Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MP c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1905

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (566457) datée du 19 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 juin 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 26 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-247

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’intimée (la Commission) a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelant de prolonger le délai de révision de la décision de rejeter sa demande de prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1.

[3] Toutefois, l’appelant n’a pas satisfait au critère juridique de prolongation du délai de révision, de sorte que la décision ne sera pas révisée.

Aperçu

[4] L’appelant a demandé le renouvellement de ses prestations régulières d’assurance-emploi le 7 décembre 2021. Le 28 janvier 2022, la Commission a décidé de ne pas verser de prestations d’assurance-emploi à l’appelant au moment du renouvellement de sa demande. Elle a dit qu’il avait été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été congédié de son emploi en raison de son inconduite (la décision d’exclusion pour inconduite).  

[5] Le 29 décembre 2022, soit plus de 30 jours après le délai prévu par la loi pour demander une révision, l’appelant a demandé à la Commission de réviser la décision d’exclusion pour inconduite du 28 janvier 2022. La Commission a décidé que l’appelant n’avait pas satisfait au critère requis pour lui accorder un délai plus long pour demander une révisionNote de bas de page 2 et a refusé de réviser la décision.

[6] L’appelant a porté en appel le rejet par la Commission de sa demande de prolongation du délai de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[7] L’appelant affirme qu’on ne lui a jamais parlé de son droit de demander une révision, mais qu’il a toujours estimé que la décision relative à sa demande était erronée. Il n’a pas pris connaissance du processus de révision avant qu’un collègue lui ait fait part de son expérience de l’assurance-emploi en septembre ou en octobre 2022. Puis, en décembre 2022, il a pris connaissance d’une décision favorable du Tribunal accueillant un appel d’une décision d’exclusion pour inconduite dans un scénario factuel semblable au sien. Cette nouvelle décision du Tribunal l’a incité à déposer une demande de révision afin qu’il puisse faire appel de la décision d’exclusion pour inconduite dans sa demande.

[8] La Commission affirme qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser à juste titre la demande de prolongation du délai de 30 jours applicable à la révision. Elle affirme qu’elle a tenu compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a conclu que l’appelant n’a pas expliqué de façon raisonnable son retard de près d’un an ni démontré une intention constante de demander une révision.

[9] Je dois décider si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitableNote de bas de page 3.

[10] Je conclus que la Commission n’a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a rejeté la demande de révision tardive de l’appelant. Elle aurait dû prendre en compte qu’aucune lettre de décision n’a été envoyée à l’appelant pour l’informer de la décision d’exclusion pour inconduite et du délai de 30 jours pour demander une révision de la décision.

[11] Toutefois, pour les motifs exposés ci-après, je conclus également que l’appelant n’a pas satisfait au critère juridique de prolongation du délai pour faire réviser la décision d’exclusion pour inconduite. C’est donc dire que la décision ne sera pas révisée.

Question préliminaire

[12] Dans le cadre du présent appel, je ne suis pas saisie de la question de savoir si l’appelant devrait être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 4.

[13] La compétence du Tribunal se limite aux décisions qui ont fait l’objet d’un nouvel examen officielNote de bas de page 5. Comme la décision d’exclusion pour inconduite n’a pas fait l’objet d’un nouvel examen, je n’ai pas compétence pour réviser cette décision.

[14] Je ne tire donc aucune conclusion sur l’exclusion imposée à l’égard de la demande de renouvellement de l’appelant ni sur la question de savoir s’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Questions en litige

[15] Je dois décider si la Commission devrait accepter la demande de révision de l’appelant.   

[16] Pour prendre cette décision, je dois tenir compte des questions suivantes :

  1. a) La demande de révision de l’appelant est-elle tardive? Si oui, dans quelle mesure?
  2. b) La Commission a-t-elle rendu sa décision de façon équitable lorsqu’elle a refusé d’accepter sa demande de révision?

[17] Si je conclus que la Commission n’a pas rendu sa décision équitablement, je peux examiner le critère juridique pour prolonger le délai de demande d’une révision et prendre ma propre décision sur la question de savoir si la Commission devrait accepter la demande de révision de l’appelant.

Analyse

[18] La loi vous permet de demander à la Commission de réviser une décision, mais vous devez le faire dans les 30 jours suivant la communication de cette décisionNote de bas de page 6.

[19] Si vous attendez plus de 30 jours pour déposer votre demande de révision, vous êtes en retard.

[20] La Commission a le pouvoir discrétionnaire d’accorder plus de temps pour demander une révisionNote de bas de page 7, mais seulement si vous satisfaites au critère juridique d’une prolongation au-delà de la période de 30 jours.  

[21] Le Règlement sur les demandes de révision énonce le critère juridique à respecter pour obtenir une prolongation de délai.

[22] Le premier volet du critère juridique indique que la Commission peut accorder un délai plus long pour demander une révision seulement si elle est convaincue :

  1. a) qu’il existe une explication raisonnable à l’appui du retard, et
  2. b) que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision, même en situation de retardNote de bas de page 8.

[23] Le deuxième volet du critère juridique prévoit que si votre demande de révision est soumise plus de 365 jours après que la décision initiale vous a été communiquée, la Commission doit également être convaincue que:

  1. c) la demande de révision a des chances raisonnables de succès; et
  2. d) l’acceptation de la demande de révision tardive ne causerait aucun préjudice à la Commission ou à une partieNote de bas de page 9.

[24] La Commission ne peut accepter une demande de révision tardive et examiner la décision que si vous répondez à toutes les conditions du critère juridique applicable.

[25] La décision de la Commission d’accepter ou de refuser une demande de révision tardive est discrétionnaire. Par conséquent, elle ne peut être modifiée à moins que la Commission n’ait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable.

[26] Cela signifie que l’appelant doit prouver que la décision de la Commission de refuser sa demande de révision tardive a été prise de mauvaise foi ou en raison de considérations non pertinentes, qu’elle n’a pas tenu compte de toutes les considérations pertinentes ou qu’elle a été prise de manière discriminatoireNote de bas de page 10.

[27] Si la Commission n’a pas pris sa décision équitablement, je peux assumer le rôle de la Commission et rendre la décision d’accepter ou de refuser la demande de révision tardive.

Question en litige no 1 : La demande de révision de l’appelant était-elle tardive?

[28] Oui, elle l’était.

a) Quand la décision lui a-t-elle été communiquée?

[29] En vertu de la loi, vous disposez de 30 jours après que la Commission ait communiqué sa décision pour demander une révision de cette décision.

[30] Pour communiquer une décision, la Commission doit démontrer qu’elle vous a parlé du « fond » et de « l’effet » de sa décisionNote de bas de page 11. Toutefois, la Commission n’est pas tenue de vous informer de vos droits d’appel afin de respecter son obligation de vous communiquer le fond et l’effet de sa décisionNote de bas de page 12.  

[31] La Commission n’a pas envoyé de lettre de décision à l’appelant.

[32] L’appelant a plutôt été informé verbalement de la décision d’exclusion pour inconduite et de ses droits de révision le 28 janvier 2022Note de bas de page 13.

[33] La Commission a également répondu à une demande de renseignements du député de l’appelant et a informé verbalement l’adjoint du député de la décision et des droits de révision de l’appelant le 28 janvier 2022Note de bas de page 14.  

[34] À l’audience, l’appelant a déclaré ce qui suit :

  • En janvier 2022, il savait que la Commission avait décidé qu’il ne recevrait pas de prestations d’assurance‑emploi (pour la demande qu’il avait déposée en décembre 2021) parce qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.
  • Toutefois, il n’a pas reçu de lettre de décision de la Commission et il n’a pas été informé de son droit de demander une révision ou du délai pour le faireNote de bas de page 15.
  • Il ignorait qu’il pouvait demander une révision avant septembre ou octobre 2022, lorsqu’un collègue lui a fait part de son expérience et lui a décrit le processus de révision.   
  • Il n’a pris aucune mesure pour demander une révision avant décembre 2022, lorsqu’il a appris que le Tribunal avait rendu une décision favorable sur la question de l’inconduite dans un scénario de fait semblable au sien. C’est à ce moment qu’il a décidé de demander une révision.
  • C’est cette nouvelle décision favorable du Tribunal qui l’a incité à soumettre son formulaire de demande de révision.

[35] Je conclus que la décision d’exclusion pour inconduite a été communiquée à l’appelant le 28 janvier 2022.

[36] Le 28 janvier 2022, l’appelant était au courant du fond de la décision de la Commission (selon laquelle son congédiement était attribuable à son inconduite) et de l’effet de la décision (il ne recevrait pas de prestations d’assurance‑emploi en rapport avec la demande qu’il a déposée en décembre 2021). Cela était suffisant pour lui communiquer la décision d’exclusion pour inconduite.

[37] Pour en arriver à cette conclusion, j’accorde le plus de poids à la mesure de suivi de la Commission à la page GD3-15. La mesure de suivi montre qu’en date du 24 janvier 2022, la Commission enquêtait sur le congédiement de l’appelant. Elle montre également la décision de la Commission selon laquelle le congédiement de l’appelant était attribuable à son inconduite. Et elle montre qu’en date du 28 janvier 2022, l’appelant et le bureau de son député avaient tous deux été informés de l’exclusion imposée dans le cadre de sa demande et du processus d’appel dans les 30 jours suivants.

[38] La mesure de suivi est un compte rendu détaillé des mesures prises par la Commission. Elle a été créée en même temps que l’enquête, la décision et les communications avec l’appelant et le bureau du député.  J’estime que la mesure de suivi pour l’enquête du député le 28 janvier 2022 est une preuve fiable que l’appelant a été informé du fond et de l’effet de la décision de la Commission, compte tenu de ses droits de révision (bien qu’il ne soit peut-être pas enregistré auprès de luiNote de bas de page 16).

[39] Comme l’appelant n’a déposé sa demande de révision que le 29 décembre 2022, celle-ci était tardive.

b) Dans quelle mesure sa demande de révision était-elle tardive?

[40] Elle était en retard de 11 mois.

[41] La décision a été communiquée à l’appelant le 28 janvier 2022 et la Commission a reçu sa demande de révision le 29 décembre 2022.

[42] Comme sa demande de révision était en retard de moins d’un an, l’appelant n’a qu’à satisfaire au premier volet du critère juridique pour prolonger le délai lui permettant de demander une révision.

[43] C’est donc dire que l’appelant doit démontrer deux choses :

  1. c) Qu’il avait une explication raisonnable pour avoir tardé à présenter sa demande de révision.
  2. d) Qu’il avait l’intention constante de demander une révision entre le 28 janvier 2022 et le 29 décembre 2022.

Question en litige no 2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable lorsqu’elle a rejeté la demande de révision de l’appelant?

[44] Non, elle ne l’a pas fait.

[45] J’ai examiné le compte rendu de décision du rejet par la Commission de la demande de révision tardive présentée par l’appelantNote de bas de page 17. La Commission a souligné que l’appelant connaissait la décision défavorable concernant sa demande en janvier 2022 et a écarté ses déclarations selon lesquelles il n’avait pas été informé de son droit de demander une révision, ni par la Commission ni par le bureau de son député.

[46] Cette situation est troublante. En effet, la question de savoir comment et quand l’appelant a pris connaissance de son droit de demander une révision est pertinente pour les deux facteurs du critère juridique auxquels il doit satisfaire pour que le délai de 30 jours applicable à la demande de révision soit prolongé.  

[47] L’appelant a déclaré ce qui suit dans son témoignage :

  • En janvier 2022, il savait que la Commission avait décidé de ne pas lui verser de prestations d’assurance‑emploi et qu’elle avait pris cette décision parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite.
  • Il n’était pas d’accord avec la conclusion d’inconduite et ne croyait pas que la décision était correcte.
  • On ne lui a cependant jamais dit qu’il avait le droit de demander une révision de la décision.
  • C’était la première fois qu’il passait par ce processus.
  • Les renseignements sur le droit de demander une révision et le délai de 30 jours pour le faire étaient des renseignements importants. S’il n’avait pas reçu ces renseignements, comment aurait-il pu agir à temps?
  • Il n’a pas pris connaissance du processus de révision avant qu’un collègue ne lui en parle en septembre ou en octobre 2022.
  • C’est à ce moment qu’il a commencé à consulter le site Web de l’assurance‑emploi pour en apprendre davantage au sujet du processus de révision.
  • Puis, en décembre 2022, il a appris que le Tribunal avait rendu une décision qui a infirmé une conclusion d’inconduite et qui était favorable à un appelant dans des circonstances très semblables à la sienne. Cela l’a incité à déposer une demande de révision.

[48] Pour les motifs énoncés à la question 1 qui précède, je conviens avec la Commission que l’appelant a reçu la décision d’exclusion pour inconduite le 28 janvier 2022.

[49] J’accepte cependant le témoignage de l’appelant selon lequel il n’a pas reçu d’avis écrit de ses droits de révision et selon lequel il n’a pas été informé de ses droits de révision de façon significativeNote de bas de page 18avant septembre ou octobre 2022. L’absence de lettre de décision et l’ignorance de ses droits de révision d’une manière qui s’est ancrée dans son esprit pendant des mois après que la décision lui ait été communiquée constituent des facteurs importants et pertinents pour décider si l’appelant avait une explication raisonnable de son retard et une intention constante de demander une révision.

[50] La Commission aurait dû tenir compte de ces facteurs dans son analyse de la question de savoir si l’appelant a satisfait au critère de prolongation du délai de révision de la décision d’exclusion pour inconduite. Elle ne l’a pas fait.

[51] Étant donné que la Commission a négligé ces facteurs pertinents lorsqu’elle a rendu sa décision, je conclus qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable. C’est donc dire que je peux assumer le rôle de la Commission et appliquer le critère juridique pour prendre ma propre décision au sujet de la demande de révision tardive de l’appelant.

Question en litige no 3 : L’appelant a-t-il satisfait au critère juridique de prolongation du délai pour demander une révision?

[52] Non, il ne l’a pas fait.

[53] L’appelant n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son retard ni prouvé qu’il avait une intention constante de demander une révision.

a) Explication raisonnable du retard

[54] L’appelant n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son retard.

[55] Compte tenu de mes conclusions aux questions 1 et 2 qui précèdent, l’appelant doit fournir une explication raisonnable pour justifier le report du 28 janvier 2022 (date à laquelle la décision lui a été communiquée) au 29 décembre 2022 (date à laquelle il a déposé sa demande de révision).

[56] L’appelant a témoigné comme suit au sujet des raisons de son retard :

  • En janvier 2022, lorsqu’il a appris que la Commission ne lui verserait pas de prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait décidé qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite, on ne lui a pas dit qu’il pouvait demander la révision de cette décision.
  • Il a toujours cru que la décision était erronée parce qu’il s’est conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur lorsqu’il a demandé une exemption pour motifs religieux. Demander d’être exempté de la vaccination ne constitue pas une inconduite.
  • Cependant, on ne lui a pas remis de lettre de décision expliquant quoi faire s’il était en désaccord avec la décision de refuser ses prestations d’assurance-emploi.
  • Entre le 28 janvier 2022 et septembre ou octobre 2022, il n’a pris aucune mesure pour communiquer avec Service Canada ou pour enquêter sur la façon dont la décision pourrait être portée en appel ou infirmée.
  • C’est qu’il faisait face à beaucoup de stress, notamment :
    • le stress de la pandémie et [traduction] « toutes les nouvelles règles » au sujet de la COVID-19,
    • le stress de perdre son emploi et de voir sa demande d’exemption pour des motifs religieux [traduction] « ignorée » par son employeur,
    • le stress des membres de la famille qui perdent leur emploi également en raison de la COVID-19,
    • le stress de ne pas recevoir de prestations d’assurance-emploi après avoir cotisé au programme,
    • le stress de devoir chercher un nouvel emploi et, éventuellement, le stress de commencer un nouvel emploi.
  • C’était également la [traduction] « première fois qu’il passait par ce processus » et il ne connaissait pas les règles de l’assurance-emploi. Il était [traduction] « découragé » et [traduction] « ne réfléchissait pas clairement ». Il a trouvé tout cela [traduction] « assez taxant ».
  • Il n’a pris connaissance du processus de révision qu’en septembre ou octobre 2022, lorsqu’un collègue lui a fait part de son expérience et lui a dit qu’il pouvait demander une révision à la Commission.
  • Après la discussion avec son collègue, il a commencé à se pencher sur le processus de révision en lisant l’information sur le site Web de l’assurance-emploi et en essayant d’établir quelles mesures il devait prendre.
  • Il était encore [traduction] « très stressé », et il lui a fallu du temps pour comprendre et interpréter l’information sur le site Web et [traduction] « apprendre à faire appel ».
  • En décembre 2022, il a pris connaissance d’une décision favorable du Tribunal qui, selon lui, l’aiderait à infirmer la conclusion d’inconduite dans son casNote de bas de page 19.
  • C’est en apprenant l’existence de cette décision favorable qu’il a été incité à déposer sa demande de révision pour pouvoir faire appel de la décision relativement à sa propre demande de prestations.  

[57] Je reconnais que l’appelant n’était pas tout à fait au courant de son droit de demander une révision avant septembre ou octobre 2022. Cependant, je ne crois pas qu’il s’agisse d’une explication raisonnable pour son retard du 28 janvier 2022 jusqu’à ce moment-là. Si l’appelant croyait que la décision d’exclusion pour inconduite du 28 janvier 2022 était erronée, il aurait été raisonnable pour lui de faire des demandes de renseignements pour savoir s’il y avait un moyen d’annuler la décision — soit en communiquant avec Service Canada, soit en se rendant sur le site Web de l’assurance-emploi. Je constate qu’il est en mesure de demander des renseignements et de l’aide en raison de la façon dont il a fait appel au bureau de son député pour effectuer un suivi auprès de la Commission au sujet de la prise de la décisionNote de bas de page 20. Pendant 9 ou 10 mois après la prise de la décision, toutefois, soit du 28 janvier 2022 à septembre ou octobre 2022, il n’a pris aucune mesure pour se renseigner sur la possibilité d’infirmer la décision, même si lui et les membres de sa famille faisaient face à la perte de leur emploi et vivaient un stress financier. Cela n’était pas raisonnable.

[58] Je reconnais également que la pandémie était une période tumultueuse et que l’appelant était très stressé par sa perte d’emploi et sa recherche d’un nouvel emploi. Mais je ne pense pas que ce soit une explication raisonnable non plus de son retard. Tous les prestataires qui demandent des prestations régulières d’assurance-emploi subissent une cessation d’emploi et doivent chercher activement un autre emploi pour recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 21. Ces circonstances peuvent certes être stressantes, mais elles ne libèrent pas les prestataires de l’obligation de se conformer aux délais et aux responsabilités énoncés dans la Loi sur l’assurance-emploi et son règlement d’application.

[59] Enfin, même en tenant compte du fait que l’appelant n’était pas pleinement conscient de son droit de demander une révision avant septembre ou octobre 2022, il ne peut toujours pas expliquer de façon raisonnable le retard de septembre ou octobre 2022 au 29 décembre 2022. En septembre ou octobre 2022, il avait reçu l’information de son collègue et cherchait sur le site Web de Service Canada pour s’informer du processus de révision. Il aurait été raisonnable pour lui de savoir qu’il était déjà en retard et qu’il devait agir rapidement pour que son formulaire de demande de révision soit déposé. Néanmoins, iI ne l’a pas fait. Et je ne vois rien qui l’empêchait de demander une révision plus tôtNote de bas de page 22.

[60] Pour tous ces motifs, je conclus que l’appelant n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son retard dans le dépôt de sa demande de révision.

[61] L’analyse de la division d’appel du Tribunal dans une affaire récente similaireNote de bas de page 23 (l’affaire SS) appuie également ma conclusion. Dans l’affaire SS, le prestataire a déposé son appel en retard et a demandé une prolongation de délai. Pour accorder une prolongation du délai d’appel, la division d’appel du Tribunal devait décider si le prestataire avait une explication raisonnable des raisons pour lesquelles sa demande de permission de faire appel était tardive. Dans l’affaire SS, le prestataire a fait référence à la même décision favorable que l’appelant dans le présent appelNote de bas de page 24, et a expliqué qu’elle avait été rendue après l’expiration de la date limite pour présenter son appel. Dans l’affaire SS, la division d’appel a statué :

« Le fait qu’une décision qui lui semble favorable ait été rendue après le délai qui lui était accordé pour présenter son appel n’est pas une explication raisonnable pour son retardNote de bas de page 25. »

b) Intention constante de demander une révision

[62] L’appelant n’a pas manifesté l’intention constante de demander une révision pendant son retard.

[63] Pour les motifs énoncés au paragraphe 57 qui précède, je conclus qu’il n’existe aucune preuve d’une intention constante de demander une révision entre le 28 janvier 2022 et septembre ou octobre 2022.

[64] En septembre ou octobre 2022, le collègue de l’appelant l’avait informé qu’il pouvait demander une révision. Mais il n’avait toujours pas déposé sa demande de révision avant le 29 décembre 2022.

[65] Il a dit ce qui suit dans son témoignage :

  • Il a un collègue qui [traduction] « a vécu quelque chose de semblable » lorsqu’ils ont perdu leur emploi.
  • En septembre ou octobre 2022, ce collègue lui a dit qu’il pouvait porter en appel la décision d’exclusion pour inconduite et lui a expliqué ce qu’il devait faire.
  • Auparavant, il n’avait pris aucune mesure pour examiner la façon d’annuler la décision défavorable relative à sa demande.
  • Et même après que son collègue lui ait parlé du processus de révision, il n’a toujours pas pris de mesures pour demander une révision parce qu’il [traduction] « attendait la décision » concernant la possibilité d’obtenir des prestations d’assurance-emploi dans leur situationNote de bas de page 26.
  • Il devait aussi [traduction] « composer avec un nouvel emploi » à ce moment-là et avec tous les autres stress liés à la pandémie, y compris les pertes d’emplois des membres de sa famille et [traduction] « tout ce qui se passait dans le monde » à l’époque.
  • Il ne s’est pas non plus empressé de [traduction] « procéder à une révision » parce qu’un grand nombre de personnes avaient perdu leur emploi pendant la pandémie et que l’assurance-emploi était [traduction] « tellement en retard » qu’il savait qu’il attendrait probablement longtemps pour obtenir une réponse. Des gens dans le système ne recevaient pas d’appels depuis des « mois ». Il estimait que sa tentative de révision serait [traduction] « futile » en raison du [traduction] « volume considérable » de l’arriéré à l’assurance-emploi.
  • Il savait qu’il y avait un délai pour demander une révision, mais il croyait que ce délai était lié à l’arriéré et au fait que tout prenait plus de temps qu’en période non pandémique.
  • Il a [traduction] « retourné dans tous les sens » dans son esprit la question de savoir s’il était préférable de chercher un nouvel emploi ou de faire appel de la décision d’exclusion pour inconduite.
  • Mais lorsqu’il a pris connaissance de la décision du Tribunal [traduction] « dans le dossier numéro GE-22-1889 »Note de bas de page 27, il a décidé de [traduction] « déposer une demande de révision ».
  • La décision du Tribunal portant le numéro GE-22-1889 avait trait à des faits similaires à la sienne, soit un refus de prestations d’assurance-emploi en vertu d’un mandat de vaccination, et a conclu qu’il n’y avait pas d’inconduite qui [traduction] « justifiait le licenciement ».
  • Il croyait que la décision GE-22-1889 du Tribunal lui serait utile.
  • Cette décision l’a incité à agir et il a déposé sa demande de révision.
  • [Traduction] « L’élément principal qui l’a poussé » à déposer sa demande de révision était [traduction] « la compréhension que le Tribunal rendait des décisions favorables dans des affaires semblables à la mienne ».

[66] Le témoignage de l’appelant montre qu’il n’a pas formé l’intention de demander une révision à la Commission avant le lendemain du 14 décembre 2022, date à laquelle la décision GE-22-1889 a été rendue par le membre du Tribunal.

[67] C’est conforme à ce qu’il a dit à la Commission. Dans son compte rendu des décisions, la Commission a noté ce qui suit :

[Traduction]
« Le client n’a pas rempli la demande de révision en temps opportun parce qu’il n’y a pas eu de décision judiciaire concernant les circonstances entourant son licenciement. Ce n’est qu’après la décision de décembre 2022 que le client s’est senti obligé de faire examiner sa demande en fonction des nouveaux développements. » (Page GD3-21)

[Traduction]
« Raison du retard : Le client n’a pas déposé de demande de révision parce qu’il a attendu une décision du tribunal en décembre 2022, car l’issue de la décision pourrait modifier la décision initiale rendue. » (Page GD3-21).

[68] Ce n’est pas suffisant pour démontrer qu’il avait l’intention constante de demander une révision pendant la période de son retard — soit le retard total de 11 moisNote de bas de page 28, c’est-à-dire le délai entre le moment où son collègue lui a parlé du processus de révision en septembre ou octobre 2022 et le moment où il a déposé sa demande de révision le 29 décembre 2022.

[69] Je conviens avec la Commission que le fait de prendre des mesures après avoir pris connaissance d’une affaire qui pourrait aider à modifier la décision défavorable initiale ne démontre pas une intention constante de demander une révision.

[70] Pour tous ces motifs, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait l’intention constante de demander une révision pendant toute la période de son retard.

c) Conclusion au sujet du critère juridique de prolongation du délai pour demander une révision

[71] L’appelant n’a pas satisfait au critère juridique relatif à une prolongation du délai pour demander une révision de la décision d’exclusion pour inconduite du 28 janvier 2022.

[72] N’ayant pas satisfait aux critères requis, il n’a pas droit à une prolongation du délai pour demander une révision de cette décision.

[73] Cela signifie que la décision ne sera pas révisée.

Conclusion

[74] L’appel est rejeté.

[75] La demande de révision de l’appelant était tardive, mais la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a refusé de l’accepter.

[76] Toutefois, l’appelant n’a pas satisfait aux conditions nécessaires pour que la Commission accepte sa demande de révision tardive. Cela signifie qu’une prolongation de délai ne peut être accordée dans son cas.

[77] La décision d’exclusion pour inconduite du 28 janvier 2022 ne sera pas révisée.

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