page 6

[46] La Commission n’a pas à démontrer que l’appelant a « sciemment » fait de fausses déclarations pour réexaminer une demande de prestations selon le délai de 72 mois. Mais, elle doit le faire lorsqu’elle impose une pénalité.Note de bas de page 7

[47] Dans le cas de l’appelant, la Commission n’a pas imposé une pénalité. Cependant, elle était en présence d’une déclaration fausse ou trompeuse puisque la rémunération de 19 330,38 $ n’avait pas été déclarée.

[48] La Commission peut, à tout moment au cours d’une période déterminée, réexaminer sa décision et, si elle décide qu’une personne a reçu une somme pour laquelle elle n’était pas qualifiée, elle doit calculer le montant dû ou payable et en informer le prestataire.Note de bas de page 8

[49] Afin de déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de réexamen de façon judiciaire, je dois établir si elle a exercé correctement ce pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire que je dois justement déterminer si elle a considéré tous les éléments pertinents lorsqu’elle a décidé d’exercer son pouvoir de réexamen et/ou si elle a agi de façon abusive ou arbitraire.

[50] En ce sens, lorsqu’elle a rendu sa décision, la Commission a considéré tous les éléments pertinents à la situation de l’appelant. Elle s’est abstenue d’émettre un trop-payé de prestations pour une période antérieure et elle n’a émis aucune pénalité au dossier de l’appelant pour la période de prestations débutant le 5 mai 2019.

[51] Elle a également considéré que le relevé bancaire présenté par l’appelant pour le mois de mai 2019 n’indiquait pas qu’une somme de 19 238,80 $ lui avait été versée et elle a considéré que l’appelant avait besoin de plus de temps pour présenter d’autres preuves. À ce jour, même devant le Tribunal, l’appelant soutient qu’il ne connaît pas la date à laquelle lui a été versé le montant, il admet qu’une indemnité de départ lui a été versée, mais il ne peut confirmer que ce montant est exact. Il ne fait que contester les dates et les montants retenus par la Commission.

[52] Ainsi, j’ajouterais que même si aucune pénalité n’a été imposée, l’appelant a des responsabilités : il doit déclarer la rémunération qu’il reçoit sur ses déclarations du prestataire. En omettant de déclarer la rémunération qu’il a reçue à titre d’indemnité de départ, l’appelant s’assurait de continuer à recevoir des prestations pendant une certaine période.

[53] Même si je comprends qu’au 4 mai 2019, l’appelant ne connaissait pas le montant qu’il recevrait à titre d’indemnité de départ et qu’il n’était même pas certain d’en recevoir une, lorsqu’il l’a reçue il ne l’a pas déclarée sur sa déclaration du prestataire. Le trop-payé de prestations est généré précisément pour cette raison. Jusqu’à ce jour l’appelant n’a fait aucune déclaration de ce montant et il soutient qu’il ne se souvient ni du montant ni de la date du dépôt. À l’appui de ses affirmations, l’appelant souhaite que la totalité de ce montant ne soit pas du tout réparti sur sa période de prestations.

[54] Même si je comprends que le montant à rembourser est important pour lui, l’appelant n’aurait pas reçu ces prestations s’il avait déclaré sa rémunération dans sa déclaration du prestataire comme il devait le faire.

[55] Ainsi, la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé le dossier de l’appelant parce qu’elle a considéré tous les éléments pertinents tout en s’assurant de laisser de côté ceux qui ne l’étaient pas. Elle a même décidé de ne pas réexaminer une période de prestations antérieure alors qu’elle était en présence de déclarations inexactes et elle a aussi choisi de ne pas imposer une pénalité dans ce dossier.

[56] La Commission était justifiée de réexaminer la période de prestations de l’appelant.

Conclusion

[57] L’appel est rejeté, avec modification.

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