Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 66

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 octobre 2023
(GE-23-1997)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 22 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-990

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a quitté son emploi et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La défenderesse (Commission) a examiné les raisons pour lesquelles il a quitté son emploi. Elle a décidé qu’il a quitté volontairement son emploi (ou a choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser des prestations. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a fait appel de la décision en révision auprès de la division générale.

[3] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. Elle a conclu que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où il l’a fait. La division générale a conclu qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve et a commis une erreur de droit en concluant qu’il avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[5] Je dois décider s’il existe une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[6] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[7] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[8] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[9] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit de la première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’est pas tenu de prouver le bien‑fondé de ses prétentions. Il doit cependant établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[10] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[11] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du dîner qu’il a eu avec le chef de la direction. Au cours de ce dîner, ce dernier lui a dit d’embaucher uniquement des gens ordinaires et a affirmé qu’il était manifestement irrité par sa décision d’interviewer un candidat de la Pologne. Il soutient qu’on lui a dit, après la deuxième réunion, que le chef de la direction faisait une offre à l’un des candidats qu’ils avaient rencontrés ce jour-là, et à un autre candidat que le chef de la direction avait rencontré la semaine précédente, lorsque le prestataire était à Las Vegas.

[12] La preuve démontre que le prestataire a commencé à travailler chez l’employeur le 12 décembre 2022 à titre de vice-président des ventes. Son travail consistait à [traduction] « planifier l’ensemble de la stratégie de vente » de l’entreprise. Le chef de la direction a demandé au prestataire d’embaucher des gens ordinaires pour son service des ventes. Le prestataire a refusé de suivre ces instructions. Il voulait interviewer un candidat de la Pologne, ce qu’il a fait.

[13] Pendant l’absence du prestataire à Las Vegas, le chef de la direction a procédé pour la première fois à une entrevue avec d’autres candidats. Le chef de la direction a invité le prestataire à assister à la deuxième série d’entrevues. Le prestataire estimait qu’il n’était rien de plus qu’un observateur. Tous les candidats interrogés étaient des hommes blancs. Il est rentré chez lui à la fin de la journée et, à 21 h ce soir-là, il a envoyé un courriel au chef de la direction pour lui faire part de sa démission [traduction] « avec effet immédiat ».

[14] La division générale devait décider si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment de son départ.

[15] La question de savoir si une personne était fondée à quitter volontairement son emploi est fonction de l’existence d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi compte tenu de toutes les circonstances.

[16] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi.

[17] La division générale a conclu que le prestataire ne satisfaisait pas au critère juridique du harcèlement. Elle a établi qu’il ne s’agissait pas d’incidents répétés ni d’un modèle de comportement visant à intimider, à offenser, à diminuer ou à humilier le prestataire.

[18] La division générale a conclu qu’il ne suffisait pas d’affirmer que du personnel éventuel peut être victime de discrimination ou subir une perte en raison de son origine raciale. Le prestataire a dû expliquer comment il a été victime de discrimination au travail pour un motif de distinction illicite et comment il a subi des conséquences fâcheuses ou une perte. II ne l’a pas fait.

[19] La division générale a conclu que la preuve ne démontrait pas que le prestataire avait vécu des conditions de travail qui constituaient un danger pour sa santé. Elle a établi qu’aucune preuve n’avait été présentée pour démontrer que le prestataire avait consulté un médecin au sujet de son niveau de stress avant de démissionner. Il n’y a pas non plus de preuve qu’il a reçu un diagnostic de maladie liée au stress avant de quitter son emploi ou qu’un médecin lui a conseillé de quitter son emploi pour des raisons de santé.

[20] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il avait subi un changement important dans ses fonctions. Elle a tenu compte de la reconnaissance du prestataire lui-même selon laquelle le fait de lui retirer l’embauche de l’équipe des ventes ne constituait pas un changement important dans ses fonctions. Elle a établi que le prestataire était surtout contrarié par le bassin de [traduction] « candidats blancs » formé par le chef de la direction. La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas subi de changement important dans ses fonctions.

[21] La division générale a décidé que le chef de la direction n’avait pas exigé du prestataire qu’il accomplisse des actes illégaux ou contraires à des actes commerciaux. Elle a établi que le chef de la direction n’exigeait pas que le prestataire se livre à du profilage racial. Elle a tenu du compte du fait que le chef de la direction a dit qu’à son avis, des considérations culturelles et linguistiques entrent en ligne de compte [traduction] « lorsqu’il s’agit de ventes » et a terminé en disant au prestataire [traduction] « n’hésitez pas à faire part de vos réflexions ».

[22] La division générale a pris en compte le témoignage du prestataire selon lequel il avait établi clairement sa position contre le profilage racial dans la conversation qu’il a eue avec le chef de la direction le 23 janvier 2023 après leur échange de courriels plus tôt dans la journée. Le prestataire a ensuite poursuivi son travail comme d’habitude, a mené la deuxième entrevue du candidat polonais et est parti pour assister à la conférence à Las Vegas une semaine plus tard, sans autre incident.

[23] La division générale a conclu que les mesures prises par le chef de la direction pour sélectionner d’autres candidats à une deuxième série d’entrevues pendant l’absence du prestataire ne laissaient pas entendre que ce dernier était tenu de se livrer à du profilage racial, sans quoi il subirait des conséquences de son refus. Le fait que le chef de la direction ait embauché deux candidats lors de ses rondes d’entrevues démontre en outre que le prestataire n’a pas été invité à faire du profilage racial.

[24] La division générale a conclu que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait fait l’expérience de pratiques illégales de l’employeur.

[25] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il avait vécu des conditions de travail tellement hostiles ou toxiques qu’elles seraient considérées comme manifestement intolérables.

[26] La division générale a conclu que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[27] Une solution de rechange raisonnable aurait été que le prestataire continue de travailler chez l’employeur, tout en cherchant un autre emploi, même s’il n’était pas d’accord avec les candidats à la vente choisis par l’employeur. Cela ne l’a pas empêché de [traduction] « planifier l’ensemble de la stratégie de vente » de l’entreprise.

[28] Il aurait également été raisonnable pour le prestataire de tenter de résoudre des problèmes en milieu de travail ou de discuter de ses conditions de travail insatisfaisantes avec son employeur et d’attendre de voir si des changements seraient apportés au lieu de démissionner brusquement par courriel.

[29] Pour le prestataire, il aurait été aussi raisonnable de consulter un médecin au sujet de son stress lié au travail pour voir s’il devait prendre un congé pour raisons médicales ou quitter son emploi en raison de ce stress.

[30] La preuve ne permet pas de conclure que le prestataire était fondé à quitter son emploi en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[31] Je ne vois pas non plus de violation d’un principe de justice naturelle simplement parce que la membre de la division générale a informé le prestataire qu’elle avait lu les documents avant l’audience et qu’il n’avait pas à répéter ce qui figurait déjà au dossier. Je remarque que le prestataire a eu l’occasion de présenter sa preuve, oralement et par écrit. La membre a bel et bien tenu compte dans sa décision du fait que le prestataire avait rencontré son chef de la direction et a clairement exprimé son intention de ne pas faire du profilage racial à l’égard des membres éventuels de l’équipe de vente.

[32] Malheureusement pour le prestataire, l’appel devant la division d’appel n’est pas une audience de novo au cours de laquelle une partie peut présenter sa preuve à nouveau et espérer une nouvelle issue favorable.

[33] La preuve étaye les conclusions de fait de la division générale. Je ne vois aucune erreur susceptible de révision commise par la division générale dans son application de la loi et de la jurisprudence relatives au départ volontaire.

[34] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision, comme la compétence ou le défaut de la division générale d’observer un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni aucune conclusion de fait erronée que la division générale aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en rendant sa décision.

[35] Pour les motifs qui précèdent et après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[36] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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