Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 95

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : T. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 août 2023
(GE-23-1670)

Membre du Tribunal : Jude Samson
Date de la décision : Le 29 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-878

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette la demande de permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] T. K. est la prestataire dans la présente affaire. Son cas est complexe et a donné lieu à des arguments valables de confusion et de frustration. En fin de compte, cependant, je dois respecter les limites juridiques imposées au rôle et aux pouvoirs de la division d’appel.

[3] Le Tribunal examine les décisions rendues par la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Dans la présente affaire, la Commission a décidé que la prestataire avait reçu un trop-payé de prestations de 2 000 $. Cette décision sert de limite quant aux questions que le Tribunal peut examinerNote de bas de page 1.

[4] La prestataire a porté la décision de révision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a tenu une audience le 22 août 2023 et a rejeté l’appel de la prestataire deux jours plus tard.

[5] La prestataire veut maintenant faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal, mais elle doit obtenir la permission pour que le dossier puisse aller de l’avant.

[6] Je suis sensible à la situation de la prestataire. Cependant, j’ai conclu que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je n’ai donc d’autre choix que de refuser la permission de faire appel.

Questions en litige

[7] La présente décision porte sur les questions suivantes :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas offert à la prestataire une procédure équitable?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou qu’elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait reçu un trop-payé de prestations de 2 000 $?
  3. c) Y a-t-il d’autres raisons de donner à la prestataire la permission de faire appel?

Analyse

[8] Le critère juridique que la prestataire doit respecter pour obtenir la permission de faire appel est peu exigeant : existe-t-il un motif défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 2? Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, je dois refuser la permission de faire appelNote de bas de page 3.

[9] Pour trancher cette question, je me suis concentré sur la question de savoir si la division générale pouvait avoir commis l’une des erreurs prévues par la loiNote de bas de page 4.

Il n’est pas possible de soutenir que la procédure de la division générale était injuste envers la prestataire

[10] De façon générale, l’obligation d’équité comprend le droit de la prestataire de présenter pleinement sa cause et de faire trancher la question par un décideur équitable et impartial.

[11] La prestataire a fait appel à la division générale à deux reprises en même temps. Les deux dossiers ont été assignés au même membre. Celui-ci a tenu une audience dans le cadre des deux appels.

[12] Il y a eu beaucoup de frustration lors de l’audience. La prestataire a compris que le membre de la division générale pourrait composer avec toutes ses préoccupations. Toutefois, pendant l’audience, le membre a dit que certaines des préoccupations de la prestataire dépassaient la portée de sa compétence (ou de ses pouvoirs).

[13] À titre d’exemple, la prestataire a allégué que l’avis de dette de 2 000 $ de la Commission dans ce dossier était une mesure de représailles pour ce qui s’était passé dans son autre dossier. Elle a aussi fait valoir que la Commission avait commis une erreur sur l’un de ses feuillets d’impôt (appelé T4E) et que la division générale devrait ordonner qu’il soit corrigé.

[14] Après environ une heure, le membre de la division générale a mis fin à l’audience un peu brusquement, tandis que la prestataire continuait à affirmer que l’on ne répondait pas à ses préoccupations.

[15] Bien que je comprenne la frustration de la prestataire et que je partage certaines de ses préoccupations au sujet du déroulement de l’audience, elle n’a pas soulevé de cause défendable selon laquelle le membre de la division générale avait un parti pris ou selon laquelle elle n’avait pas eu l’occasion de présenter toute sa preuve.

[16] Les allégations de partialité sont graves et les membres du Tribunal font l’objet d’une présomption d’impartialitéNote de bas de page 5. Par conséquent, le critère juridique pour prouver le parti pris est exigeant. La prestataire a besoin d’éléments de preuve pour prouver la partialité. Ses soupçons ne suffisent pasNote de bas de page 6.

[17] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale, mais les allégations de la prestataire ne satisfont pas au critère exigeant qui sert à prouver la partialité. Une personne renseignée qui étudierait l’affaire de façon réaliste et pratique ne conclurait pas que le membre de la division générale a tranché l’affaire injustement en fonction de la façon dont il a mené l’audience.

[18] Le membre de la division générale a gardé son calme face à la frustration grandissante de la prestataire. Il a tenté de prendre le contrôle de l’audience et d’expliquer les limites des pouvoirs du Tribunal. Toutefois, la prestataire a continué de presser le membre de la division générale de faire davantage pour répondre à ses diverses préoccupations.

[19] Après l’audience, le membre de la division générale a rédigé une décision assez détaillée, énonçant certaines des caractéristiques clés de la prestation d’assurance-emploi d’urgence, abordant certains points pouvant porter à confusion, résumant les arguments de la prestataire et expliquant pourquoi il les rejetait. La division générale a également fourni à la prestataire des renseignements sur la façon de demander l’annulation de sa dette.

[20] Il n’est pas possible de soutenir que le membre de la division générale avait un parti pris contre la prestataire. Il n’y a pas non plus de preuve montrant qu’en terminant l’audience comme elle l’a fait, la division générale a privé la prestataire de la possibilité de présenter des éléments de preuve ou des arguments plus pertinents concernant le trop-payé de 2 000 $.

[21] Bien que j’aurais aimé moi aussi que l’audience de la division générale se déroule différemment, il est impossible de soutenir que le processus a été injuste envers la prestataire.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou de fait concernant le trop-payé de 2 000 $

[22] En réponse à la pandémie de COVID-19, le gouvernement fédéral a rapidement mis en place une série de prestations pour essayer d’aider les Canadiennes et les Canadiens qui se sont retrouvés sans travail de façon soudaine et inattendue. Même si ces programmes présentaient certaines similitudes avec le régime d’assurance-emploi, ils comportaient aussi des différences importantes.

[23] Dans la présente affaire, la division générale a conclu que la prestataire avait reçu un trop-payé de 2 000 $ en prestation d’assurance-emploi d’urgence. Comme pour les prestations régulières d’assurance-emploi, la prestation d’assurance-emploi d’urgence était fondée sur les demandes. Cela signifie que les gens devaient présenter une demande pour recevoir des prestationsNote de bas de page 7. Cependant, contrairement à l’assurance-emploi régulière, la loi permettait expressément à la Commission de verser la prestation d’assurance-emploi d’urgence à l’avanceNote de bas de page 8. Pour ce faire, la Commission a versé une avance de 2 000 $ à la plupart des prestataires peu de temps après avoir reçu leur demande initiale.

[24] Dans la présente affaire, la division générale a conclu que la prestataire avait demandé et reçu 10 semaines de prestation d’assurance-emploi d’urgence. Cependant, la prestataire a également reçu le versement anticipé de 2 000 $ de prestation d’assurance-emploi d’urgence. La Commission a déclaré qu’elle aurait récupéré le versement anticipé en retenant les prestations dans les mois suivants. Toutefois, la prestataire n’a pas reçu de prestations assez longtemps. Par conséquent, la Commission a déclaré qu’elle avait versé un trop-payé à la prestataire et que celle-ci devait rembourser le paiement anticipé.

[25] La division générale était d’accord et a rejeté l’appel de la prestataire sur cette question.

[26] Il n’est pas possible de soutenir que la décision de la division générale est fondée sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire ou qu’elle contient une erreur de droit. Les faits essentiels sont les suivants :

  • La Commission a versé 7 000 $ en prestation d’assurance-emploi d’urgence à la prestataireNote de bas de page 9.
  • Cette somme équivaut à 14 semaines de prestationsNote de bas de page 10.
  • La prestataire a demandé 10 semaines de prestations, puis elle est retournée au travail.

[27] La prestataire n’a signalé aucune demande de prestations non payées (ni même de semaines de chômage) qui la rendrait admissible à plus de 10 semaines de prestation d’assurance-emploi d’urgence.

[28] En effet, la prestataire a reconnu avoir reçu un trop-payé. Elle a dit avoir offert de rembourser les prestations plus tôt, mais qu’on lui avait dit que Service Canada n’acceptait pas les remboursements à ce moment-là. Après avoir refusé ses offres de remboursement, la prestataire a fait valoir que la Commission ne devrait pas être autorisée à attendre des années avant de lui envoyer un avis de dette.

[29] Je suis sensible à la situation de la prestataire, mais son argument n’a aucune chance raisonnable de succès. Comme la division générale l’a souligné au paragraphe 14 de sa décision, la loi donne à la Commission jusqu’à 36 mois pour réévaluer le cas d’une personne. Dans la présente affaire, des prestations ont été versées à la prestataire d’avril à juin 2020. De plus, la Commission a émis son avis de dette en mars 2022, soit dans le délai de trois ans qui s’applique à ces situationsNote de bas de page 11.

[30] De plus, si une personne reçoit un versement de prestation d’assurance-emploi d’urgence supérieur à ce à quoi elle était admissible, la loi prévoit clairement qu’elle doit rembourser le montant excédentaireNote de bas de page 12.

[31] La prestataire a également nié avoir reçu la prestation d’assurance-emploi d’urgence. Elle a dit avoir plutôt reçu des prestations régulières d’assurance-emploi ou la prestation canadienne d’urgence. La confusion de la prestataire est compréhensible. Il est question des documents de la Commission dans les références à la prestation canadienne d’urgenceNote de bas de page 13.

[32] Néanmoins, l’argument de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

[33] La division générale a abordé cette confusion dans la note de bas de page no 1 de sa décision. Elle a expliqué qu’étant donné le nombre important de demandes que le gouvernement s’attendait à recevoir, il avait créé deux programmes presque identiques : la prestation canadienne d’urgence et la prestation d’assurance-emploi d’urgence. Afin d’éviter toute confusion, on a souvent désigné les deux programmes comme étant la prestation canadienne d’urgence. Cependant, cette stratégie a parfois créé plus de confusion, comme dans la présente affaire.

[34] La division générale avait manifestement des éléments de preuve sur lesquels fonder sa conclusion selon laquelle la prestataire avait reçu la prestation d’assurance-emploi d’urgenceNote de bas de page 14. De plus, la demande de prestations d’assurance-emploi de la prestataire était légalement réputée être une demande de prestation d’assurance-emploi d’urgenceNote de bas de page 15.

[35] Par conséquent, il est impossible de soutenir que la prestataire a reçu une prestation autre que la prestation d’assurance-emploi d’urgence.

Il n’y a aucune autre raison de donner à la prestataire la permission de faire appel

[36] En plus des arguments de la prestataire, j’ai aussi examiné le dossier, écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et étudié la décision de la division généraleNote de bas de page 16. Celle-ci a résumé le droit et a utilisé des éléments de preuve pour appuyer sa décision. Je n’ai trouvé aucune preuve que la division générale aurait pu ignorer ou mal interpréter.

[37] Dans le cadre de mon examen, j’ai également tenu compte du feuillet T4E dont la prestataire se plaint depuis longtemps et qu’elle a décrit comme la source de ses problèmesNote de bas de page 17. Bien que la division d’appel n’examine pas normalement les nouveaux éléments de preuve, ce document porte sur l’un des arguments de la prestataire en matière de justice naturelleNote de bas de page 18.

[38] Le présent appel porte sur les prestations que la Commission a versées à la prestataire en 2020. Toutefois, le T4E qui préoccupe la prestataire date de l’année d’imposition 2022Note de bas de page 19. Par conséquent, il n’est pertinent à aucune des questions qui s’inscrivent dans le cadre du présent appel.

Conclusion

[39] J’ai conclu que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Je n’ai donc d’autre choix que de refuser la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

[40] Même si la prestataire a reçu un trop-payé de prestations de 2 000 $, la Commission a déjà recouvré une partie de cette dette. Cependant, il y a eu beaucoup de confusion, même au sujet du montant que la Commission demande à la prestataire de rembourser. Je retiens que le solde impayé de la prestataire s’élève à 1 878Note de bas de page 20 $. La division générale a également fourni à la prestataire certains renseignements sur les modes de remboursement et l’allègement de la dette, si elle choisissait d’avoir recours à ces optionsNote de bas de page 21.

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