Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 74

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : E. L.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 août 2023
(GE-22-1252)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 25 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-842

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Décision

[1] L’autorisation (permission) de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, E. L. (prestataire), a demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi après avoir perdu son emploi. Une période de prestations a été établie au 20 décembre 2020. Elle a présenté une demande renouvelée de prestations de maternité et parentales le 28 juin 2021 et a alors demandé des prestations de maternité pour une période de 15 semaines et des prestations parentales standards pour une période de 35 semaines.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a décidé que la prestataire ne pouvait recevoir des prestations parentales que pour 13 semaines parce que sa période de prestations a pris fin avant que toutes les semaines puissent être payées. La division générale a accueilli en partie l’appel de la prestataire et a conclu que cette dernière avait droit à une semaine supplémentaire de prestations parentales, pour un total de 50 semaines de prestations régulières et spéciales.

[4] La division générale a également décidé qu’un avis de contestation fondée sur la Charte que la prestataire a déposé ne soulevait aucune question constitutionnelle devant le Tribunal.

[5] La prestataire souhaite maintenant faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Toutefois, elle doit obtenir la permission pour que son appel puisse aller de l’avant.

[6] La prestataire soutient que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale lorsqu’elle a rejeté son avis de contestation fondée sur la Charte et a fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu qu’elle ne pouvait recevoir plus d’une semaine supplémentaire de prestations parentales.

[7] Je dois décider si la division générale a commis une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli. Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut‑on soutenir que la division générale a omis de suivre une procédure équitable en rejetant son avis de contestation fondée sur la Charte?
  2. b) Peut‑on soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en omettant de tenir compte des circonstances particulières de la pandémie de COVID-19?
  3. c) La prestataire soulève-t-elle d’autres erreurs de la division générale susceptibles de révision qui ont une chance raisonnable de succès?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission de faire appel

[9] Le critère juridique auquel la prestataire doit satisfaire dans une demande de permission de faire appel est peu exigeant : Y a‑t‑il un moyen défendable sur le fondement duquel l’appel pourrait être accueilliNote de bas de page 1?

[10] Pour trancher cette question, je me suis concentrée sur la question de savoir si la division générale aurait pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (moyens d’appel) énumérées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[11] Un appel n’est pas une nouvelle audition de la demande initiale. Je dois plutôt décider si la division générale :

  1. a) a omis de suivre une procédure équitable;
  2. b) a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) a commis une erreur de droitNote de bas de page 4.

[12] Avant que la prestataire puisse passer à l’étape suivante de l’appel, je dois être convaincue qu’il y a une chance raisonnable de succès compte tenu d’un ou de plusieurs de ces moyens d’appel. Par « une chance raisonnable de succès », on entend qu’en faisant valoir ses arguments, la prestataire pourrait avoir gain de cause. Je devrais également tenir compte d’autres moyens d’appel possibles qui n’ont pas été mentionnés expressément par la prestataireNote de bas de page 5.

Contexte

[13] La prestataire a perdu son emploi et a présenté une demande initiale de prestations régulières établie au 20 décembre 2020Note de bas de page 6. Elle a déclaré dans sa demande qu’elle était enceinte et que son enfant devait naître le 17 juin 2021.

[14] La prestataire a reçu 21 semaines de prestations régulièresNote de bas de page 7. Son enfant est né le 8 juin 2021 et elle a présenté une demande renouvelée de prestations de maternité et parentales. Elle a demandé de recevoir 35 semaines de prestations parentales standards après avoir reçu 15 semaines de prestations de maternitéNote de bas de page 8.

[15] La prestataire avait antérieurement fait appel à la division générale. La division générale a décidé que la période de prestations de la prestataire pouvait être prolongée parce que son enfant a été hospitalisé pendant quatre semaines. Elle a conclu qu’elle avait droit à quatre semaines supplémentaires de prestationsNote de bas de page 9.

[16] La Commission a fait appel de cette décision avec succès, et l’appel a été renvoyé à la division générale pour qu’elle examine l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 10.

[17] Lorsque l’affaire a été renvoyée à la division générale, la prestataire a soutenu que les droits qui lui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) avaient été violés. La division générale a décidé que l’avis de contestation de la prestataire fondée sur la Charte ne satisfaisait pas aux conditions requises pour soulever une question constitutionnelle devant le Tribunal.

[18] Elle a rendu des motifs écrits de sa décision avant l’audience sur le fond de l’appel (décision relative à la Charte). C’est ce qu’on appelle une décision interlocutoire. L’audience devant la division générale a eu lieu et la décision a été rendue de rejeter l’appel (décision sur le fond).

On ne peut soutenir que l’équité procédurale n’a pas été respectée

[19] La prestataire soutient que la division générale ne lui a pas fourni les instructions appropriées pour son avis de contestation fondée sur la Charte. Elle affirme qu’on lui a dit de ne consulter que la Charte et de ne s’en remettre qu’à celle‑ci, mais qu’on lui a ensuite dit que son appel avait été rejeté parce qu’elle n’avait pas fait référence à la LoiNote de bas de page 11.

[20] Dans sa décision relative à la Charte, la division générale signale qu’elle a tenu une conférence préparatoire avec la prestataire et qu’elle lui a expliqué le processus se rapportant à la CharteNote de bas de page 12. La prestataire a ensuite déposé un avis de contestation fondée sur la Charte qui ne mentionnait aucun article de la Loi ou de la CharteNote de bas de page 13.

[21] La division générale a tenu une autre conférence préparatoire et a expliqué à la prestataire pourquoi son avis était incomplet. Elle lui a expliqué ce qui était requis et lui a donné six mois pour déposer un autre avis de contestation fondée sur la Charte.

[22] La prestataire a déposé un deuxième avis de contestation fondée sur la CharteNote de bas de page 14. La division générale a jugé qu’elle n’avait mentionné aucun article de la loi qui, selon elle, violait les droits qui lui sont garantis par la Charte et qu’elle n’avait énoncé aucun argument constitutionnel cohérent. Elle a décidé que l’avis de contestation fondée sur la Charte n’était pas suffisant pour soulever une question constitutionnelle devant le TribunalNote de bas de page 15.

[23] On ne peut soutenir que la division générale a manqué à l’équité procédurale. La prestataire a reçu une lettre intitulée « Comment procéder à une contestation fondée sur la Charte » qui explique quels renseignements doivent être inclus dans un avis de contestation fondée sur la Charte.

[24] J’ai écouté l’enregistrement de la conférence préalable à l’audience. La division générale a mentionné que la prestataire devait remplir toutes les sections du formulaire, y compris préciser quels articles de la loi violaient à son avis les droits qui lui sont garantis par la CharteNote de bas de page 16.

[25] La division générale a également expliqué où la prestataire pourrait trouver plus de ressources pour l’aider à préparer un avis de contestation fondée sur la CharteNote de bas de page 17. La division générale a accordé à la prestataire six mois supplémentaires pour déposer un avis de contestation fondée sur la Charte et la prestataire a accepté le nouveau délaiNote de bas de page 18.

[26] Je conclus qu’on ne peut soutenir que la division générale n’a pas fourni à la prestataire des instructions appropriées concernant l’avis de contestation fondée sur la Charte. On ne peut soutenir que la division générale lui a demandé de consulter uniquement la Charte et de ne se fonder que sur celle‑ci.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de fait

[27] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en ne tenant compte que des procédures et des lois régulières sur l’assurance‑emploi. Elle affirme que la décision ne tient pas compte des circonstances particulières de la pandémie de COVID-19, que la loi ne reconnaît pasNote de bas de page 19.

[28] La prestataire affirme que Service Canada l’a automatiquement fait passer de la prestation canadienne d’urgence (PCU) à des prestations régulières d’assurance‑emploi. Sans cela, elle aurait peut‑être pu recevoir les semaines supplémentaires de prestations parentales. Elle soutient qu’elle a été forcée de quitter le travail pendant la pandémie et qu’il ne s’agissait pas d’un choix personnelNote de bas de page 20.

[29] La prestataire soutient que sa situation particulière n’est pas prévue dans la loi. Elle affirme que le Tribunal devrait se montrer raisonnable et compatissant dans sa décision.

[30] Dans sa décision, la division générale a noté que la prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi le 20 décembre 2020Note de bas de page 21. Elle a renouvelé sa demande de prestations de maternité et parentales de l’assurance‑emploi le 28 juin 2021Note de bas de page 22. La division générale a accepté que la prestataire avait droit à une prolongation de quatre semaines de sa période de prestations, ce qui signifie que sa période de prestations s’étendait du 20 décembre 2020 au 15 janvier 2022Note de bas de page 23.

[31] La division générale a ensuite examiné l’article 12(6) de la Loi. Cette disposition prescrit qu’un prestataire peut recevoir des prestations pour au plus 50 semaines au cours d’une période de prestations lorsque des prestations régulières et spéciales sont versées. La division générale a conclu que cette disposition s’applique à la prestataireNote de bas de page 24.

[32] La division générale a conclu que la prestataire n’a droit qu’à 14 semaines de prestations parentales, parce qu’elle avait reçu 21 semaines de prestations régulières et 15 semaines de prestations de maternité. La division générale a conclu que la Commission devait verser à la prestataire une semaine supplémentaire de prestations parce qu’elle ne lui avait versé que 13 semaines de prestations parentalesNote de bas de page 25.

[33] La division générale a pris note de l’argument de la prestataire selon lequel l’application de la loi n’est pas équitable dans sa situation. Elle a toutefois conclu qu’elle n’a aucun pouvoir discrétionnaire et qu’elle doit appliquer la loi telle qu’elle est rédigéeNote de bas de page 26.

[34] Je conclus que l’on ne peut soutenir que la division générale n’a pas tenu compte des circonstances particulières de la pandémie ni du passage automatique de la PCU aux prestations régulières d’assurance‑emploi.

[35] Le dossier montre que la prestataire a demandé des prestations régulières de l’assurance‑emploi en décembre 2020, après la fin du programme de la PCUNote de bas de page 27. La division générale a conclu à juste titre que la loi s’applique à sa situation et qu’elle est limitée à un total de 50 semaines de prestations régulières et spéciales combinées.

[36] Je conclus qu’on ne peut soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante ou qu’elle n’a pas respecté l’équité procédurale. Outre les arguments de la prestataire, j’ai également examiné les autres moyens d’appel. La prestataire n’a fait état d’aucune erreur factuelle de droit ou de compétence, et je n’en ai relevé aucune.

[37] La prestataire n’a signalé aucune erreur de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli. Par conséquent, je refuse l’autorisation de faire appel.

Conclusion

[38] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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