Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 248

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de
faire appel

Partie demanderesse : Y. A.
Représentant : Tadesse Gebremariam
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
21 septembre 2023 (GE-23-1428)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 11 mars 2024
Numéro de dossier : AD-24-5

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas plus loin.

Aperçu

[2] Y. A. est le prestataire dans la présente affaire. Il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi quelques mois après avoir cessé de travailler. C’était le 13 février 2023.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’aucun motif valable ne justifiait l’antidatation de sa demande d’assurance-emploi (le fait d’en avancer la date) pour la période du 16 octobre 2022 au 13 février 2023Note de bas de page 1. Elle a aussi décidé qu’il n’avait pas prouvé qu’il n’était pas [sic] disponible pour travailler à compter du 12 février 2023. Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal.

[4] Sur la question de l’antidatation, la division générale a conclu que le prestataire n’avait pas démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. Par conséquent, on ne pouvait pas avancer la date de sa demande au 16 octobre 2022Note de bas de page 2. Sur la question de la disponibilité, elle a décidé que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il n’était pas [sic] disponible pour travailler.

[5] Le prestataire veut maintenant obtenir la permission de faire appel de la décision de la division généraleNote de bas de page 3.

[6] Je rejette sa demande de permission de faire appel parce qu’elle n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4.

Questions préliminaires

[7] Le prestataire n’a pas utilisé les bons formulaires pour faire appel à la division d’appel. De plus, il semblait avoir présenté sa demande en retardNote de bas de page 5.

[8] J’ai écrit au prestataire pour lui demander des précisions sur son appelNote de bas de page 6. J’ai expliqué qu’il semblait que sa demande était en retard et, si c’était le cas, je lui demandais de fournir une explication raisonnable. Je lui ai aussi demandé d’expliquer les raisons pour lesquelles il faisait appel de la décision de la division générale selon les raisons que la division d’appel pouvait prendre en considération (on les appelle aussi les « moyens d’appelNote de bas de page 7 »).

[9] Le prestataire a répondu à ma lettre. Il a écrit que sa demande n’était pas en retard, car il a fait appel dans les 30 joursNote de bas de page 8. Il fait valoir qu’il a le droit d’obtenir justice sur le fondement de l’équité procédurale et de l’erreur de compétence. Il ajoute qu’il avait été harcelé, maltraité et blessé dans son emploi précédent.

[10] J’ai remarqué que bon nombre des arguments que le prestataire a présentés à la division d’appel portaient sur les raisons pour lesquelles il a quitté son emploi, mais la décision portée en appel ne porte pas sur celaNote de bas de page 9. Je lui ai donc écrit une lettre pour lui proposer de tenir une conférence préparatoire afin de vérifier quelle décision de la division générale il veut contester.

[11] Dans ma lettre, j’ai expliqué que la division générale a rendu deux décisionsNote de bas de page 10 le même jour (le 20 septembre 2023). La première décision, celle qui fait l’objet de l’appel, portait uniquement sur la question de l’antidatation et de la disponibilitéNote de bas de page 11. La deuxième décision, qui n’a pas été portée en appel, portait sur la question du départ volontaire. Pour cette question, la division générale a accueilli l’appel et donné raison au prestataireNote de bas de page 12.

[12] Une copie de la lettre a été envoyée au prestataire et à son représentant légal, mais ni l’un ni l’autre n’ont répondu dans le délai prévu ou à la date de la présente décisionNote de bas de page 13. Par conséquent, la conférence préparatoire n’a pas eu lieu et je suis passé aux prochaines étapes de l’appel comme d’habitude.

[13] Le prestataire a seulement contesté la décision que la division générale a rendue au sujet de l’antidatation et de la disponibilité. Il soutient qu’elle a fait une erreur d’équité procédurale et une erreur de compétenceNote de bas de page 14. Par conséquent, je ne me pencherai pas sur l’autre décision de la division générale, celle concernant le départ volontaire, parce qu’elle ne fait l’objet d’aucun appelNote de bas de page 15.

Questions en litige

[14] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La demande à la division d’appel était‑elle en retard?
  2. b) Est‑il possible de soutenir que la division générale n’a pas suivi les règles de l’équité procédurale?
  3. c) Est‑il possible de soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence?

Analyse

La demande a été déposée à temps à la division d’appel

[15] Le délai pour déposer une demande à la division d’appel est de 30 jours suivant la date où la partie reçoit communication par écrit de la décision de la division généraleNote de bas de page 16.

[16] Je dois décider si le prestataire a présenté sa demande en retard.

[17] La décision de la division générale est datée du 20 septembre 2023Note de bas de page 17.

[18] Selon le prestataire, sa demande à la division d’appel n’est pas en retardNote de bas de page 18. Il explique avoir envoyé de la correspondance au Tribunal le 17 novembre 2023 et avoir reçu un accusé de réception le 30 novembre 2023.

[19] Le prestataire a indiqué la même date dans les formulaires qu’il a fait parvenir à la division d’appel. Même s’il a utilisé les mauvais formulaires, il a inscrit la date du 30 novembre 2023 dans l’une des cases pertinentesNote de bas de page 19.

[20] Par la suite, le prestataire a présenté une demande à la division d’appel. C’était le 26 décembre 2023Note de bas de page 20. Il soutient donc que c’était dans la période de 30 jours à compter du 30 novembre 2023.

[21] Le dossier montre que le prestataire a envoyé de la correspondance à la division générale du Tribunal le 23 novembre 2023Note de bas de page 21. Le Tribunal lui a envoyé un accusé de réception le 30 novembre 2023, mais la correspondance reçue après la décision a été écartée parce que la division générale avait déjà finalisé la décision le 20 septembre 2023. Le dossier était déjà clos. L’accusé de réception décrivait la marche à suivre pour faire appel à la division d’appel.

[22] Je pense donc que le prestataire veut faire valoir qu’il a reçu communication de la décision de la division générale seulement le 30 novembre 2023, le jour où il a reçu l’accusé de réception du Tribunal au sujet de la correspondance qu’il a envoyée après la décision. L’accusé de réception précisait comment faire appel à la division d’appel. Il a fait appel à la division d’appel le 26 décembre 2023.

[23] J’admets que le prestataire a reçu communication de la décision de la division générale le 30 novembre 2023. Je m’appuie sur ce que le prestataire a écrit dans ses formulaires et sa lettre à la division d’appel. De plus, cette date concorde avec l’accusé de réception que le Tribunal lui a fait parvenir.

[24] Par conséquent, le délai de 30 jours pour présenter sa demande à la division d’appel se terminait le 31 décembre 2023.

[25] Le prestataire a présenté sa demande à la division d’appel le 26 décembre 2023. Il l’a donc déposée à temps. Par conséquent, je conclus que la demande à la division d’appel n’est pas en retard. Je n’ai pas besoin de vérifier s’il faut prolonger le délai, car sa demande à la division d’appel n’est pas en retard.

Je refuse la permission de faire appel

[26] L’appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 22.

[27] Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 23. En d’autres termes, il doit y avoir un moyen (argument) qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance d’être accueilliNote de bas de page 24.

[28] Je peux seulement examiner certains types d’erreurs. Je dois surtout vérifier si la division générale a peut-être fait une ou plusieurs des erreurs pertinentesNote de bas de page 25.

[29] Voici les moyens d’appel qui sont permis à la division d’appel. Il faut que la division générale ait fait l’une des choses suivantesNote de bas de page 26 :

  • Elle a agi de façon injuste.
  • Elle a excédé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer.
  • Elle a fait une erreur de droit.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[30] Le prestataire affirme qu’il a le droit d’obtenir justice. Il invoque les moyens d’appel suivants : l’équité procédurale et l’erreur de compétenceNote de bas de page 27.

[31] Pour que l’appel passe à l’étape suivante, je dois conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel mentionnés plus haut lui donne une chance raisonnable de succès.

On ne peut pas soutenir que la procédure de la division générale était inéquitable

[32] L’équité procédurale concerne le caractère juste et équitable de la procédure. Cela comprend des garanties procédurales, dont le droit d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale ainsi que le droit, en tant que partie, d’être entendue, de connaître les arguments avancés contre elle et d’avoir l’occasion d’y répondre.

[33] Autrement dit, si la division générale n’a pas suivi les règles de l’équité procédurale, je peux modifier sa décisionNote de bas de page 28.

[34] Selon le prestataire, la procédure de la division générale n’était pas équitable parce qu’il n’a pas reçu de réponse à la lettre et aux renseignements qu’il a fait parvenir au Tribunal le 17 novembre 2023.

[35] Le dossier montre que, le 23 novembre 2023, c’est‑à-dire après la décision de la division générale, le prestataire lui a envoyé de la correspondanceNote de bas de page 29. Dans sa lettre, il présente de nouveau ses arguments et dit qu’il est insatisfait du résultat.

[36] Tout d’abord, la division générale n’était pas obligée d’examiner la correspondance que le prestataire lui a envoyée après la décision. Elle a rendu sa décision le 20 septembre 2023 et la correspondance a été envoyée environ deux mois plus tard.

[37] Ensuite, l’enregistrement audio montre que le prestataire a eu la possibilité pleine et équitable de présenter ses éléments de preuve et ses observations à l’audience de la division généraleNote de bas de page 30. Le prestataire et son représentant étaient présents, de même qu’un interprète qui faisait la traduction pendant l’audience.

[38] Il peut arriver qu’une partie croie que la décision de la division générale ou certaines de ses conclusions sont injustes, mais cela ne veut pas dire que la procédure de la division générale était inéquitable.

[39] On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas suivi les règles de l’équité procédurale lorsqu’elle a écarté la correspondance que le prestataire a envoyée après la décision. De plus, rien dans le dossier ou dans l’enregistrement audio n’indique que la procédure de la division générale était inéquitable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétence

[40] Il y a erreur de compétence quand la division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle devait le faire ou qu’elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faireNote de bas de page 31.

[41] Selon le prestataire, la décision de la division générale contrevient au Code des droits de la personne. Il dit vouloir la contester devant le Tribunal des droits de la personneNote de bas de page 32. Il ajoute que la décision viole l’article 15(2) de la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 33.

[42] Premièrement, la division générale a tranché seulement les questions qu’elle avait le pouvoir de trancher.

[43] La Commission a rejeté la demande du prestataire, qui voulait faire avancer la date de sa demande d’assurance-emploiNote de bas de page 34. Elle a aussi affirmé qu’il n’était pas disponible pour travailler. Le prestataire a porté cette décision en appel à la division généraleNote de bas de page 35.

[44] En conséquence, le pouvoir de la division générale était limité : elle pouvait uniquement décider si le prestataire pouvait faire avancer la date de sa demande d’assurance-emploi au 16 octobre 2022. Il fallait aussi qu’elle décide s’il était disponible pour travailler à compter du 12 février 2023.

[45] En fin de compte, la division générale a décidé que le prestataire n’avait pas démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. Elle a aussi décidé qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler.

[46] Le Tribunal est autorisé à juger les appels fondés sur la Charte. Pour ces appels, le processus du Tribunal est différentNote de bas de page 36. Le prestataire a bien souligné l’article 15(2) de la Charte dans son avis d’appel à la division générale, mais cet argument visait la question du départ volontaire. Ainsi, la division générale n’a tiré aucune conclusion relative à la Charte pour ce dossier‑là. En fait, elle n’avait pas à le faire.

[47] La décision de la division générale montre qu’elle a tranché seulement les questions qu’elle avait le pouvoir de trancher.

[48] Deuxièmement, la division générale n’a tranché aucune question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.

[49] Selon le prestataire, les raisons pour lesquelles il a quitté son emploi sont les suivantes : son employeur a fait preuve de discrimination à son égard, il l’a harcelé et lui a fait subir de la violence.

[50] Le prestataire semble soulever des arguments qui expliquent pourquoi il a quitté son emploi. Toutefois, les questions en litige portaient sur l’antidatation de sa demande de prestations et sur sa disponibilité pour le travail. Comme je l’ai mentionné plus haut, la division générale a déjà rendu une décision sur la question du départ volontaire : elle a donné raison au prestataire.

[51] Le prestataire a écrit qu’il porterait l’affaire devant le Tribunal des droits de la personne. Il est toujours libre de le faire s’il croit que son ancien employeur lui a fait subir de la discrimination.

[52] On ne peut pas soutenir que la division générale a fait une erreur de compétenceNote de bas de page 37. Elle a tranché uniquement les questions qu’elle avait le pouvoir de trancher et n’a tranché aucune question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.

Conclusion

[53] En plus de me pencher sur les arguments du prestataire, j’ai lu tout le dossier, j’ai écouté l’enregistrement de l’audience et j’ai examiné la décision de la division généraleNote de bas de page 38. Elle a résumé la loi, et ses conclusions reposaient sur la preuve. Je ne vois aucun élément de preuve que la division générale aurait peut-être ignoré ou mal interprétéNote de bas de page 39.

[54] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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