Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MP c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 85

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : M. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Mélanie Allen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 26 juin 2023
(GE-23-247)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 décembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 24 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-657

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de M. P. Il n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur.

[2] Par conséquent, la décision de la division générale subsiste.

Aperçu

[3] J’appellerai M. P. le prestataire parce qu’il a renouvelé une demande de prestations d’assurance‑emploi après avoir été congédié de son emploi.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande de prestations. Elle a établi qu’il avait perdu son emploi pour inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 1. C’est ce que j’appellerai la question de l’inconduite.

[5] Le 28 janvier 2022, la Commission a avisé verbalement le prestataire qu’elle rejetait sa demande.

[6] Le 29 décembre 2022, le prestataire a envoyé une demande de révision à la Commission. Celle-ci a refusé de repousser le délai de 30 jours pour le dépôt de sa demande de révision. Le prestataire a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal. La division générale a conclu que la Commission n’avait pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de repousser le délai de 30 jours. La division générale devait donc établir si le prestataire satisfaisait au critère juridique pour prolonger le délai. Elle a décidé que ce n’était pas le cas et a rejeté son appel.

[7] Le prestataire porte maintenant en appel la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il fait valoir que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable, a commis une erreur de compétence, a commis une erreur de droit et a commis des erreurs de fait graves.

Questions en litige

[8] Le présent appel soulève quatre questions :

  • La division générale a-t-elle eu recours à un processus injuste lorsqu’elle a refusé d’entendre la preuve et les arguments du prestataire au sujet de la question de l’inconduite?
  • La division générale a-t-elle omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, soit la question de l’inconduite?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans sa décision en n’appliquant pas le critère juridique de l’inconduite?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante au sujet des raisons pour lesquelles le prestataire a déposé sa demande de révision en retard ou de son intention constante de demander une révision?

Analyse

[9] Le prestataire n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur. Je ne peux donc pas intervenir dans la décision de la division générale. Le reste de la présente décision expose l’analyse qui m’a mené à cette conclusion.

[10] La loi me permet d’intervenir dans une décision de la division générale lorsqu’une partie prestataire peut démontrer que la division générale :

  • a eu recours à un processus injuste
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer
  • a commis une erreur de droit dans sa décision (comme une mauvaise interprétation de la loi ou l’utilisation du mauvais critère juridique)
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[11] Le prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas suivi une procédure équitable, a commis une erreur de compétence et a commis une erreur de droitNote de bas de page 3. À l’audience, le prestataire a également soutenu que la division générale avait commis deux erreurs de fait.

La division générale a suivi une procédure équitable

[12] La division générale commet une erreur si elle a recours à une procédure non équitableNote de bas de page 4.

[13] Le prestataire soutient que la division générale ne lui a pas envoyé de lettre l’informant de son droit de demander une révision. Il dit que c’était injuste.

[14] Je lui ai demandé pendant l’audience s’il voulait dire que la Commission ne lui avait pas envoyé de lettre de décision. Il dit avoir confondu les deux institutions : la Commission et la division générale du Tribunal. Il voulait dire que la Commission ne lui avait pas envoyé de lettre de décision. Le prestataire n’a donc pas soutenu que la division générale avait utilisé une procédure injuste pour cette raison.

[15] Le prestataire soutient également que la division générale a agi injustement en ne le laissait pas témoigner et présenter des arguments au sujet de la question de l’inconduite.

[16] Cela n’était pas injuste pour le prestataire. Les questions juridiques que la division générale devait examiner et trancher portaient sur le retard de sa demande de révision. La division générale n’avait pas le pouvoir juridique d’examiner et de trancher la question de l’inconduite. Autrement dit, la preuve et les arguments du prestataire au sujet de l’inconduite n’étaient pas pertinents. Il n’était donc pas injuste pour la division générale de refuser de les entendre.

La division générale a agi dans les limites de ses pouvoirs et n’a pas refusé de les utiliser

[17] La division générale commet une erreur si elle outrepasse son pouvoir décisionnel ou refuse de l’exercerNote de bas de page 5. Autrement dit, la division générale commet une erreur si elle tranche une question sur laquelle elle n’a pas le pouvoir de statuer ou si elle ne décide pas d’une question qu’elle doit trancher.

[18] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a [traduction] « rejeté sommairement » sa contestation de la décision d’inconduite de la CommissionNote de bas de page 6. Il affirme que la division générale aurait dû tenir une audience pour décider s’il a perdu son emploi pour inconduite. Cependant, elle a refusé de le faire.

[19] La Commission n’a pas rendu de décision de révision sur la question de l’inconduite. Le prestataire ne pouvait donc pas faire appel de cette question devant la division généraleNote de bas de page 7. Comme il n’y a pas eu d’appel de la question de l’inconduite, la division générale n’avait pas le pouvoir légal d’examiner et de trancher cette question. Son refus d’entendre ce problème ne constituait donc pas une erreur.

[20] La division générale a exposé correctement les questions juridiques qu’elle devait examiner et trancher aux paragraphes 15 à 17 de sa décision. Ces questions portaient sur la demande de révision du prestataire et sur les questions de savoir si elle était tardive, si la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de reporter le délai de dépôt de 30 jours et si le prestataire a satisfait au critère juridique pour obtenir une prolongation. La division générale a examiné et tranché ces questions.

[21] La division générale n’a donc pas excédé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer. Elle n’a pas commis ce genre d’erreur.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en n’appliquant pas le critère de l’inconduite

[22] La division générale commet une erreur de droit si elle n’utilise pas le bon critère juridique, interprète mal le droit, applique mal un critère juridique, ne donne pas les motifs adéquats de sa décision ou tire une conclusion de fait sans preuve à l’appui.

[23] À la division générale, le prestataire a contesté la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il a perdu son emploi pour inconduite. Pour les motifs que j’ai écrits dans la section précédente, la division générale ne pouvait pas tenir compte de la question de l’inconduite. Elle n’a donc pas commis d’erreur de droit en n’appliquant pas le critère juridique de l’inconduite.

[24] J’ai envoyé aux parties une lettre qui explique les questions juridiques sur lesquelles elles devraient se concentrer à la division d’appelNote de bas de page 8. Malgré cela, le prestataire a concentré ses arguments sur la question de l’inconduite. Comme il n’était pas représenté par un avocat ou une avocate, j’ai examiné la décision de la division générale pour voir si elle avait commis des erreurs de droit.

[25] La division générale a exposé correctement :

  • le droit sur ce que signifie pour la Commission « communiquer sa décision » à une personne (au paragraphe 30);
  • le critère juridique que le prestataire devait respecter pour obtenir une prolongation du délai pour déposer une demande de révision (aux paragraphes 18 à 24, 42 et 43)Note de bas de page 9;
  • le critère juridique pour décider si la Commission a exercé de façon judiciaire son pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai (au paragraphe 26);
  • qu’elle ne pouvait décider de prolonger le délai que si elle concluait que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire (au paragraphe 27).

[26] Puis, la division générale a appliqué correctement ces critères juridiques à la preuve pertinenteNote de bas de page 10. Elle n’a pas ignoré les arguments pertinents présentés par les parties.

[27] La division générale n’a donc pas commis d’erreur de droit.

La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante

[28] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait tirée en ignorant la preuve, en la comprenant mal ou en l’interprétant malNote de bas de page 11.

[29] Le fait de ne pas être d’accord avec la façon dont la division générale a évalué la preuve ne compte pas comme une erreur de fait importante. De plus, la division d’appel ne peut soupeser à nouveau la preuve examinée par la division générale.

[30] Le prestataire a fait valoir que la division générale a commis deux erreurs dans son traitement de la preuve. Ces prétendues erreurs portent sur les éléments de preuve qu’il a fournis au sujet des motifs pour lesquels il a déposé sa demande de révision en retard et sur son intention constante de déposer une demande de révision.

[31] D’après mon examen de la preuve devant la division générale et de sa décision, je suis convaincu qu’elle n’a pas commis d’erreur de fait importante.

La division générale n’a pas omis de tenir compte des éléments de preuve pertinents et elle a soupesé la preuve qu’elle devait évaluer

[32] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas accordé assez de poids aux documents écrits, comparativement aux notes de la Commission sur ce qu’il a dit pendant les appels.

[33] La division générale a entendu le témoignage du prestataire à l’audience, l’a examiné et soupesé en le comparant aux documents que la Commission a envoyés. La division générale a posé au prestataire des questions détaillées sur le moment de sa demande de révision et sur la raison pour laquelle il l’a déposée lorsqu’il l’a fait. Puis, aux paragraphes 45, 47, 56, 65 et 67 de sa décision, elle a exposé et soupesé avec exactitude tous les éléments de preuve pertinents.

[34] Je ne peux pas examiner le poids que la division générale a accordé à la preuve.

[35] La division générale n’a donc ni omis de tenir compte de la preuve ni commis une erreur de fait importante.

La division générale n’a pas ignoré ou mal compris le témoignage du prestataire au sujet du contexte et du moment

[36] Le prestataire soutient que la division générale ne comprenait pas le contexte et le moment de ce qui se produisait dans sa vie à l’époque.

[37] À l’audience devant la division générale, il a expliqué que c’était une période exceptionnellement stressante pour lui. Il était stressé en raison de la COVID-19, des pertes d’emploi (la sienne et celles d’autres membres de sa famille), du fait qu’il ne recevait pas d’assurance-emploi, qu’il cherchait du travail et qu’il commençait un nouvel emploi. Selon lui, son stress l’a empêché de découvrir quels étaient ses droits. Et il l’a empêché de déposer sa demande de révision à temps.

[38] Le prestataire soutient que la division générale a mal compris son témoignage à ce sujet (malentendu ou erreur) ou ne l’a pas pris en compte.

[39] Je ne suis pas d’accord.

[40] La décision de la division générale expose le témoignage du prestataire sur ce qui se passait dans sa vie. La division générale a ensuite décidé quels éléments de preuve étaient pertinents pour décider s’il expliquait de façon raisonnable le retard dans le dépôt de sa révision. La division générale :

  • a résumé avec exactitude le témoignage du prestataire au sujet du stress dans sa vie et de la façon dont il a influé sur sa capacité de déposer sa demande de révision à temps (au paragraphe 56, voir les points 5, 6 et 9)Note de bas de page 12
  • a accepté qu’il était très stressé (au paragraphe 58)
  • a conclu que sa situation ne le libérait pas du respect des délais et de ses responsabilités en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (au paragraphe 58)
  • a conclu que rien ne l’empêchait de demander une révision plus tôt qu’il ne l’avait fait (au paragraphe 59).

[41] La division générale n’a donc pas fondé sa décision sur une conclusion de fait au sujet de son explication du retard qu’elle a tirée en ignorant, en comprenant mal ou en interprétant mal la preuve pertinente.

[42] La division générale s’est ensuite penchée sur la question de savoir si le prestataire avait l’intention constante de demander une révision. La division générale :

  • a résumé avec exactitude le témoignage du prestataire au sujet du stress qu’il subit dans sa vie (au paragraphe 65, voir le point 4)Note de bas de page 13
  • a soupesé tous les éléments de preuve pertinents pour cette question juridique
  • a été convaincue par des éléments de preuve qui ont démontré qu’il n’avait pas l’intention de demander une révision avant d’avoir pris connaissance d’une décision du tribunal qu’il pourrait utiliser pour contester l’exclusion par la Commission pour inconduite (au paragraphe 66)
  • a conclu qu’il n’avait pas une intention constante parce qu’il a pris des mesures pour demander une révision seulement après avoir pris connaissance de cette décision (au paragraphe 69).

[43] La division générale n’a donc pas fondé sa décision sur une conclusion de fait au sujet de son intention constante de demander une révision qu’elle a tirée en ignorant, en comprenant mal ou en interprétant à tort les éléments de preuve pertinents.

Résumé : aucune erreur de fait importante

[44] Le prestataire n’est vraiment pas d’accord avec les conclusions que la division générale a tirées en se fondant sur son évaluation de la preuve — la preuve qu’elle a jugée pertinente et le poids qu’elle a accordé à cette preuve. Mais il n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur de fait importante.

Conclusion

[45] Je rejette l’appel du prestataire parce qu’il n’a pas démontré que la division générale a commis des erreurs. Par conséquent, la décision de la division générale subsiste.

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