Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 240

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (629775) datée
du 10 novembre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 janvier 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 janvier 2024
Numéro de dossier : GE-23-3501

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, R. S., a quitté volontairement son emploi chez X le 23 mai 2023 sans justification prévue par la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a révisé la demande de prestations d’assurance-emploi de l’appelant, qui avait été réactivée le 22 octobre 2023. La Commission a informé l’appelant qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 9 juillet 2023. En effet, la Commission estime que le départ de l’appelant n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. De plus, comme il n’était pas fondé à quitter son emploi, il avait seulement accumulé 648 heures d’emploi assurable sur les 665 heures nécessaires pour établir une période de prestations régulières. Selon l’appelant, son superviseur lui a dit qu’il ne convenait pas au poste. Il affirme que le lendemain, son gestionnaire l’a appelé pour lui dire qu’une autre personne occupait désormais son poste et qu’il était congédié. Le Tribunal de la sécurité sociale doit décider si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification, comme le prévoient les articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions en litige

[3] L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi chez X le 23 mai 2023? Si c’est le cas, était-il fondé à le faire?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes se trouvent au document GD4 du dossier d’appel.

[5] L’article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle quitte volontairement son emploi sans justification. Selon l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi, une partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ ou son congé est la seule solution raisonnable.

[6] Il appartient à l’intimée de prouver que le départ était volontaire, puis à l’appelant de montrer qu’il était fondé à quitter son emploi. Pour ce faire, l’appelant doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances (voir les décisions Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190 et Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17). Le terme « fardeau » est utilisé pour décrire la partie qui doit fournir une preuve suffisante de sa position pour répondre au critère juridique. Dans la présente affaire, le fardeau de la preuve repose sur la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est plus probable qu’improbable que les événements se soient déroulés comme décrit.

L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi chez X le 23 mai 2023?

[7] Pour que son départ soit volontaire, c’est l’appelant qui doit rompre la relation avec son employeur.

[8] Pour décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi, il faut se poser la question suivante : avait-il le choix de rester ou de partir (voir la décision Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56)?

[9] Les deux parties de l’appel ne sont pas d’accord pour dire que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X le 23 mai 2023.

[10] Lorsque l’appelant ne s’est pas présenté au travail pour une deuxième journée, l’employeur a communiqué avec lui pour tenter d’en connaître la raison. L’appelant le confirme dans ses observations. J’estime que l’employeur n’a pas congédié l’appelant après sa première journée de travail, car il s’attendait à ce qu’il revienne.

[11] Comme l’appelant avait le choix de retourner au travail, je conclus qu’il a quitté volontairement son emploi chez X le 23 mai 2023.

L’appelant était-il fondé à quitter son emploi?

[12] Non.

[13] L’appelant a déclaré qu’il avait quitté son emploi parce qu’on lui avait dit qu’il ne convenait pas au poste.

[14] Ainsi, comme le prévoit l’article 29(c)(xiii) de la Loi sur l’assurance-emploi, l’appelant soutient qu’une « incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi » justifie le fait qu’il ait quitté son emploi.

[15] L’appelant a travaillé pour cet employeur pendant une journée alors qu’il suivait une formation.

[16] Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui indiquerait que l’employeur a congédié l’appelant. En fait, lorsque l’appelant ne s’est pas présenté au travail le lendemain, le gestionnaire a demandé au superviseur de communiquer avec l’appelant. Comme celui-ci participait à des activités de formation et d’observation le premier jour, le superviseur a déclaré qu’il n’avait pas eu l’occasion de vérifier s’il convenait au poste.

[17] On a dit à l’appelant que s’il ne retournait pas au travail, l’employeur devrait embaucher une autre personne.

[18] Même si l’appelant n’a pas dit à l’employeur qu’il quittait son emploi, le fait d’abandonner son emploi est la même chose que de le quitter.

[19] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il n’a jamais quitté son emploi, mais qu’il a plutôt été congédié après une seule journée de travail.

[20] Il a ajouté que le superviseur lui avait dit qu’il ne convenait pas au poste.

[21] L’appelant a déclaré qu’il est toujours à la recherche d’un travail pour essayer d’accumuler assez d’heures d’emploi assurable afin d’être admissible aux prestations. Selon lui, comme il n’a pas quitté son emploi, il tient absolument à ce que les heures qu’il a déjà accumulées soient utilisées dans le calcul.

[22] Il est généralement raisonnable de continuer de travailler jusqu’à ce que l’on trouve un nouvel emploi plutôt que de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi (voir les décisions Canada (Procureur général) c Graham, 2011 CAF 311 et Canada (Procureur général) c Campeau, 2006 CAF 376).

[23] Une personne qui quitte son emploi n’a pas automatiquement droit à des prestations d’assurance-emploi. Si elle y a droit, elle devra inévitablement se manifester et prouver qu’elle remplit les conditions de la loi.

[24] Dans la présente affaire, l’appelant n’a jamais cherché un autre travail avant de quitter son emploi.

[25] Dans le but d’atténuer le problème, l’appelant n’a même pas essayé de savoir pourquoi l’employeur jugeait qu’il ne convenait pas au poste.

[26] J’estime que l’appelant a fait le choix personnel de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait et que même si cette décision était possiblement la bonne pour lui, elle ne justifie pas le versement de prestations.

[27] J’estime que le départ de l’appelant n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il a quitté son emploi alors qu’il ne répondait à aucune des raisons admissibles énoncées à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[28] Comme le précise la décision Canada (Procureur général) c Gagné, A‑385‑10, [traduction] « on doit accorder plus de crédibilité aux déclarations initiales parce que la partie prestataire a fourni des renseignements de manière plus franche que dans ses déclarations subséquentes, qui ont été faites dans l’intention d’annuler une décision antérieure défavorable ».

[29] Dans la présente affaire, l’appelant a présenté le même texto que l’employeur, daté de deux jours après son départ. Le texto précise que l’employeur n’était toujours pas certain si l’appelant allait retourner au travail, ce qui démontre que l’appelant n’a pas été congédié par l’employeur.

[30] Selon mes observations à l’audience, il y a peut-être eu un problème de langue, c’est-à-dire que l’appelant pourrait avoir mal compris ce que le superviseur a dit. Si c’est le cas, il revient à l’appelant d’obtenir des explications sur ce que le superviseur a dit.

[31] Le terme « justification » dans la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas synonyme de « raison » ou de « motif ». Il ne suffit pas qu’une partie prestataire prouve qu’elle avait tout à fait raison de quitter son emploi. Le caractère raisonnable peut être un « motif valable », mais ce n’est pas nécessairement une « justification ».

[32] Selon moi, lorsque l’appelant a quitté son emploi sans d’abord en avoir trouvé un autre, il a risqué de se retrouver au chômage, ce qui a [traduction] « obligé d’autres personnes à le soutenir en lui versant des prestations » (voir la décision Canada (Procureur général) c Tremblay, A‑50‑94). Une partie prestataire a la responsabilité de ne pas risquer de se retrouver au chômage ou de ne pas transformer ce simple risque en une certitude (voir la décision Canada (Procureur général) c Langlois, 2008 CAF 18). C’est pourquoi le fait de garder son emploi est considéré comme une solution raisonnable, contrairement au fait de le quitter (voir la décision Canada (Procureur général) c Murugaiah, 2008 CAF 10).

[33] Selon la preuve et les observations des deux parties, je conclus que le départ de l’appelant n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelant n’a donc pas montré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations régulières (voir la décision Tanguay (A-1458-84)).

[34] Même si une partie prestataire quitte son emploi pour ce qui peut être considéré comme une bonne raison, cela n’est pas suffisant pour établir l’existence d’une « justification » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (voir la décision Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17).

[35] Les heures d’emploi assurable accumulées avant une exclusion ne peuvent pas être utilisées dans le calcul aux fins des prestations.

[36] Bien que l’appelant ait témoigné au sujet de sa situation financière désastreuse, ni le Tribunal ni la Commission n’a le pouvoir, qu’il soit discrétionnaire ou non, de déroger à des dispositions législatives et à des conditions qui sont claires et imposées par la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi, pas même pour des raisons d’équité ou de compassion, des difficultés financières ou des circonstances atténuantes.

Conclusion

[37] Après avoir examiné attentivement toutes les circonstances, je conclus que l’appelant n’a pas prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Il ne s’agit pas de décider s’il était raisonnable que l’appelant quitte son emploi, mais plutôt si son départ était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui (voir la décision Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). Étant donné que l’appelant a quitté volontairement son emploi, je conclus qu’il avait d’autres solutions raisonnables dans son cas. Par conséquent, il ne satisfait pas au critère selon lequel une personne est fondée à quitter son emploi aux termes de l’article 29 ou des dispositions énumérées à l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Depuis son exclusion pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification, l’appelant n’a pas non plus accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable nécessaires pour établir une période de prestations. L’appel est rejeté.

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