Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 249

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : G. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Jessica Earles

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 26 juillet 2023
(GE-23-1615)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 12 mars 2024
Numéro de dossier : AD-23-781

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La division générale n’a pas commis d’erreur révisable.

Aperçu

[3] Le prestataire, G. H., travaillait dans un petit atelier. Il a démissionné en raison de son environnement de travail.

[4] La division générale a conclu que les circonstances entourant la démission du prestataire étaient le harcèlement dont il faisait l’objet et un environnement de travail dangereux.

[5] La division générale a décidé que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de démissionner parce qu’il aurait pu parler au propriétaire ou signaler l’atelier à l'Alberta Occupational Health and Safety (santé et sécurité au travail (SST) de l’Alberta).

[6] J’ai examiné tous les arguments du prestataire. Je juge que la division générale n’a commis aucune erreur qui me permettrait d’intervenir. La prestataire avait au moins une autre solution raisonnable que de démissionner. Par conséquent, je dois rejeter l’appel.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a décidé que le départ du prestataire était la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[8] Je peux seulement intervenir si la division générale a commis une erreur. Il y a seulement certaines erreurs dont je peux tenir compteNote de bas de page 1. En bref, les erreurs que je peux examiner sont si la division générale a :

  • agi injustement d’une façon ou d’une autre;
  • décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher ou n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher;
  • mal appliqué ou interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

[9] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire a coché la case qui dit que [traduction] « la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale ». À l’audience, le prestataire a convenu que son audience et le processus étaient équitables. Il a un problème avec la décision de la division générale et pense qu’elle contient une erreur.

[10] Le processus de la division d’appel n’est pas une reprise de l’audience de la division générale. À moins qu’une erreur ait été commise, je ne peux pas soupeser à nouveau la preuve dont disposait la division généraleNote de bas de page 2. Ainsi, même si j’avais tranché l’affaire différemment, je ne peux pas modifier la décision à moins qu’une erreur de fait ne soit relevéeNote de bas de page 3.

[11] La division générale jouit d’une certaine liberté lorsqu’elle tire des conclusions de fait. Lorsque j’examine si je peux intervenir, il doit y avoir une erreur importante sur laquelle la division générale a fondé sa décision. Par conséquent, je peux seulement intervenir si la conclusion est [traduction] « volontairement contraire à la preuve » ou si des preuves essentielles ont été ignoréesNote de bas de page 4.

[12] La division générale n’a pas à mentionner chaque élément de preuveNote de bas de page 5. La loi est claire : je peux intervenir seulement si la division générale « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance »Note de bas de page 6.

La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait au moins une autre solution raisonnable que de démissionner

[13] La présente affaire porte sur le départ volontaire. Il n’est pas contesté que le prestataire a quitté son emploi le 10 janvier 2023Note de bas de page 7.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire est « fondée à quitter son emploi » si compte tenu de « toutes les circonstances », son départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 8.

[15] La division générale a conclu que les circonstances du prestataire comprenaient le harcèlement au travail et le fait qu’il se trouvait dans un milieu de travail dangereux. Les deux parties ne contestent pas cette conclusion.

[16] La division générale a conclu que le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. C’est sur cela que portait l’audience d’appel.

La division générale a appliqué le bon critère juridique

[17] Il n’a pas été contesté que la division générale a cerné et appliqué le bon critère juridiqueNote de bas de page 9.

[18] Le prestataire dit qu’il pense que la division générale a tiré la mauvaise conclusion lorsqu’elle a décidé que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[19] La division d’appel ne peut pas décider s’il y a une erreur dans la façon dont la division générale a appliqué le droit aux faits précis de la présente affaireNote de bas de page 10. On considère qu’il s’agit d’une erreur mixte de fait et de droit.

[20] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la division générale. Plus précisément, il affirme qu’il n’avait pas la solution raisonnable de parler au propriétaire de l’entreprise du problème de harcèlement. La division générale a examiné cette questionNote de bas de page 11.

[21] De plus, le prestataire ne pense pas qu’une autre solution raisonnable aurait été de se plaindre à la SST de l’Alberta. Le prestataire leur a parlé après avoir démissionné. Il dit que s’il leur avait parlé avant de démissionner, il avait l’impression que le propriétaire l’aurait congédiéNote de bas de page 12. Encore une fois, la division générale a examiné cette question et a conclu que le fait de parler à la SST de l'Alberta était une solution raisonnableNote de bas de page 13.

[22] La division générale a appliqué la bonne loi. Le fait de décider si le prestataire avait une solution raisonnable autre que de démissionner fait partie du critère de la justification. Par conséquent, l’erreur dont le prestataire se plaint est une erreur mixte de fait et de droit, et je ne peux pas en tenir compte.

[23] Le prestataire s’est représenté lui-même. Je vais donc aussi examiner ses arguments d’un autre point de vue pour m’assurer de ne pas avoir mal interprété ou omis d’examiner quelque choseNote de bas de page 14. Ci-dessous, j’examinerai si la division générale a commis une erreur de fait importante.

Dans un petit atelier, il peut être irréaliste de s’attendre à ce qu’une personne parle à un supérieur, mais une fois que la personne a décidé de démissionner, il n’y avait aucune raison de ne pas le faire

[24] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur dans sa décision parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’il ne pouvait pas se plaindre sans se faire congédier. Le prestataire a expliqué qu’il travaillait dans un petit atelier. Il dit que le propriétaire n’était pas facile d’approche. L’épouse du propriétaire, qui fait du travail de bureau, a été désignée comme représentant les ressources humainesNote de bas de page 15. Selon le prestataire, cela signifie qu’il n’y avait pas vraiment de service des ressources humaines. La seule autre personne avec qui il travaillait régulièrement était le collègue qui a été jugé comme ayant harcelé le prestataire.

[25] La Commission soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur. Autrement, la Commission est d’avis que la division générale a tout examiné en détailNote de bas de page 16.

[26] La division générale a affirmé que le prestataire avait une autre solution raisonnable et qu’il aurait dû parler au propriétaire de l’entreprise avant de démissionnerNote de bas de page 17. La preuve devant la division générale était que si le prestataire avait signalé les problèmes au propriétaire, il était certain qu’il aurait immédiatement perdu son emploiNote de bas de page 18.

[27] La division générale n’a peut-être pas tenu compte du fait qu’il s’agissait d’un petit atelier. Cela fait une différence quant à savoir s’il était raisonnable ou non que le prestataire s’adresse au propriétaire.

[28] Le prestataire affirme qu’il se faisait constamment harceler depuis de nombreux mois. J’accepte l’argument du prestataire selon lequel il ne se sentait pas à l’aise de parler de ces problèmes au propriétaire. Il dit qu’il craignait d’être congédié. Au départ, il ne voulait pas perdre son emploi.

[29] La division générale a déclaré que si le prestataire avait eu raison et qu’on l’avait congédié pour s’être plaint, sa situation n’aurait pas été pire que lorsqu’il a décidé de démissionnerNote de bas de page 19.

[30] Je suis d’accord avec l’argument du prestataire selon lequel la question de savoir s’il aurait été congédié s’il avait soulevé le problème au propriétaire n’a aucun sens une fois qu’il a décidé de démissionner. Une fois que le prestataire a décidé qu’il allait démissionner, il semble qu’il n’aurait rien à perdre en soulevant la question. À ce moment-là, il était prêt à démissionner. Donc, s’il avait été congédié, il n’y aurait pas eu de différence.

[31] Le prestataire soutient que le propriétaire était en vacances lorsqu’il a démissionné. Pourtant, il aurait pu parler au propriétaire à son retour.

[32] Je conviens donc que la division générale n’a pas tenu compte de l’incidence sur le prestataire du fait qu’il travaillait dans un « petit atelier ». Mais cela n’aurait été qu’un des éléments de l’examen. Une fois que le prestataire a décidé de démissionner, la division générale a conclu qu’il n’aurait rien perdu en parlant au propriétaire. La conclusion de la division générale n’a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire. Par conséquent, je ne peux pas intervenir sur cette question.

[33] Même si ce n’était pas une solution raisonnable, la division générale a tout de même conclu à l’existence d’une autre solution raisonnable.

Le prestataire aurait pu déposer une plainte auprès de la SST de l’Alberta

[34] Le critère juridique prévu par la Loi sur l’assurance-emploi exige que le prestataire n’ait « aucune autre solution raisonnable ». Par conséquent, s’il y a une solution raisonnable, cela signifie que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[35] La division générale a également conclu qu’il était raisonnable pour le prestataire de signaler son employeur à la SST de l’Alberta avant de démissionnerNote de bas de page 20. La SST de l’Alberta est régie par la Occupational Health and Safety Act (loi sur la santé et la sécurité au travail) de l’Alberta. Au titre de cette loi, le harcèlement est considéré comme un danger en milieu de travail. Les conditions de travail dangereuses relèveraient également de cette loi.

[36] Le prestataire a déposé une plainte auprès de la SST de l’Alberta après avoir démissionné. Il n’a donné aucune raison pour laquelle il ne l’avait pas fait auparavant. Il a soutenu qu’il aurait été [traduction] « congédié à coup sûr » s’il avait déposé une plainte.

[37] La division générale a conclu que si la prestataire avait signalé les problèmes à SST de l’Alberta avant de démissionner, elle aurait peut-être réglé le problème.

[38] Habituellement, si une partie prestataire a des conflits en milieu de travail, elle doit tenter de les régler avant de simplement démissionnerNote de bas de page 21. Le prestataire soutient qu’il aurait été congédié sans aucun doute s’il avait soulevé un problème. Il dit que cela faisait de nombreux mois que les problèmes étaient présents à son lieu de travail. Il est compréhensible qu’il n’ait pas soulevé les questions tout de suite. Sa crainte de se faire congédier lorsqu’il a commencé à travailler est logique. Il ne voulait pas perdre son emploi.

[39] Pourtant, une fois qu’il a décidé qu’il était prêt à démissionner, il semble que le prestataire n’aurait rien eu à perdre en communiquant avec la SST de l’Alberta. Même s’il risquait de se faire congédier par la suite, s’il était prêt à démissionner, cela n’aurait pas dû faire une différence.

[40] Le prestataire fait valoir qu’il n’avait pas les idées claires et qu’il ne savait pas quels droits il avait avant de démissionner. Mais l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Le prestataire a dit qu’il avait été victime de harcèlement pendant de nombreux mois. Cela signifie qu’il avait eu de nombreux mois pour examiner la situation.

[41] Le prestataire a obtenu la permission de faire appel pour avoir une audience sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la seule chose à considérer est de savoir s’il existe une cause défendable. Il s’agit d’un seuil facile à atteindre. Cela signifie qu’il suffit d’avoir un argument possible selon lequel il y a eu une erreur dans la décision de la division générale.

[42] Pourtant, c’est différent à l’audience sur le fond de l’appel. À cette étape, il faut démontrer qu’il y a effectivement une erreur dans la décision. Il s’agit d’un seuil plus élevé que la simple capacité de démontrer que l’on pourrait avoir un argument. Dans la présente affaire, le prestataire n’a pas démontré qu’il y a une erreur dans la décision de la division générale.

[43] Ainsi, même si le prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a caractérisé la preuve, elle ne l’a pas ignorée ou mal interprétée. Les conclusions de la division générale n’ont pas été tirées de façon abusive ou arbitraire. La division générale a appliqué le bon critère juridique. Il n’y a pas eu d’erreur de fait importante. Cela signifie qu’il n’y a pas d’erreur qui me permet d’intervenirNote de bas de page 22.

Conclusion

[44] La division générale n’a pas commis d’erreur révisable.

[45] L’appel est rejeté.

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