Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 200

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : B. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 janvier 2024 (GE-23-1679)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 1er mars 2024
Numéro de dossier : AD-24-123

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Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] B. M. est le demandeur dans cette affaire. Je l’appellerai « prestataire » parce que ma décision concerne sa demande de prestation d’assurance-emploi d’urgence.

[3] Le prestataire a arrêté de travailler le 13 mars 2020. Il n’a pas demandé la prestation d’assurance-emploi d’urgence sur-le-champ parce qu’il pensait retourner travailler rapidement. Le 24 avril 2020, il a finalement présenté sa demande. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a établi sa demande le 19 avril 2020, soit le dimanche de la semaine où il a fait sa demande.

[4] Toute personne qui remplissait les conditions requises du programme de prestation d’assurance-emploi d’urgence avait droit à 500 $ par semaine. Pour fournir l’aide nécessaire rapidement, la Commission était habilitée par la loi à verser à l’avance une portion des prestationsNote de bas page 1. La Commission versait 2 000 $ aux prestataires (l’équivalent de quatre semaines de prestations) et prévoyait de récupérer cette somme en retenant certaines semaines de prestations plus tard.

[5] La Commission a retenu trois semaines de prestations du prestataire. Ainsi, elle a récupéré 1 500 $ de l’avance. Le prestataire n’a pas reçu la prestation d’assurance-emploi d’urgence assez longtemps pour que la Commission puisse récupérer les 500 $ restants. La Commission a donc décidé que le prestataire avait reçu trop d’argent. Elle lui a demandé de rembourser 500 $.

[6] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser le recouvrement de la dette et a exigé le versement de toutes les prestations qu’il aurait pu demander à partir du moment où il a arrêté de travailler. La Commission n’a pas modifié sa décision. Elle a maintenu qu’il avait reçu 500 $ de trop. Toutefois, elle a reconnu qu’il aurait eu droit à plus de prestations s’il les avait demandées. Elle a donc accepté de compenser le trop-payé par une semaine de prestations pour amener sa dette à zéro. Mais elle a refusé de lui verser plus de prestations pour les semaines auxquelles il aurait pu être admissible.

[7] Comme la Commission n’a pas modifié sa décision, le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel. Il demande maintenant à la division d’appel la permission de faire appel de la décision de la division générale.

[8] Je refuse la permission de faire appel. Le prestataire n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur dont je peux tenir compte.

Questions en litige

[9] Voici les questions auxquelles je dois répondre :

  1. a) Une personne raisonnable croirait-elle que les actions de la division générale étaient partiales?
  2. b) La division générale a-t-elle omis d’exercer sa compétence en équité?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence lorsqu’elle a examiné si la Commission pouvait antidater la demande de prestations, alors qu’elle aurait dû établir la bonne date pour la demande initiale de prestations?
  4. d) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation du pouvoir discrétionnaire de la Commission ou dans son application de la Loi sur l’assurance-emploi?
  5. e) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas fourni de motifs adéquats?
  6. f) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante parce qu’elle n’a pas compris la preuve selon laquelle le prestataire n’a pas reçu toutes les prestations d’assurance-emploi d’urgence qu’il aurait pu recevoir?

Je ne donne pas la permission de faire appel

Principes généraux

[10] Pour que je donne au prestataire la permission de faire appel, ses motifs doivent correspondre aux « moyens d’appel » possibles. Les moyens d’appel sont les types d’erreurs dont je peux tenir compte.

[11] Je peux examiner seulement les erreurs suivantes :

  1. a) La procédure de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droitNote de bas page 2.

[12] Pour accueillir une demande de permission de faire appel et permettre à un appel d’aller de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Les tribunaux ont assimilé une chance raisonnable de succès à une « cause défendableNote de bas page 3 ».

Partialité (erreur d’équité procédurale)

[13] On ne peut pas soutenir que la conduite de la division générale peut être considérée comme partiale.

[14] Voici le critère pour voir s’il y a partialité : à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui prétend percevoir la partialité, et il faut beaucoup de rigueur pour conclure à la partialitéNote de bas page 4.

[15] Le prestataire a avancé que la membre de la division générale avait un parti pris et n’était pas impartiale. Mais il n’a pas précisé sa pensée. Il n’a signalé aucun propos ni aucune action de la membre qui pourrait amener une personne raisonnable, et bien renseignée sur toutes les circonstances pertinentes, à croire qu’elle avait un parti pris contre lui. Le prestataire n’est peut-être pas d’accord avec la décision de la division générale, mais cela ne signifie pas que la membre avait un parti pris ou qu’une personne raisonnable croirait qu’elle en avait un.

Compétence en équité

[16] La division générale a déclaré qu’elle n’avait pas le pouvoir de rendre une décision « en fonction de l’équité ».

[17] En réponse, le prestataire a fourni une définition du dictionnaire du mot « équité ». Il a affirmé que l’équité comprend une notion de justice. Je présume que le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur parce qu’elle doit agir de façon juste et équitable.

[18] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence parce qu’elle n’a pas tranché l’affaire en fonction de l’équité.

[19] La division générale a expliqué ce qu’elle voulait dire par « équité ». Elle a écrit qu’elle « ne peu[t] pas modifier ou ignorer un article de loi qui est clairement énoncé pour la simple raison qu’[elle] estime que l’appelant le mérite d’une certaine façon ». La division générale a utilisé le mot « équité » dans son sens technique (c’est-à-dire un sens juridique particulier et précis). Pour certaines instances juridictionnelles, comme les cours supérieures, les principes de justice peuvent prévaloir sur les règles juridiques strictes. Ces instances ont ce qu’on appelle une « compétence en équité ». Le Tribunal, quant à lui, n’a que les pouvoirs qui lui sont conférés par la loiNote de bas page 5. La loi ne lui donne pas le pouvoir d’accorder une réparation en fonction de l’équité. Dans les affaires d’assurance-emploi, le Tribunal peut seulement accorder des prestations conformément à la Loi sur l’assurance-emploi et à ses règlements connexes.

[20] C’est en ce sens que la division générale n’a pas le pouvoir de rendre une décision en fonction de l’équité. Le prestataire a simplement mal compris ce que la division générale voulait dire.

Compétence relative à l’examen de l’antidatation

[21] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a examiné l’antidatation de la demande au lieu de la date de la « demande initiale ».

[22] Je ne sais pas trop ce que le prestataire veut dire par « demande initiale de prestations ». La division générale tire sa compétence des questions en litige dans la décision de révision de la Commission. Selon la décision de révision, la question en litige concerne l’« antidatation ».

[23] Normalement, une personne recevait la prestation d’assurance-emploi d’urgence pour chaque semaine où elle faisait une déclaration, à compter de la première semaine de la demande. Si une personne demande plus tard de recevoir des prestations pour une période antérieure, elle demande en fait à la Commission une antidatation. Lorsque la Commission antidate une demande, elle la traite comme si elle avait été présentée plus tôt.

[24] En juin 2022, le prestataire a demandé plus de semaines de prestations d’assurance-emploi d’urgence. Il a demandé des prestations pour la période du 15 mars 2020 (immédiatement après l’arrêt de son emploi) jusqu’à la date de sa première demande de prestation d’assurance-emploi d’urgence.

[25] La Commission s’est demandé si elle pouvait antidater la demande pour accorder plus de prestations au prestataire. Elle a conclu qu’elle ne pouvait pas lui accorder de prestations pour les semaines antérieures parce qu’il ne les avait pas demandées avant le 2 décembre 2020Note de bas page 6.

[26] On ne peut pas soutenir que la division générale aurait dû examiner la date de la demande initiale du prestataire, au lieu de voir si sa demande de prestations d’assurance-emploi d’urgence pouvait être antidatée.

Interprétation du « pouvoir discrétionnaire » de la Commission et de la Loi sur l’assurance-emploi (erreur de droit)

[27] On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi. La loi dit clairement qu’aucune demande de prestation d’assurance-emploi d’urgence ne peut être présentée après le 2 décembre 2020. La division générale a mentionné à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir d’ignorer ou de changer cette date.

[28] On ne peut pas non plus soutenir que la division générale a mal interprété ou mal appliqué la loi parce qu’elle n’a pas tenu compte de la « demande initiale » du prestataire.

[29] La notion de « demande initiale de prestations » est associée à l’établissement de la période de prestations. Cette notion s’applique à la procédure de demande de prestations régulières (en temps normal). Elle ne s’appliquait pas à la prestation d’assurance-emploi d’urgence.

[30] La loi prévoit qu’une personne pouvait présenter une « demande » de prestation d’assurance-emploi d’urgence pour toute période de deux semaines (pendant que le programme était en vigueur). La difficulté du prestataire à obtenir des prestations pour plus de semaines n’a rien à voir avec le fait qu’il a présenté une demande ou une « demande initiale ». Sa difficulté n’a rien à voir non plus avec la question de savoir s’il demandait rétroactivement des prestations pour certaines périodes de deux semaines ou s’il souhaitait que sa demande soit « antidatée ». Le problème était qu’après le 2 décembre 2020, il n’avait plus le droit de demander des prestations pour ces semaines.

[31] Lorsque la Commission a accepté de déduire une semaine de la somme que le prestataire devait rembourser, elle a exercé son pouvoir discrétionnaire.

[32] La Commission a reconnu que l’évolution des programmes de prestations liés à la COVID-19 mélangeait les prestataires. Elle comprenait que beaucoup de gens n’avaient pas demandé officiellement toutes les prestations auxquelles ils avaient droit. C’est pourquoi la Commission a mis en place une politique visant à accorder un certain répit aux prestataires. Cette politique s’adressait aux prestataires qui devaient rembourser l’avance qui leur avait été versée.

[33] La politique permet à la Commission d’utiliser des semaines de prestations impayées pour réduire ou éliminer le trop-payé lié à l’avance versée au début. Cette politique s’applique aux prestataires qui auraient eu droit à des prestations pour certaines semaines s’ils les avaient demandées. La Commission applique sa politique lorsqu’elle est convaincue qu’une personne aurait demandé ces semaines si elle avait mieux compris la procédure. La Commission considère alors que la personne a présenté sa demande de prestations plus tôt, à une date où elle aurait pu légalement la présenter.

[34] La Commission applique sa politique de réduction du trop-payé à sa discrétion. Cette politique vise à lui permettre de réexaminer les trop-payés liés au remboursement de l’avance de prestations. À cette fin, la Commission considère que certaines personnes ont présenté leur demande de prestations avant le 2 décembre 2020.

[35] Cependant, rien dans la loi n’oblige la Commission à considérer que les demandes présentées après le 2 décembre 2020 ont été faites plus tôt. La loi ne l’oblige pas non plus à réduire le trop-payé d’une personne parce que celle-ci aurait eu droit à plus de semaines de prestations d’assurance-emploi d’urgence si elle les avait demandées.

[36] Dans le cas du prestataire, la somme à rembourser était seulement de 500 $. La Commission a appliqué sa politique pour compenser une semaine de trop-payé par une semaine de prestations impayées, ce qui a amené la dette à zéro.

[37] La politique de la Commission ne change rien à la loi. La loi dit toujours qu’aucune demande ne peut être présentée après le 2 décembre 2020Note de bas page 7. Le prestataire n’a pas présenté sa demande (ni demandé une antidate) de semaines supplémentaires de prestations d’assurance-emploi d’urgence avant le 2 décembre 2020.

[38] La division générale a suivi la loi. Elle ne peut en aucun cas ignorer la loi.

Motifs adéquats (erreur de droit)

[39] On ne peut pas soutenir que les motifs de la division générale sont à ce point inadéquats qu’ils constituent une erreur de droit.

[40] La division générale a expliqué le programme de prestation d’assurance-emploi d’urgence ainsi que les règles sur le recouvrement de l’avance et sur la demande de semaines supplémentaires de prestations après le 2 décembre 2020.

[41] La division générale a expliqué qu’elle ne pouvait pas conclure que le prestataire avait droit à plus de semaines de prestations, en raison de la date limite permettant de faire une demande qui était fixée au 2 décembre 2020.

Admissibilité du prestataire

[42] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante parce qu’elle a ignoré les actions du personnel de la Commission.

[43] Le prestataire a fait référence à un passage de la décision de la division générale qui dit : « La personne qui l’a aidé aurait dû s’assurer qu’il recevrait toutes les prestations auxquelles il avait droit. »

[44] Je tiens à clarifier que ce passage n’était ni une déclaration ni une conclusion de la division générale. C’était simplement une reformulation de l’argument du prestataire.

[45] La division générale commet une erreur de fait importante si elle « fonde sa décision » sur une conclusion qu’elle a tirée après avoir ignoré ou mal interprété des éléments de preuve pertinents ou sur une conclusion sans lien rationnel avec la preuve.

[46] Il se peut que la Commission n’ait pas fourni des conseils proactifs au prestataire ni toute l’information nécessaire sur la maximisation de sa demande de prestations d’assurance-emploi d’urgence. Toutefois, la division générale n’avait pas à examiner ou à mentionner les éléments de preuve à cet égard, parce qu’ils ne lui étaient pas utiles pour tirer ses conclusions ou rendre sa décision. La division générale a fondé sa décision sur le fait incontesté selon lequel le prestataire n’avait pas demandé de prestations supplémentaires avant le 2 décembre 2020.

Conclusion

[47] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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