Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : KE c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 1872

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (565968) datée du 17 février 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Guillaume Brien
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 juillet 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 20 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-824

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi le 23 juin 2022. Son employeur a affirmé qu’elle a été mise en congé sans solde parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur contre la COVID-19. L’employeur a également affirmé que l’appelante était passée entre les mailles du filet et qu’elle aurait dû être mise en congé sans solde pour non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur plusieurs mois plus tôtNote de bas de page 2.

[4] Bien que l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle soulève les arguments suivants :

  1. a) Lorsque la politique de vaccination a été mise en œuvre, l’appelante travaillait uniquement de la maison en raison de son incapacité à porter un masque. L’appelante a cru comprendre que la politique de vaccination ne s’appliquait qu’aux personnes qui travaillaient dans les locaux de l’employeur et non à elle puisqu’elle travaillait exclusivement à domicile.
  2. b) L’appelante affirme que ses croyances religieuses sincères l’empêchent d’être vaccinée, car toute intervention ou tout médicament qui pénètre dans son corps entraîne une modification du dessein de Dieu.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a été suspendue. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[8] L’appelante a affirmé qu’elle avait été mise en congé sans solde pour non‑respect du programme de vaccination contre la COVID‑19 de l’employeurNote de bas de page 3.

[9] L’employeur a confirmé que l’appelante a été mise en congé sans solde pour non‑respect de la politique de vaccination contre la COVID‑19 de l’employeurNote de bas de page 4.

[10] Je ne vois aucune preuve du contraire. Je conclus donc que l’appelante a été mise en congé sans solde pour non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?

[11] Selon la loi, la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite.

[12] Selon la loi, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite doit être une conduite tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (c’est à dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[13] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée (ou suspendue) pour cette raisonNote de bas de page 8.

[14] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

L’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 dont l’appelante a été informée et les conséquences du non-respect de la politique étaient claires

[15] L’appelante travaillait pour la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse (Santé Nouvelle-Écosse).

[16] Le 6 octobre 2021, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a publié le protocole de vaccination obligatoire contre la COVID-19 dans les milieux à risque élevé, qui a ensuite été modifié le 23 décembre 2021. Selon le protocole, l’employeur devait exiger que tout le personnel fournisse une preuve de vaccination contre la COVID-19 avant le 30 novembre 2021Note de bas de page 10.

[17] En plus du protocole, Santé Nouvelle-Écosse (l’employeur) a élaboré une politique de vaccination des membres de l’équipe contre la COVID-19 (NSHA AD-OHS-5), qui est entrée en vigueur le 19 octobre 2021. Comme l’exige la politique, les employés qui ne sont pas entièrement vaccinés ont été mis en congé administratif non payé le 1er décembre 2021. La politique a été portée à l’attention de l’appelante par courriel et dans des mises à jour des communications sur le coronavirus, et des gestionnaires ont souligné l’information auprès de chaque employéNote de bas de page 11.

[18] La politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur, révisée le 31 janvier 2023, se trouve dans le dossier de l’appelanteNote de bas de page 12.

[19] L’appelante a également présenté une copie de la version originale de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, entrée en vigueur le 19 octobre 2021Note de bas de page 13.

[20] La politique de vaccination contre la COVID‑19 de l’employeur énonce clairement ce qui suit :

  1. [traduction]
  2. a) La présente politique énonce les normes et les attentes à l’égard de tous les employés de Santé Nouvelle-Écosse concernant la vaccination contre la COVID-19.
  3. b) Elle prévoit que tous les employés doivent être entièrement vaccinés contre la COVID-19, à moins d’avoir une exemption en raison d’une contre-indication médicale reconnue ou d’un autre motif protégé dans la loi sur les droits de la personne de la Nouvelle-Écosse.
  4. c) Elle prévoit que tous les employés doivent fournir une preuve de vaccination complète ou une exception approuvée au service de santé, sécurité et mieux-être au travail d’ici le 30 novembre 2021. Le défaut de fournir une preuve de vaccination complète avant cette date peut entraîner des conséquences sur l’emploi, comme le décrit l’annexe A.
  5. d) L’annexe A, intitulée [traduction] « Conséquences pour les employés qui ne sont pas entièrement vaccinés contre la COVID-19 », indique notamment qu’ils peuvent faire l’objet des conséquences suivantes :
    1. i) Un congé sans solde obligatoire de 14 jours.
    2. ii) Une formation en ligne obligatoire sur la vaccination contre la COVID-19.
    3. iii) À la fin des 14 jours de congé sans solde, les employés qui refusent la vaccination complète, qui ne présentent pas de preuve de vaccination complète ou qui n’ont pas d’exemption valide recevront un autre avis indiquant qu’ils continuent de ne pas se conformer à la politique et demeureront en congé sans solde jusqu’à nouvel ordre et peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[21] Après avoir lu la politique de l’employeur, je conclus que celle-ci était claire et que les conséquences du non-respect de la politique étaient également clairement énoncées.

[22] L’appelante soutient qu’elle croyait que la politique ne s’appliquait pas à elle puisqu’elle travaillait uniquement de la maison. Je n’accepte pas cet argument puisque la politique indique clairement qu’il s’applique à toutes les personnes qui travaillent à Santé Nouvelle-Écosse. De plus, la définition d’« employé » énoncée dans la politique s’applique manifestement à l’appelante : [traduction] « Personne employée par Santé Nouvelle-Écosse dont le salaire et la rémunération sont fournis par Santé Nouvelle-Écosse ». La politique ne s’applique pas uniquement aux employés qui travaillent dans les locaux physiques de l’employeur.

[23] L’appelante soutient également que la vaccination va à l’encontre de ses croyances religieuses sincères. Je n’ai pas compétence pour décider si le rejet par l’employeur de la demande d’exemption de l’appelante était raisonnable. Le dossier de l’appelante indique qu’elle a fait une demande d’exemptionNote de bas de page 14 et que l’employeur l’a refuséeNote de bas de page 15. Elle devait donc respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Elle ne l’a pas fait.

[24] L’appelante a également présenté une lettre de son syndicat indiquant que son congé sans solde était contesté par le syndicat et la convention collective dans laquelle se trouvent ses conditions d’emploiNote de bas de page 16. L’appelante m’a dit que son grief était actuellement en attente d’arbitrage et qu’il n’était toujours pas réglé. Je n’ai pas compétence pour trancher la question du grief parce qu’il concerne les lois du travail; ma compétence provient de la Loi sur l’assurance-emploi.

[25] Après avoir entendu l’appelante et après avoir examiné l’ensemble du dossier, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Ainsi, l’appelante a‑t‑elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[26] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[27] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[28] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.