Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1994

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. D.
Représentante ou représentant : C. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (539959) datée du
3 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 2 août 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 10 août 2023
Numéro de dossier : GE-23-1672

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, l’appelant n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Aperçu

[3] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, une personne doit présenter une demande pour chaque semaine où elle n’a pas travaillé et pour laquelle elle souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 1. Pour faire une demande, il faut présenter des déclarations à la Commission de l’assurance-emploi du Canada toutes les deux semaines. Habituellement, les demandes sont faites en ligne et il y a des dates limites pour les faireNote de bas de page 2.

[4] L’appelant a fait sa demande après la date limite. Il veut toutefois que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 31 octobre 2021.

[5] Pour ce faire, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[6] La Commission a décidé que l’appelant n’avait pas de motif valable et a rejeté sa demande. En effet, elle affirme que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour s’informer de ses droits et ses obligations au titre de la Loi. Elle dit aussi qu’il avait déjà présenté une demande de prestations et qu’il savait donc qu’il devait produire des déclarations après avoir présenté sa demande de renouvellementNote de bas de page 3.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme que c’était la première fois qu’il renouvelait une demande d’assurance-emploi et qu’il était inexpérimenté. Il revenait d’être en mer depuis plus de deux mois et déménageait dans un nouvel appartement. Après son déménagement, il n’avait pas accès à Internet ni de réception sur son cellulaire dans son nouvel appartementNote de bas de page 4. Il ne s’est pas rendu compte qu’il n’avait pas reçu de prestations parce qu’il travaillait en mer et qu’il n’a pas prêté attention à celaNote de bas de page 5.

Question en litige

[8] L’appelant avait-il un motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[9] L’appelant veut que sa demande de prestations d’assurance-emploi soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 31 octobre 2021Note de bas de page 6. C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

[10] Pour faire antidater sa demande, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écouléeNote de bas de page 7. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[11] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 8. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, tout comme n’importe qui d’autre l’aurait fait dans une situation semblable.

[12] L’appelant doit également démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loi. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et de ses responsabilités dès que possible et du mieux qu’il pouvait. Si l’appelant n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 9.

[13] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 10. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Ainsi, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 31 octobre 2021 au 13 janvier 2022.

L’appelant avait-il un motif valable justifiant son retard?

[14] Je juge que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour toute la période du retard pour les raisons suivantes.

[15] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi et une période de prestations a été établie à compter du 30 mai 2021. Le 28 août 2021, il est retourné travailler jusqu’au 31 octobre 2021, puis il a présenté une demande de renouvellement de prestations le 25 novembre 2021. Le 15 décembre 2021, il est retourné travailler en mer.

[16] La Commission affirme que l’appelant avait jusqu’au 3 décembre 2021 pour faire sa déclaration pour la période commençant le 31 octobre 2021Note de bas de page 11.

[17] Cela signifie seulement que l’appelant aurait pu produire sa déclaration jusqu’au 3 décembre 2021, sans être exclu du système. Toutefois, sa déclaration aurait quand même été en retard. Il doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard du 31 octobre 2021 au 13 janvier 2022.

[18] Je conclus que l’appelant avait un motif valable entre le 15 décembre 2021 et le 13 janvier 2022. En effet, il travaillait en mer pendant cette période, sans accès à Internet et sans service cellulaire. Il lui était donc impossible de produire sa déclaration pendant cette période.

[19] Toutefois, il n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour la période du 31 octobre 2021 au 15 décembre 2021.

[20] L’appelant a témoigné comme suit :

  • Le 31 octobre 2021, il est revenu du travail en mer. C’était une période très occupée lorsqu’il est rentré à la maison, parce qu’il se préparait à déménager. Il s’attendait à être absent du travail pendant trois semaines, mais il a fini par être en mer pendant neuf semaines.
  • Le 19 novembre 2021, il a emménagé dans un nouvel appartement. Ce n’est que le 14 décembre 2021 que le service Internet a été branché dans son nouvel appartement. Il n’y avait pas non plus de service cellulaire dans son nouvel appartement. Il devait donc aller chez sa mère ou à la bibliothèque pour utiliser Internet ou téléphoner.
  • Il s’est rendu chez sa mère pour faire sa demande de renouvellement en ligne. Il ne savait pas vraiment ce qu’était une demande de renouvellement, parce c’était la première fois qu’il en faisait une. Il croyait qu’il faisait simplement une nouvelle demande d’assurance-emploi. Il a essayé de faire ce qu’il avait fait l’été précédent. Cependant, il a eu de la difficulté à présenter sa demande en ligne, alors il a téléphoné à la Commission.
  • Il a tenté à deux ou trois reprises de joindre la Commission. Chaque fois, il a été mis en attente pendant au moins une heure. Étant donné que les bureaux étaient fermés en raison de la pandémie de COVID-19, il ne pouvait pas se rendre en personne dans un bureau de Service Canada.
  • Il pense avoir réussi à joindre la Commission environ une semaine après avoir essayé de faire sa demande de renouvellement pour la première fois, et qu’on lui a dit d’essayer de nouveau, ce qu’il a fait. Il a fini par présenter deux demandes, et sa demande du 25 novembre 2021 était la deuxième qu’il a présentée.
  • Après avoir fait sa demande de renouvellement, il n’a pas reçu de code d’accès de la Commission par la poste. Son courrier allait à la maison de sa mère, et elle le gardait pour lui. Il a remarqué qu’il n’avait pas reçu de code d’accès, mais il a pensé qu’il avait peut-être été retardé par la poste.
  • Il pense avoir téléphoné à la Commission pour s’informer de son code d’accès et que la Commission lui aurait peut-être dit qu’il devait faire ses déclarations. Il a eu de la difficulté à comprendre ce qui se passait ainsi qu’à saisir le fonctionnement de l’assurance-emploi. Il dit ne pas avoir reçu beaucoup d’aide de la Commission par téléphone.
  • Il a donc attendu que sa demande de renouvellement soit traitée et qu’il commence à recevoir des prestations, mais il n’en a pas reçu.
  • En novembre ou en décembre 2021, il ne savait pas qu’il devait présenter des déclarations chaque deux semaines pour que sa demande soit rouverte. Il a lu le formulaire de demande de prestations, mais il n’a pas réalisé qu’il devait produire des déclarations.
  • Le 15 décembre 2021, il est retourné travailler en mer. Il n’avait pas accès à Internet ni à un service cellulaire.
  • En janvier 2022, son navire était au port et il a pu accéder à Internet dans un café. Il croit avoir dû recevoir un courriel de la Commission disant qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec sa demande. Il a essayé de produire une déclaration, mais il n’avait pas de code d’accès pour le faire. Il pense qu’il a essayé de le faire en utilisant sa banque comme « partenaire de connexion ». Il ne savait pas que sa tentative de produire une déclaration n’avait pas fonctionné.
  • En février 2022, le problème avec sa demande a pu être réglé et il recevait des prestations. Il n’a pas remarqué qu’il n’avait pas reçu de prestations pour la période du 31 octobre 2021 au 14 décembre 2021, jusqu’à ce qu’il fasse ses déclarations de revenus en mai 2022.

[21] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’après son retour de mer le 31 octobre 2021, il était très occupé à déménager et il ne savait pas qu’il devait produire des déclarations pour sa demande de renouvellement. Il est retourné en mer le 15 décembre 2021 et n’a pas eu de nouveau accès à Internet ou à un téléphone cellulaire jusqu’à ce que le navire sur lequel il travaillait soit au port, le 13 janvier 2022.

[22] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard, parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour vérifier ses droits et ses obligations au titre de la Loi. Elle affirme que l’appelant avait déjà présenté une demande de prestations en juin 2021 et qu’il a produit des déclarations pendant 13 semaines au cours de cette période de prestations. La Commission dit aussi qu’il a seulement communiqué avec elle le 11 mai 2022 pour demander des versements pour les semaines du 31 octobre 2021 au 12 décembre 2021 et qu’une personne préoccupée par sa situation financière se serait informée en temps opportun de ses droits et de son admissibilité au titre de la LoiNote de bas de page 12.

[23] Toute personne qui demande des prestations d’assurance-emploi doit présenter une déclaration dans les trois semaines suivant la période de chômageNote de bas de page 13. La Commission affirme que lorsque l’appelant a essayé de produire une déclaration le 13 janvier 2022, cela n’a pas fonctionné parce que la déclaration devait être traitée au plus tard le 3 décembre 2021Note de bas de page 14. Cela signifie que l’appelant avait attendu si longtemps pour produire une déclaration qu’il était trop tard pour en faire une en raison du temps qui s’était écoulé.

[24] Je conclus que du 31 octobre 2021 au 15 décembre 2021, l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[25] L’appelant a déclaré que pour sa demande de juin 2021, un code d’accès lui a été envoyé et il a produit des déclarations bimensuelles en ligne. Il a dit qu’il faisait ses déclarations toutes les deux semaines et qu’il n’avait aucun problème. Il ne faisait que se connecter et remplir ses déclarations. 

[26] Cependant, après avoir présenté sa demande de renouvellement, il a remarqué qu’il n’avait pas reçu de code d’accès de la Commission ni de prestations. J’estime qu’une personne raisonnable et prudente dans la même situation aurait communiqué avec la Commission pour s’informer au sujet de son code d’accès, vérifier ses droits et ses obligations et demander pourquoi elle ne recevait pas de prestations. Il a expliqué qu’il était possible qu’il ait téléphoné à la Commission pour dire qu’il n’avait pas reçu de code d’accès et qu’elle lui ait répondu qu’il devait faire ses déclarations. Dans ce cas, s’il avait agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans une telle situation, il aurait surveillé son courrier pour voir s’il avait reçu un code d’accès et, en voyant que non, il aurait communiqué de nouveau avec la Commission.

[27] Le formulaire de demande de prestations que l’appelant a rempli indique que le défaut de remplir des déclarations aux deux semaines peut entraîner une perte d’admissibilité et de versementsNote de bas de page 15. L’appelant a déclaré avoir lu le formulaire de demande de prestations. Il avait déjà rempli des déclarations auparavant et je juge qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il allait devoir remplir de nouveau des déclarations après avoir présenté sa demande de renouvellement.

[28] L’appelant affirme que lorsqu’il a remarqué qu’il n’avait pas reçu de prestations, il a supposé qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec sa demande. Il a dit qu’il avait essayé de téléphoner à la Commission avant de retourner au travail le 15 décembre 2021, mais qu’il n’arrivait pas à la joindre. J’estime qu’une personne raisonnable et prudente qui avait demandé des prestations d’assurance-emploi, mais qui ne recevait pas les prestations comme prévu, persisterait à essayer de joindre la Commission pour s’informer de l’état de sa demande, d’autant plus qu’il attendait un appel de son employeur pour retourner bientôt travailler en mer. Il aurait aussi pu chercher de l’information en ligne. Il a fait installer Internet dans son nouvel appartement le 14 décembre 2021Note de bas de page 16, et il n’a pas repris le travail avant le lendemain. Il a également déclaré qu’il aurait pu aller chez sa mère ou à la bibliothèque pour avoir accès à Internet. Il a eu du 4 au 15 décembre 2021 pour le faire.

[29] J’estime que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. Je juge également qu’il n’a pas vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations au titre de la loi.

[30] Je retiens que l’appelant a déménagé le 19 novembre 2021. Il a déclaré que sa conjointe était occupée à faire ses études de maîtrise et qu’il s’occupait donc lui-même de tout le déménagement. Je peux imaginer que cela a été une période très occupée pour l’appelant. Cependant, il a pu demander le renouvellement de sa demande le 25 novembre 2021, et je considère qu’il aurait également pu communiquer avec la Commission pour lui demander ce qu’il devait faire pour recevoir des prestations, et pourquoi il n’avait pas reçu de code d’accès.

[31] L’appelant n’a pas non plus présenté de circonstances exceptionnelles qui l’exempteraient de l’obligation de vérifier assez rapidement ses droits et ses obligations au titre de la loi. Le fait qu’il a déménagé le 19 novembre 2021 ne l’a pas empêché de le faire. Il a déclaré que même s’il n’avait pas accès à Internet ou à un service cellulaire dans son nouvel appartement, il aurait pu aller chez sa mère ou à la bibliothèque pour accéder à Internet ou téléphoner à la Commission. Rien ne l’a empêché de faire des démarches assez rapidement pour s’informer de ses droits et ses obligations au titre de la loi parce qu’il travaillait en mer. Il ne travaillait pas en mer du 31 octobre 2021 au 15 décembre 2021.

[32] Je conclus que l’appelant n’avait pas de motif valable justifiant son retard du 31 octobre 2021 au 15 décembre 2021 pour les raisons mentionnées ci-dessus. Comme l’appelant n’a pas de motif valable pour toute la période du retard, sa demande ne peut pas commencer à la date antérieure qu’il demande.

Conclusion

[33] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations pendant toute la période écoulée. Cela signifie que sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

[34] L’appel est rejeté.

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