Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : VD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1888

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : V. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance emploi du Canada (581640) datée du
5 juin 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 septembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 6 octobre 2023
Numéro de dossier : GE-23-1813

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi du 10 janvier 2022 au 24 novembre 2022 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler.  La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible parce qu’elle n’a pas fait de démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’il n’y avait pas d’emplois disponibles outre des emplois pour des services de livraison pendant la pandémie.  

Question que je dois examiner en premier

L’appelante a demandé un ajournement (c’est-à-dire une suspension) de l’appel

[7] L’appelante a demandé un report de l’audience, car elle devait s’absenter pour le travail. Elle a de nouveau demandé un report de l’audience afin que son représentant syndical puisse se préparer à l’audience. L’audience a donc été reportée à une autre date pour des raisons d’équité.

Question en litige

[8] L’appelante était‑elle disponible pour travailler?

Analyse

[9] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelante était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[10] Premièrement, la Loi sur l’assurance‑emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui contribuent à expliquer ce que signifie l’expression « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 2.

[11] La Commission établit que l’appelante était inadmissible en vertu de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi parce qu’elle n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler. Dans ses observations, elle indique qu’il peut incomber à une partie prestataire de prouver qu’elle fait des démarches habituelles et raisonnables pour obtenir un emploi convenable.

[12] Les notes de la Commission ne reflètent pas qu’elle a demandé à l’appelante de prouver sa disponibilité en envoyant un dossier détaillé de recherche d’emploi.

[13] Je conclus qu’une décision de la division d’appel sur les inadmissibilités en vertu de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi est convaincante. Selon la décision, la Commission peut demander à une partie prestataire de prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. Elle peut établir que la partie prestataire est inadmissible parce qu’elle ne s’est pas conformée à cette demande. Mais elle doit lui demander de fournir cette preuve et lui dire quel type de preuve satisfera à ses exigences Note de bas de page 3.

[14] Je ne crois pas que la Commission ait demandé à l’appelante de fournir son dossier de recherche d’emploi pour prouver sa disponibilité. Je ne crois donc pas qu’elle soit inadmissible en vertu de cette partie de la loi.

[15] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 5. Je vais examiner ces éléments plus loin.

Disponibilité pour le travail

[16] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois statuer sur cette question. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 6 :

  1. a) Montrer qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  2. b) Faire des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire qui limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[17] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 7.

Vouloir retourner travailler

[18] L’appelante n’a pas montré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

[19] L’appelante a été mise en congé sans solde de son emploi. Elle a déclaré qu’elle s’était rendu compte qu’elle avait besoin d’argent. Elle a donc obtenu un emploi dans un service de livraison d’épicerie. Cependant, pour les raisons que je mentionne ci-après, je ne crois pas que cet emploi seul puisse être considéré comme un emploi convenable.

[20] Dans une déclaration faite lorsqu’elle a porté en appel la décision de révision de la Commission, l’appelante a dit qu’il n’y avait pas d’emplois autres que des emplois dans des services de livraison qui embauchaient pendant la pandémie.

[21] L’appelante a déclaré qu’elle devait chercher du travail parce que les prestations d’assurance-emploi étaient insuffisantes. Elle ajoute qu’elle serait devenue sans-abri si elle n’avait pas obtenu le travail de livraison pour une épicerie. Même si j’accepte la déclaration de l’appelante selon laquelle elle avait besoin d’argent, je n’en conclus pas qu’elle a prouvé qu’elle voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui était offert.

[22] Je n’accepte pas la déclaration de l’appelante selon laquelle il n’y avait pas d’emplois en dehors des emplois de services de livraison en raison de la pandémie. Malgré les fermetures liées à la pandémie tout au long de 2020 et 2021, j’estime que la déclaration de l’appelante au sujet des types d’emplois disponibles est exagérée. Même si elle veut dire qu’il s’agissait des seuls types d’emplois qui ne nécessitaient pas la vaccination, je doute que ce fût probablement le cas en 2022.

[23] Je ne crois pas que le comportement et l’attitude de l’appelante, qui comptait sur un emploi de livraison pour une épicerie pour compléter les prestations d’assurance-emploi, soient ceux d’une personne qui voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Je conclus plutôt qu’il s’agit de la conduite d’une personne qui attendait de reprendre son emploi.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[24] L’appelante n’a pas effectué assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[25] Dans le cadre d’une enquête sur la façon dont l’appelante avait rempli ses déclarations bimensuelles, la Commission lui a demandé si elle avait cherché activement du travail. Les notes au dossier de la Commission montrent que l’appelante a dit qu’elle ne ressentait pas le besoin de chercher du travail parce qu’elle a un emploi où elle pourrait retourner.

[26] La Commission a parlé au représentant syndical de l’appelante. Ses notes révèlent qu’il a dit que personne ne cherche activement du travail, surtout lorsqu’il y a une date de retour au travail prévue après la mise à pied.

[27] La Commission a envoyé un avis de décision à l’appelante. Il y est mentionné qu’elle n’avait pas prouvé qu’elle cherchait activement du travail du 10 janvier 2022 au 24 juin 2022.

[28] L’appelante a demandé à la Commission de réviser cette décision. Elle a dit qu’elle remplissait ses déclarations bimensuelles et qu’elle se disait toujours prête et apte à travailler. Elle a ajouté qu’elle n’avait rien fait de différent de toute autre période de mise en disponibilité. L’appelante a ajouté que son employeur ne lui avait aucunement communiqué qu’elle n’avait pas d’emploi, ce qui aurait été la principale indication qu’elle devrait commencer à chercher du travail.

[29] L’appelante a parlé à la Commission après avoir demandé une révision de sa décision initiale. Elle a ensuite dit à la Commission qu’elle livrait des commandes d’épicerie depuis janvier 2021. Elle a joint un historique des transactions montrant qu’elle a gagné 4 366,76 $ en quelque 5 mois. L’appelante a également dit qu’elle avait cherché un emploi dans un autre service de livraison. Elle a dit qu’elle n’était pas en mesure de chercher un autre emploi parce qu’elle ne s’était pas fait vacciner contre la COVID-19 et que le vaccin était exigé partout ailleurs.

[30] L’appelante a déclaré qu’elle travaillait à temps plein à son emploi habituel. Elle a témoigné que dans le cadre de son emploi au service de livraison d’épicerie, elle travaillait pour ainsi dire tous les jours, aussi souvent qu’elle le pouvait. Elle a dit qu’il fallait du temps pour faire les courses et choisir les bons articles d’épicerie.

[31] J’ai demandé à l’appelante quel était son taux de rémunération à son emploi de livraison d’épicerie. Elle dit avoir été payée en fonction du nombre de lots de livraisons qu’elle a effectués et de la distance parcourue. Elle ajoute que ce n’était jamais moins de 10 $. Mais l’appelante a déclaré qu’il y avait eu de bonnes et de mauvaises semaines.

[32] Étant donné que sur les 22 paiements que l’appelante a reçus de son emploi de livraison d’épicerie, 14 étaient inférieurs à 200 $, je ne crois pas qu’il s’agissait d’un emploi à temps plein. Comme l’appelante travaillait à temps plein à son emploi habituel, je ne crois pas que, dans les circonstances, cet emploi à lui seul puisse être considéré comme un emploi convenable aux fins de ce facteur.

[33] À l’audience, l’appelante a déclaré qu’elle s’est rendu compte peu après avoir été congédiée de son emploi qu’elle avait besoin d’argent. Elle a déclaré avoir présenté une demande en ligne pour obtenir le poste de service de livraison d’épicerie et elle dit être entrée en fonctions le 18 janvier 2022.

[34] J’ai demandé à l’appelante si elle avait tenu un registre de ses activités de recherche d’emploi comme l’exige la demande de prestations. L’appelante a déclaré qu’elle ne l’a pas fait. Elle ajoute qu’elle a postulé un emploi dans une entreprise de services de livraison de nourriture, mais qu’elle n’est allée nulle part physiquement à cause de la COVID-19. J’ai demandé à l’appelante si elle avait postulé des emplois ailleurs. Elle a répondu qu’elle ne l’avait pas fait.

[35] La Commission a fait valoir que l’appelante a reconnu qu’elle ne cherchait ni ne postulait d’emploi puisqu’elle avait un emploi qui l’attendait. J’ai posé des questions à l’appelante à ce sujet. Elle a dit qu’au moment où elle a parlé à la Commission, elle était déjà retournée au travail. Elle a dit qu’elle ne se souvenait pas des détails parce que c’était il y a six mois. L’appelante a également dit avoir demandé à l’agente de la Commission à qui elle avait parlé pourquoi elle n’avait pas appelé avant de retourner au travail, parce qu’elle se serait conformée si elle avait su qu’elle devait le faire.

[36] J’accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle travaillait pour un service de livraison de nourriture. Cependant, je ne suis pas convaincue qu’elle en ait fait assez pour chercher un emploi adapté à sa situation d’employée à temps plein à son emploi habituel.

[37] J’accorde plus de poids aux notes de la Commission sur ce que l’appelante a dit au sujet de sa recherche d’emploi qu’au témoignage de l’appelante. Je le fais parce que ce n’est qu’après que la Commission eut rejeté sa demande de prestations qu’elle a parlé de son travail pour un service de livraison d’épicerie. En outre, son explication selon laquelle elle ne se souvenait pas des détails de sa recherche d’emploi ou de ses demandes d’emploi ne me semble pas crédible. Cela est d’autant plus vrai étant donné le commentaire de l’appelante au sujet de la conformité aux exigences de la Commission si elle avait su qu’elle devait le faire.

[38] J’estime qu’il est probable, d’après la demande de révision de l’appelante, qu’elle n’a pas cherché d’autres emplois que deux emplois dans des services de livraison, dont un qu’elle a obtenu. Je conclus que sa déclaration selon laquelle elle n’avait rien fait de différent depuis le moment de sa mise à pied par le passé confirme une recherche d’emploi très limitée.  Et en l’absence d’un dossier d’activité de recherche d’emploi, je ne crois pas que l’appelante ait fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[39] L’appelante a établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[40] La Commission affirme que l’appelante a limité ses chances d’obtenir un emploi parce qu’elle refusait de se faire vacciner.

[41] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que les vaccins ne sont pas obligatoires au Canada et qu’elle a le droit de ne pas se faire vacciner.

[42] Bien que j’admette que l’appelante n’a pas reçu le vaccin contre la COVID-19, je ne suis pas convaincue que c’est ce qui a limité ses chances de retourner travailler. Je conclus plutôt qu’elle a limité sa recherche d’emploi parce qu’elle croyait que les seuls emplois disponibles étaient des postes dans des services de livraison d’aliments et d’articles d’épicerie.

[43] L’appelante a postulé deux emplois. Elle a obtenu un poste pour livrer des commandes d’épicerie, mais j’ai conclu que cet emploi ne peut pas être considéré comme convenable compte tenu de la situation de l’appelante. Et l’autre emploi qu’elle a postulé était un travail de livraison de nourriture. Sans chercher d’emploi, par exemple comme journalière, ou dans l’industrie générale du commerce de détail ou de l’hôtellerie, je conclus qu’en postulant uniquement à des emplois de livraison d’aliments ou d’épicerie, l’appelante a limité ses chances de retourner au travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[44] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[45] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’elle est inadmissible au bénéfice des prestations.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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